Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    Ryōkan (le moine fou)

    Kaïkan
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    Ryōkan  (le moine fou) Empty Ryōkan (le moine fou)

    Message par Kaïkan Mar 26 Avr 2011 - 11:03

    Ryōkan


    Prôner l'oisiveté. Être idiot. Garder un cœur d'enfant. Ryôkan le moine fou, le poète Zen de la fin de l'époque Edo, le mendiant itinérant adulé par le Japon d'aujourd'hui vise au presque rien. Au vide. Central. Dense.
    À 39 ans, il se retire dans un ermitage en haut du mont Kugami, sa région natale enneigée. Il n'a qu'une robe usée et un bol, mais dans sa manche se cache une balle toujours prête à jouer avec les enfants.
    Lorsqu'on aura compris que ses poèmes ne sont pas des poèmes, alors nous pourrons parler poésie.
    Son surnom est formé de ryô : bon et de kan : magnanime.
    Prêtre errant, unsui (nuage et eau). Sa bonté envers les êtres humains et les animaux lui ont valu le sobriquet de taigu (grand sot).

    Ermite, poète et calligraphe japonais, Ryōkan (1758-1831) est l'une des grandes figures du bouddhisme zen de la fin de la période Edo. Au Japon, sa douceur et sa simplicité ont fait de lui un personnage légendaire.
    Sa vie d'ermite est fréquemment la matière de ses poèmes. Un soir où il franchit le seuil de sa cabane au retour d'une promenade, Ryōkan s'aperçoit que ses maigres biens ont disparu. Il compose alors ce haïku :

    Oubliée par le voleur :
    la lune
    à la fenêtre.

    Ryōkan  (le moine fou) 220pxryokansculpture
    Sculpture de Ryōkan

    Une vie d'ermite

    Ryōkan est né à une date incertaine, en 1758, à Izumozaki, petit village sur la côte ouest du Japon, dans l'actuelle préfecture de Nīgata, le pays des neiges. Son nom de naissance est Eizō. Son père est chef du village et prêtre shinto. Enfant, il étudie les classiques japonais et chinois. Vers l'âge de 20 ans, Ryōkan se rend dans un temple zen Sōtō du voisinage et devient novice. Il y rencontre un maître de passage, Kokusen, et part avec lui pour le sud du pays. Pendant douze ans, il se forme à la pratique du zen. En 1790, Kokusen l'appelle à la tête de ses disciples et lui confère le nom de Ryōkan Taigu, esprit simple au grand cœur. À la mort du maître un an plus tard, Ryōkan abandonne ses fonctions et entame une longue période d'errance solitaire à travers le Japon. Il finit par s'installer, à l'âge de 40 ans, sur les pentes du mont Kugami, non loin de son village natal, et prend pour domicile une petite cabane au toit de chaume, Gogōan.

    Dans la forêt verdoyante,
    mon ermitage.
    Seuls le trouvent
    Qui ont perdu leur chemin.
    Aucune rumeur du monde,
    le chant d'un bûcheron, quelquefois.
    Mille pics, dix mille ruisseaux,
    pas une âme qui vive.

    Mendiant chaque jour sa nourriture selon la stricte règle monacale et pratiquant assidûment la méditation assise ou zazen, Ryōkan cependant ne célèbre aucun rituel ni ne dispense aucun enseignement. Jamais non plus il n'évoque un point de doctrine ou ne fait état d'un quelconque éveil, petit ou grand. En été, il se promène ; en hiver, il souffre, trop fréquemment, du froid, de la faim et la solitude. Parti pour mendier, il s'attarde pour jouer à cache-cache avec les enfants de ses voisins, cueillir un brin de persil au bord d'un sentier, soigner un malade au village ou partager un flacon de saké avec les fermiers du pays.

    Ryōkan  (le moine fou) 220pxgogoan
    Gogōan


    Demain ?
    Le jour suivant ?
    Qui sait ?
    Nous sommes ivres
    de ce jour même !

    Les calligraphies de Ryōkan, actuellement particulièrement prisées par les musées, suscitaient déjà bien des convoitises autour de lui. Aussi, chaque fois qu'il va en ville, c'est à qui, petit boutiquier ou fin lettré, se montrera le plus rusé pour lui soutirer quelque trésor issu de son pinceau. Ryōkan, qui a pour émule Hanshan, le grand ermite chinois de la dynastie Tang, calligraphe et poète comme lui, n'en a cure.
    Moine benêt l'an passé,
    cette année tout pareil.

    Au bout de vingt ans passés dans la forêt, affaibli par l'âge, Ryōkan doit quitter Gogōan. Il trouve alors refuge dans un petit temple légèrement à l'écart d'un village. Il soupire après la montagne, compare sa vie à celle d'un oiseau en cage. À l'âge de 70 ans, il s'éprend d'une nonne nommée Teishin, elle-même âgée de 28 ans. Ils échangent de tendres poèmes. À Ryōkan qui se lamente de ne pas l'avoir vue de tout l'hiver, Teishin répond que la montagne est voilée de sombres nuages. Ryōkan lui réplique qu'elle n'a qu'à s'élever au-dessus des nues pour voir la lumière. Il meurt entre ses bras le 6 janvier 1831.

    Ryōkan  (le moine fou) 220pxryokan27sgrave
    Tombeau de Ryōkan

    Son mode de vie non conformiste, sa totale absence de religiosité, ont suscité bien des querelles d'érudits. Son bouddhisme était-il authentique ? Était-il oui ou non un homme éveillé ? À ces questions, Ryōkan, pour qui le zen ne pouvait être que profonde liberté, avait livré sa réponse :

    Que laisserai-je derrière moi ?
    Les fleurs du printemps,
    le coucou dans les collines,
    et les feuilles de l'automne.


    Ryōkan  (le moine fou) Lotusblanc

    PS : Ryokan décrit ainsi l’Éveil dans l’un de ses poèmes:

    « L’Eveil est un diamant étincelant, qui ne vient ni des monts de Kunlun ni de la baie de Gepu.
    Ce Diamant a son lieu d’élection au fond de la poitrine.

    Son éclat est tel qu’on ne peut le regarder en face.

    Si on le perd, le chagrin nous accable.
    Si on le gagne, on voyage au pays de l’Infini.

    Quant à moi je le montre et l’offre poliment à tout un chacun.
    Mais que dois-je faire, si personne n’ose le prendre?

    Un bon médecin pose le juste diagnostic, prescrit le médicament.
    Il ne peut rien, si le malade refuse de l’utiliser.

    Si quelqu’un demande par hasard: « Quel est ce bijou? »
    Réponds-lui seulement: « Ce n’est que la nature de Bouddha, que tu avais déjà en toi. »
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    Message par marc Mar 26 Avr 2011 - 12:31

    "Bon Jour" et merci Kaikan.Je découvre "Demain?....Nous sommes ivres de ce jour même" et tu me croiras ou pas, voila deux jours que je ne peux me détacher (mais ce n'est pas grave)du kôan de Wumen "Chaque jour est un bon jour!"
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    Message par shikantaza Mar 26 Avr 2011 - 17:39

    Eternel Ryokan...


    Ne pas oublier aussi le moine Taneda Shoichi :

    (Après des études de littérature, où il prend le nom de plume de Santōka, souvent interrompues par la dépression, il se réfugie dans l'alcool.
    Manquant de mettre fin à ses jours sur une voie ferrée, il est recueilli dans un monastère bouddhiste Zen par u moine qui passait par là, où il paraît trouver un semblant de paix.
    Il vit après cela une vie de moine Zen errant, rédigeant au bord des chemins les haiku nés de ses contemplations).


    le corbeau croasse
    le corbeau vole
    nulle part où se fixer

    *
    rien à manger
    le ciel pourpre de l'aube
    d'aujourd'hui

    *
    plus rien d'autre
    que mourir
    les montagnes dans la brume

    *
    le calme de la mort
    beau temps
    les arbres sans feuilles

    *
    aux prises avec la mort
    le piment
    rouge vif

    *
    la mort
    devant moi
    un petit vent frais

    *
    ma mort
    les herbes
    la pluie

    *
    pluie d'automne
    pas encore
    mort

    *
    aujourd'hui encore
    en vie
    j'allonge les jambes

    *
    le vent des montagnes
    dans la clochette
    un puissant désir de vivre

    *
    Mouillé de rosée
    matinale je vais
    par où je veux

    Après une sieste,
    Où que je regarde : des montagnes.
    *
    Alors, quel chemin prendre ?
    Le vent souffle.
    *
    Ce long pont -
    Si je l'emprunte
    Je suis dans mon village natal.
    *
    Eau de mon village natal !
    Je la bois,
    Je me lave avec cette eau.
    *
    j'ai du riz
    j'ai des livres
    j'ai même du tabac

    *
    j'ouvre la fenêtre
    la fenêtre pleine
    de printemps

    *
    éblouissant
    dans le soleil
    mon repas de riz

    *
    saveur du riz
    le ciel bleu
    bleu

    *
    sur ma robe de moine
    toute déchirée
    des graines d'herbes

    *
    ma silhouette vue de dos
    s'éloignant
    dans la pluie d'automne

    *
    Beau chemin
    Qui mène à un beau bâtiment...
    Un crématorium !


    Kaïkan
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    Ryōkan  (le moine fou) Empty Re: Ryōkan (le moine fou)

    Message par Kaïkan Jeu 18 Aoû 2011 - 10:08


    (ce texte nous est gracieusement proposé par kay)


    le Chemin vide


      Toute ma vie trop paresseux pour me conformer aux règles
      Joyeux, toujours joyeux, suivant librement ma nature
      Dans ma besace trois mesures de riz
      Près du foyer un fagot de bois
      Pourquoi se préoccuper de l'éveil ou de l'illusion ?
      Pour ce qui est de rechercher les honneurs ou la fortune, je n'en parle même pas.
      La pluie nocturne tombe sur ma cabane au toit de paille
      Détendu, j'allonge les deux jambes.
      Mille sommets figés par le froid
      Dix mille sentiers sans trace d'homme
      Chaque jours je ne fais que méditer face au mur
      Parfois j'entends la neige qui frappe la fenêtre.
      Quand on abandonne le désir tout est bien
      Quand le désir est là dix milles choses ne peuvent le satisfaire
      Quelques légumes nourrissent
      Une robe de moine est suffisante pour vêtir le corps
      Je me promène seul au milieu des cerfs
      Je chante avec les enfants du village
      Je lave mes oreilles dans l'eau qui coule au pied des rochers,
      Je contemple la beauté des pins au sommet de la montagne.
      Une lampe à la main, nuit de neige en montagne
      Dans le silence nocturne les flocons s'envolent librement
      Le vrai, le faux, quelle importance ?
      Une nuit paisible derrière ma cabane au toit de paille
      Je joue du luth sans corde
      Sa musique, portée par le vent disparait dans les nuages
      Elle devient celle du ruisseau
      S'étend toujours plus loin et remplit la vallée,
      Traverse montagne et forêts
      Seul un être fermé aux bruits du dehors
      Peut entendre cette musique merveilleuse.
      Les quatre saisons et les oiseaux vivent en harmonie
      Continuellement s'entend le bruit de la source froide
      Je dis à ceux qui peuvent oublier leur fardeau
      Venez errer librement au sommet des montagnes émeraudes.

      C'est la fin de l'automne, le neuvième mois, le ciel est bleu
      Seul avec mon bol, sans prévenir, je frappe à ta porte
      Moi, un moine libre des désirs du monde
      Toi, un homme oisif vivant dans une époque de paix
      Toute la journée sans rien faire
      A boire du saké en riant face aux montagnes.

      La grande voie n'a pas de chemin
      Je ne sais où se trouve la paix du coeur
      On considère la vacuité ou l'existence comme des buts
      Quelle différence entre un homme ordinaire et un éveillé
      Si l'on s'attache au monde, poursuivant son ombre
      L'ombre s'éloigne toujours plus
      Si l'on chasse le faux et recherche le vrai
      Le vrai devient cicatrice
      Comprend cela par expérience et profondément
      Si tu tombes même d'un cheveu dans le mental,
      Tu t'éloigneras de la vérité d'une distance de mille univers
      J'ai appris autrefois la quiétude de la concentration et je sais contrôler mon souffle
      Traversant les étoiles et le givre blanc
      J'en oubliais presque le sommeil et la nourriture
      Si je connais la paix
      C'est peut-être grâce à ma pratique
      Mais si je n'agis pas
      Qui me prouve qu'elle demeurera toujours ?

      Depuis l'origine la grande voie n'a pas de chemin
      Je ne sais quel est son accomplissement
      Si on on la poursuit, elle s'éloigne de plus en plus.
      Si on la recherche, on ne peut la trouver
      Même si on prêche aux hommes l'identité du vide et des phénomènes,
      Et qu'on suit la voie du milieu, on se retrouve dans une impasse
      Cela est indicible
      Si on veut l'exprimer par la parole, il perd son sens.
      L'éveil et l'illusion dépendent l'un de l'autre
      Le dharma et les phénomènes sont liés
      La journée je récite des sutras sans paroles
      La nuit je médite sans pratiquer la méditation
      Le coucou chante près de la rivière, là où baigne le saule
      Un chien aboie dans la nuit à la clarté de la lune
      La loi du Bouddha n'est pas contraire à l'harmonie de la nature
      Qu'ai-je à transmettre ?
      Il y a un joyau qui existe depuis toujours
      Jour et nuit, il illumine l'obscurité du monde
      Quant du le possèdes, tu ne peux le confier à un autre
      Contemple le sans douter et sans hésiter
      Quand l'ami de la Voie le montre, l'homme obscure titube
      Si la fille du dragon le donne, les vieux moines sont embarrassés
      Ah ! Ah ! Ah ü Un tel joyau existe dans le ciel ou sur la terre, mais qui le sait ?

      Ne demande pas s'il vient du Mont Kunlun ou de Gepu
      Le joyau est en toi
      Sa lumière efface celle du soleil et de la lune
      et rayonne au-delà des quatre limites de l'univers
      Ses couleurs sont si intenses qu'on ne peut le fixer
      S'il est perdu on plonges dans l'océan de la souffrance
      Si on le possède on travers immédiatement sur l'autre rive
      Je le montre et l'offre
      Mais je ne peux rien faire si les hommes n'en veulent pas.

    (Extrait de : Ryokan, le Chemin vide)



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