Pour chifoumi (et aussi pour tout le monde bien sûr)
Pour étoffer la pensée bouddhiste au sujet de l'âme voici un petit texte :
PS : On dit : i shin den shin (et non pas : "in shin den shin").André Bareau a écrit:Kamaleswar Rhattacharya. — L'àtman-brahman dans le bouddhisme ancien, Publications de l’École française d'Extrême-Orient, vol. XC, Paris, 1973, 168 p. — M. Bhattacharya est l'un des plus brillants jeunes savants indiens travaillant actuellement en France.
Avec courage et l'aide d'une solide érudition, il reprend ici l'examen de l'un des plus anciens et des plus importants problèmes des études indiennes : celui de la reconnaissance ou de la négation de l' âtmanbrahman, du « soi » individuel et cosmique, par le bouddhisme ancien.
Contrairement à l'opinion généralement admise, qui est celle des docteurs bouddhistes eux-mêmes depuis quelque vingt siècles, M. Bhattacharya soutient que « le Bouddha ne nie pas l'âtman upanishadique ; au contraire, il l'affirme indirectement, en niant ce qu'on croit faussement être l'âtman » (c'est l'auteur qui souligne). Il reprend l'étude des textes canoniques bouddhiques à propos desquels s'étaient jadis affrontés les partisans des deux thèses opposées et, en les comparant avec des passages des Upanishad et d'autres ouvrages brahmaniques qu'il connaît fort bien, il s'efforce de démontrer le bien-fondé de son interprétation et d'en tirer des conséquences dont l'audace surprendra sans doute nombre de lecteurs. Le titre du deuxième chapitre est significatif à cet égard : « Brahman — Âtman — Dharma — Bouddha = Nirvana. » II poursuit en montrant que les auteurs des Upanishad, tout comme les antiques bouddhistes, ont réagi de la même façon contre le ritualisme védique, les seconds plus radicalement, toutefois, que les premiers. Dans le chapitre IV, il examine quelques théories anciennes et modernes relatives à l'anattà bouddhique, réfutant celles de Buddhaghosa et de Rhys Davids, mais trouvant dans certains • ouvrages du Mahâyàna des idées qu'il juge compatibles avec les siennes.
En conclusion, M. Bhattacharya soutient que le Bouddha était fidèle à l'esprit des Upanishad et que la différence entre lui et elles « paraît n'être qu'une différence d'accent », le Bouddha, étant plus sauveur que philosophe, s'intéressant plus au Chemin qu'au But, au contraire des auteurs des Upanishad, plus philosophes que sauveurs. Dans six appendices, M. Bhattacharya traite quelques questions secondaires de la doctrine bouddhique à la lumière de sa thèse. Un index multiple très complet termine l'ouvrage. Malgré sa science qui est grande, M. Bhattacharya n'a pas réussi, nous semble-t-il, à prouver que le Bouddha et ses premiers disciples croyaient à l'existence du brahman-âtman des Upanishad. En effet, dans l'état actuel de nos connaissances, il est impossible d'affirmer que les quelques textes canoniques bouddhiques sur lesquels il s'appuie, parmi des milliers d'autres, expriment vraiment les idées du Bouddha et de ses tout premiers disciples, et que les sutra dont il ne fait pas état, mais qui s'accordent mal avec la thèse qu'il défend, sont tardifs et entachés d'hérésie. Cependant, l'effort de M. Bhattacharya n'a pas été vain, loin de là, et sa présente contribution à l'étude du bouddhisme est importante. D'une part, il a bien montré que, dès une haute antiquité, peut-être même dès l'origine, il y eut chez les docteurs bouddhistes auteurs des sutra un courant de pensée étroitement apparenté à la doctrine des Upanishad et que ce courant de pensée a continué à se manifester, plus ou moins ouvertement, à travers toute l'histoire du bouddhisme. Ce fait n'est pas surprenant si l'on se souvient que presque tous les grands maîtres indiens de la doctrine bouddhique étaient de naissance brahmane, selon une tradition que rien ne vient démentir. D'autre part, et cela nous paraît plus important, M. Bhattacharya a contribué à mieux faire comprendre pourquoi les thèses upanishadiques sur l' àlman-brahman ont comme hanté l'esprit des penseurs bouddhiques, même quand ils s'en sont défendus et ont prétendu les réfuter. Derrière les conceptions bouddhiques du nirvana, du dharma, de la tathatâ, de la bouddhatâ, de la sunyatâ, de l'alayavijňána, du tathâgatagarbha, on devine l'âtman- brahman, très subtil, très épuré, très « vide » certes, mais bel et bien présent. On pourrait même dire que c'est cette présence de l'âtman-brahman, même réduite à une ombre, qui empêche la philosophie bouddhique, celles du Mahàyâna comme celle du bouddhisme antique, de sombrer dans le nihilisme qu'elle a toujours vigoureusement réfuté et que les controverses métaphysiques du bouddhisme, qui se situent presque toujours à la frontière de l'être et du néant, sont en quelque sorte des exercices de funambules qui se tiendraient en équilibre sur le fil étroit, invisible mais solide, de l' àtman-brahman. S'il n'a peut-être pas atteint le but qui lui était assigné, l'ouvrage de M. Bhattacharya demeure donc important pour la compréhension de la philosophie bouddhique en ses parties les plus essentielles.
André Bareau
source → https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1975_num_187_1_6187