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    Fred
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    Message par Fred Dim 1 Déc 2019 - 11:18

    JE est un TU.

    ---

    La question que je voudrais analyser ici, concerne ce qu’on pourrait appeler dans un premier temps l’identification de l’individu au pronom personnel « je ». Je précise que mon but n’est pas de remettre en cause la légitimité de ce principe d’identification, mais seulement de l’interroger.

    On sait que le nourrisson est incapable d’une telle identification, mais que c’est par le biais d’un apprentissage que plus tard cette dernière deviendra pleinement opérationnelle (l’apprentissage dure deux ans pour être parfaitement assimilé).

    Le terme « apprentissage » signifie qu’il existe un rapport entre apprenti et enseignant, autrement dit entre le petit d’homme et ses parents. Le principe de cet apprentissage de l’individuation sera donc le fait d’une transmission et sera donc dépendant d’un apport d’informations extérieures au bébé, à savoir un apport d’informations en grande partie allant des parents vers le bébé.

    Analysons un instant le rapport professeur/élève en considérant le point de vue du professeur. Que voit le professeur ? Il voit ce que chacun voit dans son rapport à l’altérité. Il voit bébé ou plus exactement il voit le corps de bébé, ou encore, plus largement, il voit son extériorité. Je veux dire par là que le professeur ne se trouve pas dans la tête de bébé, il le connait comme tout un chacun connait l’autre, à savoir selon ce que l’autre laisse percevoir de lui-même. Bébé est donc objectivé en tant qu’individu à part entière par le biais d’un regard extérieur à lui-même pour lequel, et c’est à cela que je veux arriver, ce bébé est un « tu ». En effet, Maman dira : « toi qui est devant mes yeux, tu es mon enfant » ou encore, « ce corps, cette extériorité que je vois et qui réagit à mes soins, ce corps que je vois et qui est mon enfant, c’est toi, mon bébé. »

    Voilà qui commence donc à préciser le pourquoi du titre de ce sujet. La transmission du moi ne se fait pas directement mais indirectement. Le professeur n’enseigne pas à son élève à dire « je », il lui enseigne à répondre au vocable « tu » par lequel il le désigne, en l’invitant à répondre en retour : « je ».  

    A ce « tu » employé par le professeur, correspond donc le « je » employé par l’élève. Aussi, ce « je » dit implicitement : « Moi, petit d’homme je suis celui que toi mon professeur, tu appelles « tu », je suis ce que tu vois, je suis ce corps, je suis cette extériorité.»

    J’ai dit que cette question qui nous concerne ici pouvait dans un premier temps être appelée : -identification de l’individu au pronom personnel « je » -. Au vu de ce qui vient d’être dit, je conclurai en disant que cette identification s’avérerait plutôt être le fait d’un échange spontané et permanent entre le vocable « je » (constamment impliqué dans notre réalité narrative), et ce corps qui est le nôtre, sorte de partie de tennis dans laquelle les deux seraient partenaires en se définissant chacun comme reflet de l’autre, ceci pour permettre bien sûr l’expression du sentiment de l’existence du moi.

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    Message par Zenoob Lun 2 Déc 2019 - 9:17

    On travaille beaucoup là dessus en linguistique. Il est aussi à noter qu'en fait, "je" ne renvoie pas toujours à la personne qui parle, notamment dans le cas que tu évoques. Beaucoup de mères s'adressent à leur enfant à la première personne, en se mettant à sa place : "ohlala j'ai faim moi alors et je vais boire mon bon petit biberon", etc. Sans compter tous les phénomènes d'adresse à soi même, de discours rapporté, dans lesquels ces pronoms sont complètement détachés de la personne à qui ils devraient référer (exemple typique : "Et je me suis dit : "pourquoi tu te prends la tête à réfléchir sur les pronoms personnels" ?" où "je" et "tu" renvoient à la même personne : celui qui parle). En fait, on considère aujourd'hui que les pronoms sont complètement détachés des sujets eux mêmes : ce sont juste des outils linguistiques pour désigner "la personne qui parle" (je), "la personne à qui je parle" (tu), ou "la personne dont il est question" (il). Leur relation à des identités de personnes n'est pas due aux pronoms mais aux situations dans lesquelles ils sont produits.

    Autre exemple prise de tête : Lucie attend son grand père à la maison, qui doit arriver avant son mari. Le mari de Lucie le sait. Finalement, imprévu : c'est le mari qui rentre en premier. Lucie demande "C'est toi ?", croyant s'adresser au grand père. Et le mari répond "Non, c'est moi". On voit bien ici que "moi" et "toi" sont complètement dépendants du contexte pour être interprétés, et ne sont pas attachés aux sujets mais à des rôles temporaires dans l'interaction.

    Pour une analyse sémantique un peu sérieuse (ce sont les notes de conférence, assez récentes, d'un collègue qui travaille là dessus depuis des années) :

    https://mediaserveur.u-bourgogne.fr/protected/videos/v1255e555be1d3srw8s1uhlpjnif29/attachments/presentation-de-g-kleiber.pdf


    Dernière édition par Zenoob le Lun 2 Déc 2019 - 10:12, édité 1 fois
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    Message par Yudo, maître zen Lun 2 Déc 2019 - 10:08

    C'est ce que je dis tout le temps. Ego est le mot latin pour je. Et je n'existe qu'en tant que fiction grammaticale pour nous aider à situer qui parle dans le discours.
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    Message par Zenoob Lun 2 Déc 2019 - 10:14

    C'est exactement ça.

    Le problème c'est qu'on s'identifie abusivement à ce "je", parce que c'est le pronom qu'on utilise en général pour penser ; mais comme disait Lacan, "ça pense là où je ne suis pas"...

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    Message par Fred Lun 2 Déc 2019 - 14:18

    zenoob a écrit:Le problème c'est qu'on s'identifie abusivement à ce "je"

    C'est là où je dirais que ce n'est pas "on" (correspondant au "je") qui s'identifie au "je". Pour préciser, quand tu dis : "on" s'identifie abusivement à ce "je", ce que cela veut dire, c'est que "on", à savoir chaque "je", s'identifie au "je", donc en somme : "je" m'identifie au "je".  Dans cette équation on ne trouve pas réponse à "quoi s'identifie ou adhère à quoi ?", en effet, JE ne peut pas adhérer à JE, ce serait comme dire qu'une chose puisse adhérer à elle-même. Pour qu'il y-ait adhérence, il faut nécessairement se rapporter à l'existence du rapport entre deux choses. C'est pourquoi j'ai voulu mentionner ce rapport de la manière suivante : je=corps/extériorité, ou JE adhère à corps/extériorité, à savoir TU (l'image que je renvois ou que je crois renvoyer).

    Ce que la jeune femme montre sur la photo en présumant qu'elle puisse dire pour accompagner ce geste : "c'est moi", ce qu'elle montre donc, c'est ce que je vois d'elle (tu) et non ce que elle voit d'elle-même (comprenant son intériorité inexistante à mon regard). Aussi, le pouvoir de dire JE, me semble provenir de la mise en place de la faculté de se placer dans le regard de l'autre (le miroir participera grandement à cette mise en place). D'où le fait de dire que JE=TU. Ce qui se produira donc à mon sens concernant l'identification, c'est que JE (vocable) adhère à -extériorité (TU)- ou encore JE (vocable) est en mutuelle résonance avec -extériorité (TU)-

    En résumé, les deux termes de l'équation me semblent être :
    Vocable JE=sensation de sa propre extériorité.
    Sensation de sa propre extériorité = vocable JE

    Le terme =, qui pourrait ici être traduit par celui de "appel", un appel en l'occurrence mutuel où une sensation physique répond à l'appel du vocable JE, et ou le vocable JE appel une sensation physique. Ce qui donnerait de la consistance au JE, ce serait cette sensation.
    Plus intense sera la sensation, plus il y-aura d'adhérence.
    Ce qui tout bonnement veut dire : Plus je suis attaché à mon apparence, plus le Je en sera rempli.

    Zenoob a écrit: mais comme disait Lacan, "ça pense là où je ne suis pas"...

    Certainement, mais une telle considération provient déjà d'un esprit détaché.

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