Bonjour
Les anciens membres du forum me connaissent, mais je viens de passer quelques jours avec mon "frère aîné", Mike Luetchford, qui a commencé à étudier avec Nishijima en 1977 (!) et qui reste pour moi une référence permanente, tant il me questionne, secoue et remet en cause à chaque fois que nous nous voyons.
En sa compagnie, et par la suite, à cause d'une conversation avec un ami (grand ami dans la Voie), il m'a semblé devoir éclaircir un détail, non seulement à propos de mon pseudo (qui n'en est pas un, puisqu'il s'agit de mon nom de Dharma), mais à propos d'un terme et d'une fonction trop fantasmés.
J'ai nommé le terme "maître"
Uchiyama Kôshô a dit, "Personne ne maîtrise le zen", d'autres voudraient qu'on supprime ce terme pompeux en le remplaçant par un autre, sans oublier les considérations anglo-saxonnes chez qui le mot maître évoque davantage l'esclavage que l'enseignement. Alors, pourquoi conserver ce terme?
Umberto Eco disait du langage politiquement correct que c'était du langage "vaseline" (sous-entendu, pour mieux permettre de l'enfiler bien profond). Evidemment, cela peut paraître plus noble, plus technique, d'appeler un balayeur de rues un "technicien de surface", mais est-ce que cela change vraiment la perception que nous en avons?
Je pense au terme "nègre" qui est désormais bien rejeté en termes de politiquement correct, et dont un écrivain américain (Norman Mailer) disait, fort justement selon moi, qu'il le répéterait jusqu'à ce que l'entendre ne fasse plus de mal à un petit enfant. Je pense en effet que, plutôt que de glisser pudiquement d'un terme à l'autre sans jamais oublier l'aspect négatif qui suit, nous devons bien au contraire purger ces termes de leurs significations ignobles.
Revenons à maître. A cause de mon vécu, ce terme a toujours évoqué pour moi le binôme maître-apprenti. Dans toutes les formations de ce type, le terme maître d'apprentissage reste valide. Il n'a aucune valeur mystique ou honorifique. Il fait juste référence au fait que le maître est celui qui est chargé de montrer à l'apprenti les gestes et les techniques qu'il doit connaître. Et il se trouve que l'apprentissage du bouddhisme, particulièrement dans la vision de maître Nishijima, est un processus concret, un processus en action, et non une sorte d'accumulation de connaissances théoriques, qui pourraient de ce fait rester sans aucune application pratique.
Je donne un bête exemple, la posture de zazen. Elle est simple. Mais lorsqu'il s'agit de l'expliquer, cela devient extrêmement compliqué, parce qu'il y a des dizaines de considérations qui entrent en jeu. C'est ce qui fait qu'il est impératif que quelqu'un montre cette posture, et la corrige lorsqu'elle dérive. C'est aussi pour cela que, lorsque les pratiquants sont expérimentés, et qu'ils ont dérivé sans s'en rendre compte, il est important que quelqu'un ait l'autorité pour les corriger (parce que, en général, les réactions égotiques étant ce qu'elles sont, si un moins avancé tente de corriger un plus avancé, il va se faire jeter sous divers prétextes, dont "l'intimité de la posture").
Lors de mon séjour chez lui, Mike m'a montré une application qu'il avait sur son téléphone, application d'anatomie pouvant au gré montrer les muscles, dont ceux de la colonne vertébrale qui travaillent. Notre discussion portait sur les dérives qui peuvent survenir si une instruction est mal comprise. Il me donnait ainsi l'exemple d'une personne qui avait compris de façon exagérée l'instruction "pousser la tête en arrière et rentrer le menton" qui avait résulté chez lui en une crispation du cou (chose que j'ai souvent observée et aussi sur moi-même). Comme il ne s'était trouvé personne pour le corriger avant de rencontrer un enseignant de la technique Alexander (kiné), il en avait déduit à tort que l'instruction était erronée. Et je crois aussi que c'est cette compréhension exagérée qui est cause (partielle) de la terrible rigidité qu'on ressent souvent dans certains dojos, et que certains appellent de "l'énergie."
Mais ne nous égarons pas. Ce post est à propos du terme maître. Il doit demeurer, et être réduit à sa véritable signification, sinon, nous finirons comme dans l'Education nationale, qui a remplacé le terme de maître dans les écoles primaires par professeur des écoles, comme si ce terme ronflant allait changer quelque chose au manque de considération de ces enseignants par leur hiérarchie...
Personne n'a jamais prétendu que les maîtres d'école élémentaire "maîtrisaient" leur sujet. Dans des temps plus anciens, souvent ces maîtres n'avaient de mieux que leurs élèves que le certificat d'études. Ce qui ne les empêchait pas d'être "maîtres," certains bons, d'autres moins, certains franchement mauvais.
Ce qui m'amène à répéter ce que j'ai souvent mentionné: le plus important, c'est le disciple. Les mauvais maîtres existent. Dans le zen, je serais même tenté de dire qu'ils sont pléthore. Le zen est le terrain idéal pour les imposteurs en manque de reconnaissance, et ils ne manquent pas. Mon maître d'apprentissage était un excellent luthier, mais à cause de son vécu et de ses origines, il était un piètre maître, qui faisait de la rétention d'information, car l'information, c'est du pouvoir. Cette constante de l'irruption de la problématique du pouvoir dans les relations d'apprentissage n'est pas non plus à négliger. C'est pour cela que la responsabilité d'un disciple, c'est aussi de ne jamais abandonner son discernement. Personne ne peut manger à notre place (et les autres fonctions aussi), et à ce titre chacun, nous devons être vigilants et d'abord et surtout envers nous-mêmes: nous sommes, et serons toujours les mieux placés pour nous faire partir en couille.
C'est pour toutes ces raisons que j'affiche le titre "maître zen". Non que je "maîtrise" quoi que ce soit (même s'il peut y avoir des moments où...) mais parce que, en me donnant la transmission, et en particulier en dehors des fastes de la Sôtôshû, maître Nishijima m'a donné la mission de perpétuer ses enseignements. Mike et moi avons observé que le nom de Nishijima commence à avoir assez de prestige pour que des imposteurs s'en saisissent et s'en servent pour se faire valoir. Mais cela ne rime à rien si ces personnes n'enseignent pas ce que Nishijima nous a transmis, qui est que de discuter, par exemle, sur "ne pas faire le mal, faire le bien" ne doit pas se limiter à un exercice mental de traduction et d'exégèse, mais une action réelle à cet instant et en ce lieu.
Les anciens membres du forum me connaissent, mais je viens de passer quelques jours avec mon "frère aîné", Mike Luetchford, qui a commencé à étudier avec Nishijima en 1977 (!) et qui reste pour moi une référence permanente, tant il me questionne, secoue et remet en cause à chaque fois que nous nous voyons.
En sa compagnie, et par la suite, à cause d'une conversation avec un ami (grand ami dans la Voie), il m'a semblé devoir éclaircir un détail, non seulement à propos de mon pseudo (qui n'en est pas un, puisqu'il s'agit de mon nom de Dharma), mais à propos d'un terme et d'une fonction trop fantasmés.
J'ai nommé le terme "maître"
Uchiyama Kôshô a dit, "Personne ne maîtrise le zen", d'autres voudraient qu'on supprime ce terme pompeux en le remplaçant par un autre, sans oublier les considérations anglo-saxonnes chez qui le mot maître évoque davantage l'esclavage que l'enseignement. Alors, pourquoi conserver ce terme?
Umberto Eco disait du langage politiquement correct que c'était du langage "vaseline" (sous-entendu, pour mieux permettre de l'enfiler bien profond). Evidemment, cela peut paraître plus noble, plus technique, d'appeler un balayeur de rues un "technicien de surface", mais est-ce que cela change vraiment la perception que nous en avons?
Je pense au terme "nègre" qui est désormais bien rejeté en termes de politiquement correct, et dont un écrivain américain (Norman Mailer) disait, fort justement selon moi, qu'il le répéterait jusqu'à ce que l'entendre ne fasse plus de mal à un petit enfant. Je pense en effet que, plutôt que de glisser pudiquement d'un terme à l'autre sans jamais oublier l'aspect négatif qui suit, nous devons bien au contraire purger ces termes de leurs significations ignobles.
Revenons à maître. A cause de mon vécu, ce terme a toujours évoqué pour moi le binôme maître-apprenti. Dans toutes les formations de ce type, le terme maître d'apprentissage reste valide. Il n'a aucune valeur mystique ou honorifique. Il fait juste référence au fait que le maître est celui qui est chargé de montrer à l'apprenti les gestes et les techniques qu'il doit connaître. Et il se trouve que l'apprentissage du bouddhisme, particulièrement dans la vision de maître Nishijima, est un processus concret, un processus en action, et non une sorte d'accumulation de connaissances théoriques, qui pourraient de ce fait rester sans aucune application pratique.
Je donne un bête exemple, la posture de zazen. Elle est simple. Mais lorsqu'il s'agit de l'expliquer, cela devient extrêmement compliqué, parce qu'il y a des dizaines de considérations qui entrent en jeu. C'est ce qui fait qu'il est impératif que quelqu'un montre cette posture, et la corrige lorsqu'elle dérive. C'est aussi pour cela que, lorsque les pratiquants sont expérimentés, et qu'ils ont dérivé sans s'en rendre compte, il est important que quelqu'un ait l'autorité pour les corriger (parce que, en général, les réactions égotiques étant ce qu'elles sont, si un moins avancé tente de corriger un plus avancé, il va se faire jeter sous divers prétextes, dont "l'intimité de la posture").
Lors de mon séjour chez lui, Mike m'a montré une application qu'il avait sur son téléphone, application d'anatomie pouvant au gré montrer les muscles, dont ceux de la colonne vertébrale qui travaillent. Notre discussion portait sur les dérives qui peuvent survenir si une instruction est mal comprise. Il me donnait ainsi l'exemple d'une personne qui avait compris de façon exagérée l'instruction "pousser la tête en arrière et rentrer le menton" qui avait résulté chez lui en une crispation du cou (chose que j'ai souvent observée et aussi sur moi-même). Comme il ne s'était trouvé personne pour le corriger avant de rencontrer un enseignant de la technique Alexander (kiné), il en avait déduit à tort que l'instruction était erronée. Et je crois aussi que c'est cette compréhension exagérée qui est cause (partielle) de la terrible rigidité qu'on ressent souvent dans certains dojos, et que certains appellent de "l'énergie."
Mais ne nous égarons pas. Ce post est à propos du terme maître. Il doit demeurer, et être réduit à sa véritable signification, sinon, nous finirons comme dans l'Education nationale, qui a remplacé le terme de maître dans les écoles primaires par professeur des écoles, comme si ce terme ronflant allait changer quelque chose au manque de considération de ces enseignants par leur hiérarchie...
Personne n'a jamais prétendu que les maîtres d'école élémentaire "maîtrisaient" leur sujet. Dans des temps plus anciens, souvent ces maîtres n'avaient de mieux que leurs élèves que le certificat d'études. Ce qui ne les empêchait pas d'être "maîtres," certains bons, d'autres moins, certains franchement mauvais.
Ce qui m'amène à répéter ce que j'ai souvent mentionné: le plus important, c'est le disciple. Les mauvais maîtres existent. Dans le zen, je serais même tenté de dire qu'ils sont pléthore. Le zen est le terrain idéal pour les imposteurs en manque de reconnaissance, et ils ne manquent pas. Mon maître d'apprentissage était un excellent luthier, mais à cause de son vécu et de ses origines, il était un piètre maître, qui faisait de la rétention d'information, car l'information, c'est du pouvoir. Cette constante de l'irruption de la problématique du pouvoir dans les relations d'apprentissage n'est pas non plus à négliger. C'est pour cela que la responsabilité d'un disciple, c'est aussi de ne jamais abandonner son discernement. Personne ne peut manger à notre place (et les autres fonctions aussi), et à ce titre chacun, nous devons être vigilants et d'abord et surtout envers nous-mêmes: nous sommes, et serons toujours les mieux placés pour nous faire partir en couille.
C'est pour toutes ces raisons que j'affiche le titre "maître zen". Non que je "maîtrise" quoi que ce soit (même s'il peut y avoir des moments où...) mais parce que, en me donnant la transmission, et en particulier en dehors des fastes de la Sôtôshû, maître Nishijima m'a donné la mission de perpétuer ses enseignements. Mike et moi avons observé que le nom de Nishijima commence à avoir assez de prestige pour que des imposteurs s'en saisissent et s'en servent pour se faire valoir. Mais cela ne rime à rien si ces personnes n'enseignent pas ce que Nishijima nous a transmis, qui est que de discuter, par exemle, sur "ne pas faire le mal, faire le bien" ne doit pas se limiter à un exercice mental de traduction et d'exégèse, mais une action réelle à cet instant et en ce lieu.