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Nibbāna : la cessation
Pour Bouddha, il existe une possibilité de parvenir à l’extinction complète de l’apparition de ces phénomènes, pour qu’ils CESSENT d’apparaître, pour que les agrégats CESSENT d’apparaître. Toutefois, cette disparition n’entraînera pas le néant. Il doit donc y avoir quelque chose à ce moment-là, quelque chose de réel, un autre phénomène, une autre catégorie de phénomènes. C’est ce que Bouddha a découvert. Il a découvert que lorsque ces agrégats cessent d’apparaître, il y a quelque chose. C’est cette découverte qu’il fit sous cet arbre, qu’on appelle arbre de l’éveil, car il qualifie cette expérience d’éveil. Il a vu apparaître les agrégats et il a vu ce qui se passe lorsqu’ils cessent d’apparaître. Il a vu que ça n’est pas du tout l’annihilation ou le néant.
Prenons l’exemple d’une vague d’eau qui se meurt sur la plage. Lorsque cette vague d’eau se meurt sur la plage, l’eau n’a pas disparu, la plage n’a pas disparu, le sable n’a pas disparu, les rochers n’ont pas disparu. Néanmoins la vague a disparu. Prenons l’exemple du feu qui s’éteint. Lorsque le feu s’est éteint, les cendres n’ont pas disparu, les pierres autour des cendres et la chaleur émise par le feu n’ont pas disparu non plus. Néanmoins le feu a disparu, il n’y a plus de feu. Cependant, tout est encore là. Les arbres alentour et les cailloux sont encore là, mais le feu s’est éteint. De la même manière, lorsqu’on éteint la lumière dans une pièce, même si on ne voit plus rien, rien n’a disparu. Cela dit, la comparaison s’arrête là. Elle a ses limites.
Un pas de plus
Ce que Bouddha a expérimenté est la cessation complète de toutes les visions, auditions, olfactions, gustations, touchers et, chose nouvelle, de toutes les connaissances mentales, en fait, de toutes les perceptions. C’est-à-dire que là où certains nous parlent de connaissance transcendante, de connaissance exaltée, de connaissance illimitée, Bouddha lui, franchi un pas de plus, il est arrivé à observer la disparition de cette connaissance, la disparition de cette conscience. Là où on nous parle de dieu, il a vu le non-dieu. Là où on nous parle de la « bouddhéité », il a vu son absence, il a vu sa disparition. Là où on nous parle de nirvâna, il a vu l’absence de nirvâna. Là où on nous parle de l’état transcendant, de l’état ultime, de l’état d’omniscience, de l’état d’éveil, il a vu tout cela disparaître. Alors que reste-t-il ?
Ce qui reste est plutôt inqualifiable, mais c’est bel et bien quelque chose. C’est tellement quelque chose qu’il le met dans la catégorie des choses qui constituent cet univers. Il dit que cet univers est constitué de quatre choses, qui sont universelles. Elles sont universelles en ce sens qu’elles apparaissent partout, qu’elles sont partout et qu’elles peuvent être connues partout. Il y a tous les phénomènes matériels, que l’on appelle au sens large la matière. Il y a tous les phénomènes mentaux, toutes ces perceptions, sensations, idéations, conceptions, etc. Il y a la conscience, qui justement, a la faculté de connaître ces phénomènes matériels et ces phénomènes mentaux. Enfin, il y a cette quatrième chose qui en est une et qui est bel et bien une réalité. C’est une chose que nous ne voyons pas. Nous ne la voyons pas parce que nous entendons des sons, parce que nous voyons des images ou parce que nous faisons des expériences spirituelles, mystiques ou transcendantes. Nous ne la voyons pas parce que nous sommes conscient de quelque chose. De quoi sommes-nous conscient ? Nous sommes conscients des phénomènes matériels et des phénomènes mentaux.
Visuddhimagga
La souffrance existe, mais on ne trouve personne qui souffre ;
L’acte est accompli, mais il n’y a pas d’acteur ;
Nibbàna existe, mais pas celui qui y entre ;
Il y a une voie, mais personne n’y chemine.
L’origine du mot nibbāna
Lorsque se produit la cessation de l’apparition des agrégats, à ce moment-là subsiste cette quatrième chose que l’éveillé Bouddha a découverte. Il l’a appelé nibbāna, pas nirvâna. Il a bien employé le mot nibbāna. Ce n’est pas un hasard s’il l’a fait. Il a employé un mot que personne n’employait de son temps. Certains essayerons de traduire nibbāna en disant que cela veut dire l’absence d’attachement, le souffle qui a été interrompu ou que sais-je. Il est tout à fait inintéressant de chercher à traduire ce mot. Il a bien fallu qu’il emploie un mot parce que c’est bien une chose. Étant donné qu’il s’agit d’une chose, il est opportun d’employer un terme pour la désigner.
Très souvent, on nous dit que l’état d’éveil, c’est innommable, c’est ineffable, ça transcende tout. Alors taisez-vous ! De quoi parlez-vous ? Bouddha n’a jamais dit que c’était une transcendance, que ça transcendait le concept, que ça transcendait tout. Il dit tout simplement : « C’est un des quatre constituants de l’univers. » Il lui donne un nom, qui est nibbāna. Il a choisi d’employer le même nom que celui que l’on emploie pour désigner le riz qui est sorti de l’étuve lorsqu’il refroidit, ou celui des cendres qui refroidissent après l’extinction d’un feu. Il emploie un nom que l’on emploie dans le langage de tous les jours. On dit par exemple du riz qui refroidit : « Où est le riz ? Le riz est en “nibbāna”. »
Ainsi, comme il le faisait toujours, Bouddha employait un terme de tous les jours. Il a refusé d’employer le vocabulaire technique des religieux, des prêtres, des maîtres spirituels. Il employait le langage de tous les jours, le langage de la cuisinière, du chasseur, du boucher ou du laboureur.
Il a donc enseigné qu’il y a ces quatre choses qui constituent l’univers.
La conscience, qui a la faculté de connaître.
Les propriétés matérielles et physiques, qui peuvent être connues de la conscience.
Les propriétés mentales, qui peuvent être connues de la conscience.
nibbāna, parinibbāna.
Ce que nous appelons la conscience, les phénomènes mentaux et les phénomènes physiques, ce sont les cinq agrégats.
En fait, lorsqu’on parle des « cinq agrégats », c’est juste une manière différente d’énoncer. Tantôt on les énonce comme étant deux catégories (d’un côté les phénomènes physiques et de l’autre les phénomènes mentaux), tantôt on donne trois catégories (la conscience, les phénomènes matériels et les phénomènes mentaux), tantôt on donne cinq catégories (les cinq agrégats), tantôt on en donne encore plus. On dit qu’il y a vingt-huit propriétés matérielles, qu’il y a cinquante-deux propriétés mentales, (etc.) On peut subdiviser, les contemporains de Bouddha ne s’en sont pas abstenus. On peut regrouper tout cela en trois : La conscience, les phénomènes matériels et les phénomènes mentaux. Puis il y a quelque chose qui sort de cette catégorie, de cette liste, qui est : nibbāna (ou parinibbāna). C’est cela que le Bienheureux a découvert.
La fixation
À chaque fois que la conscience apparaît, elle est complètement verrouillée sur son objet, elle est fixée, figée sur son objet. On appelle cela upadāna, la fixation. De la même manière que lorsqu’on jette une boulette de pain sur une vitre, comme nous le faisions quand nous étions enfants, elle va rester collée sur la vitre. Ce qui fait que la boulette de pain est collée sur la vitre, c’est upadāna. Lorsqu’on applique un « post-it » par exemple, c’est upadāna qui fait que le « post-it » reste collé.
De la même manière, la conscience reste collée sur son objet. C’est tout à fait naturel, c’est comme ça que cela fonctionne. Même un être pleinement libéré comme le Bienheureux, bouddha éveillé, lorsqu’il était conscient, lorsqu’il parlait, lorsqu’il marchait, cela était la conscience qui était fixée sur son objet (upadāna). La conscience a une telle faculté de coller à son objet que même lorsque Bouddha a expérimenté la cessation complète des cinq agrégats, la conscience a continué d’apparaître. Même si nibbāna est un objet bien particulier, il n’empêche que c’est un objet et c’est précisément pour cela qu’il peut être lui aussi connu de la conscience.
Ainsi, lorsque les cinq agrégats ont cessé d’apparaître, aussitôt après, la conscience se projette de nouveau. Comme il n’y avait plus de phénomènes matériels et de phénomènes mentaux à connaître, elle s’est projeté sur ce qui reste. Ce qu’il reste, c’est nibbāna. C’est ainsi que Bouddha s’en est souvenu. C’est ainsi qu’il a pu parler de nibbāna. Car s’il avait seulement perdu conscience, comment aurait-il pu dire qu’il a connu nibbāna ? On ne peut pas connaître nibbāna dans l’inconscient, pour le connaître, il faut être conscient. Il a donc VU nibbāna, il a CONNU nibbāna, il a touché nibbāna.
Il a connu nibbāna lorsque la conscience a arrêté de se fixer sur ces objets, qui apparaissent et qui disparaissent sans cesse. Aussitôt que la conscience a arrêté de se fixer sur ces objets, elle s’est projeté sur nibbāna et elle s’est fixée sur nibbāna, car elle ne peut pas faire autrement que de se fixer sur ce qu’elle prend. Ainsi, pendant un court instant, parce que la fixation sur nibbāna ne peut pas durer longtemps, Bouddha a connu nibbāna.
nibbāna est vide
nibbāna est un objet très particulier, palpable, touchable, connaissable, par la conscience, mais la particularité de celui-ci est qu’il n’apparaît pas. Comme il n’apparaît pas, il ne disparaît pas non plus. De plus, il est vide, il ne contient rien ; ni son, ni odeur, ni formation, ni quoi que ce soit. Il est vide. Il n’est pas LE vide, il n’est pas le néant. Il est simplement vide de tout ce qui lui est autre. Nous pouvons faire la comparaison avec une pièce vide. Quand on entre dans une pièce totalement vide, il n’y a ni individu, ni meuble. On dit : « Cette pièce est vide ». On ne sous-entend pas que cette pièce est LE vide, c’est une manière de parler, on dit juste : « Elle est vide ». Elle est vide des choses qui, lorsqu’elles y sont nous font dire qu’elle n’est pas vide. Par exemple, il n’y a pas de meubles, il n’y a personne. S’il y avait une chaise, nous ne dirions pas que cette pièce est vide. Parce qu’elle est vide de ce qui habituellement fait qu’elle ne l’est pas, nous disons : « Cette pièce est vide. »
De la même manière, dans le « suññata sutta », Bouddha dit : « nibbāna est vide » et non pas : « Il est LE vide ». Il dit simplement : « Il est vide ». Il est vide de tout ce qui lui est étranger. La conscience pugnace, tenace, qui a cette extraordinaire faculté de coller, d’adhérer, sur tout ce qui passe devant elle, va se projeter sur nibbāna. Mais elle ne durera pas longtemps, elle ne pourra pas rester longtemps collée à nibbāna, parce que nibbāna est vide. Rien n’apparaît au sein de nibbāna, et nibbāna lui-même non plus n’apparaît pas. Lorsque la conscience se projette sur nibbāna, c’est un petit peu comme si elle dérapait, un peu comme si elle glissait. Elle ne restera pas longtemps. Elle ne peut rester tout au plus que quelques minutes, voire quelques heures. Après, elle revient de nouveau à ses « occupations favorites ». C’est-à-dire qu’elle recommence à connaître les phénomènes, les agrégats, dont elle fait partie d’ailleurs. Elle recommence à connaître les auditions, les pensées, les touchers, les goûts, les couleurs, etc.
Parce que la conscience a suivi un processus particulier, dont rassurons-nous Bouddha a pensé avant sa mort à nous laisser la recette, elle va expérimenter la cessation de l’apparition de toutes ces formations physiques et mentales, et va de nouveau se projeter sur nibbāna, sur lequel elle va rester quelque temps et ainsi de suite.
Toutefois, il est certain que cela ne se fait pas tout seul. Ce n’est possible qu’au terme d’un certain effort. Cet effort, Bouddha l’a accompli. Il nous a ensuite enseigné comment nous pouvons le faire à notre tour.
parinibbāna
La fin d’une vague
Pour l’être totalement libéré, il arrive un moment, celui de la mort, précisément, où la conscience va se projeter sur nibbāna. Puisque le moment de la mort est venu, elle va arrêter, elle va cesser. À ce moment, il va rester nibbāna, sans aucune conscience résiduelle. Le corps va entrer dans la décomposition habituelle de tous les cadavres, puis tout est terminé. C’est exactement comme la vague qui s’est évanouie sur la plage : L’eau est encore là, le sable est encore là, mais la vague a disparu. Il en est ainsi de l’arahant, de l’être pleinement libéré, de Bouddha. Au moment de la mort, ce qui se passe est simplement un arrêt, cette fois-ci définitif de l’apparition des agrégats. La conscience qui prend pour objet nibbāna n’apparaît plus non plus.
Ne serait-ce qu’une fois
Au terme de notre vie, de notre entraînement, que Bouddha appelle l’entraînement au développement de la présence d’esprit, satipatthãna, il se peut que nous arrivions à faire la première expérience de nibbāna (cela peut se faire en l’espace de quelques semaines, de quelques mois ou de quelques années). Ce serait déjà merveilleux, ce serait déjà excellent. Ce serait la première fois depuis des temps immémoriaux, depuis des milliards de milliards de milliards d’années que nous tournons en rond, depuis que nous avons été tantôt élève tantôt maître, tantôt homme, tantôt femme, tantôt animal, tantôt humain, que nous verrions nibbāna, que nous atteindrions nibbāna.
Bouddha dit que celui qui a vu nibbāna ne serait-ce qu’une fois, est arrivé à la fin de ses problèmes. Il est arrivé à la fin de ses soucis parce qu’à partir du moment où il l’a vu une fois, inéluctablement, comme suite naturelle faisant partie du processus, un jour ou l’autre, il parviendra au but. Ce ne sera peut-être pas en cette vie, peut-être la suivante, peut-être encore la suivante, tout au plus dans le pire des cas dit-il, au bout de la septième vie, il arrivera à ce moment, à expérimenter nibbāna sans conscience résiduelle. C’est-à-dire ce que l’on appelle parinibbāna.
Nous nous imaginons que l’éveil, c’est une élévation spirituelle, quelque chose de grandiose, de géant, au-delà. Nous croyons que nous sommes petits, que nous sommes trop petits pour y parvenir et qu’il nous faudra longtemps. Et nous nous imaginons que notre gourou lui, y est arrivé. Alors qu’en réalité, nibbāna est là. Il est très accessible, rapidement. C’est juste un phénomène comme un autre. Il est différent des autres parce qu’il n’apparaît pas mais c’est un phénomène comme un autre en ce sens qu’il n’est rien d’autre qu’un phénomène. Tout simplement parce qu’il ne peut rien avoir d’autre, dans ce monde, que des phénomènes. C’est juste un phénomène que nous n’avons encore jamais connu et qui est à notre portée. Bouddha ne cesse de nous le dire. Il nous faut suivre un entraînement, certes un peu rigoureux. Toutefois, celui qui se contente d’appliquer simplement ce que Bouddha a dit, ne peut faire autrement que de parvenir au but final, à la cessation définitive de toute insatisfaction, à nibbāna.
avec metta
gigi
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Nibbāna : la cessation
Pour Bouddha, il existe une possibilité de parvenir à l’extinction complète de l’apparition de ces phénomènes, pour qu’ils CESSENT d’apparaître, pour que les agrégats CESSENT d’apparaître. Toutefois, cette disparition n’entraînera pas le néant. Il doit donc y avoir quelque chose à ce moment-là, quelque chose de réel, un autre phénomène, une autre catégorie de phénomènes. C’est ce que Bouddha a découvert. Il a découvert que lorsque ces agrégats cessent d’apparaître, il y a quelque chose. C’est cette découverte qu’il fit sous cet arbre, qu’on appelle arbre de l’éveil, car il qualifie cette expérience d’éveil. Il a vu apparaître les agrégats et il a vu ce qui se passe lorsqu’ils cessent d’apparaître. Il a vu que ça n’est pas du tout l’annihilation ou le néant.
Prenons l’exemple d’une vague d’eau qui se meurt sur la plage. Lorsque cette vague d’eau se meurt sur la plage, l’eau n’a pas disparu, la plage n’a pas disparu, le sable n’a pas disparu, les rochers n’ont pas disparu. Néanmoins la vague a disparu. Prenons l’exemple du feu qui s’éteint. Lorsque le feu s’est éteint, les cendres n’ont pas disparu, les pierres autour des cendres et la chaleur émise par le feu n’ont pas disparu non plus. Néanmoins le feu a disparu, il n’y a plus de feu. Cependant, tout est encore là. Les arbres alentour et les cailloux sont encore là, mais le feu s’est éteint. De la même manière, lorsqu’on éteint la lumière dans une pièce, même si on ne voit plus rien, rien n’a disparu. Cela dit, la comparaison s’arrête là. Elle a ses limites.
Un pas de plus
Ce que Bouddha a expérimenté est la cessation complète de toutes les visions, auditions, olfactions, gustations, touchers et, chose nouvelle, de toutes les connaissances mentales, en fait, de toutes les perceptions. C’est-à-dire que là où certains nous parlent de connaissance transcendante, de connaissance exaltée, de connaissance illimitée, Bouddha lui, franchi un pas de plus, il est arrivé à observer la disparition de cette connaissance, la disparition de cette conscience. Là où on nous parle de dieu, il a vu le non-dieu. Là où on nous parle de la « bouddhéité », il a vu son absence, il a vu sa disparition. Là où on nous parle de nirvâna, il a vu l’absence de nirvâna. Là où on nous parle de l’état transcendant, de l’état ultime, de l’état d’omniscience, de l’état d’éveil, il a vu tout cela disparaître. Alors que reste-t-il ?
Ce qui reste est plutôt inqualifiable, mais c’est bel et bien quelque chose. C’est tellement quelque chose qu’il le met dans la catégorie des choses qui constituent cet univers. Il dit que cet univers est constitué de quatre choses, qui sont universelles. Elles sont universelles en ce sens qu’elles apparaissent partout, qu’elles sont partout et qu’elles peuvent être connues partout. Il y a tous les phénomènes matériels, que l’on appelle au sens large la matière. Il y a tous les phénomènes mentaux, toutes ces perceptions, sensations, idéations, conceptions, etc. Il y a la conscience, qui justement, a la faculté de connaître ces phénomènes matériels et ces phénomènes mentaux. Enfin, il y a cette quatrième chose qui en est une et qui est bel et bien une réalité. C’est une chose que nous ne voyons pas. Nous ne la voyons pas parce que nous entendons des sons, parce que nous voyons des images ou parce que nous faisons des expériences spirituelles, mystiques ou transcendantes. Nous ne la voyons pas parce que nous sommes conscient de quelque chose. De quoi sommes-nous conscient ? Nous sommes conscients des phénomènes matériels et des phénomènes mentaux.
Visuddhimagga
La souffrance existe, mais on ne trouve personne qui souffre ;
L’acte est accompli, mais il n’y a pas d’acteur ;
Nibbàna existe, mais pas celui qui y entre ;
Il y a une voie, mais personne n’y chemine.
L’origine du mot nibbāna
Lorsque se produit la cessation de l’apparition des agrégats, à ce moment-là subsiste cette quatrième chose que l’éveillé Bouddha a découverte. Il l’a appelé nibbāna, pas nirvâna. Il a bien employé le mot nibbāna. Ce n’est pas un hasard s’il l’a fait. Il a employé un mot que personne n’employait de son temps. Certains essayerons de traduire nibbāna en disant que cela veut dire l’absence d’attachement, le souffle qui a été interrompu ou que sais-je. Il est tout à fait inintéressant de chercher à traduire ce mot. Il a bien fallu qu’il emploie un mot parce que c’est bien une chose. Étant donné qu’il s’agit d’une chose, il est opportun d’employer un terme pour la désigner.
Très souvent, on nous dit que l’état d’éveil, c’est innommable, c’est ineffable, ça transcende tout. Alors taisez-vous ! De quoi parlez-vous ? Bouddha n’a jamais dit que c’était une transcendance, que ça transcendait le concept, que ça transcendait tout. Il dit tout simplement : « C’est un des quatre constituants de l’univers. » Il lui donne un nom, qui est nibbāna. Il a choisi d’employer le même nom que celui que l’on emploie pour désigner le riz qui est sorti de l’étuve lorsqu’il refroidit, ou celui des cendres qui refroidissent après l’extinction d’un feu. Il emploie un nom que l’on emploie dans le langage de tous les jours. On dit par exemple du riz qui refroidit : « Où est le riz ? Le riz est en “nibbāna”. »
Ainsi, comme il le faisait toujours, Bouddha employait un terme de tous les jours. Il a refusé d’employer le vocabulaire technique des religieux, des prêtres, des maîtres spirituels. Il employait le langage de tous les jours, le langage de la cuisinière, du chasseur, du boucher ou du laboureur.
Il a donc enseigné qu’il y a ces quatre choses qui constituent l’univers.
La conscience, qui a la faculté de connaître.
Les propriétés matérielles et physiques, qui peuvent être connues de la conscience.
Les propriétés mentales, qui peuvent être connues de la conscience.
nibbāna, parinibbāna.
Ce que nous appelons la conscience, les phénomènes mentaux et les phénomènes physiques, ce sont les cinq agrégats.
En fait, lorsqu’on parle des « cinq agrégats », c’est juste une manière différente d’énoncer. Tantôt on les énonce comme étant deux catégories (d’un côté les phénomènes physiques et de l’autre les phénomènes mentaux), tantôt on donne trois catégories (la conscience, les phénomènes matériels et les phénomènes mentaux), tantôt on donne cinq catégories (les cinq agrégats), tantôt on en donne encore plus. On dit qu’il y a vingt-huit propriétés matérielles, qu’il y a cinquante-deux propriétés mentales, (etc.) On peut subdiviser, les contemporains de Bouddha ne s’en sont pas abstenus. On peut regrouper tout cela en trois : La conscience, les phénomènes matériels et les phénomènes mentaux. Puis il y a quelque chose qui sort de cette catégorie, de cette liste, qui est : nibbāna (ou parinibbāna). C’est cela que le Bienheureux a découvert.
La fixation
À chaque fois que la conscience apparaît, elle est complètement verrouillée sur son objet, elle est fixée, figée sur son objet. On appelle cela upadāna, la fixation. De la même manière que lorsqu’on jette une boulette de pain sur une vitre, comme nous le faisions quand nous étions enfants, elle va rester collée sur la vitre. Ce qui fait que la boulette de pain est collée sur la vitre, c’est upadāna. Lorsqu’on applique un « post-it » par exemple, c’est upadāna qui fait que le « post-it » reste collé.
De la même manière, la conscience reste collée sur son objet. C’est tout à fait naturel, c’est comme ça que cela fonctionne. Même un être pleinement libéré comme le Bienheureux, bouddha éveillé, lorsqu’il était conscient, lorsqu’il parlait, lorsqu’il marchait, cela était la conscience qui était fixée sur son objet (upadāna). La conscience a une telle faculté de coller à son objet que même lorsque Bouddha a expérimenté la cessation complète des cinq agrégats, la conscience a continué d’apparaître. Même si nibbāna est un objet bien particulier, il n’empêche que c’est un objet et c’est précisément pour cela qu’il peut être lui aussi connu de la conscience.
Ainsi, lorsque les cinq agrégats ont cessé d’apparaître, aussitôt après, la conscience se projette de nouveau. Comme il n’y avait plus de phénomènes matériels et de phénomènes mentaux à connaître, elle s’est projeté sur ce qui reste. Ce qu’il reste, c’est nibbāna. C’est ainsi que Bouddha s’en est souvenu. C’est ainsi qu’il a pu parler de nibbāna. Car s’il avait seulement perdu conscience, comment aurait-il pu dire qu’il a connu nibbāna ? On ne peut pas connaître nibbāna dans l’inconscient, pour le connaître, il faut être conscient. Il a donc VU nibbāna, il a CONNU nibbāna, il a touché nibbāna.
Il a connu nibbāna lorsque la conscience a arrêté de se fixer sur ces objets, qui apparaissent et qui disparaissent sans cesse. Aussitôt que la conscience a arrêté de se fixer sur ces objets, elle s’est projeté sur nibbāna et elle s’est fixée sur nibbāna, car elle ne peut pas faire autrement que de se fixer sur ce qu’elle prend. Ainsi, pendant un court instant, parce que la fixation sur nibbāna ne peut pas durer longtemps, Bouddha a connu nibbāna.
nibbāna est vide
nibbāna est un objet très particulier, palpable, touchable, connaissable, par la conscience, mais la particularité de celui-ci est qu’il n’apparaît pas. Comme il n’apparaît pas, il ne disparaît pas non plus. De plus, il est vide, il ne contient rien ; ni son, ni odeur, ni formation, ni quoi que ce soit. Il est vide. Il n’est pas LE vide, il n’est pas le néant. Il est simplement vide de tout ce qui lui est autre. Nous pouvons faire la comparaison avec une pièce vide. Quand on entre dans une pièce totalement vide, il n’y a ni individu, ni meuble. On dit : « Cette pièce est vide ». On ne sous-entend pas que cette pièce est LE vide, c’est une manière de parler, on dit juste : « Elle est vide ». Elle est vide des choses qui, lorsqu’elles y sont nous font dire qu’elle n’est pas vide. Par exemple, il n’y a pas de meubles, il n’y a personne. S’il y avait une chaise, nous ne dirions pas que cette pièce est vide. Parce qu’elle est vide de ce qui habituellement fait qu’elle ne l’est pas, nous disons : « Cette pièce est vide. »
De la même manière, dans le « suññata sutta », Bouddha dit : « nibbāna est vide » et non pas : « Il est LE vide ». Il dit simplement : « Il est vide ». Il est vide de tout ce qui lui est étranger. La conscience pugnace, tenace, qui a cette extraordinaire faculté de coller, d’adhérer, sur tout ce qui passe devant elle, va se projeter sur nibbāna. Mais elle ne durera pas longtemps, elle ne pourra pas rester longtemps collée à nibbāna, parce que nibbāna est vide. Rien n’apparaît au sein de nibbāna, et nibbāna lui-même non plus n’apparaît pas. Lorsque la conscience se projette sur nibbāna, c’est un petit peu comme si elle dérapait, un peu comme si elle glissait. Elle ne restera pas longtemps. Elle ne peut rester tout au plus que quelques minutes, voire quelques heures. Après, elle revient de nouveau à ses « occupations favorites ». C’est-à-dire qu’elle recommence à connaître les phénomènes, les agrégats, dont elle fait partie d’ailleurs. Elle recommence à connaître les auditions, les pensées, les touchers, les goûts, les couleurs, etc.
Parce que la conscience a suivi un processus particulier, dont rassurons-nous Bouddha a pensé avant sa mort à nous laisser la recette, elle va expérimenter la cessation de l’apparition de toutes ces formations physiques et mentales, et va de nouveau se projeter sur nibbāna, sur lequel elle va rester quelque temps et ainsi de suite.
Toutefois, il est certain que cela ne se fait pas tout seul. Ce n’est possible qu’au terme d’un certain effort. Cet effort, Bouddha l’a accompli. Il nous a ensuite enseigné comment nous pouvons le faire à notre tour.
parinibbāna
La fin d’une vague
Pour l’être totalement libéré, il arrive un moment, celui de la mort, précisément, où la conscience va se projeter sur nibbāna. Puisque le moment de la mort est venu, elle va arrêter, elle va cesser. À ce moment, il va rester nibbāna, sans aucune conscience résiduelle. Le corps va entrer dans la décomposition habituelle de tous les cadavres, puis tout est terminé. C’est exactement comme la vague qui s’est évanouie sur la plage : L’eau est encore là, le sable est encore là, mais la vague a disparu. Il en est ainsi de l’arahant, de l’être pleinement libéré, de Bouddha. Au moment de la mort, ce qui se passe est simplement un arrêt, cette fois-ci définitif de l’apparition des agrégats. La conscience qui prend pour objet nibbāna n’apparaît plus non plus.
Ne serait-ce qu’une fois
Au terme de notre vie, de notre entraînement, que Bouddha appelle l’entraînement au développement de la présence d’esprit, satipatthãna, il se peut que nous arrivions à faire la première expérience de nibbāna (cela peut se faire en l’espace de quelques semaines, de quelques mois ou de quelques années). Ce serait déjà merveilleux, ce serait déjà excellent. Ce serait la première fois depuis des temps immémoriaux, depuis des milliards de milliards de milliards d’années que nous tournons en rond, depuis que nous avons été tantôt élève tantôt maître, tantôt homme, tantôt femme, tantôt animal, tantôt humain, que nous verrions nibbāna, que nous atteindrions nibbāna.
Bouddha dit que celui qui a vu nibbāna ne serait-ce qu’une fois, est arrivé à la fin de ses problèmes. Il est arrivé à la fin de ses soucis parce qu’à partir du moment où il l’a vu une fois, inéluctablement, comme suite naturelle faisant partie du processus, un jour ou l’autre, il parviendra au but. Ce ne sera peut-être pas en cette vie, peut-être la suivante, peut-être encore la suivante, tout au plus dans le pire des cas dit-il, au bout de la septième vie, il arrivera à ce moment, à expérimenter nibbāna sans conscience résiduelle. C’est-à-dire ce que l’on appelle parinibbāna.
Nous nous imaginons que l’éveil, c’est une élévation spirituelle, quelque chose de grandiose, de géant, au-delà. Nous croyons que nous sommes petits, que nous sommes trop petits pour y parvenir et qu’il nous faudra longtemps. Et nous nous imaginons que notre gourou lui, y est arrivé. Alors qu’en réalité, nibbāna est là. Il est très accessible, rapidement. C’est juste un phénomène comme un autre. Il est différent des autres parce qu’il n’apparaît pas mais c’est un phénomène comme un autre en ce sens qu’il n’est rien d’autre qu’un phénomène. Tout simplement parce qu’il ne peut rien avoir d’autre, dans ce monde, que des phénomènes. C’est juste un phénomène que nous n’avons encore jamais connu et qui est à notre portée. Bouddha ne cesse de nous le dire. Il nous faut suivre un entraînement, certes un peu rigoureux. Toutefois, celui qui se contente d’appliquer simplement ce que Bouddha a dit, ne peut faire autrement que de parvenir au but final, à la cessation définitive de toute insatisfaction, à nibbāna.
avec metta
gigi
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