Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    "Un jour sans travail, un jour sans manger" Jôshû Jûshin (778–897)

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    Message par Yudo, maître zen Lun 11 Juin 2018 - 12:40

    Je suis allé au CCAS pour ma retraite, et en sortant, j'ai vu à l'accueil un zéniste en vêtement de samu et rakusu qui (c'est tout ce que j'en ai capté) parlait à la dame de l'accueil de ses convictions (si j'ai bien compris.

    J'ai été tenté (mais m'en suis abstenu) d'aller lui glisser à l'oreille la phrase de Jôshû, "Un jour sans travail, un jour sans manger".
    Comme d'habitude, je suis méchant, mais je pense à ce chercheur du CNRS qui a préféré abandonner son travail pour vivre du RSA dans le cadre de sa "mission" zen. Je ne puis m'empêcher de désapprouver ce genre de comportement. Pourquoi ne vont-ils pas mendier avec leur bol au coin des rues?

    N'hésitez pas à me contredire, si vous pensez que j'ai tort. Je suis tout à l'écoute.
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    Message par Rémi Lun 11 Juin 2018 - 14:28

    Je pense qu'il faut prendre en compte le contexte moderne : les machines (et avec l'arrivée de l'intelligence artificielle, cela risque de grandement s'accentuer) font que les humains ont globalement moins besoin de travailler.

    Devrait s'en suivre, une reconfiguration du monde du travail et du rapport au travail. Les travaux sur le revenu de base universel sont à ce titre au moins intéressants, sinon vitaux, voir par exemple le dernier livre d'Abdenour Bidar : "Libérons-nous ! Des chaînes du travail et de la consommation" en faveur de ce revenu de base, pour espérer diriger chaque être humain vers une activité / un travail.

    A cela s'ajoute le problème même de la définition traditionnelle du travail. Est souvent considéré comme travail une activité rémunérée : si je travaille dans une boîte d'espaces verts, tondre sera, aux yeux de la société, du travail, car je suis payé pour, et je cotise avec mon salaire. Si je fais exactement la même chose pour ma grande-tante, la société ne considèrera pas ça comme du travail, car pas de cotisations. Pourtant, l'acte est le même. On ne peut donc pas préjuger du travail d'un homme simplement en prenant en compte sa "situation professionnelle" officielle.

    Je pense donc que la phrase citée, "un jour sans travail, un jour sans manger", est excellente et vaut encore aujourd'hui, mais que la notion de travail doit être repensée et détachée du contexte normatif du code du travail habituel, avec une durée hebdomadaire fixée à 35h. Sinon, qu'en serait-il des retraités ? Ils ont fait leur part, ont droit à plus de repos, mais peuvent surtout être des piliers sociaux, s'engager et faire profiter de leur expériences les jeunes générations, que ce soit dans un cadre associatif ou non.

    Sur le plan politique : une ré-organisation serait saine, avec tout le monde à (par exemple) 20h / semaine et du temps pour un engagement associatif, religieux, sportif, artistique etc. plutôt que 60 à 80% de la population à 35h ou plus, ce qui est une forme d'injustice sociale pour les deux camps : ceux qui travaillent "trop" (qui pourraient potentiellement travailler moins si on partageait mieux le travail, chose peu aisée, mais envisageable), ceux qui, ne travaillant pas, sont confrontés aux risques liés à l'oisiveté (je n'ai pas en tête les statistiques exactes, mais les gens sans emploi sont globalement beaucoup plus sujets aux addictions, aux dépressions etc.). Dans ce contexte : que tout le monde ait un travail serait vital ; mais que celui-ci puisse être pensée différemment, avec plus de souplesse, moins d'aliénation.

    Toucher le RSA ne veut pas forcément dire ne pas travailler. Dans le sens où peut être "travail" une activité non rémunérée.

    Il faut aussi avoir en tête l'existence des "boulots de merde" (souvent nommés "bullshit jobs" en franglais) : livreurs de pizza par exemple : il n'y a là aucun jugement de valeur, mais l'analyse est plutôt celle-ci : le fait qu'une part importante de la population travaille trop (35h plus le métro pour aller bosser, par exemple) engendre l'existence de boulots qui sont liés à la surcharge : si on avait plus de temps, on irait chercher nos pizzas à pied ou en vélo. Le livreur est là parce que d'autres bossent trop.

    Enfin, avec les problèmes écologiques, le mythe de la croissance infinie ne peut plus durer : on peut peut-être supposer qu'il faut mieux être au RSA, jardiner, aider ses voisins, (donc on retrouve du travail) que bosser pour une compagnie pétrolière puissante voulant forer la banquise.

    Beaucoup de pistes donc, mais pour remettre au centre "un jour sans travailler, un jour sans manger", et pour que cette belle maxime soit tenable, il faut nécessairement repenser ce qu'est le travail, prendre un peu de distance vis-à-vis de ça.

    Quoiqu'il en soit, j'imagine mal une personne pouvant réussir à s'accomplir dans sa vie si elle n'a pas, à minima, un certain sentiment d'utilité.

    Pour finir sur, plus spécifiquement, une position "bouddhiste", la question serait peut-être : "Est-ce qu'être au RSA est un moyen d'existence juste ? "
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    Message par Yudo, maître zen Lun 11 Juin 2018 - 15:30

    Rémi a écrit:Pour finir sur, plus spécifiquement, une position "bouddhiste", la question serait peut-être : "Est-ce qu'être au RSA est un moyen d'existence juste ? "

    C'est un peu ma question.
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    Message par Rémi Lun 11 Juin 2018 - 17:57

    Oui, du coup je me rends compte que mon trop long développement est en fait assez hors sujet... Et que ma reformulation finale était inutile. Embarassed

    Je dirais donc, pour revenir au sujet, que l'intention est sûrement ce qui peut permettre de nuancer et de répondre à cette question : si le RSA est un état provisoire visant à retrouver un moyen d'existence juste, ce n'est pas incompatible avec l'éthique, dans le sens où l'on peut avoir le droit et le besoin de "rebondir" à un moment donné. Si c'est un choix, comme dans l'exemple donnée du chercheur au CNRS, alors j'aurais du mal, sans y voir pour un autant un terrible manquement, à trouver cette position stable.

    Si le contexte impose d'avoir recours à la solidarité d'Etat, pourquoi pas. Si le contexte ne l'impose pas,  on en revient à Jôshû. C'est en tout cas comme ça que je verrai les choses, mais je suis curieux de voir l'avis et la réflexion des autres sur ce sujet.
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    Message par Zenoob Lun 11 Juin 2018 - 18:06

    Mais apparemment ça va, parce que s'il s'agit juste de travailler pour manger, nos ancêtres préhistoriques ne bossaient que quelques heures par jour !
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    Message par Yudo, maître zen Lun 11 Juin 2018 - 19:42

    Je suis bien d'accord. C'est juste que, ayant pu bénéficier de la solidarité en d'autres temps, je serais bien mal placé pour jeter la pierre à qui en a besoin. Je suis juste réticent à en abuser, et décider que l'on n'a pas besoin de travailler et qu'on va se laisser porter par la solidarité commune me semble un peu douteux au plan des principes.
    Mais, je le répète, je ne suis en rien sûr de moi là-dessus.
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    Message par chifoumi Lun 11 Juin 2018 - 21:06

    Bonjour,

    Je n'ai saurai répondre avec certitude à cette question, tant il m'apparait que chaque cas est différent et que la notion de solidarité est nécessaire, mais je constate que l'Homme se perd souvent à vouloir obtenir plus que ce dont il a besoin, ou à ne pas avoir d'activité ou de but qui le nourrisse intérieurement...

    J'aime bien ta proposition d'une ré-organisation saine Rémi qui me semble offrir une possibilité d'équilibre dans notre société qui crée des besoins inutiles et qui prône sans cesse le pouvoir de l'argent, mais cette ré-organisation devrait, me semble-t-il, s'accompagner d'un changement dans les mentalités et la façon de vivre. Very Happy
    Rémi a écrit:
    Sur le plan politique : une ré-organisation serait saine, avec tout le monde à (par exemple) 20h / semaine et du temps pour un engagement associatif, religieux, sportif, artistique etc. plutôt que 60 à 80% de la population à 35h ou plus, ce qui est une forme d'injustice sociale pour les deux camps : ceux qui travaillent "trop" (qui pourraient potentiellement travailler moins si on partageait mieux le travail, chose peu aisée, mais envisageable), ceux qui, ne travaillant pas, sont confrontés aux risques liés à l'oisiveté (je n'ai pas en tête les statistiques exactes, mais les gens sans emploi sont globalement beaucoup plus sujets aux addictions, aux dépressions etc.). Dans ce contexte : que tout le monde ait un travail serait vital ; mais que celui-ci puisse être pensée différemment, avec plus de souplesse, moins d'aliénation.
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    Message par esprit du débutant Mar 12 Juin 2018 - 1:21

    Bonsoir Yudo,

    Avant d’entrer dans la vie active j’ai pu bénéficier d’aides de l’état, le r.m.i et a.p.l. et pour cela je suis très reconnaissant envers l’aide publique.
    Je travaille et suis salarié depuis vingt ans au smic pour une assos à but non lucratif.
    A partir du moment où j’ai pu subvenir à mes besoins (logement, nourriture, eau, électricité) j’ai décidé que je me contenterai de ma paye, et n’ai plus fait de demandes d’aide d’aucune sorte  (logement, prime petit salaire…). J’ai estimé que l’argent public devait être distribué à des plus nécessiteux. Il s’agit de responsabilités personnelles. J’ai souvent entendu dire que c’était idiot de ne pas bénéficier d’aides que l’on pouvait toucher !
    Une chose importante à mes yeux, c’est de pouvoir marcher droit dans mes bottes. Parce qu’avoir des beaux principes c’est une chose, ensuite avec quelle sincérité on les pratique c’en est une autre.
    Une philosophie çà se vit avant tout dans les actes.

    Il ne s’agit pas de juger qui que ce soit, chacun à son parcours sa vie. Alors si M.Untel à besoin d’aide pour que sa « mission » se réalise, je serai peut-être ravi de l’aider s’il passait chez moi avec son bol, son sac ou quelque autre demande. Cependant je sais que ce que je prends aux deniers publics, c’est quelque chose (soins, nourriture, abri…) que j’enlève à quelqu’un dans le  besoin. Après quand on est conscient de cela on pèse et on fait son choix.
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    Message par zanshin Mar 12 Juin 2018 - 5:36

    Je crois que dans la bouddhisme, pour les actions, la motivation est très importante. Maintenant pour les "moyens d'existence juste", ça peut être assez compliqué. C'est aussi une question d'avoir une vue juste, une opinion juste. Pour les autres on se met facilement à juger, c'est plus difficile d'être objectif envers soi-même.
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    Message par Kaïkan Jeu 14 Juin 2018 - 10:14

    Yudo a écrit:Pourquoi ne vont-ils pas mendier avec leur bol au coin des rues?

    Mendier auprès des gens dans la rue ou bien mendier avec les aides sociales, c'est toujours l'acte de mendier. Cela prend une heure ou deux par jour guère plus. Donc cela n'empêche pas de travailler. Les moines mendiaient pour la nourriture qu'il ramenait au temple et après ils faisaient quand même les travaux nécessaires à la communauté.
    Par conséquent le fait de mendier ne signifie pas ne pas travailler.
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    Message par esprit du débutant Jeu 14 Juin 2018 - 11:51

    Bonjour Kaïkan
    Il n'y a pas si longtemp finalement lorsque je me suis intéressé à cet enseignement du zen et à sa pratique,  je me suis interrogé sur le bol et l'acte de mendier. J'ai d'abord pensé que les moines étant sans revenus il était nécessaire d'aller mendier pour apporter par exemple autre chose que ce que le travail au temple pouvait produire. Mais je n'étais pas vraiment satisfait par cette réponse, parceque si finalement tout le monde choisi cette façon de vivre, au près de qui aller mendier?
    Mais mes doutes à ce sujet se sont dissipés lorsque j'ai vu un moine aller mendier. En effet ma vision de celui qui donne et celui qui reçoit s'est trouvée chamboulée. Cela apparaissait clair que la personne qui recevait ce moine trouvait là une véritable occasion de pratique.
    Est-ce le cas lorsqu'il s'agit d'une administration plutôt que d'une personne?
    Est-ce vraiment le même acte de mendier?
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    Message par Kaïkan Jeu 14 Juin 2018 - 15:07


    Bonjour esprit du débutant,


    esprit du débutant a écrit:Bonjour Kaïkan
    Il n'y a pas si longtemp finalement lorsque je me suis intéressé à cet enseignement du zen et à sa pratique,  je me suis interrogé sur le bol et l'acte de mendier. J'ai d'abord pensé que les moines étant sans revenus il était nécessaire d'aller mendier pour apporter par exemple autre chose que ce que le travail au temple pouvait produire. Mais je n'étais pas vraiment satisfait par cette réponse, parceque si finalement tout le monde choisi cette façon de vivre, au près de qui aller mendier?
    Il est peu probable que "tout le monde" choisisse cette façon de vivre.  Wink

    Mais mes doutes à ce sujet se sont dissipés lorsque j'ai vu un moine aller mendier. En effet ma vision de celui qui donne et celui qui reçoit s'est trouvée chamboulée. Cela apparaissait clair que la personne qui recevait ce moine trouvait là une véritable occasion de pratique.
    Est-ce le cas lorsqu'il s'agit d'une administration plutôt que d'une personne?
    Est-ce vraiment le même acte de mendier?
    C'est exact, il n'y a pas de contact humain dans l'art de contourner à son avantage les minimas sociaux ce qui n'enlève en rien le constat qu'il s'agit bien d'une forme de mendicité.
    Il s'agit d'une mendicité mais sans le courage d'avaler son orgueil en tendant son bol.
    Non seulement il y a souvent de façon délibérée un contournement ou même une transgression des lois, mais aussi une absence de hardiesse quant à la façon d'assumer son acte de mendicité et son statut de mendiant.
    On passe ainsi à côté de l'intention de demander à l'autre en mettant sa fierté à l'écart, et de plus on enlève la beauté du geste de celui qui donne à autrui avec respect et amour (compassion).

    Quoi qu'il en soit, le fait de mendier ne peut être pris comme excuse pour ne pas travailler.
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    Message par Rémi Jeu 14 Juin 2018 - 17:34

    L'adage de Joshu est aussi une façon de s'établir soi-même dans la pratique.

    Alors qu'il gagnait en âge, le fait qu'il travaille toujours aussi durement dérangeait les autres moines, qui lui ont caché ses outils de jardinage. N'ayant pu travailler ce jour-là, il a effectivement refusé de manger. On trouve cela raconté dans le Shobogenzo de maître Dogen. J'essayerai ce WE de trouver le passage exact pour le citer ici.

    Cela me fait penser à des petits trucs et astuces que l'on peut mettre en place, comme méditer avec un objet sur la tête pour être sûr de ne pas s'endormir. Cela ne veut pas forcément dire que tout le monde est censé faire pareil, mais que cette discipline imposée à soi peut être "une aiguille pour la pratique", une aide.

    Pas certain donc que Joshu voyait dans cette idée une portée générale, une règle de vie pour tous.

    Et bien sûr, comme le répète Kaïkan, on peut mendier et travailler.

    Je crois que sur l'aspect éthique, on ne pas trouver d'argent vraiment propre. Celui qui travaille et qui serait payé pour ce travail n'est pas dans la pratique s'il travaille "juste" pour gagner de l'argent. Samu, la concentration sur le travail, n'a rien à voir avec l'argent.

    S'il n'y a pas de fraude, bénéficier des aides d'état peut être une façon de vivre simplement et de se consacrer aux autres. Mais alors c'est aussi au niveau de la dépense qu'intervient la morale : que fait-on de cet argent que l'on touche "sans travailler" ? Si on en redistribue une part autour de soi avec générosité, la démarche est déjà différente que si on l'utilise de manière tout à fait égoïste.

    Au-delà du recours à une aide, la façon dont on s'en sert a aussi un impact sur la conduite éthique, et peut faire pencher la balance vers "moyen d'existence juste" ou "moyen d'existence injuste".
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    Message par Yudo, maître zen Jeu 14 Juin 2018 - 21:34

    En fait, au plan historique, il s'agit tout d'abord de la règle pour les monastères édictée par Nangaku Ejo, si je me souviens bien, qui veut que les moines zen travaillent.
    Cette règle a évité au Zen la grande persécution du Bouddhisme, au IX° siècle, motivée par le fait que les moines passaient en Chine pour des parasites puisqu'ils mendiaient en n'avaient pas de famille, ce qui contredisaient les valeurs chinoises (alors que le concept de renonçant mendiant était bien établi en Inde). C'est donc depuis cette époque un aspect de la règle des monastères zen qui ont toujours au moins un potager. Ikkyû pour sa part fabriquait des poupées qu'il vendait au marché, quand il était étudiant.

    Je pense (et moi aussi j'en ai bénéficié) que c'est très bien que nous ayons les aides sociales dont nous disposons. Je sais qu'il y a des gens qui en profitent, sans aucune intention de rendre quelque chose en échange à la société, souvent avec des prétextes "révolutionnaires". Je n'apprécie pas. Mais en même temps, voyant la société que nous avons, dirigée par des parasites autrement plus coûteux, j'ai un peu plus de mal à m'indigner.
    Mais dans le cadre du zen, voir quelqu'un abandonner un vrai travail pour se laisser vivre sur les aides sociales me gêne beaucoup.
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    Message par Rémi Ven 15 Juin 2018 - 0:09

    Qu'est-ce qu'un vrai travail ?

    Digression sur mon expérience personnelle, un peu inutile.:


    Au final, tout est impermanent, ce qui veut peut-être dire que l'on ne fait que pisser dans un violon, quoique l'on fasse. Enfin, nos actes ont bien sûr des conséquences, mais en ce qui concerne les moyens d'existence justes, je les vois comme un minima, une base : essayer de vivre sans créer de souffrance. Mais l'aspect plus profond du zen, tel que je le comprends actuellement en tout cas, ça serait plutôt qu'il n'y a pas fondamentalement de vrai ni de faux en dehors de l'esprit, qu'il n'y a pas de façon de mériter sa vie ou non. Quoiqu'on fasse, que ce soit glander au chômage en lisant des livres et en méditant, ou trimer dans des petits boulots, ou concevoir des trucs complexes (abstraits ou non), tant qu'on ne gagne pas sa vie en créant de la souffrance, alors ça va. Ce qui compte après, c'est, dans ce "minima" du "mon mode de vie ne crée pas de souffrance" (ou le moins possible), ce qui compte, c'est ce qu'on fait concrètement : écouter les autres, essayer de s'améliorer, de se calmer un peu, je ne sais pas vraiment mais des tas de petits détails qui ont plus de sens que notre "gagne-pain".  

    C'est pourquoi je pense que, si à un moment donné, quitter son boulot est la seule façon de réussir à apporter autour de soi ce "plus" qu'est un esprit un peu apaisé, c'est peut-être zen. Il ne faudrait peut-être pas trop s'attacher aux mots, au mot "travail". Pas évident quand on voit à quel point on doit parfois construire sa vie autour du travail, justement.


    Dernière édition par Rémi le Ven 15 Juin 2018 - 0:45, édité 2 fois
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    Message par Rémi Ven 15 Juin 2018 - 0:34

    Voici, tiré de mon exemplaire du Shobogenzo traduit par Nishijima, le passage dont je parlai dans un message antérieur : je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi la phrase est ici attribuée à Hyakujo et non Joshu...  scratch

    Version anglaise:

    Je laisse la version originale et tente une traduction un peu maladroite :

    Le Maître Zen Daichi (Hyakujo Ekai (749-814) de Hyakujo-montagne, dans les temps passés, était l'intendant de Baso. Jusqu'au soir où il entra dans le nirvana, il n'avait jamais passé un seul jour sans travailler pour le bien des moines et des autres. Heureusement, il nous reste des traces de son "Un jour sans travail est un jour sans nourriture".

    Le Maître Zen Hyakujo était déjà un vieil homme, avec beaucoup d'années derrière lui passées à être moine, mais dans le travail de la communauté il s'efforçait d'en faire autant que les plus jeunes. Les moines en étaient désolé pour lui. Bien que les gens s'apitoyaient sur son sort, le Maître ne lâchait rien. A la fin, ils cachèrent ses ustensiles de travail, et comme il ne les lui rendirent pas, le Maître ne put pas travailler et ne mangea rien de la journée. Sa motivation était qu'il n'était pas content de n'avoir pas pu se joindre au travail des autres moines. Voici ce que l'on appelle le légendaire "Un jour sans travail est un jour sans nourriture" de Hyakujo. (...)
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    Message par Yudo, maître zen Ven 15 Juin 2018 - 7:52

    Alors, c'est moi qui me suis trompé, c'était Hyakujo, et pas Jôshû.
    Mais "le mont Hyakujo", pas "Hyakujo-montagne"...
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    Message par Rémi Ven 15 Juin 2018 - 14:57

    Je trouvai ce "Hyakujo-montagne" très laid, en effet ! Heureusement que je ne suis pas traducteur Laughing

    Pour revenir à cette histoire, il me semble qu'il y a une certaine forme d'absence d'intention dans le comportement de Hyakujo. On peut supposer que c'est plus par dépit, par réaction charnelle, qu'il n'a pas mangé ce jour où il n'a pas pu travailler.

    Et l'accent est surtout mis sur l'idée de "travailler avec" les autres. Avec l'envie de se sentir interdépendants et connectés aux autres. Un travail au CNRS, si c'est pour pondre des textes pointus lus par deux ou trois personnes seulement, n'est peut-être pas l'idéal ; il faudrait avoir connaissance de la situation précise.

    Par contre, de là à se "laisser aller" à ne rien faire, c'est autre chose. J'ai l'impression que derrière ce "un jour sans travail, un jour sans manger", il y a surtout une idée très forte de relation à l'autre, de ne pas laisser l'autre seul, de travailler avec lui puisqu'il y a un travail à faire.

    Donc, si c'est pour ne rien faire, alors les aides sociales ne me paraissent pas relever de la conduite juste. Si c'est pour réellement et concrètement s'engager sans salaire au service d'une communauté, je pense qu'on peut y voir une forme de mécénat d'Etat pas forcément immorale pour celui qui en profite, s'il rend véritablement de nombreux services de multiples manières.

    En espérant avoir pu contribuer à la réflexion commune,

    Salut-zen

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