Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    Shoaku makusa

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    Message par Yudo, maître zen Jeu 10 Nov 2016 - 9:31

    Un des chapitres du Shôbôgenzô de maître Dôgen s'intitule Shoaku makusa, ("ne pas faire le mal, faire le bien").

    Dans son dernier livre, Brad Warner en fait une interprétation comme suit:
    "Ne mettez pas de mauvaises actions en actes" ou bien "ne soyez pas un abruti"
    et il paraphrase maître Dôgen comme suit:
    "Même si l'Univers tout entier n'était rien d'autre qu'un tas d'abrutis en train de faire des trucs d'abrutis, il y a quand même une libération à tout simplement ne pas se comporter en abruti".
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    Message par zanshin Ven 11 Nov 2016 - 6:04

    Bonjour Yudo,

    Est-ce que tu aurais une bonne traduction de Shoaku makusa ?
    Merci.
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    Message par Yudo, maître zen Ven 11 Nov 2016 - 9:18

    En voici une réinterprétation par Michael Eido Luetchford

    Shôbôgenzô, chapitre 10 : Shoaku Makusa

    Ne pas faire le mal – Une interprétation moderne, par Michael Eido Luetchford, successeur du Dharma de Gudo Nishijima rôshi.

    D'anciens bouddhas dirent :
    Ne pas faire le mal
    Faire le bien
    Purifie naturellement l'esprit
    Tel est l'enseignement des bouddhas

    Ceci était le précepte commun des Sept Bouddhas légendaires, et a été passé des bouddhas du passé aux bouddhas du présent ; et c'est ainsi que les bouddhas du présent l'ont reçu des bouddhas du passé. Il n'a pas été seulement enseigné par les Sept Bouddhas ; il est enseigné par tous les bouddhas. Nous devons réfléchir à cet enseignement, et nous assurer de pouvoir le mettre en pratique. Et cet enseignement des Sept Bouddhas est toujours reconnaissable comme étant celui des Sept Bouddhas. Car ce qui a été transmis par eux et reçu par nous est juste notre comportement réel. L'enseignement des bouddhas est déjà ici ; c'est l'enseignement, la pratique et l'expérience de centaines, de milliers et de dizaine de milliers de bouddhas.

    Ce dont nous discutons ici est ce que nous considérons être mal, bien, et ni-mal-ni-bien, et le mal n'est que l'une de ces propriétés. Mais cette propriété de « mauvaiseté » est un concept et n'a pas de substance réelle. Et il en va de même de ce que nous pensons être bien et ni-bien-ni-mal. En essence, ces concepts servent à décrire des événements qui sont eux-mêmes quelque chose de réel au présent.

    Mais si nous considérons des événements réels s'étant vraiment produits, nous découvrons effectivement d'innombrables occurrences concrètes qu'on peut décrire avec ces trois propriétés.

    Il y a des similitudes et des différences entre des actes qui sont considérés moralement mauvais dans cette société/culture et des actes qui sont considérés comme moralement mauvais dans d'autres sociétés/cultures. Il y a des similitudes et des différences entre des actes qui sont considérés comme moralement mauvais à différentes périodes de l'histoire humaine. Il y a des similitudes et des différences entre des actes qui seraient considérés comme mauvais dans des sociétés idéales, et des actes qui sont considérés comme moralement mauvais dans des sociétés humaines. Et la différence entre les sens de mal, de bien et de ni-bien-ni-mal entre les mondes bouddhique et séculier est encore plus grande que dans ces cas-là.

    Le bien et le mal se produisent à un moment donné, mais le moment de l'occurrence lui-même n'est pas bien ni mal. Le bien et le mal sont des événements réels, mais la réalité elle-même n'a ni tort ni raison. Lorsque toutes choses sont équilibrées, alors notre idée du mal est équilibrée. Lorsque toutes choses sont équilibrées, alors notre idée du bien est équilibrée. Parce qu'il en est ainsi, apprendre l'état suprême de la sagesse pré-conceptuelle, entendre expliquer le Bouddhisme, nous entraîner avec Zazen et en ressentir les effets nous apportent un état qui est profond, qui embrasse tout et qui est heureux.

    Parfois, nous entendons parler de l'état de suprême sagesse pré-conceptuelle par un enseignant, et parfois par les textes. Du premier, nous l'entendons nous dire « Ne faites pas le mal ! » Aucun enseignement qui ne sonnerait pas comme s'il nous disait « Ne faites pas le mal ! » n'est l'enseignement du Bouddha et est probablement un enseignement fourvoyé. Rappelez-vous que, si cela sonne comme si cela nous disait « Ne faites pas le mal ! », alors c'est l'enseignement authentique du Bouddha. Cce n'est pas comme les règles habituelles de la société, qui sont intentionnellement définies et appliquées ; c'est notre sagesse pré-conceptuelle qui nous le dit. C'est tout simplement notre sagesse pré-conceptuelle qui nous parle. L'admonition elle-même est produite pré-conceptuellement, et elle nous parle donc à partir de notre sagesse pré-conceptuelle. Lorsque nous entendons parler la sagesse pré-conceptuelle, l'entendre nous change ; nous ne voulons alors pas faire le mal, nous manifestons l'état où on ne fait pas le mal, et le mal continue à ne pas être fait. Juste à ce moment-là, nous réalisons le pouvoir de la pratique de Zazen. Et notre réalisation est aussi large que la terre tout entière, le monde tout-entier, à travers l'entièreté du temps, et l'entièreté de la réalité. C'est dire à quel point est large le fait de ne pas faire le mal.

    Aucun mal de peut être fait par une personne qui est pleinement dans cet instant et dans cet endroit, même si elle vit là où elle pourrait faire le mal, affronte des circonstances dans lesquelles elle pourrait faire le mal, et s'associe avec des amis qui font le mal. Le pouvoir de ne pas faire le mal est mis en action, aucun mal concret n'est fait et c'est ainsi que les qualités qui caractérisent une action mauvaise n'apparaissent pas. C'est juste le fait de savoir si on fait ou si on ne fait pas. Juste à ce moment, on réalise la vérité selon laquelle le mal n'est pas quelque chose qui nous envahit, ou que nous devons détruire. Lorsque nous agissons pleinement, unissant corps et esprit, alors nous voyons la situation clairement juste avant le moment de l'action, et nous remarquons le fait que nous n'avons pas fait le mal dans le fond de notre esprit par la suite. Lorsque la personne ineffable qui est Je agit, unissant pleinement son corps et son esprit, le pouvoir de tous les aspects mentaux et physiques de la réalité apparaissent sur le champ.

    Mais il n'y a pas de séparation entre ces aspects mentaux et physiques de la réalité et notre action. Lorsque tous ces aspects mentaux et physiques de la réalité se combinent en action à l'instant présent, leur pouvoir à cet instant est la plénitude de l'action elle-même. Lorsque nous agissons en unité avec les montagnes, les rivières, et la terre, le soleil, la lune et les étoiles, alors les montagnes, les rivières, et la terre, le soleil, la lune et les étoiles agissent aussi en unité avec nous. Ce n'est pas juste une occurrence momentanée ; cela se passe à tout instant. De sorte qu'être dans l'instant où nous sommes éveillés à la réalité est la cause des bouddhas des trois époques, agissant avec le corps-et-esprit indivis, étant enseignés par la réalité et ressentant les effets de cela. Mais aucun des bouddhas n'a jamais vu l'enseignement qu'ils reçoivent et l'effet qu'ils ressentent comme étant séparés d'eux, et ni l'acte, ni l'enseignement, ni l'expérience n'ont jamais été séparés d'eux. Donc, lorsque l'acte, l'enseignement et l'expérience font agir les bouddhas de corps-et-esprit indivis, aucun des bouddhas ne tente de résister, avant, pendant ou après l'instant.

    Pendant les heures du jour et de la nuit, alors que nous sommes assis, debout, en train de marcher ou couchés, nous devons réfléchir au fait que, lorsque les gens ordinaires deviennent des bouddhas, ils ne perturbent pas l'état de bouddha qui a toujours été leur. Et lorsque les gens ordinaires deviennent des bouddhas, ils ne détruisent pas leur caractère de gens ordinaires. Ils n'en enlèvent rien ni n'y ajoutent rien. Mais ils ont transcendé l'état de personne ordinaire.

    Nous acceptons le fait qu'il y a le bien-et-mal et la cause-et-effet dans ce que nous faisons. Mais nous ne tentons pas de changer l'effet que nous causons, ni ne tentons de causer un effet particulier. Et parfois, c'est la cause-et-effet qui nous fait agir. Cet état, dans lequel nous pouvons voir clairement la cause et son effet, est l'état qu'on appelle ne pas faire le mal ; il n'apparaît ni à cet instant, ni n'est un état constant. Et en cet état, nous ne nions pas que l'effet inévitablement suit la cause, ni ne nous laissons prendre au piège d'une idée déterministe. C'est l'état dans lequel la division entre corps et esprit disparaît.

    Si nous étudions de cette manière, nous nous rendons compte que mal est simplement affaire de ne pas faire le mal. Et aidés par cette réalisation, nous pouvons voir clairement que le mot mal signifie toujours ne pas faire ! Nous confirmons ceci de façon absolue dans la pratique de Zazen. En réalisant que le mal est toujours juste une affaire de ne pas faire le mal, juste à l'instant présent, il n'y a ni causes ni conditions qui produisent le mal, ou qui fassent disparaître le mal ; c'est juste une affaire de ne pas faire le mal. Si notre idée du mal est équilibrée, toutes choses sont équilibrées. Les gens qui comprennent que le mal surgit des causes et des circonstances, mais ne voient pas que les circonstances, les causes et eux-mêmes sont tous dans l'état momentané de ne pas faire le mal font vraiment pitié ! On dit que la nature de la bouddhéité surgit des circonstances, mais également que les circonstances surgissent de la nature de la bouddhéité.

    Il n'est pas juste de dire que le mal n'existe pas ; c'est juste une affaire de ne pas faire le mal. Il n'est pas juste de dire que le mal existe ; c'est juste une affaire de ne pas faire le mal. Le mal n'est pas seulement un concept abstrait ; c'est juste une affaire de ne pas faire le mal. Le mal n'est pas seulement un événement concret ; c'est juste une affaire de ne pas faire le mal. Et ceci ne signifie pas l'idée de « ne pas faire le mal » ; cela signifie vraiment ne pas faire le mal !

    Prenons par exemple le pin au printemps ; il ne reste ni le même ni ne change constamment, il est juste dans l'état momentané appelé ne pas faire le mal. Prenons aussi l'exemple des chrysanthèmes en automne ; ils ne restent ni les mêmes ni ne changent constamment, ils sont juste dans l'état momentané appelé ne pas faire le mal. Les bouddhas aussi ne restent ni les mêmes ni ne changent constamment, ils sont juste dans l'état momentané appelé ne pas faire le mal. Des choses comme ces piliers, dehors, cette lanterne de pierre là-bas, ce chasse-mouches que je tiens, ce bâton que vous tenez, ne restent ni les mêmes ni ne changent constamment, ils sont tous juste dans l'état momentané appelé ne pas faire le mal. Je ne demeure pas le même ni ne suis constamment en train de changer, je suis juste dans l'état momentané appelé ne pas faire le mal.

    Etudier en pratique de cette façon à partir des deux points de vue subjectif et objectif est l'Univers fait réel, et c'est aussi la réalisation universelle. Lorsque nous sommes déjà dans l'état de ne pas faire le mal, aucun mal ne peut être fait, et même regretter d'avoir fait quelque chose qu'on n'aurait pas dû faire est juste une source d'énergie pour promouvoir notre effort de ne pas faire le mal. Mais si quiconque pense que, puisque l'état de ne pas faire le mal est ainsi, alors on ne peut pas faire le mal même en essayant, ceux-là marchent vers le nord en s'attendant à arriver sur la côte sud.

    La relation que je veux exprimer entre le mal et ne pas faire n'est pas univoque. Même si, lorsqu'un âne regarde dans un puits, le puits regarde aussi l'âne, le puits se regarde aussi lui-même et l'âne regarde lui aussi l'âne ; la personne se regarde elle-même, les montagnes se regardent elles-mêmes. C'est parce que le Bouddhisme enseigne ce principe de la pleine manifestation à l'instant présent que le mal est juste une affaire de ne pas faire.

    La forme réelle du Bouddha dans le monde est tout comme l'espace ; chaque chose l'amène à manifester sa forme différemment, comme des surfaces d'eaux différentes reflètent toutes l'image de la lune.

    Ne pas faire le mal est une chose qui se manifeste à l'instant présent, et devient donc réel à chaque forme réelle. Tout comme l'espace, cela manifeste sa forme à chaque instant présent séparé. C'est comme les images de la lune reflétées sur les différents plans d'eau, et en même temps, les différents plans d'eau qui sont faits réels par les images de la lune qu'ils reflètent. N'en doutons pas : cet état de ne pas faire le mal devient réel à tout instant.

    Faire le bien. Le bien est une des trois propriétés conceptuelles : le mal, le bien, et ni-bien-ni-mal. Le concept de bien recouvre de nombreuses bonnes actions concrètes, mais cela ne signifie pas que l'action bonne existe déjà quelque part, attendant que quelqu'un vienne et la fasse. Cependant, l'instant même où quelqu'un fait le bien embrasse tous les nombreux concepts de bien. Toutes les formes de bien auxquelles nous puissions penser sont tirées vers l'endroit où est fait le bien, comme par un aimant. Rien sur Terre ne peut mettre fin à cette fusion des nombreuses formes de bien et de bonne action.

    D'un autre côté, comme pour le mal, ce que nous reconnaissons comme bien varie selon les différentes sociétés et cultures. De même que les bouddhas du passé, du présent et du futur enseignent la vérité dans la forme sous laquelle ils la voient, ce que nous voyons comme bien, nous l'appelons bien. Mais quoique les bouddhas enseignent la vérité de leur propre temps dans le monde comme ils la voient, comme leur existence à eux aussi est momentanée, ils enseignent tous la vérité qui va au-delà de la discrimination intellectuelle. De sorte que, même s'il n'y a qu'une sorte de bien, le « bien » d'une personne en quête de la vérité par l'étude intellectuelle et la croyance, et le « bien » d'une personne en quête de la vérité par l'action sont très différents.

    Par exemple, la façon dont les bouddhistes intellectuels observent les préceptes enfreint les préceptes tels qu'ils sont observés par les bouddhistes en quête de la vérité dans leur vie quotidienne. Les actions concrètes bonnes ne surgissent pas des causes et des circonstances, et ne sont pas amenées à disparaître par les causes et les circonstances. Les actions concrètes bonnes sont des événements réels, mais tous les événements réels ne sont pas action concrète bonne. Le point commun entre les causes et les circonstances qui surgissent et disparaissent, et les actions concrètes bonnes, c'est que si elles commencent bien, elles se terminent bien.

    L'action concrète bonne est ce qu'on entend par faire le bien. Mais elle n'est pas faite par le soi et ne peut être reconnue par le soi ; elle n'est pas non plus faite ni reconnue par le monde. Dans les conceptions intellectuelles basées sur la séparation entre le soi et le monde, la perception est également basée sur la séparation entre le soi et le monde. Mais la perception sans voiles des bouddhistes est comme quand on regarde le soleil ou la lune ; c'est faire le bien. Au moment où le bien est fait, on fait que le bien soit réel. Mais ce bien réel ne surgit pas à cet instant pour la première fois, et il ne persiste pas dans celui qui le fait. Il ne faut donc pas imaginer que c'est notre comportement originel. L'action bonne est de faire le bien, mais nous ne devons pas le comprendre intellectuellement. Faire le bien à l'instant présent est perception sans voiles, mais on ne doit pas le comprendre intellectuellement. Notre perception sans voiles n'apparaît pas pour que nous puissions en parler intellectuellement. La pensée fondée sur une perception sans voiles n'est pas la même chose que les autres sortes de pensée.

    Il ne s'agit pas de savoir si l'action concrète bonne existe ou n'existe pas, ou si elle provient du côté physique ou mental ; c'est juste faire le bien. L'action bonne est, partout et toujours sans exception, réelle. Faire le bien est toujours une action concrète. C'est l'action qui rend réelles les choses, et le surgissement et la disparition des causes et des circonstances sont sans rapport avec elle. L'action est ainsi de part en part. Lorsqu'on fait une bonne action réelle parmi toutes les « bonnes actions » imaginées, cet état réel fait que tout soit réel.

    La cause et l'effet de ce faire le bien sont aussi bonne action réelle. On ne devrait pas toujours en déduire que la cause vient en premier et que l'effet s'ensuit ; ce sont dans les deux cas des bonnes actions indépendantes. La cause est équilibrée en étant telle qu'elle est ; l'effet est équilibré en étant tel qu'il est. Quoiqu'on sache que l'effet suit la cause, la relation entre cause et effet n'est pas seulement que l'une vient en premier et l'autre suit ; il y a aussi la vérité que l'instant d'avant et l'instant d'après sont équilibrés tels qu'ils sont.

    Purifie naturellement l'esprit. Ceci signifie que purifie naturellement l'esprit est identique à ne pas faire le mal. Il n'y a pas un processus de ne pas faire le mal qui conduit l'esprit à se purifier ; il s'agit d'une identité, non d'un processus. C'est pourquoi les Anciens Bouddhas disaient : « Ceci est l'enseignement des bouddhas ». Les nombreux bouddhas peuvent inclure Shiva, par exemple (le dieu Hindou de la destruction et de la rénovation), mais il y a de nombreuses sortes de différents dieux et ils ne sont pas tous des bouddhas. Il y a, par exemple, Chakravarti-raja, mais toutes les personnes comme lui ne sont pas des bouddhas. Il nous faut étudier ceci avec soin. Si on n'apprend pas ce que sont les bouddhas, alors, même si on peut avoir l'impression de faire un grand effort, on ne vaut pas mieux que les gens ordinaires qui acceptent leur souffrance ; on n'est pas en quête de la vérité du Bouddha. Ne pas faire le mal et faire le bien forment les événements réels de nos vies quotidiennes.

    Haku Kyô-i de la dynastie Tang, en Chine, était un disciple laïc du maître Bukko Nyôman, et disciple à la seconde génération du maître Baso Dô-itsu. Alors qu'il était préfet du district de Koshu, il étudiait le Bouddhisme sous la direction du maître Chôka Dôrin. Un jour, il demanda à son maître : « Quel est le point essentiel du Bouddhisme ? » Dôrin répondit : « Ne pas faire le mal, faire le bien ». Kyô-i répondit : « Cela se peut-il ? Mais, même un gamin de trois ans pourrait donner une pareille réponse ! » Maître Dôrin répondit alors : « Oui, même un gamin de trois ans pourrait donner cette réponse, mais même un vieux de quatre-vingts ans ne peut pas pratiquer ce que dit cet enfant ». Ce qu'entendant, Kyô-i se prosterna devant son maître pour lui montrer sa gratitude, et s'en alla.

    Tout en étant le fils d'un général, Kyô-i avait longtemps été tenu pour un grand poète. On dit de lui qu'il fut l'un des 24 géants littéraires de Chine. Certains ont même dit qu'il était une incarnation de Manjusri, la forme réalisée de la sagesse du Bouddha Gautama. D'autres ont dit qu'il était une incarnation de Maitreya, la forme sous laquelle le Bouddha Gautama reviendrait au monde après sa mort. Tous aimaient sa poésie, et il n'était personne dans le monde littéraire qui n'ait étudié son œuvre. Mais en Bouddhisme, il semble qu'il n'était qu'un débutant, tard venu ! Il semble qu'il n'ait jamais compris le point de ne pas faire le mal, faire le bien, même dans ses rêves ! Kyô-i pensait que Dôrin lui disait juste de « ne pas faire le mal, faire le bien » comme but intentionnel à garder à l'esprit. Il n'a jamais reconnu ni entendu que le principe de ne pas faire le mal, faire le bien fait partie du Bouddhisme depuis le passé éternel jusqu'au présent éternel.

    Kyô-i disait comme il disait parce qu'il n'avait pas fait l'expérience de l'état bouddhique et n'avait donc pas le pouvoir de cet état. Quoique les paroles de maître Dôrin nous mettent en garde de ne pas faire le mal et nous incitent à faire le bien, ce dont il parle, c'est de ne pas faire le mal dans les faits. Cette vérité qu'enseigne le Bouddhisme est toujours la même lorsqu'on l'entend de son enseignant pour la première fois, et lorsqu'on en fait l'expérience par la pratique de Zazen. On peut la décrire avec des phrases comme « bon début, bonne fin », « cause merveilleuse, effet merveilleux », « cause bouddhique, effet bouddhique ». Il ne s'agit pas de discuter si la cause et l'effet sont identiques ou différents. Pour les bouddhas aussi, ce qu'on fait a toujours un effet.

    La vérité dont parle maître Dôrin montre qu'il avait saisi le Bouddhisme. Même si le mal envahit l'Univers, l'enveloppant et l'avalant encore et encore, toujours nous trouverons le salut et la libération dans l'état de ne pas faire le mal. Et faire le bien, action qui est bonne de part en part, constitue l'essence du bien réel en forme, en substance et en puissance.

    Mais Kyô-i n'avait jamais suivi ce parcours, et c'est pourquoi il a répondu : « ...même un gamin de trois ans pourrait donner une réponse aussi facile ! » Ce que disant, il est incapable en réalité d'exprimer la vérité de la situation. Quelle personne pitoyable vous êtes, Kyô-i ! Que dites-vous donc ? Vous ne connaissez pas l'état d'un bouddha, comment donc pourriez-vous connaître celui d'un gamin de trois ans ? Connaissez-vous l'état dans lequel vit un gamin de trois ans ? Si vous connaissez l'état d'un gamin de trois ans, vous connaissez aussi forcément l'état des bouddhas. Comment quiconque qui ignore l'état des bouddhas du passé, du présent et du futur pourrait-il connaître celui d'un gamin de trois ans ?

    On ne devrait pas croire qu'on connaît quelqu'un juste parce qu'on l'a rencontré, ou qu'on ne connaît pas quelqu'un juste parce qu'on ne l'a pas rencontré. Connaître une seule molécule est connaître l'Univers tout entier. Connaître l'essence d'une chose est connaître l'essence de toutes choses. Qui ne connaît pas l'essence de toutes choses ne peut même pas connaître l'essence d'une seule chose. Une personne qui étudie et atteint l'état parfait grâce à Zazen peut connaître l'essence de toutes choses, et l'essence d'une seule. Etudier une chose est en fait étudier l'Univers tout entier. C'est vraiment stupide de penser qu'un gamin de trois ans ne puisse pas enseigner le Bouddhisme, ou de croire qu'un enfant ne puisse parler que de choses simples. Clarifier ce qu'est la vie et clarifier ce qu'est la mort sont la tâche la plus importante dans le Bouddhisme.

    Un maître du passé a dit : « Quand vous venez au monde, même votre premier cri proclame la vérité bouddhique ! » Et la capacité du bébé à proclamer la vérité est exactement la même que celle du Bouddha Gautama ; ce qu'enseigne le bébé est ce qu'enseignait le Bouddha Gautama. Un autre maître du passé a dit : « Les activités quotidiennes de nos vies font de nous des personnes réelles ». Donc, rendre le « vrai moi » clair, et proclamer la vérité du Bouddhisme ne sont jamais faciles, et c'est là la grande tâche de nos vies. C'est pour cela qu'il est si important d'être clair sur les motifs et les actions d'un gamin de trois ans. Mais comme le comportement d'un gamin de trois ans est le même que celui des bouddhas du passé, du présent et du futur, à certains égards, et différent à certains autres, Kyô-i ne pourrait jamais entendre un gamin de trois ans prêcher le Bouddhisme. Il est trop stupide pour soupçonner que ce gamin de trois ans soit en mesure d'enseigner le Bouddhisme, et c'est pour cela qu'il a dit ce qu'il a dit. Il n'a pas entendu ce que Dôrin disait vraiment, même si c'était aussi fort que le tonnerre, et c'est pourquoi il a dit : « ...même un gamin de trois ans peut donner une telle réponse », sous-entendant que maître Dôrin n'avait pas exprimé la vérité avec ces mots.

    Mais les paroles de Kyô-i montrent qu'il n'était pas capable d'entendre un gamin de trois ans prêcher la vérité du Bouddhisme, et que le temps qu'il avait passé avec maître Dôrin avait été en vain. Mais maître Dôrin, dans sa bienveillance, ne pouvait s'empêcher d'ajouter : « Oui, même un gamin de trois ans peut donner une pareille réponse, mais même un vieux de quatre-vingts ans ne peut pratiquer ce que dit cet enfant ». Ce qu'il disait était : « Un enfant de trois ans a des mots pour exprimer la vérité et vous devriez étudier ce fait avec grand soin ». Il est également vrai que pas même un vieillard de quatre-vingts ans ne peut les pratiquer, et cela aussi, nous devons l'étudier avec diligence. Vous pouvez bien avoir une opinion sur l'idée qu'un gamin de trois ans puisse ou pas exprimer la vérité, mais votre opinion n'a aucun rapport avec l'expression réelle du gamin. Vous êtes libres de décider si un vieillard de quatre-vingts ans peut les pratiquer ou pas, mais votre décision est sans rapport avec le comportement réel du vieillard. Ce sont là les principes du Bouddhisme que nous devrions suivre, enseigner et vénérer.

    Sôgôgenzô Shoaku Makusa
    Ce sermon a été donné au temple Kosho Hôrin-ji,
    le soir du 15 août 1240.
    [Cette interprétation moderne fut complétée au Dôgen Sangha de Bristol le 24 janvier 2006].


    Version pâlie:
    Ne faire aucun mal, Sabba paapassa akaranam
    Mettre en œuvre/ entreprendre toute forme de bien, Kusalassa upasampadaa
    Purifier son propre cœur/esprit. Sacitta pariyodapanam
    Tel est l'enseignement des bouddhas. Etam buddhaana saasanam




    Version chinoise :
    Ne pas faire le mal SHOAKU MAKUSA 諸悪莫作
    Faire les nombreuses sortes de bien SHUZEN BUGYO 衆善奉行
    Purifie naturellement l'esprit JIJO GO-I 自淨其意
    Tel est l'enseignement des bouddhas. ZE SHOBUTSU KYO 是諸佛教
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    Message par Kaïkan Ven 11 Nov 2016 - 10:24


    Tout à fait extraordinaire !!! Excellente idée Yudo de nous mettre sur l'étude de ce texte. Je ne me souviens pas de l'avoir lu avant, si ça avait ètè le cas je suppose que je m'en souviendrais ou alors je n'avais rien compris du tout. C'est un texte qui peut transformer profondément la compréhension du karma pour ceux qui s'y intéressent. La notion du karma est pour moi un point crucial de l'étude du bouddhisme et des religions hindouistes notamment le shivaïsme.  
    Shoaku Makusa est un texte à lire d'urgence pour tous ceux qui se sont mis à approfondir l'attitude juste.   Very Happy
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    Message par esprit du débutant Ven 25 Nov 2016 - 1:29

    Bonsoir à tous Smile
    Yudo un grand merci pour nous donner l'occasion de lire, de se plonger dans ce chapitre "shoaku makusa".    Salut-zen bravo

    J'ai hésité longtemps avant de poster un ressentit assez fort mais qui pourtant n'est pas vraiment stupéfiant! Je poste ici, car bien que n'aillant pas encore pris le temps de bien lire ce texte, il regorge pourtant de questions qui semblent aller dans le sens de mes interrogations.

    Depuis quelques temps un questionnement un peu vague me travaille: avant zazen?
    Qu'est ce qui fait qu'à un moment donné je traverse le couloir et m'assois face au mur?
    Sont-ce des conditions favorables qui me mettent en marche? ou bien l'absence de conditions défavorables?
    Ou probablement, favorable/défavorable ne sont que mes résistances au saut dans le moment de l'action?

    Quoi qu'il en soit, les termes "conditions favorables" me renvoient directement à mushotoku. En effet l'assise ne se pratique pas en tournant le regard vers le après, vers des conséquences favorables. Jusqu'à présent mushotoku semblait n'avoir une dimension que vers le futur (vers le profit), un peu comme une réponse à "après zazen?" Je suis peut-être un peu radical ici, car je le vois simplement comme un "sans se tourner vers les conséquences".
    Mais je me rend compte que le profit ce n'est pas que après, et que l'assise ne se pratique pas en tournant le regard vers avant. Un peu comme un "sans se tourner vers les causes" (à l'image de cet homme blessé par la flèche).
    Voilà mushotoku s'étend sur avant et après le moment de l'assise, le moment de l'action, le moment de traverser le couloir. Le moment de zazen c'est sans regarder vers les causes et conséquences. C'est juste zazen au moment de zazen. Et plus généralement le moment de la pratique c'est sans se tourner vers les causes et conséquences. C'est juste la pratique au moment de la pratique.

    je pensais qu'il fallait être sage avant pour faire zazen (pour que l'assise soit zazen). Mais cela c'était séparer le moment d'être sage et le moment de la pratique.
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    Message par zanshin Ven 25 Nov 2016 - 6:58

    C'est un texte qui touche beaucoup et profondément. Je ne pourrais pas dire pourquoi. flower
    En tout cas, merci à Yudo.
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    Message par Kaïkan Sam 10 Déc 2016 - 9:01


    Je reviens sur ce chapitre du Shôbôgenzô, car bien qu'il soit très compréhensible, il est beaucoup plus difficile à mettre en pratique qu'il n'y paraît. Il s'agit, grosso modo, d'essayer de faire le bien et de ne pas faire le mal.
    Prenons par exemple ce qu'on exprime par les paroles ou les écrits. Parfois on veut faire du bien et on blesse par ses propos, inversement on peut avoir la surprise de constater que des paroles qu'on pensait avoir à regretter, ont eu un effet très positif. Bon, il paraît que dans le Bouddhisme c'est la bonne intention qui compte (au niveau du karma), cependant c'est quand même un kôan gigantesque. Dans l'AZI ils avaient tranché en donnant comme parole juste le silence de zazen (dixit Étienne Mokusho Zeisler), mais cela met en doute leur pratique systématique du kusen. Je crois qu'il n'est pas souhaitable de rester muet et simultanément il y a un gros risque qui demande beaucoup d'attention : l'attention juste (7ème sentier).
    Certains auront peut-être une certaine idée là-dessus ?  
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    Message par Fred Sam 10 Déc 2016 - 13:09

    Parler n’est-il pas en quelque sorte un besoin ? Ne serions-nous pas de ce fait contraints tout au long de notre existence d’apprendre à accorder ce besoin à la Loi ? Et justement, le fait qu’il s’agisse d’un apprentissage comporte le fait que nous soyons susceptibles de faire des erreurs. Ce sont ces erreurs qui nous poussent à apprendre justement, puisque ce sont elles et la souffrance à laquelle elles conduisent qui nous ordonnent de progresser il me semble. De surcroît, c’est aussi à mon avis par la reconnaissance des profondes difficultés qu'implique la pratique juste que l'indulgence peut s'approfondir, aussi bien au sujet de nos erreurs que de celles des autres.

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    Message par Kaïkan Dim 11 Déc 2016 - 19:10


    Je suis certain qu'il faut de toute façon faire un petit effort pour retenir les impulsions trop émotionnelles.
    On se fait d'ailleurs mieux comprendre quand on est dans le calme que dans l'excitation.
    En écrivant c'est plus facile parce qu'on peut se reprendre, corriger, changer certaines expressions, etc.
    En parlant, il faut être bien plus attentif car un mot malhabile est plus dur à "faire passer".   Wink

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