Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    Pleine conscience

    Kaïkan
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    Message par Kaïkan Jeu 10 Déc 2020 - 16:59


    Pleine conscience


    Tout le monde parle en ce moment de "pleine conscience". Cependant il y a une grande différence entre le Zen, c’est-à dire la pratique quotidienne de zazen et les autres formes de méditation. Il est possible de trouver sur internet toutes sortes d’explications au sujet des différences entre le zen et les autres formes de méditation, pourtant j’éprouve le besoin de remettre les pendules à l’heure en ajoutant mon propre point de vue sur la question.

    Le Zen est une tradition bouddhiste et l’école Sõtõ, la plus répandue, est celle qui fut amenée du Japon par Taisen Deshimaru.
    La pratique du Zen n’est ni une forme de psychologie, ni une technique de bien-être, ni une technique de développement personnel, ni une philosophie. La voie du zen est bien au-delà, Elle transcende tout, même le Zen lui-même et tous les Dharmas. Elle fait partie du bouddhisme, tradition spirituelle orientale vieille de près de 2600 ans. Amenée de Chine au Japon avec comme racine, le chan chinois et, avant cela, le bouddhisme d’Inde, puisqu-il s’agit de méditation (dhyāna) en posture de lotus (padmasana). L’école zen sôtô est une des écoles principales du bouddhisme au Japon. Elle a comme fondateurs, Shakyamuni Bouddha, puis Maître Dôgen et enfin Maître Keizan.

    Par extension, pratique et réalisation sont une seule et même chose. Nous appelons aussi notre pratique Mokusho-zen (c’est-à-dire “illumination silencieuse”). Mokusho-zen c’est vivre pleinement chaque action de notre vie quotidienne. Chaque instant peut ainsi être une réalisation. C’est comme “heijo shin kore dô” de maître Nansen (“toute action de la vie quotidienne est la Voie”).

    La principale différence est celle-ci : dans toutes les sortes de méditation telles que vipassana, pleine conscience, mindfullness, méditation transcendantale etc., il y a un but ou bien un accès à une certaine sérénité, une obtention d’un profit spirituel.
    Le Zen est dénué de toute obtention même si parfois la pratique engendre un bien-être ce n’est pas dans le sens de la non-obtention qui se nomme mushtoku en japonais. Cela ne signifie pas que le Zen soit nihiliste, mais on considère que finalement la recherche d’un profit personnel est sans fondement.
    Bien sûr tout ceux qui le veulent peuvent commenter ce sujet, cela pourrait faire un débat intéressant.
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    Message par Zenoob Jeu 10 Déc 2020 - 18:36

    Salut Kaïkan,

    Ca fait plaisir de te lire !

    Cela fait maintenant quelques années que je pratique, et ces derniers temps j'affronte quelques tempêtes intérieures comme ça m'arrive de temps à autre. Cela me fait interroger ma pratique à nouveau, et c'est un peu en lien avec ce que tu exprimes dans ton message.

    Je trouve qu'effectivement, il y a un énorme engouement pour la pleine conscience, et que derrière, il y a une vision problématique de l'être humain. Le fait que la pratique de cette "mac méditation" soit consacrée, comme tu le dis bien, à un "aller mieux", "faire mieux", "être mieux", est passé dans l'inconscient général ; et tout cela tend vers une vision un peu idyllique de "comment on devrait être". Toujours bien, toujours gentil, toujours bienveillant, ne surtout pas exprimer sa colère, son désarroi, ou sa souffrance, bref, être un bon petit soldat New Age.

    Personnellement je me rends compte que cela ne me fait pas de bien et que sans le vouloir j'ai un peu intégré cela à ma pratique. Je me suis rendu compte, ces derniers temps, que sur le coussin j'essayais à toute force de régler des émotions difficiles que je traverse actuellement, avec derrière cette idée que le zazen allait - devait - me guérir de ces émotions, que je ne "devrais" pas ressentir puisque je pratique zazen quotidiennement. Je parle par exemple de la colère, de la haine, de la peur. J'ai donc compris, récemment, que c'était se fourvoyer que d'essayer, par ma volonté, de régler ou de faire disparaître les choses qui apparaissent pendant zazen. Néanmoins, cette tendance est très forte en moi : par exemple, je ne supporte pas d'être en colère, je me rends compte que j'ai peur de mes émotions, peur de faire du mal aux autres en les exprimant.

    En ce moment, zazen est donc devenu un peu une lutte, dans laquelle j'essaie de me laisser aller (ahhaha, ce qui est complètement contradictoire - on ne peut pas essayer de se laisser aller, je crois), et souvent je me retrouve submergé dans un bordel émotionnel sans nom que j'essaie de contrôler ou de gérer comme je peux, ce qui évidemment ne fait qu'augmenter le bordel ambiant, ahahahah. Parfois j'appréhende même la pratique car je sais que je vais y passer un sale quart d'heure.

    Je sais bien que c'est à chacun de trouver son cheminement intérieur face à ses démons, mais j'aimerais avoir quelques pistes pour commencer à pouvoir changer de regard sur ces émotions que je juge désagréables et que je refuse... Cela passe sûrement par arrêter de pratiquer juste pour soi, mais j'ai du mal.

    Merci d'avance !
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    Message par Kaïkan Ven 11 Déc 2020 - 9:02


    Bonjour Zenoob.  japonais

    D’abord j’ajouterais que la conscience n’est rien d’autre qu’un skandha qui, je le rappelle, sont : shiki ju so gyo shiki. C’est le dernier shiki qui signifie vijñāna la conscience discriminante, le premier, qui ne s’écrit pas avec le même kanji, signifie nāmarūpa (le nom et la forme). Les autres étant la perception, la sensation et la volition.
    Par conséquent pendant zazen les skandhas vont et viennent librement, parfois apparaissent et disparaissent, ils constituent les agrégats qui constituent ce qu’on appelle la personnalité.
    Ensuite dans "pleine conscience" on dit pleine, mais pleine de quoi ? D’illusions ? En tout cas pleine d’un bric-à-brac plutôt hétéroclite. Ou bien alors on suppose que l’univers entier emplit cette conscience, on parlerait alors d’une conscience qui serait au-delà de la conscience dite discriminante et là on entre dans le domaine  du zen traditionnel. Mais voilà, pour en arriver là il faut laisser passer toutes les pensées comme des nuages dans le ciel, et comment y arriver si on entretient un but, un objectif, une attente de quoi que ce soit en vue de s’améliorer d’une façon ou d’une autre. Il faut vraiment pratiquer hishiryo l’au-delà de la pensée et cela n’est possible que par le sans-but le sans-objectif donc le mushotoku.

    Un jour, après zazen, un moine demanda à Yakusan :
    – « Quand vous êtes assis comme une montagne immobile, comment pensez-vous ? »
    – « Je pense à partir de la non-pensée » répondit le maître.
    – « Mais comment pense-t-on à partir de la non-pensée ? »
    – « Hishiryo ! au-delà de la pensée.

    Hishiryo est un état d'esprit au-delà de la pensée et de la non pensée. Pendant Zazen, c'est la condition normale de la conscience.

    Maître Osho disait : “Chaque fois que quelqu’un commence à s’intéresser à la méditation il commence par essayer d’arrêter de penser. Si vous essayez d’arrêter vos pensées, elles ne s’arrêteront jamais car l’effort même d’arrêter est en soi une pensée, l’effort même de méditer est une pensée, celui d’atteindre la bouddhéité est une pensée. Comment voulez-vous arrêter une pensée par une autre pensée ? Comment pouvez-vous arrêter le mental en créant un autre mental ? Alors vous vous accrocherez à l’autre et cela continuera jusqu’à l’écœurement, cela n’aura pas de fin”.

    Donc si on lâche un peu le mental et notre habitude de tout contrôler, on s’aperçoit que l’on voit surgir toutes sortes de choses refoulées dans le subconscient et on est souvent étonné de ne pas être aussi blanc-blanc qu’on le supposait. C’est tout simplement parce que nous sommes tous avec un côté obscur que nous refoulons et un côté lumineux qu’on s’efforce de montrer à l’entourage. On s’aperçoit qu’on est plein de fausses images, de prétendues vertus qui ne sont qu’un déguisement de pulsions plus obscures que nous souhaitons cacher.
    Mais au lieu de se réjouir d’avoir avec zazen une clé pour ouvrir la cache de nos illusions, nous préférons nous plaindre que finalement ça va de plus en plus mal car nous avions l’espoir d’être tout à fait convenable…

    Alors bien sûr il y a la possibilité de changer mais cela doit être fait avec habileté. Prenons par exemple la colère. C’est une émotion plutôt négative bien que de nos jours tout le monde soit en colère pour différents motifs qu’ils soient liés au corps médical ou aux politiciens. Pourtant il est facile de comprendre que plus on est calme et plus la conscience (discriminante ou pas) peut appliquer les bonnes attitudes en fonction des circonstances.

    Lorsqu’on est plus ou moins colérique ce n’est pas facile de se calmer ; c’est pour cela que l’observation peut permettre de distinguer les prémisses de la colère qui vient, bien avant son déclenchement. Le plus tôt on distinguera les prémisses et le plus tôt on pourra freiner le processus. Il y a une astuce qui consiste à aller se passer les mains sous l’eau froide sitôt que c’est possible quand on sent les prémisses des émotions négatives. Mais c’est à chacun de voir comment il peut gérer tout ça tout en respectant les vœux et l’octuple sentier.


    Yudo, maître zen
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    Message par Yudo, maître zen Sam 12 Déc 2020 - 13:57

    J'observe, en tout cas, qu'il est important, au plan intellectuel, d'effectuer la différence entre la pensée "flash" et la pensée discursive. Je veux dire par là que j'ai observé, il y a longtemps que les idées nous viennent en vrac, en un seul morceau, un peu comme on voit un tableau, avant l'étape de l'analyse de l'histoire de l'art. Ce n'est qu'après que nous commençons à les décortiquer pour en faire un récit, l'étape de l'analyse de l'histoire de l'art.
    Nous avons une idée, et nous commençons à préparer la conférence par laquelle nous révélerons au monde les détails de cette idée merveilleuse. C'est précisément cette étape qu'il faut éviter et laisser tomber.
    C'est pourquoi il est si dangereux de dire, sans préparation, "ne pas penser". Pour ma part, mes séances sont devenues beaucoup plus calmes à partir du moment où j'ai accepté cela. Ce qui ne veut pas dire que je n'ai plus jamais de séances où le vélo tourne inlassablement sans que rien ne puisse l'arrêter, mais que ces moments sont bien moins fréquents.
    Et donc, il y a une chose qu'il est impératif de faire, et qui est d'accepter qu'il n'y a pas de mauvais zazen. La séance de zazen en parfait samadhi pendant toute la période a autant de valeur que l'autre passée dans un tourbillon de pensée pas nécessairement avouables, sans pause de la triple cloche du début à la dernière cloche de la fin. Cela admis, il devient plus facile de laisser tomber lorsque ce genre d'idées nous passe par la tête.
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    Message par Fred Dim 5 Sep 2021 - 19:07

    J’ai l’impression que le mental voudrait nous faire croire à l’existence de méthodes, méthodes qui correspondraient à la possibilité qui serait celle de mettre en place une action psychique durable et opportune pour se maintenir dans un état de bien-être. Se défaire de cette sorte d’illusion peut être une chose qui peut prendre plus ou moins de temps.

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