Zen et nous

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    Ecueils de la traduction d'après le Vén. Brad Warner

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    Message par Yudo, maître zen Dim 4 Déc 2016 - 14:56

    Au milieu de son livre Don't Be a Jerk, Brad mentionne les écueils de la traduction dans les termes suivants:



    Don't Be a Jerk a écrit:On ne peut pas dire "tu me manques" en japonais.

    On ne peut vraiment pas. Il n'y a aucun équivalent japonais du mot "manquer" dans l'expression "tu me manques". Le mieux qu'on puisse faire est de rephraser "Tu me manques" en quelque chose qui dirait : "Quand tu n'es pas là, je me sens seul" ou "Quand tu n'es pas par là, je suis triste."
    Cela se rapproche assez de ce qu'on entend généralement par "Tu me manques." Mais ce n'est pas exactement pareil.
    Par exemple, essayez de dire quelque chose comme "la vie au Japon me manque" -- ce que j'ai tenté l'autre jour, dans un courriel envoyé à un ami là-bas, -- ou "les pluies d'Afrique me manquent" en japonais et vous êtes coincés. Vous ne vous sentez pas esseulés parce que vous ne vivez plus au Japon. Ou peut-être en fait-ce partie, mais ce n'est pas vraiment ce que vous voulez dire. Vous n'êtes pas tristes parce que vous ne pouvez plus voir les pluies en Afrique. Ou, vous l'êtes peut-être, mais ce n'est pas exactement l'essentiel de votre idée. Pas précisément, en tout cas.
    Maintenant, essayez d'imaginer des phrases de ce genre, sauf qu'elles sont en japonais vieux de 800 ans. Vous comprenez peut-être le japonais, mais personne ne parle plus comme cela. Vous comprenez les mots, mais ils n'ont aucun sens ensemble. Ou bien ils donnent quelque chose de vraiment ambigu dont vous n'êtes absolument pas sûr de comment les prendre. Maintenant, imaginez-vous que leur auteur parle aussi couramment le chinois et aime bien vous citer des phrases en cette langue. Et qu'il aime bien fabriquer ses propres mots ou faire des calembours bizarres à partir de citations chinoises qui datent de plusieurs centaines d'années avant lui. Traduire Dôgen est difficile.
    Heureusement, de nos jours, il y a d'excellentes traductions anglaises de Dôgen. Même là, en écrivant ce livre, j'ai pourtant souvent contre-vérifié sur l'original japonais du Shôbôgenzô, de même que sur la traduction en japonais moderne de mon maître. Je me suis même essayé à traduire certains passages directement du texte de Dôgen à l'anglais. Lorsque j'ai écrit Sit Down and Shut Up, j'ai décidé de ne jamais citer Dôgen sans savoir exactement ce qu'il disait en japonais. Je ne voulais pas me contenter de citer une traduction anglaise, même en sachant qu'elle était fiable. C'est une des raisons pour lesquelles il m'a fallu cinq ans pour rédiger cet ouvrage!


    Dernière édition par Yudo, maître zen le Dim 4 Déc 2016 - 15:18, édité 1 fois
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    Message par Yudo, maître zen Dim 4 Déc 2016 - 15:17

    Don't Be a Jerk a écrit:
    Puisqu'on parle du problème de traduire Dôgen, voici une bonne occasion d'entrer dans ce que je pense des principales traductions anglaises du Shôbôgenzô de Dôgen. Voici un résumé de mes impressions.
    Il y a présentement que je sache quatre traductions complètes en anglais du Shôbôgenzô. Je crois que seules deux d'entre elles sont encore disponibles sur papier, à l'heure où j'écris, quoi qu'une autre (celle de la Shasta Abbey) est disponible en ligne. Dans l'ordre de mes préférences, voici la liste (par auteur, puisqu'elles sont toutes intitulées Shôbôgenzô).
    1- Gudo Nishijima et Chodo Cross. C'est celle de mon maître d'ordination et de son étudiant Mike Cross (Chodo étant son nom de Dharma).
    2- Kazuaki Tanahashi et le San Francisco Zen Center. Kaz Tanahashi est un ami à moi. Il a traduit le Shôbôgenzô de concert avec un groupe d'enseignants du SFZC lui servant de co-traducteurs. Il y a un co-traducteur différent pour chaque chapitre.
    3- Kosen Nishiyama et John Stevens. Celle-ci a été la version anglaise standard pendant longtemps mais elle est
    épuisée et peut être difficile à trouver.
    4- Shasta Abbey. Celle-ci a été traduite par le Révérend Maître Hubert Nearman de Shasta Abbey, qui a été fondée par le Révérend Maître Jiyu Kennett.

    Il y a une cinquième version complète en cours par l'Université Stanford sous les auspices de la Sotoshu du Japon, l'organisation qui prétend descendre directement du sangha fondé par Dôgen. L'édition Stanford est en cours depuis plusieurs années maintenant; je commence à me demander si elle sera jamais terminée. Les sections que j'ai consultées me paraissent vraiment bonnes, cela dit. J'espère donc qu'ils y arriveront un jour.
    Un des problèmes de la version Stanford, cependant, c'est qu'elle se fait sous les auspices de la Sotoshu japonaise. La Sotoshu est une très vieille et très grande organisation religieuse, ressemblant beaucoup à l'Eglise catholique romaine ou à l'Eglise des Saints des Derniers Jours. Ils ont beaucoup investi dans une édition qui adhère à leur version "autorisée" (pour utiliser leurs propres mots) de Dôgen. Leur histoire en ce domaine n'est pas particulièrement inspirante. Au XVIII° siècle, par exemple, ils ont persuadé le gouvernement japonais d'interdire la publication du Shôbôgenzô pour éviter que des interprétations contradictoires avec la leur ne puissent être produites. On en reparlera.
    Il existe aussi un certain nombre de traductions partielles. Norman Waddell et Masao Abe ont publié un livre intitulé The Heart of Dôgen's Shôbôgenzô, qui contient neuf chapitres. Thomas Cleary a traduit treize chapitres et a appelé cette collection Shôbôgenzô: Zen essays by Dôgen. Taizan Maezumi et Francis Dojun Cook ont publié un livre intitulé How to Raise an Ox: Zen Practice as Taught in Master Dôgen's Shôbôgenzô, qui contient dix chapitres traduits du Shôbôgenzô en plus d'autres documents. Il y en a quelques autres en ligne, et probablemnet d'autres traductions de Dôgen que je n'ai pas encore vues.
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    Message par Yudo, maître zen Dim 4 Déc 2016 - 17:25

    Don't Be a Jerk a écrit:
    Pour ce qui est des livres sur Dôgen (par opposition aux traducteurs de Dôgen), Taigen Dan Leighton est vraiment bon, de même que Steven Heine, Carl Bielefeldt et William Bodiford. Hee-Jin Kim est hautement considéré lui aussi, quoique je ne sois guère familier avec son travail. La matière universitaire qu'ils produisent est plutôt dense à mon goût et généralement difficile à comprendre. Je la consulte quand j'ai besoin d'une référence. Mais il est peu probable que vous me voyiez assis à l'arrêt du bus en train de lire un traité savant sur Dôgen.
    Comme vous vous en êtes probablement rendu compte, j'ai un gros parti-pris pour la traduction de Nishijima/Cross. Je suis bien placé pour connaître le processus par lequel ils sont arrivés à cette traduction. Mike Cross est quelqu'un de très précis dans tout ce qu'il fait. Ce que lui et Nishijima ont fait est ce que vous verrez jamais de plus approchant d'une paire de lunettes magiques qui permettent de lire directement le texte original japonais.
    Et pourtant, ce dont elle bénéficie en termes de précision, elle le sacrifie en termes de poésie. Dôgen était un poète et un maître prosateur. Son style est fluide et splendide. La traduction Nishijima/Cross devient parfois assez balourde. Afin de donner le sens le plus juste, Nishijima et Cross ont dû négliger de la rendre lisse et poétique.
    Ma seconde traduction dans l'ordre de préférences est celle de Kaz Tanahashi. Kaz ramène la poésie perdue chez Nishijima et Cross. Plusieurs de ses co-traducteurs au SFZC sont des écrivains accomplis. La version Tanahashi est très bien faite elle aussi.
    Cependant, il n'y a pas de notes de bas de page, comme il y en a dans la version Nishijima/Cross, quoiqu'il y ait un glossaire considérable. Mais dans la plupart des cas, il faut faire confiance aux traducteurs et soit glisser sur les obscures références de Dôgen ou les vérifier soi-même. Il reste que cela n'est pas une mauvaise version et qu'elle est bien plus agréable à lire que l'autre.
    La seule chose qui me tracasse réellement dans cette version de Kaz Tanahashi, c'est que c'est l'interprétation du SFZC et que cela signifie certaines choses. Elle semble avoir été effectuée dans l'idée de la rendre aussi inoffensive que possible par rapport aux sensibilités des habitants de la zone de la Baie de San Francisco.
    Par exemple, la phrase "asseyez vous droit comme un roi de (ou sous) l'arbre de la bodhi (覚寿王に端坐 kakuju ou ni tanza) dans le "Bendowa" est restitué comme "asseyez vous droit sous le glorieux arbre de la bodhi" afin de ne pas paraître sexiste en utilisant le mot roi. Là où Dôgen fait référence à la pleine posture du lotus (結跏趺坐 kekka fusa dans l'original, Tanahashi lui fait dire "s'asseoir en méditation" afin de ne pas offenser quiconque aurait les ligaments de la hanche un peu raides. Dans la section sur laquelle je travaillais à l'instant, le mot neutre 親 (oya), qui signifie "parent," est rendu par "mère" afin de faire paraître Dôgen plus égalitaire entre les sexes. Et la liste s'étire.
    Le texte est parsemé de ce genre de choses, à son détriment. Si on devait tenter de paraphraser, comme je le fais, cela n'importerait guère. Mais si vous présentez le livre comme une traduction, vous devez laisser tranquille les choses de ce genre. Malgré tout cela, je recommande pourtant toujours la traduction de Tanahashi. Dans son ensemble, elle est vraiment, vraiment bonne.
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    Message par Kaïkan Dim 4 Déc 2016 - 19:08


    Personnellement je consulte souvent, et avec un grand plaisir, le site de Shasta Abbey. Pourquoi avec un grand plaisir ? Et bien d'abord parce que j'y trouve tous les chapitres du Shôbôgenzô en anglais, et ensuite parce qu'il m'avait semblé que c'était très bien "écrit" c'est-à-dire qu'intuitivement je sentais que c'était une traduction de qualité. Je suis heureux de constater que je ne suis pas le seul à avoir cette opinion qui n'était basée, au demeurant, que sur une impression.  Smile    
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    Message par Yudo, maître zen Lun 5 Déc 2016 - 11:11

    Don't Be a Jerk a écrit:Kôsen Nishiyama et John Stevens disent de leur édition du Shôbôgenzô qu'elle est une "combinaison de traduction, de commentaire et de paraphrase." Ils ajoutent: "Même une [traduction]semi-littérale produit une variété mutante d'anglais qui en tour à tour confondante et amusante pour le lecteur." Leur version est donc en réalité plus proche de la sorte de paraphrases que vous trouverez dans ce livre que des autres traductions. (A part qu'il n'y a aucune référence aux zombies et aux Doritos.) C'est OK pour ce que c'est, mais ce n'est guère plus approchant des paroles réelles de Dôgen que ce livre-ci.
    La traduction de la Shasta Abbey est sa propre race de bête. Comme vous pourriez le deviner du fait qu'elle est produite par le Révérend Maître Hubert Nearman, les types de la Shasta Abbey aiment bien les titres de type catholique. On m'a dit qu'ils aimaient les rituels de style catholique aussi, et qu'ils ont refait le service zen standard en quelque chose de plus proche de ce que vous pourriez trouver dans votre paroisse catholique locale.
    En tant que telle, leur version du Shôbôgenzô se lit un peu comme la King James Bible [traduction anglaise de la Bible au XVII° siècle, référence littéraire dans le monde anglo-saxon]. Certes, il n'y utilisent pas la seconde personne du singulier et les verbes archaïques, mais il y a quand même une tendance à une langue fleurie, de type religieux. Les mots importants sont en Majuscules, tout comme dans la Bible et Cela peut rendre le Texte un peu Bizarre à Lire (vous voyez ce que je veux dire?). Dôgen écrivait généralement dans un style assez courant pour l'époque, et du coup je ne suis pas bien sûr de la raison pour laquelle les gens de la Shasta Abbey l'ont écrit comme cela. Peut-être qu'ils voulaient que cela sonne mieux lorsqu'on le mentionne en chaire?
    Et pourtant, malgré tout, c'est encore une traduction fiable. Elle a des notes de bas de page, aussi. Pas autant que dans la version Nishijima/Cross, mais au moins elle en a, et c'est utile. Plus on peut la télécharger gratis, et c'est bien.

    Prenons un exemple spécifique pour montrer à quoi on s'expose quand on tente de rendre le Shôbôgenzô lisible en anglais. La phrase-clef dans la première partie du fascicule "Une perle brillante", que nous venons tout juste d'examiner [ndt dans le livre d'où ce passage est tiré] est celle que j'ai traduite par "A la fin, mon problème c'est que je ne puis pas me faire tromper."
    La réponse de Gensa dans l'original n'est pas en japonais, mais en chinois. C'est 終不敢誑於人. Le premier caractère, 終 (zhōng), signifie, "à la fin", "après tout". Le second, 不 (), signifie "ne pas". Le troisième, 敢 (găn), signifie "oser" en chinois moderne, mais signifiait aussi "triste" ou "pitoyable" dans l'usage ancien. Le quatrième, 誑 (kuáng), signifie "tricher". Le cinquième, 於 (), signifie "hélas". Quant au caractère final, 人 (rén), il signifie "les gens".
    La version Nishijima/Cross rend cette phrase comme suit: "A la fin, je ne puis juste pas me faire tromper par les autres." La version Tanahashi donne: "Personne ne peut être trompé." Nishiyama/Stevens font dire à Gensa pour son maître: "Je vous en prie, ne vous moquez pas de moi!" Le point d'exclamation est le leur. La version de Thomas Cleary est: "Je n'oserai jamais tromper les gens." La traduction de la Shasta Abbey fait dire à Gensa: "Je n'ai jamais osé tromper personne avec cela!" Encore une fois, le point d'exclamation est le leur. Lorsque j'ai demandé à une amie chinoise ce qu'elle comprenait de cette phrase, elle a dû consulter une source en ligne dédiée aux usages du langage bouddhique, et elle m'est revenue avec: "Je suis moi-même, peu importe ce qu'en disent les autres; ils ne peuvent changer ce que je suis."
    Dans la version du Shôbôgenzô  en japonais moderne par Nishijima Rôshi, cette même phrase est rendue comme suit: 他人様のいうことではなかなか納得しない困った奴です (taninsama no iu koto de wa naka-naka nattoku shinai komatta yatsu desu). Ce qui signifie quelque chose comme "My problème est que je suis quelqu'un qui ne peut simplement pas être convaincu par ce que disent les autres." Rien que traduire cette dernière phrase en anglais m'a donné des maux de tête, étant donné son utilisation d'expressions japonaises qui n'ont pas de bonnes traductions directes.
    Pour ma paraphrase, j'ai finalement décidé de donner une version similaire à celle de Nishijima en japonais moderne parce que c'est ce que le chinois me donne l'impression d'inférer et parce que c'est ce qui me paraît le plus logique. Ceci, juste pour vous montrer à quoi on a affaire lorsqu'on travaille sur ce texte. Tout le monde a du mal.

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    Message par Yudo, maître zen Lun 5 Déc 2016 - 17:53

    Don't Be a Jerk a écrit:
    Le spécialiste de Dôgen, Carl Bielefeldt, qui fut l'un des principaux à s'engager dans le projet de traduction de l'Université Stanford, a écrit un essai intitulé: "Traduire Dôgen: Réflexions sur le projet de la Sotoshu." Il y dit de leur travail: "Nous voulons qu'il soit précis. Mais que signifie cela? Etre fidèle à la lettre de l'original? Fidèle au sens? Fidèle à l'esprit? Fidèle à l'intention de Dôgen lorsqu'il l'a écrit? Fidèle aux différentes traditions interprétatives Sôtô? ... [Une] traduction comme livre de chevet, ou un livre à emporter en camping[?]" Ce sont toutes d'excellentes questions.
    Il poursuit: "Si on fait trop de Shôbôgenzô, on finit par faire des rêves où on est dans une librairie avec Dôgen et il interprète les titres. Understanding Investment. Pour des étudiants du CAC40, cela devrait être "investissement dans la compréhension;" cela devrait être "cession de compréhension." Cela ne devrait pas être seulement "under-standing" mais "over-standing", pas seulement "under-standing" mais "under-sitting." Il nous faut marcher, nous tenir debout [stand], nous asseoir et nous coucher dans nos [in]vestements comme le CAC40. Nous devrions prendre nos [in]vestements comme notre corps et esprit, rejeter nos [in]vêtements comme notre corps et esprit. Etc., etc."
    J'ai eu tendance à passer par dessus beaucoup de ces passages-difficiles-à-traduire dans mes paraphrases, vu qu'ils sont si difficiles à appréhender. Mais le Shôbôgenzô en est coufle! Vous pouvez sortir d'une lecture d'un essai comme celui de Bielefeldt en vous disant qu'il n'y a aucun moyen que quiconque puisse jamais transmettre ce que Dôgen voulait vraiment dire!
    En fait, la plupart des Japonais trouvent la prose de Dôgen pratiquement aussi incompréhensible que nous. La seule véritable différence étant qu'ils n'ont pas à décoder les caractères japonais et chinois dans lesquels il écrit. Comme disait Nishijima rôshi, ce qui l'a fasciné au départ dans le Shôbôgenzô était qu'il s'agissait d'un livre écrit dans sa propre langue qu'il était incapable de comprendre. La plupart des Japonais intéressés par le Shôbôgenzô se tournent vers les différentes traductions disponibles en japonais moderne et tentent rarement de lire dans l'original.
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    Message par Yudo, maître zen Lun 5 Déc 2016 - 18:09

    Don't Be a Jerk a écrit:Permettez moi d'exprimer le problème différemment. Je suis une sorte de maniaque des dinosaures dans mes loisirs. Il y pratiquement autant de livres sur les dinosaures dans mes rayons que sur le Bouddhisme. Ce que nous savons sur les dinosaures, nous ne le savons que par les fossiles qu'ils ont laissé. Personne n'a jamais vu un dinosaure vivant, et à moins que nous ne finissions par créer des machines à voyager dans le temps ou à les reproduire comme dans Jurassic Park, personne n'en verra jamais. Tout ce que peuvent faire les paléontologues, c'est de faire des propositions éduquées fondées sur des tas de données très dégradées.
    Dans un certain sens, c'est ce qu'on a quand on tente de lire Dôgen. Vous regardez les fossiles qu'il nous a laissés. Mais nous avons un avantage que n'ont pas les paléontologues: Dôgen a en fait enseigné cet entendement face-à-face à des personnes réelles, qui l'ont ensuite enseigné à d'autres, et ainsi de suite. Nous avons une connexion avec l'entendement qu'il y a derrière les paroles fossilisées. Et cet entendement face-à-face est ce que les paroles écrites par Dôgen voulaient transmettre, dès le départ.
    A cause de cela, une grande partie de la meilleure littérature qu'on a sur le Shôbôgenzô n'est pas sous forme de traduction. En fait, elle ne mentionne parfois même pas le Shôbôgenzô, ou ira même jusqu'à l'avoir de travers en termes de linguistique pure. Parmi ces livres, un de mes préférés est, encore une fois, le livre de Shunryu Suzuki, Esprit neuf, esprit zen. Ce livre ne parle pas de Dôgen, en soi. Mais il est totalement informé par l'oeuvre de Dôgen, de même que tous les livres de Dainin Katagiri. J'ai déjà mentionné le livre de Kosho Uchiyama, Comprendre le Genjôkôan. Celui-ci est vraiment génial, de même que ses autres livres. Il y en a bien d'autres.
    Mais les livres ne sont pas tout ce que nous avons. Nous avons aussi des êtres humains en chair et en os qui incarnent l'entendement de Dôgen. Il me serait impossible d'établir une liste exhaustive de toutes ces personnes. Mais plus tard, je vous parlerai des trois qui ont été significatifs pour moi, personnellement. Certaines des personnes qui incarnent l'entendement de Dôgen sont des enseignants autorisés dans le lignage, et d'autres pas. Je serais incapable de vous expliquer comme les trouver par vous-mêmes. Mais je puis vous assurer qu'ils existent. Si vous en croisez un, tenez-vous pour très chanceux. Il ou elle est un trésor et en rien quelqu'un à prendre à la légère.
    Revenons maintenant aux fossiles que Dôgen nous a laissés.

    Fin du chapitre 8 du livre.

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