Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    Le Zen et l'art d'être un parent.

    Yudo, maître zen
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    Message par Yudo, maître zen Ven 3 Nov 2017 - 13:44

    Brad Warner écrit:

    Brad Warner a écrit:The Zen of Parenting
    Published by Brad on November 2, 2017

    Une des questions les plus intéressantes par rapport à la pratique de la méditation dans le cours d'une vie ordinaire est comment pratiquer quand on a des enfants. Les livres de méditation classiques tendent à n'en pas parler parce qu'ils sont généralement écrits par des célibataires qui, même lorsqu'ils tentent de traiter de la pratique en dehors des lieux monastiques, n'ont aucune notion de première main par rapport au fait d'avoir des mioches. Même avec la poignée de livres et de sites web sur le sujet de la parentalité "en pleine conscience", le sujet reste très sous-représenté dans la littérature.

    J'ai moi-même le même problème sur ce sujet que tous les autres auteurs bouddhistes. je n'ai pas d'enfants à moi. Donc, je donne la parole à ceux qui sont parents et lisent mon blog et ont une pratique méditative régulière.

    Stephen Belotti me dit, “Je ne pense pas que quiconque sans enfants comprenne réellement combien d'énergie les enfants nous pompent. Les jeunes enfants requièrent habituellement une  attention constante, une affirmation constante, et n'ont aucune capacité pour comprendre que nous avons besoin de temps séparés d'eux pour recharger les batteries. Avoir des enfants change beaucoup de choses dans un couple marié — en particulier quand il y en a plus d'un. Il y a eu des jours quand les enfants étaient plus jeunes où le fait de me lever tôt le matin, d'avoir une pleine journée de travail, rentrer à la maison et aider à démêler le chaos domestique, le souper, le coucher, brosser les dents, les histoires, les jeux etc., puis avoir des courses à faire et si vous pouviez vraiment les avoir mis au lit à 21:00, je m'effondrais d'épuisement, tout simplement.”

    Tous m'ont dit que, si on veut méditer avec des gamins à la maison, on doit pouvoir être flexible. On ne peut pas être trop pointilleux sur ses horaires de méditation. On doit abandonner toute idée selon laquelle moins de quarante minutes (ou tout autre horaire que vous vous êtes fixés) serait une perte de temps. Ce n'est pas le cas.

    Zazen reste valable même si vous n'en faites que cinq ou dix minutes avant de devoir courir changer des couches, soigner un genou écorché ou gérer une dépression adolescnete due aux hormones.

    Les premières instructions de maître Dôgen sur comment méditer disent de trouver une pièce tranquille, loin des distractions et de mettre de côté toutes autres obligations. Mais pour des parents — en particulier de nouveaux parents — ceci n'est pas toujours une option. Ce qui ne veut pas dire qu'il faudrait abandonner.

    Matt Ryan, père d'une petite Agnès Boo de 11 mois me dit, “Avec un bébé jeune et très actif, on n'a pas grand temps, et il me semble être toujours occupé — à nourrir, changer les couches, jouer, lire, etc. Et puis, il y a toujours la possibilité que la petite s'éveille pendant ma pratique, et il faut que je me lève et que j'aille voir si tout va bien. Parfois, elle se rendort et je peux retourner m'asseoir. Autrement, la séance est finie, veux, veux pas.”

    Jeffry Gonzalez conseille aux parents de, “laisser tomber l'idée de rester tranquille et sans dérangements pendant la pratique. AU début, j'avais ce fil sous-jacent de paranoïa pendant la pratique parce que j'étais hyper-vigilant à l'affut de problèmes avec les enfants, etc. A terme, on finit pas se dire que tout ira bien. On ne peut pas vraiment l'exclure, mais on n'y fait plus tant attention.”

    Matt Ryan dit, “Je pense que le principal, c'est d'accepter que la pratique puisse s'arrêter à tout moment, et que cela fait juste partie de la pratique.” Matt, en passant, résout parfois cette situation en faisant zazen avec Agnes attachée sur sa poitrine.

    Robyn Love m'a dit, “Il me faut être patient et beaucoup faire confiance. Je suppose que cela fait partie du métier de parent, mais particulièrement dans ce cas. Jusqu'ici, tout va bien.”

    Ré-organiser ses horaires est une autre façon de s'assurer d'avoir sa pratique tous les jours. Il y a des jours ou cela fonctionne mieux que d'autres. Caroline Anderson dit, “J'ai une pratique régulière tous les jours pendant 20 minutes.  La plupart du temps, c'est tard la nuit quand les deux sont au lit. Je pense que l'âge des mômes a son incidence. Les miens ont  respectivement 15 et 10, ce qui veut dire qu'ils sont tous deux relativement indépendants.  Les bébés peuvent requérir une attention immédiate, et cela fait donc une différence en termes de groupes d'âges pour les parents, je pense.”

    Jeffry Gonzalez m'a dit, “Je dois me lever très tôt, en général vers 5:00 du matin, car je dois partir travailler à 7:15. J'ai en plus un boulot où je travaille parfois à la maison, de sorte que ces jours-là, je peux le faire en milieu de journée. Une partie de cela a été de transgresser l'avis de mon enseignant à l'effet de pratiquer toujours en se levant le matin (car sinon, il n'y en aurait pas du tout). En tant que parent, quand on peut dormir un peu, on le fait. C'est pas souvent.”

    Il y a aussi le problème des besoins de votre partenaire. Comme élever des enfants tend à être un effort conjoint (quoique pas toujours), il est important  de se montrer accessible là-dessus. Jeffry Gonzalez dit, “Entre autre défi, il y a m'assurer que mon épouse, qui pratique elle aussi la méditation, en ait elle aussi l'occasion. Parfois, c'est littéralement un jeu à chat: je m'y mets, je finis, elle commence.”

    Paul Erlandson m'a dit, “La séance du matin était essentiellement affaire de répartition des tâches avec mon épouse. Je m'éveillais généralement avant elle, et pratiquais pendant qu'elle préparait le déjeuner. La séance du soir et la méditation en groupe avaient lieu après que les plus petits étaient au lit (et pas toujours en silence) pendant que ma fille faisait ses devoirs ou regardait la télé.” Parfois, il faut apprendre à méditer au son des dessins animés dans la pièce à côté. Même là, c'est mieux que de ne pas méditer du tout!

    Souvent, pourtant, notre moitié ne s'intéresse pas autant à ce truc de méditation que nous. Caroline Anderson m'a dit, “Une relation avec un non-méditant peut rendre les choses difficiles, lorsqu'il pense qu'après une dure journée et que les enfants sont au lit, c'est votre plage de temps à passer avec votre partenaire.”

    Paul Erlandson a réglé le problème de ce qui se produit lorsque les sentiments de paix et d'équanimité que vous fournit votre pratique sont soudain explosés par des enfants turbulents. Il dit, “Je crois qu'un des trucs qu'il me fallait capter, c'était que j'avais de l'avidité pour le calme. La méditation, certes, ne nous laisse pas toujours dans un état d'esprit paisible, mais souvent quand même. Lorsqu'on se régale de la chaude douceur de cet état, se faire étaler du beurre d'arachides sur les pantalons, ou une crise de nerf, ou se faire taper de la tête contre le plexus peuvent vraiment générer de l'irritation. OK, ces choses peuvent toujours être irritantes, mais je me suis aperçu qu'elles l'étaient davantage après la méditation, ironiquement.”

    J'aime la mention de "avide de calme." C'en est une bonne dont ceux qui méditent sans enfants devraient avoir conscience. Il élabore, donc: “Dans le grand ordre des choses, ce n'est qu'une autre saveur de l'avidité, et j'ai fini par apprendre à moins m'attacher à ces états chaleureux.”

    Paul recommande de plus la méditation aux parents même quand ce n'est pas que béatitude et paix, parce que, dit-il, “Je me suis aperçu que cela m'aidait à être un meilleur parent. Plus authentique. Plus patient. Moins emmêlé. Les résultats d'une pratique de méditation quotidienne sont difficiles à mesurer, mais je pense qu'on peut sans crainte suggérer qu'il y a peu de risques qu'elle fasse de nous de pires parents. J'ai toujours ressenti que, pour un enfant, la différence entre l'amour et la patience est de l'ordre de la nuance. Tout ce qui vous permet d'être plus patient avec vos enfants, ceux-ci le ressentiront comme de l'amour de votre part.”

    Il est également totalement acceptable de mettre les besoins de vos enfants avant les vôtres, en tant que méditant. Meikan Estudo m'a dit que, pour elle, “Mes enfants viennent avant et parfois cela signifie manquer quelque chose que j'avais programmé pour ma pratique. Pendant l'été, je suis à la maison avec eux. J'ai rarement un instant à moi. Tenter de lire quelque chose comme Dôgen est presque impossible. Cela m'est déjà difficile, mais avec en plus de constantes interruptions, une pratique d'étude plus approfondie est difficile. J'ai déjà pas une pensée à moi, encore moins penser à des choses profondes.”

    Avoir de la patience est crucial. Comme le dit Robyn Love, “Pour moi, le plus grand défi est d'avoir de la patience.  Quand j'ai rencontré le dharma et que j'ai trouvé l'endroit où je voulais pratiquer et que j'ai trouvé mon enseignant, j'ai eu hâte de m'y plonger (J'ai passé beaucoup d'années à lire sur le Bouddhisme – il m'a fallu longtemps, en fait, pour trouver un maître et vraiment pratiquer).  A l'époque, mes enfants avaient entre six ou huit ans.  Il est vite devenu évident que je n'avais pas de temps disponible pour devenir un étudiant formel, voire pratiquer autant que j'eusse aimé.  

    “Au début, cela m'a paru une sorte de sacrifice, mais avec le temps, je me suis rendu compte que cela me permettait de vraiment considérer pourquoi je voulais étudier le Zen, et spécifiquement, devenir l'étudiant d'e mon maître. Le temps que les enfants soient plus grands, il m'a été possible de m'engager plus formellement, et je me suis sentie bien plus ferme dans ma pratique et dans ma décision de l'approfondir.  Mais il m'a été difficile de me contenter de ce qui me paraissait être moins.  D'un autre côté, il m'était clair que mes enfants devaient passer en premier — toujours.  Certes, être parent est une pratique non-stop mais cela aide d'avoir une pratique de zazen bien assise pour la soutenir.  Balancer l'impression d'urgence que j'ai à propos de la pratique, avec la réalité de mes responsibilités  a toujours été mon plus grand défi.”

    Chris Amirault relève une autre point important. “Je ne suis pas sûr que ceux qui ont des enfants aient des problèmes fondamentalement différents de ceux qui n'en ont pas. La plupart des vies sont occupés par des êtres aimés, des obligations, du travail et autres choses pour lesquelles on peut avoir l'impression de ne pas avoir assez de temps. Se servir de la méditation pour éviter de se retrouver seul avec soi-même ou esquiver ses responsabilités; blâmer ou en vouloir aux autres pour notre incapacité à trouver des façons de nous asseoir; être un bodhisattva envers l'employé de l'épicerie, mais pas envers ceux avec qui on vit: les enfants ne sont pas les seules personnes humaines qui peuvent se faire prendre dans notre dukkha (souffrance).”

    Quand les enfants sont plus grands, il est tout à fait juste de leur dire que le temps de méditation est important, que c'est du "temps tout seul" spécial, et qu'ils doivent se tenir tranquilles quand maman et /ou papa sont dans la pièce de méditation.

    Ce qui ne marche pas à tout coup. Caroline Anderson m'a dit, “J'ai essayé zazen quand les gamins sont éveillés, mais même quand je leur ai dit ‘Hé, je vais faire zazen, essayez de ne pas trop faire de bruit ou de ne pas m'interrompre’, je reçois un barrage d'interruptions, qui vont de demandes criées d'en haut des escaliers pour manger, à des engueulades en bas, à mon petit garçon qui entre en pleine session pour me dire 'je peux faire comme toi?' C'est presque comme une superposition quantique, la conscience d'être en train de faire quelque chose qui implique l'immobilité provoque une réaction qui est imprédictible. Quelque chose comme ça, en tout cas!” Même là, la plupart du temps, les enfants comprennent cette sorte de choses et respectent les besoins des parents d'avoir quelque chose à eux.

    Caroline m'a également expliqué comment les problèmes parentaux trouvent parfois leur solution dans la pratique méditative elle-même. Elle dit, “Si vous avez eu une mauvaise journée avec les mioches, par exemple qu'ils se sont entre-déchirés et que vous vous êtes mise en colère et que vous leur avez crié dessus, plus tard dans la soirée, cela remonte pendant zazen. Je sais que, pour ma part, je peux avoir des sentiments de culpabilité et de regret qui remontent pendant la pratique — en fait, c'est même assuré. Des pensées du genre ‘Je suis un mauvais parent, qu'est-ce que cela va faire aux enfants si je suis comme ça? Est-ce que je les ai traumatisés, quelle sorte de dommage je leur ai causé en criant?’”

    Elle poursuit, “Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose, mais c'est juste un truc. Je ne m'y accroche pas, je ne l'analyse pas, c'est juste un résidu de la journée. Les enfants sont des individus relativement uniques, bien équilibrés et heureux et je fais de mon mieux. Mais je n'aimais pas cela avant de pratiquer; j'ai juste accepté cela avec le temps.”

    Quand vos enfants grandissent, il arrive un temps où ils peuvent vouloir vous parler de votre pratique. Je ne conseille pas de forcer les enfants à pratiquer. Je sais que la plupart des parents n'essaieraient même pas. Pourquoi y ajouter cette sorte de stress? Il vaut mieux qu'ils y viennent d'eux-mêmes.

    Caroline a beaucoup à dire sur ce sujet. Ecoutons la donc. Elle dit, “Mon fils est très intéressé par la pratique. Il a dix ans, et il a Aspergers et TDAH.  Son intérêt provient évidemment de m'avoir entendu me préparer pour mon zazen alors qu'il était dans son lit. Je pense qu'au départ, il pensait que cela lui serait une occasion de rester debout plus longtemps, il m'a donc demandé ce que je faisais (ou ne faisais pas) eet m'a demandé s'il pouvait essayer.

    “Au début, il a trouvé cela difficile, et il a un problème de déficit de l'attention. il trouve cela dur de se concentrer tout en restant immobile. Au début des premières sessions, il parlait en continu. Mais la clé fut dans la patience et le non-jugement. La première fois, il est resté assis deux minutes. A la seconde, trois minutes, à la troisième, cinq minutes.  Au bout d'un moment, il s'est mis à s'y installer. Je me rappelle la borne des quinze minutes d'immobilité. Nous tendons à nous limiter à des sessions de dix minutes de zazen parce que c'est ce qui parait juste pour lui. Et il ferme les yeux parce qu'il trouve qu'il se laisse facilement distraire (déficit d'attention). Et c'est quand il le veut, il n'y a aucune pression. C'est 'viens et apporte ton zafu si tu veux venir'.

    “Cela m'a rapprochée de lui, parce qu'après chaque session, nous en discutions. Ceci nous obligeait fondamentalement à nous asseoir ensemble et à nous demander 'comment ça s'est passé pour toi?' Où pourrait-il s'ouvrir à moi sur sa pratique, ce qu'il trouve difficile, ce qu'il a ressenti, ce qui lui est venu en tête, comme des problèmes à l'école, etc.

    Il aime vraiment cela. En partie à cause de la pratique et en partie parce que c'est du temps passé ensemble, lorsque tout ralentit et que nous pouvons être immobiles. Ce n'est pas quelque chose que nous vivons tant dans la journée, avec l'école, le travail, les tâches ménagères, les devoirs, la socialisation. Etre immobile amère parfois quelque chose dans notre relation dont je ne croyais pas qu'elle fut possible, il y avait un fossé dans notre compréhension l'un de l'autre, et zazen a créé un pont sur ce fossé, d'une certaine manière.”

    Cela ne marche pas toujours aussi bien pourtant. Robyn Love m'a dit, “L'intérêt de mes enfants va et vient. pour mon fils, il ne veut généralement pas en entendre parler, et fait de gros yeux si je mentionne quoi que ce soit sur le Zen (il a dix-sept ans). D'un autre côté, il vient de temps en temps faire une observation ou une affirmation qui montrent bien qu'il a quelques remarquables pénétrations sur les gens et la nature humaine, ce dont je pense que cela ne serait jamais advenu s'il n'avait pas grandi dans une maison où un des parents pratique.  Ma fille est un peu plus ouverte, et vient parfois à des séances pour les enfants et ados au Temple et au Monastère.  Elle vient aussi à la veille annuelle de l'Eveil (séance toute la nuit) au Temple. Pour une raison quelconque, ceci a suscité son intérêt. Elle a une relation assez sympa avec mon enseignant, en plus. (Elle a quinze ans). A ce point, j'ai une relation assez détachée avec ça. Je leur fais confiance de décider de s'y mettre si/quand arrivera le bon moment pour eux.”

    Je conclus avec Robyn Love qui dit: “Ma recommandation est juste de commencer et de voir ce qui arrive. Il n'y a pas de règles — si vous arrivez à vous asseoir tous les jours pendant dix minutes, alors c'est ce que vous faites. Ce que nous faisons dans nos têtes est notre décision, que ce soit pour s'asseoir ou pour le reste de notre vie quotidienne. C'est à la portée de tout le monde. L'autre chose que je dirais, c'est d'avoir de la bienveillance pour vous-mêmes. Etre parent est dur et épuisant et nous vivons dans un monde qui ne récompense ni n'encourage de rester à la maison avec ses enfants d'une façon signifiante, ni de rester assis immobile, c'est donc une double contrainte. Quiconque entreprend une pratique assise et tente d'être un bon parent est déjà une personne brave et forte, aussi essayez de vous rappeler cela et d'avoir de la bienveillance pour vous même. En plus, vous enfants grandissent et ils n'auront bien assez vite plus besoin de vous. C'est un cliché, mais c'est comme ça…c'est vrai!”

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