Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    La sensation d'indépendance du moi

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    Message par Fred Lun 2 Fév 2009 - 16:10

    Nous avons tendance à penser ou plutôt à ressentir me semble t’il que notre égo produit des pensées. Or, cela me semble une vue fausse. Ce que je perçois personnellement, c’est que certaines de nos pensées portent en elles la sensation du « moi ».

    La sensation d’indépendance du moi vis-à-vis de nos pensées, sensation qui nous donne l’impression d’avoir un pouvoir sur celles-ci (nous sentons par exemple pouvoir gérer le fait qu’elles apparaissent ou non) et nous laisse croire à cette configuration dualiste ; dresseur- dressé, est indissociable de toute la structure de telle pensée qui traverse à tel moment notre esprit. En d’autres termes, la sensation d’indépendance du moi est dépendante de certaines pensées qui s’articulent de telle façon qu’apparaisse cette sensation d’indépendance. Mais cette indépendance n’existe pas de fait.

    Surement pour la plupart d’entre vous qui pratiquez la méditation cette constatation semble être une façon d’enfoncer des portes ouvertes, mais ce n’est pas grave, peut-être avez-vous tout de même un avis sur la question.

    Bien à vous.

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    Message par Invité Lun 2 Fév 2009 - 16:48

    Je trouve que tu es loin d'enfoncer des portes ouvertes mais, au contraire, que tu mets le doigt sur quelque chose d'essentiel dans la pratique du zen (mais au plan philosophique également). Ordinairement, l'homme dit "je pense" (et l'autre ajoute "donc je suis"). Descartes a clairement mis en avant le fait que l'activité ordinaire de l'esprit, "précèderait" (au sens principiel et non temporel) l'essence. De ce point de vue, il est clair que l'homme ne peut être maître de ses pensées mais, au contraire, qu'il en est le "jouet". Ce sont les pensées qui le font exister (ou être). C'est bien évidemment discutable. L'homme qui ne pense pas ne cesse pas d'être et, un homme plongé dans le coma ne pense pas, ce qui ne l'empêche nullement d'exister. Mais dans un cas comme dans l'autre, la "non-pensée" est bien le moyen le plus utilisé dans le zen pour "effacer" toute trace d'existence individuelle (d'égo). Et le coma n'est pas le meilleur moyen d'avoir l'impression d'exister... Sad

    Mais ton fil renvoie à autre chose qui dépasse largement le cadre philosophique entrepris par Descartes. Dans ma compréhension du zen, l'activité de l'esprit, quelle qu'elle soit (donc pas uniquement la pensée), est de la nature du verbe, c'est à dire qu'elle n'est pas de nature substancielle. Mais alors, d'où vient l'impression de substance, c'est à dire d'un "moi" qui pense ? Sans "introspection", il est difficile de mettre en évidence le fait que ce "moi" est produit par l'esprit lui-même. Là où il y a un "moi" qui s'élève, il y a conscience (et donc présence d'esprit) pour en témoigner. Le témoin est donc la "présence d'esprit" et non le moi lui-même. Cela indique bien que le moi n'est pas le sujet qui pense mais bien une chose (substance) pensée. Ce n'est pas le moi qui comprend, qui voit, qui entend... Mais alors, me direz-vous, qu'est-ce donc ? La réponse est dans cette chose même qui pose la question. Ne cherchez pas à la voir car ce n'est pas une substance. Ne cherchez pas à l'être car vous l'êtes déjà. Laughing
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    Message par Fa Lun 2 Fév 2009 - 17:59

    Oui c'est pensées d'indépendance reposent sur des postulats implicites...Dont il nous faut démonter la logique.
    Nous avons évolué depuis la naissance, dans l'idée d'une séparation intrinsèque entre le moi et le non-moi.C'est inscrit dans notre biologie.C'est sur cette opposition que s'est construite notre personnalité.
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    Message par Invité Mar 3 Fév 2009 - 11:40

    Je voudrais compléter la réflexion par certains éléments qui sont de nature à prouver qu'il existe une relation étroite entre la pensée et le moi. Prenons l'exemple du schizophrène. Selon l'avis des spécialistes, la schizophrénie serait l'expression d'une destructuration du moi. De fait, quand le schizophrène pense, il n'associe pas nécessairement la pensée à son propre moi, ce qui lui fait dire qu'il "entend des voix". Ces voix sont évidemment l'expression de l'activité consciente de son esprit, mais il est incapable de les associer à lui-même, c'est à dire à son moi. Concernant les hallucinations visuelles, le cas est similaire. Le schizophrène peut penser à quelqu'un en image mais, dans l'incapacité qu'il est de reconnaître "sa" propre pensée, les images se retrouvent à "l'extérieur" de lui-même.

    Ceci montre aussi l'intérêt de l'égo. De mon point de vue, l'égo est une stratégie codée par la nature pour permettre à l'homme de vivre sans danger dans son environnement. On sait bien que les schizophrènes non traités sont des dangers pour eux-mêmes comme pour les autres. L'égo est donc utile. Là où se pose le problème, c'est quand il y a adhérence (ou adhésion) à l'égo comme si celui-ci était non pas une stratégie de la nature (une sorte de masque ou de barrière en quelque sorte) mais notre véritable nature. Alors on cherche à consolider l'égo pour le rendre "plus fort" ou, si c'est impossible, on se débrouille pour éviter les situations difficiles (quand il y aura dévalorisation de l'égo par exemple). On se trompe évidemment d'adversaire puisqu'on prend l'outil de protection de l'être (éléboré par la nature de l'esprit) pour l'être lui-même.
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    Message par Fred Mar 3 Fév 2009 - 12:45

    On se trompe évidemment d'adversaire puisqu'on prend l'outil de protection de l'être (éléboré par la nature de l'esprit) pour l'être lui-même.




    Mais en un sens, peut-on ne pas se tromper à ce sujet puisque il est dans la nature de l’égo de se prendre pour l’être lui-même. N’est-ce pour cela qu’il est question dans le zen, d’abandonner nos illusions et non de les transformer.

    Le maître demande au disciple :

    Pourquoi fais-tu zazen ?

    Je veux devenir Bouddha.

    Le maître prend une tuile et la poli.

    Pourquoi polissez-vous cette tuile demande le disciple.

    Je veux en faire un miroir.

    Est-il possible de faire d’une tuile un miroir ?

    Le maître rétorque : Est-il possible de devenir Bouddha en pratiquant zazen ?


    Le maître aura beau polir la tuile, en aucun cas il ne pourra la transformer en un miroir, le disciple aura beau faire zazen en espérant devenir Bouddha en aucun cas il ne deviendra Bouddha. Cela veut dire à mon sens que l’égo qui ici se déclare à travers le désir de devenir Bouddha chez le disciple ne saurait se changer en Bouddha comme il est impossible de changer la tuile en miroir. Chaque chose a sa nature propre, l’égo reste l’égo; c’est pourtant bien à travers l’expression de sa nature ( se faire prendre pour l’être lui-même) que nous devons réaliser l’esprit vaste.

    Bonne journée
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    Message par Fred Mar 3 Fév 2009 - 12:52

    ...Nous devons réaliser la perfection à travers l'imperfection dit Shunryu Suzuki (encore lui Very Happy )
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    Message par Fred Mar 3 Fév 2009 - 12:53

    ... Réaliser l'esprit vaste à travers l'esprit petit.
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    Message par Invité Mar 3 Fév 2009 - 22:10

    il est dans la nature de l’égo de se prendre pour l’être lui-même.

    L'égo n'a pas de nature propre. Il ne se prend pour rien. Il n'est qu'une simple stratégie ; un passage du verbe à la substance. Ou, pour reprendre ta terminologie, un passage de l'esprit vaste à l'esprit petit. A quoi sert l'esprit petit ? A sauver ce corps auquel l'esprit vaste s'assimile. Jusque là, tout va bien. Tout est en phase. L'esprit petit est une stratégie de survie. Mais l'esprit petit a pris de l'importance, on le cultive, on l'encourage à se mettre en avant et on oublie sa vraie nature, qui est vaste. Il se prend pour le patron, le capitaine à bord d'un navire qui ne tient plus vraiment la route. Il est temps que l'esprit petit réalise qu'il est vaste. C'est pas une mince affaire. Evil or Very Mad
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    Message par Fred Mer 4 Fév 2009 - 12:53



    il est dans la nature de l’égo de se prendre pour l’être lui-même.



    L'égo n'a pas de nature propre. Il ne se prend pour rien. Il n'est qu'une simple stratégie ; un passage du verbe à la substance. Ou, pour reprendre ta terminologie, un passage de l'esprit vaste à l'esprit petit. A quoi sert l'esprit petit ? A sauver ce corps auquel l'esprit vaste s'assimile. Jusque là, tout va bien. Tout est en phase. L'esprit petit est une stratégie de survie. Mais l'esprit petit a pris de l'importance, on le cultive, on l'encourage à se mettre en avant et on oublie sa vraie nature, qui est vaste. Il se prend pour le patron, le capitaine à bord d'un navire qui ne tient plus vraiment la route. Il est temps que l'esprit petit réalise qu'il est vaste. C'est pas une mince affaire.








    Oui je suis d’accord avec toi pour dire qu’il est une stratégie de survie. Toutefois, ce que je voulais souligner c’est que à mon sens, l’esprit petit tel que je l’entends n’a pas à réaliser quoi que ce soit, il n’a pas à se changer en esprit vaste (la tuile ne peut devenir miroir). Si l’on veut faire de la tuile un miroir, alors on perd les vertus de la tuile et nous n’obtiendrons pas de miroir, mais si l’on comprend les vertus de la tuile, nous laisserons la tuile être une tuile. Ainsi nous la mettrons sur le toit de notre maison et celle-ci en sera protégé.

    Mais… ce qu’il faut parvenir à comprendre je crois au-delà de ce que je viens de dire, c’est que s’il y’a contradiction entre mes propos et les tiens, celle-ci ne réside que dans la forme, Puisque dans ton cas comme dans le mien, il s’agit d’exprimer notre compréhension des choses de l’esprit dont la réalité se trouve au-delà des mots (encore faudrait-il surement développer ce sujet). L’aspect contradictoire ne saurait résider dans la réalisation elle-même des choses de l’esprit, mais dans la façon dont nous exprimons celle-ci. Vouloir exprimer une sensation, c’est déjà s’en éloigner.

    En fait nous exprimons deux choses, deux réalisations tout à fait différentes avec des mots identiques…ce qui peut nous laisser croire que nous parlons de la même chose. Là est le problème, mais parfois nous nous délectons de voir que nous semblons nous comprendre, c’est le charme des mots. Et, peut-être suis-je en train de croire à tort que mes mots collent à mes sensations et à ce que je crois, c’est ce que je me dis en me relisant mais qu’importe voici ma réflexion, je vous la livre.



    Bien à vous. sunny
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    Message par Invité Mer 4 Fév 2009 - 14:59

    à mon sens, l’esprit petit tel que je l’entends n’a pas à réaliser quoi que ce soit, il n’a pas à se changer en esprit vaste (la tuile ne peut devenir miroir)

    Je me suis sans doute mal expliqué (je m'en rends compte en me relisant). Quand je dis que "Il est temps que l'esprit petit réalise qu'il est vaste", j'entends qu'il n'y a pas l'esprit petit d'un côté et l'esprit vaste d'un autre. De fait, la vraie nature de l'esprit petit est celle de l'esprit vaste. Il n'y a pas fondamentalement de différence entre les deux. La différence réside dans l'esprit petit. Un esprit petit, en somme, c'est un esprit vaste "étriqué" par des contraintes (attachements).

    L’aspect contradictoire ne
    saurait résider dans la réalisation elle-même des choses de l’esprit,
    mais dans la façon dont nous exprimons celle-ci. Vouloir exprimer une
    sensation, c’est déjà s’en éloigner.


    En fait, ce n'est pas tant une sensation que je cherche à exprimer que ma propre compréhension de cette "grande affaire". Et je mesure, à chaque fois que j'aborde cette question, la difficulté d'être clair ou, plus exactement, d'exprimer clairement le fond de ma pensée et de ma réalisation avec les mots dont on dispose. Les mots n'aident pas toujours parce que, selon les cas, les mots résonnent différemment dans l'esprit de chacun. Ainsi, "l'esprit vaste" ne résonne pas forcément de la même façon dans tous les esprits. Chacun comprend plus ou moins ce que signifie esprit et ce que signifie vaste mais, perso, j'y vois le danger d'y mettre une notion de substantialité, ce qui n'est pas conforme à ma réalisation. C'est la raison pour laquelle j'évite d'utiliser cette expres​sion(qui est propre à Shunryu Suzuki) et préfère parler de "verbe" comme vraie nature de l'esprit. Mais, là encore, par "verbe", certains peuvent y voir une connotation religieuse en relation avec les évangiles de St Jean, ce qui n'est fondamentalement pas faux mais qui n'est pas exactement ce que je veux dire. Le risque, avec l'usage des mots, c'est d'être mal compris. Je crois que chacun mesure ce risque et n'hésite pas à revenir dessus s'il y a incompréhension. Mais comment exprimer une vraie "nature" qui renvoie intellectuellement à une substantialité en introduisant le verbe qui est non substanciel ? Il faut réaliser cela en zazen pour comprendre.
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    Message par Fa Mer 4 Fév 2009 - 16:15

    On peut penser que c'est la raison pour laquelle les maîtres Zen ont usé de subterfuges tels que les Koans, pour désigner une expérience d'ouverture dont la portée se situe au delà du sens des mots.
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    Message par Fred Jeu 5 Fév 2009 - 11:33

    En fait, ce n'est pas tant une sensation que je cherche à exprimer que ma propre compréhension de cette "grande affaire".




    La grande affaire est notre propre compréhension… drunken elephant Laughing Smile



    Salut
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    Message par Fred Jeu 5 Fév 2009 - 11:42

    Chaque pensée construit sa propre réalité... Kosen
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    Message par Invité Jeu 5 Fév 2009 - 11:45

    Oui, et c'est une expression très employée dans le zen pour désigner cette chose compliquée qu'on nomme le zen. Very Happy

    On peut penser que c'est la raison pour laquelle les maîtres Zen ont
    usé de subterfuges tels que les Koans, pour désigner une expérience
    d'ouverture dont la portée se situe au delà du sens des mots.

    Les kôans dépassent effectivement la barrière des mots. D'ailleurs, il est intéressant d'observer que le langage (qui est constitué de mot) forme notre mental. Autrement dit, nous pensons avec des mots (même si c'est pas toujours très clair), voire dans une langue particulière. Dès lors que nous sommes dans le cadre d'une expérience "au-delà de la pensée", nous ne sommes donc plus dans le cadre des mots (de la langue) et, quand on veut passer d'une non-pensée à la pensée, on commet fatalement une faute. Nous sommes tous de grands fautifs sur ces forums. L'essentiel est de le savoir.

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