par Yudo, maître zen Ven 29 Mai 2020 - 22:07
Ma soeur est morte ainsi, il y a un an et demi. Elle avait un cancer de l'iléon, et à partir du moment où elle a su qu'elle allait y rester, elle l'a demandée, pour le 11 septembre. (Tiens! Je n'avais pas fait le rapport: elle devait être au WTC à New-York, ce jour là, mais des problèmes de logistique l'en avaient empêchée). Dans les semaines qui ont précédé son décès, je l'ai eue au téléphone au moins une fois par semaine. Au téléphone, sa voix me paraissait tout à fait normale; elle, m'expliquait qu'elle était très mal en point, et qu'elle devait descendre et monter de et à sa chambre à quatre pattes dans l'escalier.
La veille de sa mort, par contre, sa voix me montrait de façon évidente qu'elle n'en pouvait plus.
Et je dois dire que de savoir qu'elle est morte chez elle, dans sa chambre, avec ses enfants autour d'elle, m'a paru très réconfortant.
Dans le cas de cette dame qui a mal partout, et alors qu'ailleurs elle pourrait en finir sans problème si elle habitait en Belgique, en Suisse ou au Québec, il faut dire que la France est un pays très autoritaire où les gens qui font partie de l'administration ont une tendance forte à "savoir" ce qui est bon pour le peuple. Et l'aide à mourir est aussi quelque chose où l'individu prend une décision autonome qui échappe à l'appareil. Je crois que c'est un peu ce qui se passe.
Mais autant je pense que le suicide est "condamnable" (je mets des guillemets, parce que ma "condamnation" ne se pose pas dans les mêmes termes que pour des catholiques), au sens où je pense que la fuite devant les difficultés est un mauvais choix, autant je pense que, pour quelqu'un qui est en fin de vie, il est logique et admissible d'en finir dans des conditions confortables, plutôt que de souffrir inutilement. La caractéristique du christianisme, en particulier dans sa version catholique, est le dolorisme, où on doit souffrir en silence, alors que le bouddhisme propose la fin de la souffrance. Il nous paraît donc logique d'accepter ce droit à la fin de vie, même si celle-ci soulève plein de problèmes d'éthique, car il faut aussi éviter l'eugénisme, où ce serait l'état ou ses représentants qui pourraient prendre la décision à la place de la personne, ou les parents pour se débarrasser d'un ancêtre trop vivace par rapport à leurs espérances d'héritage.
Tout cela apporte donc, je crois une lueur d'explication sur ce problème. L'administration française ne veut rien lâcher et les élites intellectuelles et religieuses s'opposent sur des bases en rapport avec leurs propres valeurs religieuses. On ne doit donc pas s'étonner de ce retard, en conséquence.