Comme en vous contemplant dans le miroir, la forme et le reflet se regardent. Vous n'êtes pas le reflet, mais le reflet est vous.
Maître Tozan
C’est le rapport de l’altérité qui me semble être ici abordé.
L’individu contient tous les existants dans son existence personnelle, tout le cosmos : le reflet est vous (tous les existants sont vous- unité du Soi avec la totalité de ce qui est ).
L’existence du reflet en tant que reflet, c’est à dire en tant qu’appartenant dans sa possibilité d’exister, à la sphère de l’expérience consciente du Soi est donc une avec le Soi. Cependant, l’action puissante ou impuissante qu’il est possible d’exercer sur les objets appartenant à cette sphère est ce qui donnera au reflet le statut de « réalité étrangère », c’est à dire que la possibilité même de cette action puissante ou impuissante signifiera pour l’individu que ce reflet soit distinct de lui. A ce stade, l’individu ne peut concevoir la sphère de son être que sur la base des choses sur lesquelles il pourra exercer son pouvoir et sa volonté. Il est en revanche incapable de concevoir l’étendue de cette sphère à ce qui échappera à ces deux là. Aussi, ne peut-il concevoir que des objets autonomes vis à vis de sa volonté fassent pourtant partie de ce qui est contenu dans le Soi. Cette dichotomie en viendra à scinder le Soi en soi (petit égo) VS monde extérieur.
J’ai pour l’instant abordé la dernière partie du koan : (le reflet est vous). Mais celui-ci nous dit par ailleurs que « vous n’êtes pas le reflet ». Voici la manière dont je le comprends :
Etant donné que le Soi de chaque individu contient tous les existants, que la sphère existentielle de chacun se trouve être l’Univers tout entier, que cet Univers est le Soi précisément, une distinction telle qu’énoncée dans la proposition « vous n’êtes pas le reflet » persiste. Elle signifie en effet à mon sens que si l’autre est mon reflet, ce qui pourrait se traduire par le fait que sa présence appartient dans mon regard, à l’ensemble du cosmos que je suis et dont je fais l’expérience, il n’est pas, lui-même en tant que Soi, c’est à dire en tant que cosmos, mon reflet. Ce n’est en effet pas en tant que l’individu qui se tient en face de moi, peut dire « je suis le cosmos, je suis le Soi » qu’il est mon reflet, mais en tant qu’il appartient partiellement à l’expérience du Soi que je suis. En revanche, en tant que l’autre peut dire en ce qui le concerne ; « Je suis le cosmos, je suis le Soi », c’est la personne qui se tient en face d’elle, c’est à dire moi, qui suis son reflet, mais non pas moi en tant que Soi, c’est à dire en tant qu’univers tout entier, mais moi en tant qu’objet particulier de l’Univers dont il est le centre.
Pour résumer, chacun ne peut que faire l’expérience de la totalité de soi-même, cette totalité étant le Soi dont l’autre en tant que reflet n’est qu’une expérience partielle. Du point de vue où l’autre est moi en tant qu’il appartient à ma totalité, je dois m’en préoccuper, ceci pour réaliser le bien de ma totalité dont l’autre fait partie. Mais l’autre est aussi différent de moi-même, ce qui veut dire qu’en tant qu’appartenant cette fois à sa totalité à lui, mon rôle à l’intérieur de cette sphère qui est la sienne, sera déterminant pour lui permettre d’en réaliser le bien. Autrement dit, d’une part, dans ma totalité où l’autre réside, le bien de l’autre participe à l’accomplissement de ma totalité, et d’autre part, dans la totalité de l’autre dans laquelle je réside, participer à son bien contribuera à l’accomplissement de sa totalité. Je suis donc à la fois ; et l’Univers tout entier, et contenu dans cet Univers qui est le Soi de l’autre. Ma caractéristique est donc d’être à la fois totalité et particularité, et mes actions se répercuteront donc aussi bien dans ma totalité, par leur influence sur la particularité que représente l’autre pour moi, qu’au travers du rôle particulier que je joue dans la sphère de la totalité de l’autre.
En conclusion, on a vu par là que mon existence avait à la fois un caractère relatif et un caractère absolu : dans son caractère absolu, celui de ma totalité, « le reflet est vous », l’autre est moi. Dans son caractère relatif ; « vous n’êtes pas le reflet », à savoir que l’autre n’est pas moi, mais que je ne suis qu’une particularité de sa totalité. Nous avons vu enfin que, ces deux aspects ; relatif et absolu, étaient deux manières d'être intimement connecté à tous les êtres.
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