Tango a écrit:haha... jadis je pensais que la forme était la forme... or je me suis bien rendu compte que la forme n' était qu'une apparence.
Apparence de quoi ?... là est la question !
Il demanda à l’honorable Nâgasena :
« Sous quel nom connaîtrons-nous le vénérable ? Comment t’appelles-tu ?
- Ô roi, on me connaît sous le nom de Nâgasena ; c’est par ce nom que mes coreligionnaires s’adressent à moi. Cependant, bien que les parents choisissent [pour leur fils] un nom tel que Nâgasena, Sûrasena, Vîrasena, ou Sîhasena, ce n’est là qu’une dénomination, une désignation, une appellation, un usage commun. Ce n’est rien de plus que le nom « Nâgasena » : aucune personne ne s’y trouve.
- Écoutez-moi, vous les cinq cents Yonaka, vous les quatre-vingt mille moines ! dit le roi Milinda ; ce Nâgasena affirme: « Aucune personne ne s’y trouve ! » Convient-il d’accepter cela ? »
Puis il interrogea Nâgasena :
« Vénérable, s’il n’y a pas de personne, qui donc te donne l’équipement monastique - vêtements, nourriture, literie, remèdes pour les maladies ? Qui l’utilise ? Qui observe les règles morales ? Qui s’applique à cultiver son esprit ? Qui réalise les voies, les fruits, le Nirvâna ? Qui tue des êtres vivants, prend ce qui n’est pas donné, s’adonne aux amours défendues, ment, boit de l’alcool, commet les cinq actes à rétribution immédiate ? Il n’y a donc rien de favorable [au salut], rien de défavorable, ni agent ni instigateur d’actes favorables et défavorables, ni fruit ni maturation des actes bons et mauvais. Et si quelqu’un te tuait, ce ne serait pas un meurtre de sa part. Et puis, vénérable Nâgasena, ni ton instructeur, ni ton précepteur, ni ton ordination n’existent.
Tu dis que tes coreligionnaires s’adressent à toi en tant que « Nâgasena » : de quel Nâgasena s’agit-il ? Est-ce que les cheveux sont Nâgasena ?
- Non, ô roi.
- Est-ce que les poils sont Nâgasena ?
- Non.
- Alors, les ongles et ainsi de suite ? Ou bien les dents, la peau, la chair, les tendons, les os, la moelle, les reins, le coeur, le foie, la plèvre, la rate, les poumons, les entrailles, les intestins, l’estomac, les exctéments, la bile, le phlegme, le pus, le sang, la sueur, la graisse, les larmes, le sébum, la salive, la morve, la synovie, l’urine, la cervelle qui est dans le crâne sont-ils Nâgasena ?
- Non.
- Alors, la forme matérielle est-elle Nâgasena ? Ou bien les sensations ? Les notions ? Les constructions psychiques inconscientes ? La conscience sélective ?
- Non, ô roi.
- Alors, vénérable, la forme matérielle, les sensations, les notions, les constructions psychiques et la conscience sélective sont-elles Nâgasena ?
- Non.
- Eh bien, Nâgasena leur est-il donc extérieur ?
- Non, ô roi.
- Vénérable, je te pose question sur question, et je ne vois pas ce Nâgasena. C’est un mot et rien d’autre, ce Nâgasena ! Qui donc est-ce là ? Ce que tu dis est faux, c’est un mensonge : il n’y a pas de Nâgasena !
- Ô roi, dit alors Nâgasena, tu es un noble de caste guerrière très délicat, excessivement délicat. Si, marchant à midi sur le sol brûlant, sur le sable torride, tu foules des graviers, des cailloux, des grains de sable pointus, tu as mal aux pieds, ton corps se fatigue, tu es de mauvaise humeur et prends douloureusement conscience de ton corps. Mais es-tu venu à pied ou dans un véhicule ?
- Je ne vais pas à pied, vénérable. Je suis venu en char.
- Si tu es venu en char, définis-le-moi : est-ce que le timon est le char ?
- Non, vénérable.
- L’essieu est-il le char ?
- Non.
- Alors, les roues ? La caisse ? La hampe de l’étendard ? Le joug ? Les rênes ? L’aiguillon ?
- Non.
- Alors, le timon, l’essieu, les roues, la caisse, la hampe, le joug, les rênes et l’aiguillon sont-ils le char ?
- Non.
- Eh bien, le char leur est-il donc extérieur ?
- Non, vénérable.
- Ô roi, je te pose question sur question, et je ne vois pas ce char. C’est un mot et rien d’autre, ce char ! Qu’est-ce donc là ? Ce que tu dis est faux, c’est un mensonge: il n’y a pas de char ! De toute l’Inde, tu es le premier des rois : qui crains-tu donc pour dire un mensonge ? Écoutez-moi, vous les cinq cents Yonaka, vous les quatre-vingt mille moines ! Le roi Milinda dit qu’il est venu en char ; puisqu’il en est ainsi, je lui demande de me le définir, mais il ne peut pas faire aboutir ce char : convient-il d’accepter cela ? »
Les cinq cents Yonaka approuvèrent Nâgasena et dirent à Milinda :
« Ô roi, réplique maintenant si tu le peux !
- Je ne dis pas de mensonge, vénérable ! répondit Milinda à Nâgasena ; c’est en relation avec le timon, l’essieu, les roues, la caisse et la hampe de l’étendard qu’a cours la dénomination, la désignation, l’appellation, l’usage commun, le nom « char ».
- Bien, ô roi ! Tu sais ce qu’est un char. Il en va de même pour moi : c’est en relation avec les cheveux, avec les poils et ainsi de suite, avec la cervelle, la forme matérielle, les sensations, les notions, les constructions psychiques inconscientes et la conscience sélective qu’a cours ce simple nom : « Nâgasena » ; en vérité absolue, aucune personne ne s’y trouve. Ô roi, la nonne Vajirâ disait ceci au Bienheureux :
« De même que l’on dit ‘char’ en vertu d’un assemblage d’éléments,
De même, là où se trouvent les groupes d’appropriation, on s’accorde à dire ‘être vivant’. »
- C’est étonnant, vénérable Nâgasena ! C’est extraordinaire ! Quelles reparties plus que brillantes aux questions posées ! Si le Buddha était encore vivant, il approuverait. C’est bien, c’est bien ! »
http://www.bouddhismes.net/Dossier_Questions-Milinda