Salut !
Je découvre ce livre : http://www.accesstoinsight.org/lib/authors/thanissaro/selvesnotself.html
Thanissaro Bikku y présente - en anglais, mais, paraît il, il existe une version française quelque part - une version de la doctrine du soi/pas soi de façon tout à fait éclairante, et qui me semble tout à fait en lien avec ce qu'on peut trouver dans le zen.
Il y explique tout simplement pourquoi c'est une bonne idée de s'éveiller à cette vérité. Je bouquine ça parce que dans les zazen, actuellement, j'atteins assez vite un état où "je" ne fais absolument plus rien, et en fait, ce n'est pas très agréable et ça s'accompagne d'un sentiment de malaise diffus. Du coup je me suis posé cette question sur ce qu'il y aurait de si génial à cet état censé être libérateur. J'ai compris en lisant le début de ce bouquin que je me trompais de bataille.
La position de Thanissaro Bikku est très éclairante à ce sujet. Il commence par expliquer en quoi il est inutile de se poser la question existentielle et hautement philosophique de l'existence du soi. Classique.
Puis il explique que le "soi" est un processus fait d'actions ; et que le "pas soi" (plutôt que le "non soi" qui pourrait être interprété de façon nihiliste plus facilement), c'est la même chose : une action. En effet, notre sentiment de ce qui est "soi" et "pas soi" fluctue tout le temps et peut changer très vite d'un moment à l'autre (exemple stupide : je ME sens concerné par un type qui casse une voiture que j'ai achetée ; par contre si ce même type casse cette même voiture mais que je ne l'ai pas achetée, ça ne ME concerne plus). Ce qui définit le "soi" et le "pas soi" sont donc des choix, des actions plus ou moins conscientes qui "nous" positionnent par rapport aux phénomènes. Ou plutôt, la définition de la frontière entre "soi" et "pas soi" est constituée d'actions. C'est intéressant parce que ça inverse la tendance naturelle que l'on a vis à vis du karma (chaîne d'actions causales) : on croit que le soi est le cadre, et qu'au sein de ce "soi", on a un karma. En fait, T défend la position inverse : le cadre est le karma et c'est en son sein que le soi/non soi se définissent.
L'enjeu n'est pas alors de se débarrasser de quoi que ce soit, mais de comprendre et d'obtenir la maîtrise des actions qui définissent le soi et le non soi, afin d'être libre et de mettre fin à la souffrance. Parfois on a besoin d'un "soi" avec telle frontière, parfois non. L'objectif est d'être libre de définir et de s'adapter à toute situation. Cela nécessite de comprendre les frontières et les actions qui constituent le soi. Pour pouvoir les comprendre, il faut pouvoir en prendre conscience et donc faire l'expérience de la possibilité de se déprendre de ce qu'on appelle habituellement "soi".
Le problème survient ici : si on fait cette expérience en ayant un "soi" qui souffre trop et qui n'est pas stable, qui est par exemple dans l'auto dépréciation ou la culpabilité, ces expériences sont désagréables : on peut très vite en arriver à la conclusion qu'on ne vaut rien, que même ce qu'on croyait être n'est en fait rien, et tomber dans le nihilisme ou la dépression. C'est là que viennent les règles de vie prônées par le bouddhisme : l'idée est simplement de travailler, dans notre vie de tous les jours, à se sentir mieux. Plus on se sent bien, plus il est possible de prendre conscience en toute tranquillité de la façon dont on fabrique les frontières entre soi et pas soi.
Je lis la suite bientôt, mais je trouve que cela permet bien d'articuler ce qui se passe sur le coussin et la vie de tous les jours, dont on répète sans cesse que ce ne sont pas deux choses distinctes. Effectivement ; ce qu'on fait concrètement de notre vie conditionne notre possibilité à nous éveiller, ne serait-ce qu'en contribuant à fabriquer un "soi" qu'on aime et qu'on peut regarder en face. C'est à cette condition que l'on pourra choisir d'en changer les frontières, si j'ai bien compris. Il s'agit donc toujours d'agir pour se libérer, et pas d'être dans un état particulier. C'est vers cela, peut être, que Nishijima pointe quand il dit que le bouddhisme est avant tout une "philosophie" de l'action.
Je découvre ce livre : http://www.accesstoinsight.org/lib/authors/thanissaro/selvesnotself.html
Thanissaro Bikku y présente - en anglais, mais, paraît il, il existe une version française quelque part - une version de la doctrine du soi/pas soi de façon tout à fait éclairante, et qui me semble tout à fait en lien avec ce qu'on peut trouver dans le zen.
Il y explique tout simplement pourquoi c'est une bonne idée de s'éveiller à cette vérité. Je bouquine ça parce que dans les zazen, actuellement, j'atteins assez vite un état où "je" ne fais absolument plus rien, et en fait, ce n'est pas très agréable et ça s'accompagne d'un sentiment de malaise diffus. Du coup je me suis posé cette question sur ce qu'il y aurait de si génial à cet état censé être libérateur. J'ai compris en lisant le début de ce bouquin que je me trompais de bataille.
La position de Thanissaro Bikku est très éclairante à ce sujet. Il commence par expliquer en quoi il est inutile de se poser la question existentielle et hautement philosophique de l'existence du soi. Classique.
Puis il explique que le "soi" est un processus fait d'actions ; et que le "pas soi" (plutôt que le "non soi" qui pourrait être interprété de façon nihiliste plus facilement), c'est la même chose : une action. En effet, notre sentiment de ce qui est "soi" et "pas soi" fluctue tout le temps et peut changer très vite d'un moment à l'autre (exemple stupide : je ME sens concerné par un type qui casse une voiture que j'ai achetée ; par contre si ce même type casse cette même voiture mais que je ne l'ai pas achetée, ça ne ME concerne plus). Ce qui définit le "soi" et le "pas soi" sont donc des choix, des actions plus ou moins conscientes qui "nous" positionnent par rapport aux phénomènes. Ou plutôt, la définition de la frontière entre "soi" et "pas soi" est constituée d'actions. C'est intéressant parce que ça inverse la tendance naturelle que l'on a vis à vis du karma (chaîne d'actions causales) : on croit que le soi est le cadre, et qu'au sein de ce "soi", on a un karma. En fait, T défend la position inverse : le cadre est le karma et c'est en son sein que le soi/non soi se définissent.
L'enjeu n'est pas alors de se débarrasser de quoi que ce soit, mais de comprendre et d'obtenir la maîtrise des actions qui définissent le soi et le non soi, afin d'être libre et de mettre fin à la souffrance. Parfois on a besoin d'un "soi" avec telle frontière, parfois non. L'objectif est d'être libre de définir et de s'adapter à toute situation. Cela nécessite de comprendre les frontières et les actions qui constituent le soi. Pour pouvoir les comprendre, il faut pouvoir en prendre conscience et donc faire l'expérience de la possibilité de se déprendre de ce qu'on appelle habituellement "soi".
Le problème survient ici : si on fait cette expérience en ayant un "soi" qui souffre trop et qui n'est pas stable, qui est par exemple dans l'auto dépréciation ou la culpabilité, ces expériences sont désagréables : on peut très vite en arriver à la conclusion qu'on ne vaut rien, que même ce qu'on croyait être n'est en fait rien, et tomber dans le nihilisme ou la dépression. C'est là que viennent les règles de vie prônées par le bouddhisme : l'idée est simplement de travailler, dans notre vie de tous les jours, à se sentir mieux. Plus on se sent bien, plus il est possible de prendre conscience en toute tranquillité de la façon dont on fabrique les frontières entre soi et pas soi.
Je lis la suite bientôt, mais je trouve que cela permet bien d'articuler ce qui se passe sur le coussin et la vie de tous les jours, dont on répète sans cesse que ce ne sont pas deux choses distinctes. Effectivement ; ce qu'on fait concrètement de notre vie conditionne notre possibilité à nous éveiller, ne serait-ce qu'en contribuant à fabriquer un "soi" qu'on aime et qu'on peut regarder en face. C'est à cette condition que l'on pourra choisir d'en changer les frontières, si j'ai bien compris. Il s'agit donc toujours d'agir pour se libérer, et pas d'être dans un état particulier. C'est vers cela, peut être, que Nishijima pointe quand il dit que le bouddhisme est avant tout une "philosophie" de l'action.