Fred a écrit:A la radio, j'avais entendu quelqu'un dire que nous étions des lieux d'information. Finalement ce qui se transmettrait peut-être d'individu en individu, c'est cette information et entre autre celle par laquelle quelqu'un se sent être ceci ou cela.
C'est bien ce que je disais plus tôt!
Quant à la notion d
'ego, je pense qu'elle nous vient plutôt du chinois par l'intermédiaire du japonais, où l'on parle de 自我 (jiga), et qui est l'expression utilisée constamment au Japon pour faire fermer leur gueule aux fortes têtes ("Tu as un
jiga trop fort"). Comme c'est étrange?
Je pense que Lulu59 ne se trompe pas. La notion d'
anatman n'est pas le
jiga, c'est une notion plus large, mais elle englobe le jiga. Il s'agit là des problèmes de la traduction du sanscrit au chinois à une époque où les notions de philologie étaient sérieusement moins avancées.
Notre
jiga/ego, autrement dit notre personnalité, est paradoxalement un élément important de la Voie. Sans une personnalité suffisamment affirmée, il est presque impossible d'admettre la notion de non-soi. Mais cette personnalité, il faut bien l'admettre est construite de bric et de broc, et emprunte une majorité de ses éléments à des facteurs qui nous sont extérieurs. En conséquence, l'ego est bien tributaire de la notion de non-soi, parce qu'il n'existe, à l'instar des éléments linguistiques dont il est issu (
ego est le mot latin dont
je est dérivé) qu'en relation aux autres éléments de comparaison. Il est un élément linguistique qui nous permet de nous situer dans un contexte:
moi ici,
tu devant,
il et
elle un peu plus loin, et
nous permettant d'englober ceux et celles qui sont proches de
moi, par opposition à
vous, qui êtes devant, que
vous soient plusieurs ou un seul dont on fait semblant de croire qu'il est si important qu'il est plusieurs. Et
ils qui sont de toutes façons plus loin, eux aussi.
Il est toujours facile de tomber dans l'éternalisme ou le nihilisme, ici, parce qu'on est en fait sur le fil du rasoir. Si ce qui se transmet est de l'information, comme je le pense, il n'y a aucun problème à ce que les divers agrégats se désintègrent, et ne laissent d'autres traces que les éléments de départ qui se réorganiseront autrement. Si c'est de l'information, les phénomènes (attestés) de souvenirs de vies antérieures s'expliquent sans âme éternelle qui puisse transmigrer, sur le même schéma que ce que je racontais à propos de l'ordinateur, l'autre jour. Et ces souvenirs (information) sont suffisamment forts pour conditionner la nouvelle vie à qui ces souvenirs sont infligés.
Mais je comprends que l'angoisse devant la dissolution totale de notre personnalité, de notre "individualité", puisse terrifier ceux et celles qui refusent de franchir ce pas. Celui-ci me paraît pourtant essentiel.