Tiens, nous parlions du Tenzo Kyokun, de l'art de voir, tout ça tout ça....j'ai trouvé ça dans le bouquin de Shundo Aoyama (dont le titre est : "Zen, graine de sagesse") qui parle de son expérience de Tenzo qui ne voit pas toujours très bien.
"L'esprit parental.
Afin de témoigner de ma gratitude pour les bienfaits de Bouddha, il m'est arrivé d'avoir à pratiquer la tâche de Tenzo, qui consiste à préparer les repas pendant les quelques jours que dure la retraite d'intense pratique de zazen que nous appelon sesshin.
La cuisine m'occupait chaque jour depuis quatre heures du matin jusqu'à neuf heures du soir. Un jour, à la fin du repas, lorsque les plats vides retournèrent de la salle de méditation, je découvris avec consternation qu'un peu de nourriture était resté au fond de deux d'entre eux. Notre pratique religieuse ne nous permet pas de gaspiller ainsi la nourriture, je m'étonnai donc que cela ait pu arriver. Pour en avoir le coeur net, je scrutai attentivement les restes et j'aperçus dans les deux plats un cadavre d'insecte reposant sur un fragment de légume. Le pouvais facilement imaginer mes deux novices qui, à la vue de ces hôtes indésirables, avaient eu un haut-le coeur et perdu l'appétit. Affamées mais perplexes, elles avaient probablement dû se demander comment continuer leur repas et avaient souffert en silence.
Dans son Tenzo Kyokun, Dogen s'était donné la peine d'écrire : « en tout premier lieu, contrôlez si dans le riz se trouvent quelque insecte, des pois, de la paille ou des cailloux et retirez-les avec soin. » Malgré toute mon attention, deux insectes avaient échappé à mon inspection.
Après la sesshin, je saisis la première occasion pour faire mes excuses pour cette négligence. Je racontai en suite l'histoire suivante. Lorsque j'étais enfant, mon temple offrit l'hospitalité à un homme qui enseignait l'art d'élever des vers à soie. Notre invité me raconta un incident dont il avait été l'acteur peu de temps après qu'il eut été transféré dans notre contrée, la préfecture d'Aichi, dont il ignorait encore les coutumes. Bien que dans tout le Japon la cérémonie du thé soit très populaire, les gens de ma région en ont fait une habitude telle qu'ils servent le thé vert en poudre dans les règles de l'art comme ailleurs au Japon on sert du thé infusé.
Un jour d'été, où il faisait une chaleur suffocante, cet homme eut très soif et d'arrèta dans une ferme pour demander à boire une tasse de thé. Dans notre préfecture d'Aichi, même une modeste ferme possède une petite salle pour la cérémonie du thé. En fait, le propriétaire de cette ferme était un vieux monsieur réputé pour être un expert dans la cérémonie du thé. Se méprenant sur la demande du professeur qui ne voulait que se désaltérer avec un peu de thé, le vieux fermier lui demanda de patienter quelques moments. Il alla aussitôt nettoyer la chambre pour la cérémonie du thé, puis endossa les vêtements appropriés à ce genre de réception. Le professeur fut très embarrassé, il ignorait tout de la cérémonie du thé et ne savait comment se comporter. Il se contenta d'avaler la tasse de thé que le vieil homme lui avait préparée avec tant de soins, et s'enfuit rapidement, très déconcerté.
C'est maintenant que vient le plus important! Après le départ du professeur, le vieux fermier alla raconter l'incident à ses voisins : « j'ai servi du thé à un professeur qui est un tel connaisseur de la cérémonie du thé que j'aurais mieux fait de m'en abstenir plutôt que de lui être désagréable par mes manières imparfaites. » Quelqu'un d'ordinaire aurait fait savoir à tout le monde que ce digne professeur ignorait tout de la cérémonie du thé. Mais le vieux fermier pensait s'être mépris sur les désirs de son hôte et se faisait des reproches pour avoir créé une situation si pénible pour le professeur. Afin d'empêcher qu'une mésaventure de ce genre puisse de nouveau se répéter, le fermier s'était empressé d'avertir tous ses voisins.
Sen no Rikyu, fameux maître de thé du XVIe siècle, enseignait ceci : « servez le thé en devenant le cour de votre invité. Buvez le thé en devenant le coeur de celui qui l'a préparé. La négligence de l'hôte devient négligence pour l'invité. La négligence de l'invité devient négligence pour l'hôte. »
Il va sans dire que laisser un insecte flotter dans la nourriture est l'indice d'un cuisinier distrait. Mais un convive qui écarte de la nourriture avec ostentation parce qu'elle contient un insecte manque de considération pour le travail du cuisinier."
"L'esprit parental.
Afin de témoigner de ma gratitude pour les bienfaits de Bouddha, il m'est arrivé d'avoir à pratiquer la tâche de Tenzo, qui consiste à préparer les repas pendant les quelques jours que dure la retraite d'intense pratique de zazen que nous appelon sesshin.
La cuisine m'occupait chaque jour depuis quatre heures du matin jusqu'à neuf heures du soir. Un jour, à la fin du repas, lorsque les plats vides retournèrent de la salle de méditation, je découvris avec consternation qu'un peu de nourriture était resté au fond de deux d'entre eux. Notre pratique religieuse ne nous permet pas de gaspiller ainsi la nourriture, je m'étonnai donc que cela ait pu arriver. Pour en avoir le coeur net, je scrutai attentivement les restes et j'aperçus dans les deux plats un cadavre d'insecte reposant sur un fragment de légume. Le pouvais facilement imaginer mes deux novices qui, à la vue de ces hôtes indésirables, avaient eu un haut-le coeur et perdu l'appétit. Affamées mais perplexes, elles avaient probablement dû se demander comment continuer leur repas et avaient souffert en silence.
Dans son Tenzo Kyokun, Dogen s'était donné la peine d'écrire : « en tout premier lieu, contrôlez si dans le riz se trouvent quelque insecte, des pois, de la paille ou des cailloux et retirez-les avec soin. » Malgré toute mon attention, deux insectes avaient échappé à mon inspection.
Après la sesshin, je saisis la première occasion pour faire mes excuses pour cette négligence. Je racontai en suite l'histoire suivante. Lorsque j'étais enfant, mon temple offrit l'hospitalité à un homme qui enseignait l'art d'élever des vers à soie. Notre invité me raconta un incident dont il avait été l'acteur peu de temps après qu'il eut été transféré dans notre contrée, la préfecture d'Aichi, dont il ignorait encore les coutumes. Bien que dans tout le Japon la cérémonie du thé soit très populaire, les gens de ma région en ont fait une habitude telle qu'ils servent le thé vert en poudre dans les règles de l'art comme ailleurs au Japon on sert du thé infusé.
Un jour d'été, où il faisait une chaleur suffocante, cet homme eut très soif et d'arrèta dans une ferme pour demander à boire une tasse de thé. Dans notre préfecture d'Aichi, même une modeste ferme possède une petite salle pour la cérémonie du thé. En fait, le propriétaire de cette ferme était un vieux monsieur réputé pour être un expert dans la cérémonie du thé. Se méprenant sur la demande du professeur qui ne voulait que se désaltérer avec un peu de thé, le vieux fermier lui demanda de patienter quelques moments. Il alla aussitôt nettoyer la chambre pour la cérémonie du thé, puis endossa les vêtements appropriés à ce genre de réception. Le professeur fut très embarrassé, il ignorait tout de la cérémonie du thé et ne savait comment se comporter. Il se contenta d'avaler la tasse de thé que le vieil homme lui avait préparée avec tant de soins, et s'enfuit rapidement, très déconcerté.
C'est maintenant que vient le plus important! Après le départ du professeur, le vieux fermier alla raconter l'incident à ses voisins : « j'ai servi du thé à un professeur qui est un tel connaisseur de la cérémonie du thé que j'aurais mieux fait de m'en abstenir plutôt que de lui être désagréable par mes manières imparfaites. » Quelqu'un d'ordinaire aurait fait savoir à tout le monde que ce digne professeur ignorait tout de la cérémonie du thé. Mais le vieux fermier pensait s'être mépris sur les désirs de son hôte et se faisait des reproches pour avoir créé une situation si pénible pour le professeur. Afin d'empêcher qu'une mésaventure de ce genre puisse de nouveau se répéter, le fermier s'était empressé d'avertir tous ses voisins.
Sen no Rikyu, fameux maître de thé du XVIe siècle, enseignait ceci : « servez le thé en devenant le cour de votre invité. Buvez le thé en devenant le coeur de celui qui l'a préparé. La négligence de l'hôte devient négligence pour l'invité. La négligence de l'invité devient négligence pour l'hôte. »
Il va sans dire que laisser un insecte flotter dans la nourriture est l'indice d'un cuisinier distrait. Mais un convive qui écarte de la nourriture avec ostentation parce qu'elle contient un insecte manque de considération pour le travail du cuisinier."
Dernière édition par lausm le Mar 7 Jan 2014 - 15:18, édité 1 fois