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Bonjour
Il y a plus de quatre ans que je n'ai plus rien écrit sur ce blog, tellement je ne suis pas un écrivain. Parfois il m'arrive d'écrire, mais c'est généralement dans les trains, et c'est à la main avec de l'encre et du papier. Ensuite, il faudrait tout retranscrire, mais de retour à la maison, trop de distractions m'en empêchent. Et l'autre jour, j'ai retrouvé un livre de notes dans lequel j'avais quelques textes. Je me suis dit que j'allais en partager quelques uns.
Une des caractéristiques du Bouddhisme, c'est la profonde humanité de ses grands personnages.
Le Bouddha n'y échappe pas, qui reste profondément humain, avec des défauts et des travers, loin de l'être infaillible de la piété traditionnelle.
Mais cette idée ne plaît pas à tout le monde. Les personnes en quête de merveilleux, pour qui les lois naturelles de la physique doivent avoir des exceptions "exceptionnelles" veulent souvent à toute force croire que le Bouddha pouvait voler en l'air, transporter des foules de l'autre côté des fleuves, purifier l'eau boueuse par miracle, etc. Je ne veux pas dire qu'il était incapable de certaines des choses qui lui sont attribuées, mais disons, que je trouve plus raisonnable d'en douter, d'une part, et que de lui restituer ses éventuelles faiblesses le rend certainement plus proche de nous. Car il est trop facile de s'absoudre d'accomplir le travail quand même ardu qui mène à la cessation de l'insatisfaction, en grandissant exagérément la personne qui y est arrivée.
Kapilavastu était une république dirigée par le clan Sakya, ce qui fait de Suddhodana un "roi" comme nous dirions "le chef". Il était élu, ce qui a pu être déterminant dans la décision de son fils Siddharta de quitter la vie de famille. Le jeune homme avait reçu l'entraînement qui était celui d'un kshatriya, un guerrier, et savait mener un cheval, se battre à l'épée et tirer à l'arc. Ces données lui servirent souvent dans son enseignement. Mais il semble bien qu'il avait quand même des côtés de macho de base, arrogant sans même s'en rendre compte et condescendant envers les femmes.
Lorsqu'il établit le Sangha, il en exclut les femmes, et il fallut toute l'insistance de son épouse (ex-épouse), de sa tante (et mère adoptive) et de son cousin Ananda pour qu'il accepte enfin de changer d'idée. On le voit, il n'était pas infaillible, et pouvait reconsidérer une décision. On voit aussi que cette décision n'allait pas de soi, car elle déplut visiblement à une partie de ses disciples, et on peut certainement le déduire des éléments postérieurs qui accablent Ânanda, lui reprochant d'avoir été un licencieux, pour avoir arraché cette décision.
Il existe une façon paradoxale de trahir les maîtres, qui est de prétendre leur être fidèle. En s'attachant de façon excessive à la forme de ce qu'ils ont dit et de la manière dont il l'ont dit, on s'expose à trahir l'esprit de leur démarche, qui était que nous apprenions par leur exemple à nous libérer, point barre. Les maîtres (les vrais, s'entend) n'enseignent pas pour avoir des disciples autour d'eux. En général, ils s'en passeraient, plutôt. C'est leur voeu de libérer tous les êtres qui les contraint à accepter d'aider les autres à se libérer. Et si la personne n'a pas vraiment l'intention de se libérer, mais bien plutôt de changer de chaînes (passer de leurs vieilles chaînes rouillées a de belles chaînes exotiques, décorées et niellées), le maître risque fort de ne pas trop s'impliquer, parce que c'est du temps perdu: on n'aide jamais quelqu'un malgré eux.
On est toujours tenté par la fidélité à son maître. Maître Nishijima était quelqu'un de profondément humain, qui faisait (peut-être trop) facilement confiance. Ce la entraînait parfois des moments de paranoïa où il se demandait s'il avait bien eu raison. Même si nous faisions totalement confiance à son jugement en matière de bouddhisme, ses opinions dans des domaines autres (par exemple, la politique) pouvaient nous laisser de marbre. C'est important, parce que nier ses défauts ne rendrait nullement service à sa mémoire, en le mettant au rang des dieux.
Il en va de même pour maître Deshimaru. L'aurait-on suivi s'il avait dit: "Ecoutez, je suis un gros nul, j'ai raté ma vie professionnelle et familiale, et j'ai fui le Japon parce que je n'en pouvais plus, mais faites-moi confiance, je vais vous enseigner la Voie de la Libération!" ? Alors qu'il est évident qu'il lui fallait, dans son cas, rater sa vie professionnelle et familiale pour pouvoir transmettre le Dharma.
C'est pourquoi nous devons manifester notre reconnaissance pour ceux qui nous transmettent la Lampe en reconnaissant ce qu'ils étaient réellement, et pas ce que nous aimerions fantasmer sur eux...