L'Attention : SATI
Pour rappel, autres messages de ce blog sur l'Attention :
- Les instructions sur la méditation d’Ajahn Chah: L'attention
- Méditation sur la Respiration et Attention.
Plan de ce message:
1) Résumé d'une correspondance entre Bhikkhu Bodhi et Alan Wallace à propos de: "La Nature de Sati et son rôle dans la méditation bouddhiste" (dans la tradition théravada)
2) Attention et Libération par Ajahn Sumedho
3) L'utilité de L'Attention : AMBALATTHIKARAHULOVADA-SUTTA
1) Résumé d'une correspondance entre Bhikkhu Bodhi et Alan Wallace à propos de: La Nature de Sati et son rôle dans la méditation bouddhiste ( dans la tradition théravada)
Alan Wallace:
Quel est le sens du mot pali; sati :
Dans la Tradition Vipassana actuelle, telle qu’elle a été largement diffusée en Occident, sati est plus ou moins définie comme « attention nue » ou la conscience sans jugement, d’instant en instant, de tout ce qui se produit au moment présent.
Mais aucune source autorisée identifie sati à « attention nue » ?
La définition de Buddhaghosa :
« Au moyen de cela (sati), ils (c'est-à-dire les autres processus mentaux) se souviennent, ou elle se souvient elle-même, ou elle est simplement en train de se remémorer, ainsi est sati.
Sa caractéristique n'est pas l’instabilité, sa propriété n'est pas la perte ; sa manifestation consiste à garder, ou à être face à face avec un objet ; sa base consiste à noter avec force ou à appliquer de façon minutieuse l’attention au corps, etc. Il faudrait la considérer à la fois comme un pilier du fait qu'elle est fixée dans l'objet, et comme un gardien qui garde les portes des yeux, etc. » (Visuddhimagga XIV, 141)
Pour Nagasena :
« Sati a la caractéristique d'« appeler l'esprit» et celle de le «saisi ».
« Sati, quand elle apparaît, amène au mental de bonnes et de mauvaises tendances, avec défauts ou sans défauts, inférieures ou raffinées, sombres et pures, toutes avec leur contreparties. Sati, quand elle apparaît, suit les voies des tendances bénéfiques et non-bénéfiques. Ces tendances sont bénéfiques, celles-ci ne le sont pas. Ces tendances sont utiles, celles-ci non. Ainsi, celui qui pratique leyoga rejette les tendances non-bénéfiques et cultive les tendances bénéfiques. »
(Milindapanha 37-38)
Pour le Bouddha lui même :
« Ô moines, quelle est la faculté de sati ? Eh bien moines, le noble disciple a sati, il est rempli de la parfaite sati et d'intelligence, il est celui qui se rappelle, qui retrouve ce qui a été fait et dit il y a longtemps. »
(Samyutta-Nikaya V 197-8 )
Bhikkhu Bodhi:
L’expression « attention nue » fut inventée, par le Vénérable Nyanaponika
Cela représente efficacement un aspect de sati.
Il me faut ajouter que le Vénérable Nyanaponika lui-même ne considérait pas « attention nue » comme traduisant la signification complète de satipatthana, mais comme représentant seulement une phase, la phase initiale, dans le développement de la méditation vers l’attention juste.
Il considérait que, pendant la pratique de l’attention juste, sati doit être intégrée avec sampajanna, la compréhension juste, et c’est seulement quand ces deux aspects fonctionnent ensemble que l’attention juste peut remplir l'objectif voulu.
Alan Wallace:
Ainsi, l’attention nue représente un aspect, ou une application de sati et qu’il s’agit bien d’une phase initiale dans le développement de l’attention juste.
Bhikkhu Bodhi:
Maintenant, voyons le sens de sati :
Il y a un mot souvent employé en relation avec sati, qui, je pense, met en avant une recherche faite pour donner un nouveau sens au mot ancien pali "upatthana".
Ce mot est étroitement lié à sati, d’ailleurs le plus connu des mots composés comprenant sati est le mot satipatthana.
Le mot upatthana a le sens de « présence », « proximité », « service ».
Il semble que ce mot ait été choisi parce qu’il traduit l’impact que la pratique de sati apporte à son domaine objectif ; il rend le domaine objectif présent au mental, il lui permet d’être «près» du mental, de paraître clairement au devant du mental.
On pourrait même attribuer upatthana au côté subjectif de l’expérience plutôt qu’à son côté objectif ; c’est l’activité du mental qui s’occupe de l’objet, la conscience de l’objet.
Upatthana peut aussi vouloir dire « installer » et c’est ce que l’on fait avec la conscience.
Qui est conscient est défini comme upatthitassati : «quelqu’un dont la conscience est installée».
Le méditant qui a assumé la posture juste de méditation « installe la conscience devant lui » (parimukham satim upatthapetva).
Dans la Tradition Pali, on pourrait dire que le samadhi se développe sur la base des quatre satipatthana, au moins de façon sélective.
Dans un texte les quatre satipatthana sont appelés les samadhinimitta qui, je pense, sont les bases du samadhi.
Certains sujets de méditation parmi les satipatthana peuvent être considérés comme des avenues menant au samadhi, c'est-à-dire la conscience de la respiration et la méditation sur les parties du corps.
Celui qui adopte cette approche vers le samadhi devra aussi utiliser, dans les premiers stades, l’exercice du dhammanupassana, consistant à être conscient des cinq obstacles, de leur présence, de leur absence et du moyen de les empêcher de se produire.
On peut utiliser sati dans les exercices qui précèdent pour développer un samadhi puissant, du niveau de jhana, pour ensuite entreprendre la pratique vipassana en entrant dans la phase dhammanupassana où l’on contemple les cinq agrégats, leur apparition et leur disparition.
De cette façon, on pratique satipatthana d'une façon qui utilise samatha comme préliminaire au développement de vipassana.
Alternativement, on peut commencer par sati étendue aux quatre satipatthana, en utilisant peut-être anapanasati comme « objet racine » mais en laissant l’attention prendre n’importe quel objet qui se présente à n’importe quel sens. Une fois que la concentration devient modérément forte, on peut se concentrer sur la contemplation des quatre éléments, puis aller vers la contemplation des cinq agrégats.
Par ce chemin, on se dirige plus vite vers les connaissances vipassana mais sans le bénéfice de
samadhi fort de la première approche qui est dite celle de samathayanika qui utilise samatha comme véhicule pour la pratique.
L’autre approche est celle de vipassanayanika, ou suddhavipassanayanika, celle qui utilise la vision nue comme véhicule.
A considérer les textes des sutta, bien que nous n’y trouvions pas de définition formelle de sati
en termes d’« attention nue », si nous considérons comment sati doit être pratiquée, nous y trouvons un support considérable pour cette idée.
Prenons par exemple le tout début de la section sur l’attention à la respiration dans le Sutta Satipatthana (identique aux instructions sur la respiration ailleurs).
Quand le méditant s’assied, il tient le corps bien droit et il met son attention devant lui «simplement conscient qu’il inspire, qu’il expire » (sato va assasati sato passasati).
Ici, l’attention ne peut vouloir dire « se souvenir » c'est-à-dire « seulement se souvenant, il inspire, se souvenant il expire. » C’est exactement ce qu’il ne doit pas faire, il ne doit pas permette à son mental de s’occuper de souvenirs passés.
Dans la description suivante de cet exercice, il est dit que quand un moine inspire et expire profondément, il sait : « j’inspire et j’expire profondément » et de même pour les respirations courtes.
Ici le mot clef est pajanati « il sait». Cela suggère la présence de panna (le nom rattaché à pajanati) mais je ne pense pas qu’à ce moment panna soit présente comme la « sagesse qui pénètre les vraies caractéristiques des phénomènes ». Il s’agit simplement de la connaissance nue de la qualité de la respiration. L’attention, l’attention nue, amène la qualité de la respiration présente dans l'esprit du méditant – c’est upatthana – et ici s'installe une connaissance très simple de la qualité enregistrant cette qualité : c’est ce qu’indique pajanati.
L’attention, fonctionnant d’une façon simple comme « attention nue », ne se produit pas seule, isolée des autres fonctions mentales.
Une de ces fonctions mentales avec laquelle elle est liée est sampajanna, et ici nous pouvons dire que sampajanna opère comme la simple connaissance de la qualité de la respiration. En termes de commentaires, cela pourrait être gocara-sampajanna, compréhension claire de l’objet de méditation.
Dans le Bouddhisme Theravada classique (et plus largement dans toute la pratique bouddhiste classique), la pratique de satipatthana, pour devenir samma-sati, l’attention juste, doit se dérouler dans le contexte des Quatre Nobles Vérités, c'est-à-dire qu’elle doit être précédée et guidée par la vue juste, et motivée par les intentions justes, sans même mentionner qu’elle doit être associée avec les trois facteurs éthiques de la Voie.
Attention: Il ne s'agit que d'un résumé fait par mes soins; pour lire la correspondance en entier : source : lerefuge
2) Attention et Libération, par Ajahn Sumedho
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gigi