Il y a un moment que je m'interroge à ce sujet, et ma récente rencontre avec Brad Warner et mes derniers voyages (au Japon et en Allemagne) m'ont entraîné à y réfléchir: j''aimerais donc vous faire part de ces réflexions.
Il y a longtemps que, en tant que Québécois (même si je m'approche de plus en plus du point où j'aurai davantage vécu en France qu'au Québec), j'observe en France une très forte tendance à tout intellectualiser, et en particulier l'anti-intellectualisme. C'est, ailleurs, une réflexion sur la tendance qu'avait eu le Bouddhisme indien à intellectualiser l'enseignement qui m'a déclenché cette réflexion.
En effet, à la suite de mon maître, et ayant étudié un bon nombre de suttas du Canon Pâli, j'en suis arrivé à croire fermement que l'enseignement du Bouddha n'était en rien intellectualisant. Non qu'il n'y ait rien eu d'intellectuel chez lui, mais qu'à ce que j'en vois, à chaque fois l'intellectuel se trouvait couplé au matériel et cela dans une attitude poussant à l'action et non à la seule réflexion ou à quelque sorte de nihilisme matérialiste.
Certes, ces deux tendances ont toujours trouvé à s'exprimer, mais je pense que c'est à chaque fois par manque de conscience de l'aspect profondément kinesthétique de l'enseignement bouddhique.
J'ai déjà fait observer qu'une exégèse quadripartite n'est en rien une rareté, et qu'on la retrouve autant au Moyen-Age européen que chez maître Dôgen et qu'elle est essentielle pour éviter de tomber dans le piège du dualisme qui, se contentant des deux parties intellectuelle et matérielle, en vient à oublier l'aspect kinesthétique de l'action et l'aspect poétique de la réalité ineffable.
Mais il existe en France une tendance culturelle très (trop) forte qui consiste à toujours tout ramener à des considérations théoriques selon la formule élégante que j'ai vue l'autre jour à Berlin sur un T-shirt: "Ne me dérangez pas avec la réalité, je veux pouvoir continuer à fantasmer". C'est cette tendance qu'on voit à l'oeuvre dans le nombre invraisemblable d'excommunications qui jaillissent dès que quelqu'un propose quelque chose qui ne colle pas avec la doxa courante. L'exemple le plus courant ces temps-ci est le Front National: au lieu de tenter de voir ce qui pousse de plus en plus de gens vers ce parti (sur lequel je ne me fais aucune illusion) dont la chef est la seule (ou l'une des rares) dans le paysage politique à dire des choses qui touchent ces gens, (et cela même si je sais que c'est pure démagogie de sa part), tout ce que j'entends, c'est des excommunications, du genre "vous devriez avoir honte de voter pour ce parti". Evidemment, ce genre de discours ne peut pas prendre.
Mais il est selon moi caractéristique d'une attitude qui ne cherche pas à voir comment fonctionne la réalité, mais qui ne recourt qu'à l'émotif. Il en va de même lorsque la culture est menacée: les exclamations sont toutes du type "Nous devons protéger notre exception culturelle". Mais je n'entends personne se préoccuper de ce qui s'est pratiqué ailleurs, ni de chercher à démontrer de façon pragmatique la nécessité économique de la culture.
C'est pourquoi, parfois, je m'inquiète pour le Bouddhisme. Ne risquons-nous pas de suivre la même pente, ce que j'avais déjà observé au dojo de Montpellier avec des personnes qui me traitaient d'intellectuel à chaque fois que je leur signalais quelque chose qui n'allait pas, mais dont l'anti-intellectualisme était paradoxalement totalement déconnecté de la réalité tangible des choses.
Votre avis?
Il y a longtemps que, en tant que Québécois (même si je m'approche de plus en plus du point où j'aurai davantage vécu en France qu'au Québec), j'observe en France une très forte tendance à tout intellectualiser, et en particulier l'anti-intellectualisme. C'est, ailleurs, une réflexion sur la tendance qu'avait eu le Bouddhisme indien à intellectualiser l'enseignement qui m'a déclenché cette réflexion.
En effet, à la suite de mon maître, et ayant étudié un bon nombre de suttas du Canon Pâli, j'en suis arrivé à croire fermement que l'enseignement du Bouddha n'était en rien intellectualisant. Non qu'il n'y ait rien eu d'intellectuel chez lui, mais qu'à ce que j'en vois, à chaque fois l'intellectuel se trouvait couplé au matériel et cela dans une attitude poussant à l'action et non à la seule réflexion ou à quelque sorte de nihilisme matérialiste.
Certes, ces deux tendances ont toujours trouvé à s'exprimer, mais je pense que c'est à chaque fois par manque de conscience de l'aspect profondément kinesthétique de l'enseignement bouddhique.
J'ai déjà fait observer qu'une exégèse quadripartite n'est en rien une rareté, et qu'on la retrouve autant au Moyen-Age européen que chez maître Dôgen et qu'elle est essentielle pour éviter de tomber dans le piège du dualisme qui, se contentant des deux parties intellectuelle et matérielle, en vient à oublier l'aspect kinesthétique de l'action et l'aspect poétique de la réalité ineffable.
Mais il existe en France une tendance culturelle très (trop) forte qui consiste à toujours tout ramener à des considérations théoriques selon la formule élégante que j'ai vue l'autre jour à Berlin sur un T-shirt: "Ne me dérangez pas avec la réalité, je veux pouvoir continuer à fantasmer". C'est cette tendance qu'on voit à l'oeuvre dans le nombre invraisemblable d'excommunications qui jaillissent dès que quelqu'un propose quelque chose qui ne colle pas avec la doxa courante. L'exemple le plus courant ces temps-ci est le Front National: au lieu de tenter de voir ce qui pousse de plus en plus de gens vers ce parti (sur lequel je ne me fais aucune illusion) dont la chef est la seule (ou l'une des rares) dans le paysage politique à dire des choses qui touchent ces gens, (et cela même si je sais que c'est pure démagogie de sa part), tout ce que j'entends, c'est des excommunications, du genre "vous devriez avoir honte de voter pour ce parti". Evidemment, ce genre de discours ne peut pas prendre.
Mais il est selon moi caractéristique d'une attitude qui ne cherche pas à voir comment fonctionne la réalité, mais qui ne recourt qu'à l'émotif. Il en va de même lorsque la culture est menacée: les exclamations sont toutes du type "Nous devons protéger notre exception culturelle". Mais je n'entends personne se préoccuper de ce qui s'est pratiqué ailleurs, ni de chercher à démontrer de façon pragmatique la nécessité économique de la culture.
C'est pourquoi, parfois, je m'inquiète pour le Bouddhisme. Ne risquons-nous pas de suivre la même pente, ce que j'avais déjà observé au dojo de Montpellier avec des personnes qui me traitaient d'intellectuel à chaque fois que je leur signalais quelque chose qui n'allait pas, mais dont l'anti-intellectualisme était paradoxalement totalement déconnecté de la réalité tangible des choses.
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