Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    Immo – 恁麼 (Telléité)

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    Message par Kaïkan Dim 6 Mar 2011 - 17:23

    Immo – 恁麼 (Telléité)

    Par Maître Dõgen

    La sagesse de Bouddha n’est ni contemplation, ni intention, ni non-intention, ni conscience, ni inconscience. Elle n’a que faire des notions comme petit ou grand, illumination ou illusion.
    Le grand maître Kokaku du Mont Ungo, trente-neuvième descendant de Shakyamuni - l’héritier légitime de Maître Tozan -, tint un jour ces propos devant l’assemblée des moines :- Si vous voulez accéder à ce qui est, il vous faudrait devenir tathata. Puisque nous sommes tous adeptes de la Voie bouddhique ; c’est ce qui est, pourquoi tergiverser ?
    Les personnes, telles qu’elles peuvent être dans leur nature originelle, sont la manifestation de la Voie, voilà le sens exact de cette déclaration. Tathata est l’aspect accompli de la Voie bouddhique qui contient et transcende l’univers tout entier, elle est infinie.

    Étant des constituants du tout, pourquoi serait-il si important d’accéder à ce qui est, l’expression avérée de la réalité telle qu’elle apparaît dans tout l’univers ? Elle est instable et insaisissable. Alors comment savoir qu’elle existe ? Nous le savons par ce corps et cet esprit, quoiqu’ils ne soient pas vraiment nous. Notre vie se transforme au gré du temps et des circonstances, elle n’est pas immuable. D’innombrables choses surviennent, puis disparaissent sans laisser de trace. Notre esprit aussi, subit de continuelles mutations. Certains arrivent à se demander si cela est ainsi, s’il n’y ait rien sur quoi pouvoir compter. Mais ceux qui sont résolus dans leur quête de la Voie prennent appui sur ce flux constant des circonstances et des conditions pour approfondir leur pratique. Toutefois, il nous est difficile de parvenir à cette compréhension par nos propres moyens. C’est important de ne pas l’oublier.

    Originellement, nous sommes tathata. Comment pouvons-nous le savoir ? Nous savons que nous le sommes par notre désir de vouloir l’être. Nous avons toutes les dispositions pour le devenir et c’est pour cette raison qu’il n’est pas nécessaire de s’en inquiéter, bien que s’en inquiéter soit déjà un pas vers la compréhension éclairée de soi. Ne soyez pas étonnés par ces propos. C’est la seule voie qui nous y mène La Voie Bouddhique est absolue. Nul ne peut en avoir le contrôle, de même un esprit aguerri aux principes bouddhiques ne peut le concevoir totalement. Le fonctionnement de l’Esprit universel ne peut être maîtrisé entièrement. Comme vous êtes déjà thatagata s’en inquiéter est absurde. L’essence de tous les phénomènes ainsi que l’esprit, le corps et Bouddha ne sont que tathata. Lorsque nous tombons, nous ne pouvons que tomber sur terre. Elle et nous sommes inséparables, il en va de même pour ce qui est de la Voie. Ne soyez pas inquiets, il n’y a pas lieu de douter.

    Un ancien adage qui nous vient à la fois de l’Inde et de la Chine dit ceci : - Si nous tombons sur le sol, nous nous relevons du sol. Autrement, il serait impossible de se relever. Lorsque vous vous serez étudié et que vous serez parvenus à la profonde compréhension éclairée de soi, vous comprendrez que ces propos illustrent le principe de la libération du corps et de l’esprit. Ainsi, s’il vous est demandé de spécifier les principes qui mènent à cette compréhension éclairée de soi, contentez-vous de dire qu’il en va comme d’un homme qui se relève après être tombé. Pour comprendre cela clairement, il faudrait que vous vous soyez détachés, instant après instant, de vos illusions passées, présentes et futures. L’éveil, c’est transcender l’éveil, c’est aller au-delà des illusions [sonder en profondeur les illusions] et parvenir à la compréhension éclairée de soi. Vous êtes cernés soit par l’éveil, soit par l’illusion. Votre condition dépend du principe : se relever demande que l’on soit préalablement tombé. Ce principe est applicable en tous lieux, à toutes choses et il est la réalité de tous les Bouddhas. Une compréhension intellectuelle ne suffit pas, il vous faut en faire l’expérience. Les paroles de Bouddha que l’on aurait entendues, ou l’enseignement des Patriarches que l’on aurait reçu importent peu. Si paroles et enseignements ont été accueillis dans le même état d’esprit qu’eux, alors nous partageons leur éveil. Alors il nous sera donné de dire des choses qui n’ont jamais été exprimées en Inde ou en Chine. Toutefois, si vous ne comprenez pas cela, quand vous tombez à terre, vous ne pourrez jamais vous relever. Quand vous tombez, il vous est possible seulement de vous relever au moyen du vide et de la terre. Il en a été ainsi pour tous les Bouddhas et les Patriarches. Si quelqu’un vous demandait quelle distance y a-t-il entre la terre et le vide, vous devriez répondre : - Bien qu’il soit impossible de se soustraire à la fois du vide et de la terre, il doit y avoir 108.000 ri. Si vous ne répondez pas ainsi, cela voudrait dire que vous n’avez rien compris à la Voie et que vous ne connaissez pas l’éveil.
    Le dix-septième Patriarche, vénérable Sogyanandai, entendit la cloche à vent du hall principal du temple tinter et demanda à son disciple Kasayata :

    "Est-ce le son de la cloche ou celui du vent ? "
    "Ce n’est ni celui du vent, ni celui de la cloche, ce n’est que le son de mon esprit, répondit Kasayata."

    "Que veux-tu dire par c’est mon esprit ? "
    "Tout n’est que pure tranquillité, répondit Kasayata. "

    " Excellent ! Je ne vois que toi, Kasayata pour transmettre mon enseignement. C’est ainsi que la transmission authentique du Dharma fut remise à Kasayata."

    Cet échange concerne l’état d’esprit quand la cloche et le vent n’émettent aucun son. C’est cet état d’esprit que nous devrions avoir lorsque nous étudions le Dharma. Cette histoire transmise de l’Inde en Chine, du passé au présent, a été une référence dans l’apprentissage de la Voie, mais beaucoup de gens l’ont mal interprétée. Si bien qu’il y a certaines gens qui pensent que la réponse de Kasayata concerne la conscience auditive et elles prétendent que si nous entendons le son émis par la cloche, c’est qu’il est perçu par notre esprit. C’est une vision erronée de la chose. Ces personnes en sont arrivées à penser ainsi par manque d’une véritable éducation, celle d’un vrai maître. Leur interprétation est digne de celle d’un grammairien ou d’un logicien. Si nous procédons de la même manière qu’eux, nous aurons des difficultés à comprendre le sens véritable de la Voie du Bouddha. Ceux qui ont reçu la transmission d’un authentique maître (les disciples véritables) nomment l’œil du trésor de la vraie loi, le royaume de la quiétude, du non-agir, du Samadhi et de dharani. En principe si une seule chose est sereine alors toutes les choses le sont aussi – Le souffle du vent est dans l’espace de sérénité, il en est donc ainsi du son de la cloche. Le son de notre esprit n’est pas celui de la cloche ni celui du vent, ceci n’est vrai que si nous concevons l’émission d’un son selon un protocole particulier. En réalité, il n’existe rien de spécial, donc il n’est pas nécessaire d’accroître nos illusions en faisant des interprétations. L’ainséité existe par le seul fait de cesser de se poser des questions.

    Avant qu’il ne se fasse ordonner, le trente-troisième Patriarche, - le Maître zen Daikan Eno - vivait au temple d’Hossho-ji situé à Kashu. Un jour, deux moines argumentaient. L’un prétendait que la bannière bougeait, l’autre que c’était le vent qui bougeait. Maître Daikan Eno intervint et leur dit : - Ce n’est ni le vent ni la bannière qui bougent, mais votre esprit ! Les deux moines s’inclinèrent respectueusement. Ces deux moines originaires de l’Inde ne pouvaient pas comprendre ce que leur disait Maître Eno, pas plus qu’ils ne pouvaient se rendre compte qu’ils avaient devant eux un homme ayant une certaine expérience de la Voie. Leur connaissance de la langue ne leur permettait pas d’avoir une meilleure compréhension du sens de la réponse de Maître Daikan Eno, et ils ne purent donc pas avoir une relation de maître à disciple. Cette réponse n’était qu’un expédient, car en réalité le vent, la bannière et l’esprit sont tranquilles, ils sont en état de nirvâna. Si vous êtes un authentique disciple d’Eno, vous devriez dire : c’est vous qui bougez et non c’est votre esprit qui bouge. Le mouvement est le mouvement, vous êtes vous et tout le monde est thatagata.C’est cela immo, tathata, être-ainsi.
    Par le passé, le sixième Patriarche était bûcheron à Shinshu. Il était familier des forêts, des vallées et des lacs. Il voulait trancher les racines de ses illusions. Sa famille n’ayant aucune fortune, cette situation ne lui permettait pas d’entrer au monastère. Il n’avait pas de Maître pour l’enseigner, il se contentait de pratiquer zazen sous un pin. Un jour, sur la place du marché, il entendit chanter un verset du soutra du Diamant : Quand on ne demeure sur rien, le véritable esprit apparaît. Sans aucune raison apparente, subitement, il décida d’entrer dans un monastère. Eno ignorait qu’il possédait une petite perle pouvant illuminer le ciel et la terre. Jeune, il perdit son père et eût sa mère à sa charge. Dès qu’il prit conscience de la présence de cette lumière intérieure, il décida de se consacrer totalement à sa recherche. Il prit la décision de quitter sa mère et se mit à la recherche d’un maître. Il est rare qu’un laïc ayant une famille dans le besoin abandonne sa charge, mais pour celui qui deviendra le sixième Patriarche, rien ne semblait être plus important que la Voie. Il faut savoir que seule la sagesse de Bouddha recherche la sagesse de Bouddha. Si vous l’avez, vous trouverez assez rapidement la Voie. Toutefois, sachez qu’elle ne surgit par elle-même et que l’on ne peut l’acquérir par autrui.

    Les dépouilles des cinq cents chauves-souris qui décidèrent de mourir afin d’apprendre l’enseignement des soutras furent trouvées en possession de la sagesse de Bouddha. Les dix mille poissons qui chantaient inlassablement le nom du Bouddha possédaient aussi la sagesse de Bouddha dans leur corps. Cela n’a rien à voir avec les principes de la causalité. Dès qu’ils entendaient l’enseignement, ils le comprenaient. La sagesse de Bouddha ne nous vient pas de l’extérieur. C’est comme le dieu du printemps rencontrant le printemps. En d’autres termes, nous pourrions rencontrer notre moi véritable à tout instant. La sagesse de Bouddha n’est ni contemplation, ni intention, ni non-intention, ni conscience, ni inconscience. Elle n’a que faire des notions comme petit ou grand, illumination ou illusion. Le sixième Patriarche était bûcheron et n’avait aucun intérêt particulier pour le Dharma. Il ne savait même pas qu’il existait. Mais dès qu’il entendit l’enseignement, il mit ses obligations et son bien-être en second plan. C’est pour cette raison qu’il est dit que si nous trouvons la sagesse de Bouddha, nous pourrions immédiatement comprendre l’enseignement du Bouddha. En dépit de notre potentiel de sagesse, nous vivons dans l’illusion et dans le cycle sans fin de la vie et de la mort. C’est comme une pierre brute et une pièce de jade poli. Initialement, c’est une pierre quelconque, comment imaginer qu’elle puisse devenir un joyau ? La pierre ignore qu’elle est une gangue autour d’un joyau. Le joyau ignore qu’il est pris dans une gangue de pierre. Seul un homme peut, en la travaillant, transformer cette pierre brute en une pièce de jade. Il en va de même pour l’homme et la sagesse de Bouddha : ils ignorent totalement leur existence respective, bien qu’au contact du Dharma ils puissent s’éveiller.

    Dans les écrits bouddhiques, on peut lire ceci : - Ceux qui n’ont pas la sagesse doutent et ainsi la perdent pour l’éternité. On ne peut pas prétendre qu’elle existe ou qu’elle n’existe pas. Si elle existe, alors tout existe et inversement. Existence et non existence sont comme les bourgeons de pin au printemps et les chrysanthèmes en automne. Lorsqu’elle fait défaut, on vient à douter de l’Eveil et de tout. C’est une grande perte. Bien que le Dharma et la sagesse de Bouddha puissent se manifester dans tout l’univers, nous ne pouvons pas prétendre être les seuls à le posséder. L’univers tout entier est en lui-même vérité et elle ne peut appartenir à quelqu’un. Elle ne contient rien d’autre qu’elle-même et elle est une source inépuisable de vie. Qu’importent nos doutes ou nos égarements, dans le monde du Bouddha ne demeure que le Dharma et les phénomènes y résident continûment. Les notions d’avoir la sagesse de Bouddha et d’être sans sagesse de Bouddha semblent antinomiques, mais pas plus que ne le sont le soleil et la lune.
    Etant un homme de l’ainséité, le sixième Patriarche comprit cela. Il se rendit au Mont Obai et devint disciple de Maître Daiman qui lui demanda de se rendre au hangar à riz où une tâche et une couche lui seraient attribués. Maître Eno y demeura tout en travaillant durant huit mois. Un soir, Maître Daiman vint au hangar à riz et l’interpella : - Alors ce riz, est-il blanc ? - Il l’est, mais reste encore à le trier, répliqua Eno. Daiman frappa trois fois le mortier de sa canne. Eno secoua trois fois le van dont il se servait pour trier le riz. C’est à cet instant que le Maître et le Disciple ne firent plus qu’un. Nous n’avons aucune autre information concernant cet évènement, mais nous savons qu’Eno actualisa l’enseignement de son maître qui lui remit son Kesa.
    Yakusan interpella, à l’occasion, le grand Maître Sekito Musai du Mont Nangaku : - Je suis presque parvenu, avec peine, à comprendre l’enseignement des trois véhicules et des douze écoles. Mais ne voilà pas que j’apprends qu’il y aurait une école dans le sud qui enseigne (directement au cœur de l’homme) à voir sa nature véritable et devenir Bouddha. Honnêtement, je n’y comprends rien. Maître, je vous prie avec toute votre compassion de bien vouloir me l’expliquer.

    Par le passé, Yakusan donnait des conférences où il commentait les soutras. Il devrait connaître tout ce qu’il y a à savoir sur les enseignements bouddhiques. Autrefois, étudier la Voie consistait à étudier les soutras. Aujourd’hui, les gens sont si stupides qu’ils s’acharnent à vouloir donner une interprétation de l’enseignement en s’appuyant sur leur propre point de vue ou leur érudition. Ce n’est pas la bonne approche. Maître Sekito répondit à sa question en disant : - L’ainséité ne peut être acquise comme il peut ne pas être obtenu. Que veux- tu faire d’autre ? L’ainséité de Sekito ne peut être explicitée à l’aide de mots. Sa réponse dépasse notre entendement, son éveil transcende l’éveil.

    Un jour, le sixième Patriarche questionna Maître Nangaku Ejo : - Pourquoi et comment survient l’ainséité ? On ne peut répondre à cette question. Elle surpasse toute compréhension, cela revient à demander comment les choses existent-elles. Nous devrions savoir que c’est cela immo, tathata, "être-ainsi". C’est l’expérience de la réalité telle qu’elle est sans aucun doute possible.


    Maître Dõgen 20 mars 1242 Kõshõji Temple

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    Message par Yudo, maître zen Jeu 15 Sep 2016 - 19:24

    恁縻 IN-MO. Cela

    Inmo est un mot chinois qui se traduit par "cela", "ça", ou "ce qui". Autrement dit, comme en français, des mots qui désignent ce qu'il est inutile d'expliquer. C'est pourquoi les philosophes bouddhiques chinois s'en servaient pour suggérer quelque chose d'ineffable.  En même temps, l'un des buts de l'étude du Bouddhisme est de prendre conscience de la réalité, et selon le Bouddhisme, celle-ci est ineffable. L'expression inmo sert dont à indiquer la vérité, ou la réalité, ineffable dès l'origine. Dans ce chapitre, maître Dôgen en explique le sens en citant les paroles des maîtres Ungo Doyo, Sanghanandi, Daikan Eno, Sekito Kisen et autres.

    Maître Dôgen a écrit:Le grand maître Kokaku (1) du mont Ungo est l'héritier légitime de Tozan (2), il est le descendant à la trente-neuvième génération dans le Dharma du Bouddha Shakyamuni, et il est un patriarche authentique dans la lignée de Tozan. Un jour, il prêche à l'assemblée: "Si vous voulez atteindre l'affaire qui est cela (3), vous devez être une personne qui est cela. Etant déjà une personne qui est cela, pourquoi se soucier de l'affaire qui est cela?" (4)

    Autrement dit, ceux qui veulent atteindre l'affaire qui est cela doivent être eux-mêmes des personnes qui sont cela. Ce sont déjà des personnes qui sont cela; pourquoi devraient-elles se soucier [d'atteindre] l'affaire qui est cela? (5) L'idée étant que c'est le fait de se diriger soi-même tout droit vers la vérité suprême de la bodhi qu'on décrit ici. La situation de la vérité suprême de la bodhi est telle que même l'Univers tout entier dans les dix directions n'est qu'une toute petite partie de la vérité suprême de la bodhi: il se pourrait bien que la vérité de la bodhi abonde au delà de l'Univers. Nous-mêmes sommes des outils dont elle dispose au sein de cet Univers dans les dix directions. Comment savons-nous que cela existe? Nous le savons parce que le corps et l'esprit apparaissent tous deux dans l'Univers, et pourtant aucun d'eux n'est nous. Le corps, déjà, n'est pas "Je." Sa vie passe à travers les jours et les mois, et nous ne pouvons pas l'arrêter ne fut-ce qu'un instant. Lorsque les visages rubiconds [de notre jeunesse] se sont-ils envolés? Lorsque nous les cherchons, ils se sont évanouis sans laisser de trace. Lorsque nous réfléchissons avec soin, il y a beaucoup de choses du passé que nous ne reverrons jamais. L'esprit sincère (6), lui aussi, ne s'arrête pas, mais il va et vient instant par instant. Quoique l'état de sincérité existe vraiment, ce n'est pas quelque chose qui s'attarde dans le voisinage de Soi personnel. Même là, il y a quelque chose qui, dans le sans-limites, établit l'esprit [de la bodhi]. Une fois établi cet esprit, ayant abandonné nos anciens jouets, nous espérons entendre ce que nous n'avions pas encore entendu et nous recherchons une expérience que nous n'avions pas encore faite: ceci n'est pas seulement de notre fait. Rappelez-vous, cela se produit ainsi parce que nous sommes des personnes qui sont cela. Comment savons-nous que nous sommes des personnes qui sont cela? Nous savons que nous sommes des personnes qui sont cela du simple fait que nous voulons accéder à l'affaire qui est cela. Déjà, nous possédons les vrais traits d'une personne qui est cela: ne nous préoccupons pas de l'affaire qui est cela et qui est déjà là. Même ce souci n'est en soi que l'affaire qui est cela, ce qui fait que c'est au delà du souci. Encore une fois, nous ne devons pas nous étonner de ce que l'affaire qui est cela soit présente dans cet état. Même si cela  est objet  de surprise et d'étonnement, cela reste quand même juste cela. Et il y a un cela qui ne devrait même pas nous surprendre. On ne peut pas prendre la mesure de cet état, même en considérant le Bouddha, même en considérant l'esprit, même en considérant le monde du Dharma, même en considérant l'Univers tout entier. I ne peut être décrit que par "Déjà vous êtes une personne qui est cela: pourquoi vous tracasser à propos de l'affaire qui est cela?" C'est ainsi que l'ainsité du son et de la forme peut être cela; que l'ainsité du corps-et-esprit peut être cela; que l'ainsité des bouddhas peut être cela. Par exemple, au moment de tomber par terre(7), nous le comprenons, tel quel, comme cela. Et au moment même où nous nous relevons, prenant inévitablement appui par terre, nous ne nous étonnons pas  de ce que le tomber par terre était par terre.
    _________________________________________
    1) Maître Ungo Doyo (?-902). Grand maître Kokaku est son titre posthume.
    2) Maître Tozan Ryokai (807-869), successeur de maître Ungo Doyo.
    3) 恁縻事 (INMO [noJI), ou "l'affaire de l'inneffable." Maître Dôgen utilise ces mots de maître Ungo Doyo dans le Fukan-Zazengi.
    4) Keitoku-dento-roku, chap. 17
    5) Dans ces phrases-ci, maître Dôgen explique le texte chinois de l'histoire en utilisant une combinaison de caractères chinois (en italiques) et de kana japonais.
    6) 赤心 (SEKISHIN), litt., "esprit rouge", signifie l'esprit nu, ou esprit sincère.
    7) 因地倒者 (CHI [ni] yo[rite] taoruru mono tire son origine d'une phrase de maître Upagupta, 4° patriarche indien. Le Sei-iki-ki, "Une histoire des pays occidentaux," un ouvrage chinois très répandu sur l'histoire des pays à l'ouest de la Chine, contient ce qui suit: Vasubandhu, [le 21° patriarche] se moqua tout d'abord du Mahâyâna en vertu du Hinayâna. Son frère aîné, Asañga, fit mine d'être malade pour obliger Vasubandhu à lui rendre visite; il ouvrit ensuite un [sûtra d']enseignements mahâyâna et dit: "Qui dénigre ce qu'il n'a pas lu est un non-bouddhiste." Vasubandhu tenta donc de lire les sûtras de la Guirlande et en fut convaincu. Il plaisanta: "Je devrais me couper la langue avec une épée pour expier mon tort." Asañga répondit: "Qui tombe par terre se relève également en prenant appui par terre. La langue qui a d'abord dénigré peut ensuite chanter les louanges de l'état de repentance qui est le tien désormais." A terme, Vasubandhu se retira dans les montagnes,  ouvrit et lut [les enseignements du] Mahâyâna et composa le Jucchi-ron/ Commentaire des dix états.
    Maître Dôgen reprend ses paroles pour expliquer l'état ineffable de la réalité en tant que situation très concrète de la vie quotidienne. La terre symbolise ce qui est concret.


    Dernière édition par Yudo, maître zen le Ven 16 Sep 2016 - 15:09, édité 1 fois
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    Message par Yudo, maître zen Jeu 15 Sep 2016 - 21:11

    Maître Dôgen a écrit:Ces paroles ont été prononcées il y a bien longtemps, ont été prononcées dans les Paradis Occidentaux, et ont été prononcées dans les Cieux.  Elles sont: "Si nous tombons par terre, nous nous remettons debout par terre. Nous nous cherchions à nous relever sans appui sur le sol, ce serait, en définitive, impossible." (Cool Autrement dit, ceux qui sont tombés par terre se relèvent inévitablement en prenant appui par terre, et s'ils veulent se relever sans prendre appui par terre, ils ne le pourront en aucun cas. A partir de ce qui est ainsi décrit, nous l'avons vu comme le début de l'obtention de la grande réalisation, et nous l'avons transformé en l'état de vérité qui se dépouille du corps-et-esprit. En conséquence, si quelqu'un demande: "Quel est le principe de la compréhension de la vérité  par les bouddhas?", nous répondons: "C'est comme quelqu'un qui tombe par terre et se relève en s'appuyant par terre." En maîtrisant ce [principe], nous devons pénétrer et clarifier le passé, nous devons pénétrer et clarifier le futur, et nous devons pénétrer et clarifier le l'instant même du présent. (9) Grande réalisation et non-réalisation; revenir à l'illusion et perdre l'état d'illusion; être restreint par la réalisation elle-même et être restreint par l'illusion elle-même: chacune de ces choses est la vérité que qui tombe par terre se relève en s'appuyant par terre. C'est une expression de la vérité dans les cieux au dessus de nous et partout sous les cieux, c'est une expression de la vérité dans le passé, dans le présent et dans l'avenir, et c'est une expression des anciens bouddhas et des nouveaux bouddhas. Cette expression de la vérité n'est jamais imparfaite dans son expression et ne manque de rien dans son expression. Et même là, il [me] semble que de seulement comprendre ces paroles comme cela, sans aussi les comprendre d'une manière qui n'est pas comme cela, c'est échouer à les maîtriser. Même si l'expression de la vérité d'un ancien bouddha a été transmise comme cela, il n'en reste pas moins que lorsqu'un [bouddha éternel] écoute en tant que bouddha éternel les paroles du bouddha éternel, il devrait y avoir un état ascendant de l'écoute. Quoique jamais prononcées dans les Paradis Occidentaux, et jamais prononcées dans les Cieux, il reste une autre vérité à exprimer. Et c'est que si ceux qui tombent par terre cherchent à se relever en s'appuyant par terre, même s'ils y consacrent d'innombrables kalpas, il ne pourront jamais se relever. Ils ne peuvent se relever qu'au moyen d'un seul sentier vigoureux. C'est -à-dire que ceux qui tombent parce qu'ils s'appuient sur le sol se relèvent inévitablement en s'appuyant sur la vacuité, (10) et ceux qui tombent en s'appuyant sur la vacuité se relèvent inévitablement en s'appuyant sur le sol. S'il n'en est pas ainsi, se relever sera, à la fin, impossible. Les bouddhas et les patriarches étaient tous comme cela. Supposons que quelqu'un pose une question comme cela, nous devons lui répondre comme ceci: "La vacuité et le sol sont séparés par cent huit mille lieues! (11) Quand nous tombons pour nous être appuyés sur le sol, nous nous relevons inévitablement en nous appuyant sur le vide, et si nous cherchons à nous relever séparés du vide, cela se révèle impossible à la fin. Lorsque nous tombons pour nous être appuyés sur le vide, nous nous relevons inévitablement en nous appuyant sur le sol, et si nous cherchons à nous relevés séparés du sol, cela se révèle impossible à la fin." Qui n'a jamais prononcé de telles paroles n'a jamais su, ni n'a jamais vu, les dimensions du sol et du vide dans le Bouddhisme.

    ________________________________________
    8 ) Citation directe des paroles de maître Upagupta, dans le Keitoku-dento-roku, chapitre 1.
    9) 正当恁縻時 (SHÔTÔ-INMO-JI), "à cet instant même" ou "juste à cet instant" est une phrase qui revient dans la plupart des chapitres du Shôbôgenzô.
    10) 空 (KÛ) signifie "vacuité," "espace," "l'immatériel," "la nudité," "le ciel," etc. Dans ce contexte-ci, 空 (KÛ), "la vacuité," signifie ce qui est dépourvu de substance matérielle, l'immatériel -- autrement dit, les idées -- par opposition à 地 (CHI), "le sol" qui représente ce qui est concret, qui a une substance matérielle.
    11) 十万八千里 (JUMAN HASSEN RI). Un ri vaut 3 km 927. On s'attend ici à une réponse philosophique, et maître Dôgen nous étonne en nous donnant une grande distance concrète.


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    Message par Yudo, maître zen Jeu 15 Sep 2016 - 21:25

    Maître Dôgen a écrit:Le dix-septième patriarche ancestral, le vénérable Sanghanandi, (12) dont le successeur légitime est Geyâsata,(13) à une occasion entend des cloches dans un hall qui sonnent lorsque souffle le vent; et il demande à Geyâsata: "Est-ce le son du vent? Est-ce le son des cloches?" Geyâsata répond: "C'est au delà de son du vent et au delà du son des cloches, c'est le son de l'esprit." Le vénérable Sanghanandi demande alors: "En ce cas, qu'est-ce que l'esprit?" Geyâsata répond: La raison pour laquelle [cela sonne], c'est que tout est immobile. Le vénérable Sanghanandi s'exclame: "Excellent! Excellent! Qui d'autre que vous, cher disciple, pourrait succéder à ma vérité?!" Eventuellement, il transmet [à Geyâsata] le trésor de l'oeil du vrai Dharma. (14)
    __________________________________________
    12) Maître Sanghanandi, successeur de maître Râhulabhadra
    13) Maître Geyâsata, dix-huitième patriarche de l'Inde.
    14) L'histoire d'origine (écrite en seuls caractères chinois) est citée dans le Keitoku-dentô-roku, chap. 2. Il s'agit ici d'une citation indirecte écrite en japonais.


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    Message par Yudo, maître zen Ven 16 Sep 2016 - 8:39

    Maître Dôgen a écrit:Ici, dans l'état qui est au delà du tintement du vent, nous apprenons [que c'est] mon esprit qui tinte. Dans le temps qui est au delà du tintement des cloches, nous apprenons [que c'est] mon esprit qui tinte. Mon esprit qui tinteest cela; et en même temps, tout est immobile. Transmis des Paradis Occidentaux aux Terres orientales, des temps anciens jusqu'à ce jour, cette histoire a été vue comme un standard pour apprendre la vérité, mais nombreux sont ceux qui l'ont comprise de travers [comme suit]: "Les paroles de Geyâsata 'Ce n'est ni le tintement du vent, ni le tintement des cloches, c'est le tintement de l'esprit' signifient qu'il y a dans l'auditeur, juste à l'instant présent, une occurrence de conscience attentive, et cette occurrence est appelée 'l'esprit'. Si cette conscience attentive n'existait pas, comment le son du tintement pourrait-il être reconnu en tant que circonstance? L'audition est réalisée par l'intermédiaire de cette conscience, qu'on peut appeler la racine de l'audition, et il dit donc: 'l'esprit est ce qui tinte'..." Ceci est une compréhension erronée. Il en est ainsi parce qu'elle est dépourvue de l'influence d'un bon enseignant. Par exemple, c'est comme les interprétations par les professeurs de commentaires sur le subjectivisme(15) et la proximité(16). Une telle [interprétation] n'est pas un apprentissage profond de la vérité du Bouddha. Parmi ceux qui ont appris  sous la direction d'authentiques successeurs de la vérité du Bouddha, d'autre part, l'état suprême de la bodhi et le trésor de l'oeil du vrai Dharma sont appelés "immobilité," sont appelés être libre du faire, sont appelés samâdhi, et sont appelés dhâranî. Le principe étant que si un seul dharma est immobile, les dix mille dharmas sont tous immobiles. Le souffle du vent étant immobile, le tintement des cloches est immobile, et c'est pour cette raison qu'il dit que tout est immobile. Il dit que l'esprit qui tinte est au delà du tintement du vent, que l'esprit qui tinte est au delà du tintement des cloches, et que l'esprit qui tinte est au delà du tintement de l'esprit. (17) Ayant poursuivi jusqu'au bout l'état proche et direct comme cela, nous pouvons donc poursuivre et dire que c'est le vent qui tinte, que ce sont les cloches qui tintent, que c'est le souffle qui tinte, et que c'est le tintement qui tinte. L'état comme cela n'existe pas sur la base de "Pourquoi devrions-nous nous soucier de l'affaire qui est cela?" C'est comme cela parce que "Comment l'affaire qui est cela peut-elle être apparentée [à quoi que ce soit]? (18)

    _________________________________________________
    15) 依主 (ESHÛ), litt., "s'appuyer sur le sujet" est l'une des 六離合釈 (ROKU RIGOU SHAKU) ou "six interprétations de séparation et de synthèse".
    16) 隣近 (RINGON), "proximité", est une autre des six interprétations. Au contraire de la méthode d'interprétation subjective, elle procède de façon opportuniste en examinant les faits objectifs à disposition.
    17) 心嗚 (SHINMEI), "l'esprit qui tinte" est une suggestion directe de l'état de réalité en Zazen -- dans lequel il n'y a pas de séparation de l'agent et de l'action.
    18) Maître Dôgen remplace ici le mot 愁 (ure[en]), "se tracasser d'obtenir" dans ce que dit maître Ungo, par 関 (kan[sen]), "être en relation avec." Les paroles de maître Ungo impliquent une négation des tentatives subjectives de se rattacher à l'état. Maître Dôgen va encore plus loin et suggère que l'état décrit par maître Geyâsata transcende toutes les relations.


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    Message par Yudo, maître zen Ven 16 Sep 2016 - 9:10

    Maître Dôgen a écrit:Le trente-troisième patriarche, le maître Zen Daïkan (19) avant de s'être fait raser la tête, loge au temple Hossho-ji à Kôshu. Deux moines y ont une discussion. Un des moines dit: "Le drapeau bouge". L'autre moine dit: "Le vent bouge." Comme la discussion s'éternise, le Sixième Patriarche dit: "C'est au delà du vent qui bouge et au delà du drapeau qui bouge. Vous êtes le vent qui bouge." (20) Ce qu'entendant, les deux moines sont instantanément convaincus. (21)

    Ces deux moines viennent de l'Inde. Avec ces mots, donc, le Sixième Patriarche leur dit que le vent et le drapeau et le mouvement existent tous en tant que l'esprit. Même de nos jours, quoique [les gens] entendent les paroles du Sixième Patriarche, ils ne les comprennent pas: combien moins pourraient-ils exprimer l'expression de la vérité par le Sixième Patriarche?! Pourquoi dis-je cela? Parce que, en entendant les mots "Vous êtes l'esprit qui bouge," dire que "Vous êtes l'esprit qui bouge" signifie juste "Ce sont vos esprits qui bougent," ce n'est pas voir le Sixième Patriarche, ce n'est pas connaître le Sixième Patriarche et ce n'est pas être les descendants du Dharma du Sixième Patriarche. Or, en tant qu'enfants et petits-enfants du Sixième Patriarche, dire la vérité du Sixième Patriarche, parler avec le corps physique, les cheveux/poils et la peau  du Sixième Patriarche, nous devrions dire comme suit: Les paroles "Vous êtes l'esprit qui bouge" sont bien comme telles, mais nous pourrions aussi les exprimer comme "C'est vous qui bougez." Pourquoi disons-nous cela? parce que ce qui bouge est mouvement, et parce que vous êtes vous. Nous le disons parce [vous] êtes déjà des personnes qui sont cela.
    ___________________________________
    19) Maître Daïkan Eno (638-713), successeur de maître Daïman Kônin. Maître Daïkan Eno est le trente-troisième patriarche en comptant maître Mahâkâshyapa comme le premier, et le sixième patriarche en comptant maître Bodhidharma comme le premier en Chine. On l'appelle habituellement le Sixième Patriarche.
    20) 仁者心動 (JINSHA SHINDÔ). Selon l'interprétation de maître Dôgen, ces caractères signifient "Vous êtes le vent qui bouge" -- une description de la réalité qui est l'esprit. L'interprétation alternative est que 仁者心動 (JINSHA-SHIN DÔ) signifie "Vos esprits s'agitent" -- ce qui est une critique des moines.
    21) Tenshô-koto-roku, chap. 7.


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    Message par tangolinos Ven 16 Sep 2016 - 14:41

    le vent fou du roi:
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    Message par Yudo, maître zen Ven 16 Sep 2016 - 15:06

    Maître Dôgen a écrit:Dans ses premiers temps, le Sixième Patriarche est un bûcheron dans le Shinshu. Il connaît bien les montagnes ainsi que les eaux. De par son effort sous les verts pins, il a éradiqué les racines, mais comment aurait-il pu connaître les enseignements éternels qui illuminent l'esprit, lorsqu'on est à l'aise, près d'une fenêtre lumineuse? (22) Sous la direction de qui pouvait-il apprendre le nettoyage et l'époussettage? Sur la place du marché, il entend un sûtra: ce n'est pas là une chose à laquelle il s'attendait, et ce n'est pas non plus l'encouragement de quelqu'un d'autre. Ayant perdu son père tout enfant, il a grandi en s'occupant de sa mère, sans jamais savoir que dans sa veste [de bûcheron] est cachée une perle qui illuminera le cosmos. Soudain illuminé [par le Sûtra du Diamant], il quitte sa vieille mère et part à la recherche d'un conseiller -- c'est un exemple de comportement rare parmi les hommes. Qui peut prendre à la légère la bonté et l'amour? [Mais] donnant du poids au Dharma, il prend à la légère sa dette de gratitude et est donc en mesure de l'abandonner. Ceci est la simple vérité de Ceux qui ont la sagesse, s'ils entendent [le Dharma], / Sont capables  de croire et de comprendre d'un seul coup.(23) Cette sagesse n'est ni apprise auprès d'autres personnes ni établie par soi-même: la sagesse est en mesure de transmettre la sagesse, et la sagesse cherche directement la sagesse. Dans le cas des cinq cents chauve-souris, (24) la sagesse consume naturellement leur corps: elles n'ont ni corps ni esprit [à elles-mêmes], rien du tout. Dans le cas des dix-mille poissons nageant, (25) ce n'est dû ni aux circonstances ni aux causes, mais parce que la sagesse est intimement présente dans leurs corps que lorsqu'ils entendent le Dharma, ils comprennent sans délai. C'est au delà de la venue et au delà de l'entrée: c'est comme l'esprit du printemps (26) quand il rencontre le printemps, par exemple. La sagesse est au delà de la conscience et la sagesse est au delà de l'inconscience. Combien moins pourrait-ce être en rapport avec le grand et le petit?! Combien moins pourrait-on en discuter en termes d'illusion et de réalisation?! L'idée, c'est que même si [le Sixième Patriarche] ne sait même pas ce qu'est le Bouddha-Dharma, ne l'ayant jamais entendu auparavant et ne le désirant ni n'y aspirant, lorsqu'il entend le Dharma, il prend à la légère sa dette de gratitude et oublie son propre corps; et ces choses arrivent parce que le corps-et-esprit de ceux qui ont la sagesse n'est déjà pas le leur. Ceci est l'état appelé capable de croire et de comprendre d'un coup. Personne ne sait combien de reprises de vie-et-mort [les gens] passent, même en possession de la sagesse, en futile labeur poussiéreux. Ils sont comme une pierre qui entoure un joyau (27), ce dernier ignorant qu'il est enveloppé par une pierre, et la pierre ignorant qu'elle englobe un joyau. [Lorsqu']un être humain reconnaît ce [joyau], un être humain s'en saisit. Ceci n'est ni quelque chose à laquelle s'attend le joyau, ni à quoi s'attend la pierre: elle ne requiert aucune connaissance de la part de la pierre et est au delà de la pensée pour le joyau. (28) En d'autres termes, un être humain et la sagesse ne se connaissent pas l'un l'autre, mais il semble que la vérité est infailliblement discernée par la sagesse. 

    ____________________________________________________
    22) Une fenêtre lumineuse suggère un bon endroit où lire des sûtras. Maître Daïkan Eno était dépourvu de torts et d'illusions, mais n'était pas familier avec les enseignements bouddhiques oraux, et il n'avait pas d'enseignant humain.
    23) Sûtra du Lotus, Parabole des Herbes: Le Roi du Dharma qui rompt l''existence' / Apparaît dans le monde / Et selon les besoins des êtres vivants, / Prêche le Dharma de nombreuses façons... Les sages s'il l'entendent, / Peuvent croire et comprendre d'un coup, / Les doutes et griefs insensés, / Les perdant ainsi pour toujours. (SdL 1.272).
    24) Le Sei-iki-ki raconte l'histoire d'un marchand qui, passant près des mers du Sud, demeura un jour au pied d'un grand arbre flétri. Il alluma un feu parce qu'il avait froid et se mit à lire les commentaires de l'Abidharma. Le feu s'étendit à l'arbre, mais cinq cents chauves-souris qui y résidaient choisirent de mourir brûlées plutôt que de manquer la lecture de l'Abidharma.
    25) Dans la traduction du Kon-Komyô-kyô par Hoku Ryô, dix mille poissons qui ont entendu la lecture d'un sûtra bouddhique renaquirent en tant qu'anges du Ciel Tushita.
    26) 東君 (TÔKUN), litt., "Seigneur de l'Est" est le dieu du printemps. L'esprit du printemps qui rencontre le printemps suggère un fait à un moment précis du présent, par opposition à un processus.
    27) Le joyau symbolise la sagesse et la pierre (la gangue) symbolise les couches d'interférence qui entourent l'état de sagesse.
    28) La réalisation en Zazen, par exemple, est la fonction innée d'un être humain; elle précède les facultés mentales apprises telles que l'anticipation, la connaissance et la réflexion.
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    Message par Yudo, maître zen Ven 16 Sep 2016 - 16:07

    Maître Dôgen a écrit:Telles sont les paroles: "Ceux qui sont sans sagesse doutent,/ Perdant ainsi cela pour toujours."(29) La sagesse n'est pas nécessairement en rapport avec avoir et la sagesse n'est pas nécessairement en rapport avec être sans; en même temps, il y a existence(30) dans les pins de printemps à un moment, et il y a [l'état réel de] être sans(31) comme les chrysanthèmes d'automne. Au moment de cette sagesse comme étant sans,(32) la vérité toute entière de sambodhi (33) devient doute, et tous les dharmas sont doute.(34). Et à cet instant, perdre pour toujours n'est qu'agir.(35) Les mots qu'il faudrait entendre et le Dharma dont il faudrait faire l'expérience, sont totalement doute. Le monde tout entier, qui n'est pas moi, n'a pas de place cachée; c'est un simple chemin de fer, qui n'est personne, pendant dix mille lieues. (36) Alors que, ce de cette manière, les tiges bourgeonnent, Dans les Terres de Bouddha des dix directions / N'existent que le Dharma d'un seul véhicule.(37) Et comme, de cette manière, les feuilles tombent, Le Dharma demeure à sa place dans le Dharma / Et la forme du monde demeure constante.(38) Parce que ceci existe déjà (39) en tant que l'affaire qui est cela, il existe dans l'avoir la sagesse et dans l'être sans sagesse, et il existe en tant que face du soleil et en tant que face de la lune. Parce qu'il est une personne qui est cela, le Sixième Patriarche est éveillé. Par conséquent il va directement au Mont Obaï et se prosterne devant le maître zen Daïman, (40) qui le loge dans le bâtiment des serviteurs. Il pile du riz toute la nuit pendant huit courts mois, puis, une fois, tard dans la nuit, Daïman lui-même entre en secret dans la pièce du mortier et demande au Sixième Patriarche, "Le riz est-il blanc ou pas?" Le Sixième Patriarche lui répond: "Il est blanc mais pas encore tamisé." Daïman donne trois coups de pilon sur le mortier et le Sixième Patriarche tamise le riz dans le van trois fois. On dit que c'est le moment où l'état de vérité devient est synthonisé syntonisé entre le maître et le disciple. Ils ne le savent pas eux-mêmes, et c'est au delà de l'entendement des autres, mais la transmission du Dharma et la transmission de la robe sont juste à ce moment précis.

    _________________________________________________
    29) Sûtra du Lotus, Parabole des Herbes (LS 1.272). L'édition du Sûtra du Lotus publiée chez Iwanami ha 疑悔 (GIKE), "doute et chagrin," mais ici, maître Dôgen a écrit  疑怪 (GIKE) "doute et étonnement," ou "doute."
    30) 有 (U), dans l'expression 有智 (UCHI), signifie "avoir [la sagesse]," mais signifie ici  existence réelle.
    31) 無 (MU), dans l'expression 無智 (MUCHI), signifie "être sans [sagesse]" mais signifie ici l'état réel qui est appelé 無 (MU), "être sans".
    32) 無智 (MUCHI). Dans le Sûtra du Lotus, 無 (MU) est une préposition, "sans," et 智 (CHI) est un nom, "sagesse." Mais dans l'interprétation de maître Dôgen, 無 (MU) et 智 (CHI) sont deux noms en apposition: "l'état d'être sanss, la sagesse".
    33) Le mot sanscrit sambodhi signifie l'état de vérité inclusif et intégré.
    34) "Doute" suggère ici la vérité en tant qu'inconnue.
    35) Le Sûtra du Lotus dit 則為永失 (sunawa[chi] koreYO-SHITSU, litt., "ce qui veut dire perdre pour toujours." Maître Dôgen change l'ordre des caractères, en disant 永失則為 (YO-SHITSU SOKU I), "perdre à jamais est juste agir" -- se débarrasser de tous les embarras est l'état de juste s'asseoir.
    36) 万里一条鉄 (BANRI-ICHIJÔTETSU), "Une seule voie ferrée pendant dix mille lieues," signifie une entité unifiée.
    37) Sûtra du Lotus, Les moyens habiles. Voir SdL 1.106. "Les tiges qui bourgeonnent" suggèrent la manifesttion de divers phénomènes concrets, qui s'oppose à la situation éternelle du Dharma décrit dans le SdL.
    38) Ibid. LS 1.120.
    39) 既是 (KIZE), comme dans la phrase de maître Ungo: "Etant déjà [une personne qui est cela]"...
    40) Maître Daïman Kônin (688-761), successeur du maître Daï-I Dôshin et Cinquième Patriarche de Chine.
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    Message par Yudo, maître zen Ven 16 Sep 2016 - 18:48

    Maître Dôgen a écrit:Le grand maître Musaï (41) du Mont Nangaku, à une occasion, se fait demander par Yakusan (42): "Les trois véhicules et les douze divisions de l'enseignement (43), en gros, je les connais. [Mais] j'ai entendu dire que dans le Sud, on montre directement l'esprit humain, une réalisation directe de sa nature et qu'on devient [ainsi] directement bouddha. A dire vrai, je n'ai pas encore clarifié [ceci]. Je vous en prie, maitre, par compassion, enseignez moi." (44)

    Telle est la question de Yakusan. Par le passé, Yakusan avait été un conférencier; il avait parfaitement compris le sens des trois véhicules et des douze divisions de l'enseignement. Il semble donc qu'il n'y avait aucun Bouddha-Dharma qui ne fut clair pour lui. A cette époque, les différentes écoles n'étaient jamais établies; juste clarifier les trois véhicules et les douze divisions de l'enseignement était accepté comme méthode habituelle d'apprendre l'enseignement. Ce que font de nombreuses personnes, de nos jours, par stupidité, qui est d'établir individuellement des principes et de supposer le Bouddha-Dharma, n'est pas un standard légitime dans le Bouddhisme. Le grand maître dit: "Etre comme cela est impossible. (45) Ne pas être comme cela est impossible. Etre comme cela ou pas est totalement impossible. Qu'en dites vous?"  Telles sont les paroles prononcées par le grand maître pour Yakusan. En vérité, parce que être comme cela ou ne pas être comme cela est totalement impossible,être comme cela est impossible et ne pas être comme cela est impossible. "Comme cela"décrit cela. Ce n'est pas [une affaire de] d'utilité limitée des mots et pas non plus [une affaire d']utilité illimitée de mots: nous devons apprendre "cela" dans l'état d'impossibilité, et nous devrions nous informer de "l'impossibilité" dans l'état de cela. Ce n'est pas que ce cela concret, ainsi que l'impossible soient pertinents seulement dans le cas de la considération des bouddhas. Le comprendre est impossible. Le réaliser est impossible.
    Le maître zen Daïkan(46) du Mont Sokeï, à une occasion, enseigne au maître zen Daï-e (47) de Nangaku: "Ceci est quelque chose (48) qui vient comme cela.(49) Ces paroles disent que être comme cela est au delà du doute, car c'est au delà de l'entendement. Parce que ceci est quelque chose, nous devons nous rendre compte par l'expérience que chaque chose individuelle est véritablement quelque chose.Quelque chose n'est pas ouvert au doute: "cela vient comme ceci".

    Shôbôgenzô Inmo


    Prêché à l'assemblée au Kannon-dôri-koshô-horin-ji, le 26° jour du troisième mois lunaire de la troisième année de Ninji. (50)
    ______________________________________________
    41) Maître Sekito Kisen (700-790), successeur de maître Seigen Gyôshi.
    42) Maître Yakusan Igen (745-828), successeur de maître Sekito Kisen.
    43) 三乗十二分教 (SANJÔ JÛNIBUN KYO), les trois véhicules et les vingt divisions de l'enseignement.
    44) Rento-eyô, chap. 19.
    45) 恁縻不得 (INMO-FUTOKU).
    46) Maître Daïkan Eno (638-713), le Sixième Patriarche.
    47) Maître Nangaku Ejô (677-744), un successeur de maître Daïkan Eno.
    48) 什麼物 (SHIMO-BUTSU). 什麼 (SHIMO) signifie "quoi" et 物 (BUTSU) signifie "chose." Les paroles de maître Daïkan Eno peuvent aussi s'interpréter en tant que question: "Qu'est-ce que c'est qui vient comme cela?"
    49) Tenshô-koto-roku, chap. 8; Shinji-shôbôgenzô, 2° partie, no. 1.
    50) 1242, EC.
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    Message par tangolinos Ven 16 Sep 2016 - 20:01

    Des Lires du Fou du Roi:
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    Message par Yudo, maître zen Ven 16 Sep 2016 - 20:37

    Le riz est pilé pour le décortiquer. Une fois décortiqué, il faut le vanner pour séparer le bran du riz blanc.


    Dernière édition par Yudo, maître zen le Sam 17 Sep 2016 - 9:03, édité 1 fois
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    Message par tangolinos Ven 16 Sep 2016 - 22:07

    Yudo, maître zen a écrit:Le riz est pilé pour le décortiquer. Une fois décortiquer, il faut le vanner pour séparer le bran du riz blanc.

    Ah merci pour toutes ces explications, tant nous sommes devenus que des consommateurs.

    Mais encore une fois mon esprit s' anime sur les accrocs, aussi quand tu dis ''Une fois décortiquer'' j' ai bien l'impression que cette faute d'orthographe n' est pas dénuée de sens.
    Faudra donc quelque part ne jamais cesser de décortiquer les choses...Hihi.

    Mais dis-moi, le bran est-il vraiment si indigeste que ça ?
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    Message par zanshin Sam 17 Sep 2016 - 6:54

    Yudo, maître zen a écrit:Le riz est pilé pour le décortiquer. Une fois décortiquer, il faut le vanner pour séparer le bran du riz blanc.
    Bonjour Yudo,

    Le christianisme parle aussi de séparer le bon grain de l'ivraie. Smile
    En tout cas merci de toutes ces précisions sur IMMO, car la première traduction, bien que tout à fait acceptable pour commencer à aborder ce chapitre, est moins fouillée que celle que tu proposes.
    Avec les notes en plus c'est très complet et ça permet d'approfondir ce sujet qui est quand même tout à fait fondamental dans le bouddhisme zen.

    Un grand merci à toi pour cet enseignement. flower  queen flower
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    Message par Fred Sam 17 Sep 2016 - 11:20

    48) 什麼物 (SHIMO-BUTSU). 什麼 (SHIMO) signifie "quoi" et 物 (BUTSU) signifie "chose." Les paroles de maître Daïkan Eno peuvent aussi s'interpréter en tant que question: "Qu'est-ce que c'est qui vient comme cela? »

    Finalement, à notre enfance, nos parents nous ont donné l’outil nous permettant de conscientiser les objets du monde, mais il ne nous ont pas enseigné les limites de cette faculté, ni le fait que son emploi consistait précisément à déterminer des limites, des frontières, car une chose est ce qu'elle est par ce qu'elle est mais aussi par ce qu'elle n'est pas. On se retrouve alors en quelque sorte comme une sorte de petit enfant à qui on aurait offert un marteau et qui ne voulant plus s’en séparer voudrait pouvoir l’utiliser absolument en toutes circonstances.
    Donc, c’est une grande difficulté qui surgit il me semble, lorsque survient cette question "Qu'est-ce que c'est qui vient comme cela? » car ce n'est certainement pas par le biais de cet outil transmis par nos parents à savoir le mental en définitive, qu'il est possible d'y "répondre". Quelque part, cette question essentielle que je pense tout le monde se pose, est une sorte de porte qu'il nous faut franchir, elle est en quelque sorte le moment clef où le mental est sur le point de parvenir à reconnaître ses propres limites, et ce en reconnaissant que par le biais d'une telle question il agit de sorte à se les opposer à lui même.
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    Message par Kaïkan Sam 17 Sep 2016 - 12:36


    Je ne sais pas de qui est cette traduction mais elle ouvre des portes sur une dimension qui n'était pas présente dans l'autre texte.
    Je vais réétudier tout ça et j'en ai pour pas mal de lecture et de relecture.  Laughing
    Comme dit Fred : « C'est une sorte de porte qu'il nous faut franchir. »
    En tout cas comme dit zanshin : "Merci Yudo" !  Chinois-salut
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    Message par Yudo, maître zen Sam 17 Sep 2016 - 13:28

    Ce n'est pourtant qu'une version française du texte Nishijima-Cross. Il serait intéressant que Zanshin le compare avec la version de Gabrielle Linnebach, et nous dise s'il y a de grosses différences.
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    Message par tangolinos Sam 17 Sep 2016 - 14:04

    Fred a écrit:
    Finalement, à notre enfance, nos parents nous ont donné l’outil nous permettant de conscientiser les objets du monde, mais il ne nous ont pas enseigné les limites de cette faculté....
    Salut Fred
    ne soyons pas dupes, nos éducateurs nous ont apporté bien plus qu’on pourrait le penser.

    Pour exemple, j’ ai eu la chance d’avoir un grand-père ''illettré'', qui sans vraiment le vouloir, m’ a enseigné une façon d’ appréhender la vie sans qu’il ait eu besoin de me baratiner.
    Son simple exemple était suffisant, tant il était imprégné de compassion.
    Un jour l’ ancien curé du village m’ a confié qu’il était allé le voir pour l’ interroger, tant il entendait des éloges sur ce personnage, et tant il était étonné de ne jamais le voir à l’ église. Mon grand père lui a alors dit, qu’il n’ avait pas besoin d’intermédiaire pour converser directement avec Dieu….Hihi

    Disons qu’il était comme ça… et que, quelque part, ça m’ a imprégné.
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    Message par Fred Sam 17 Sep 2016 - 15:43

    Tango a écrit:ne soyons pas dupes, nos éducateurs nous ont apporté bien plus qu’on pourrait le penser.

    Ne penses pas que je minimise le rôle de nos éducateurs, au contraire, il me semble que leur rôle est déterminant, puisque ce sont eux qui à mon sens durant notre enfance nous transmettent entre autre l'outil mental qui est l'outil qui à mon avis éveille chez l'enfant le sens conscient -fondamental à la vie en société- de son inter-action avec le monde.

    Mais ce que je disais dans mon message précédant, c'est que cet outil s'avère insuffisant bien que nécessaire, le jour où l'inévitable question "Qu'est-ce que c'est qui vient comme cela? " vient à poindre. Mais que cet outil soit insuffisant dans cette circonstance n'est pas une chose qui puisse être reprochée à nos parents car cette question qui surgit un jour survient à un certain point de maturité, plus ou moins tôt selon les personnes. A la suite de cette question, lorsqu'elle devient de plus en plus prégnante et qu'on commence à se sentir de plus en plus à l'étroit dans les réponses que nous impose le mental, comme un serpent il nous faut changer de peau. Là encore le serpent doit parvenir à un certain moment de son processus d'évolution avant de muer, on ne peut demander à ses parents d'exiger de lui qu'il change de peau alors que cette dernière lui est encore utile. Que ses parents lui fournissent cette première peau, c'est loin d'être rien en somme.
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    Message par tangolinos Sam 17 Sep 2016 - 16:47

    Oui Fred j' avais bien compris ton message...
    Mais je ne doute pas que pendant toute notre enfance, on a reçu des leçons telles des doigts pointés vers l' ineffable....en fait les religions, la philosophie et la sagesse me semblent être ces doigts qui voudraient évoquer le ça, au travers des métaphores.
    Alors bien sur que dans un premier temps on s'accroche à ces métaphores, et un jour, comme tu le dis, arrive le moment où on cherche à s'en débarrasser.
    Et quoiqu'il en soit on a beau avoir mué, nous sommes bien dépourvus de mots pour passer le relai... nous voilà encore obligés de pointer le doigt sur des métaphores, tant la chose qu'on voudrait désigner est indescriptible.
    Les choses sont bien faites finalement, puisque c'est à chacun de boire quand il se sent déshydraté.... on ne peut pas boire à la place de l' autre....
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    Message par Fred Sam 17 Sep 2016 - 20:08

    Tango a écrit:en fait les religions, la philosophie et la sagesse me semblent être ces doigts qui voudraient évoquer le ça, au travers des métaphores.

    Ha ha un doigt tendu en quelque direction que ce soit pointe toujours le ça. Smile
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    Message par tangolinos Sam 17 Sep 2016 - 21:31

    Fred a écrit:
    Ha ha un doigt tendu en quelque direction que ce soit pointe toujours le ça. Smile
    On peut le dire comme ça...Hihi
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    Message par zanshin Dim 18 Sep 2016 - 7:28

    Yudo, maître zen a écrit:Ce n'est pourtant qu'une version française du texte Nishijima-Cross. Il serait intéressant que Zanshin le compare avec la version de Gabrielle Linnebach, et nous dise s'il y a de grosses différences.
    Bonjour,
    J'ai commencé à regarder et ça me parait bien différent. C'est parce que pour moi l’allemand est évident et que le français me demande des efforts : je dois habituer à voir "sache (chose)" traduit par "affaire" et "das es" traduit par "le cela", etc.
    Tout ça prend du temps , il faut d'abord lire les deux textes entièrement bien à fond pour s'en imprégner et c'est après que je verrais phrase par phrase. Il ne faut pas trop se presser. C'est intéressant de comparer les deux versions de toute façon. Smile
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    Message par Yudo, maître zen Dim 18 Sep 2016 - 9:21

    zanshin a écrit:
    Yudo, maître zen a écrit:Ce n'est pourtant qu'une version française du texte Nishijima-Cross. Il serait intéressant que Zanshin le compare avec la version de Gabrielle Linnebach, et nous dise s'il y a de grosses différences.
    Bonjour,
    J'ai commencé à regarder et ça me parait bien différent. C'est parce que pour moi l’allemand est évident et que le français me demande des efforts : je dois habituer à voir "sache (chose)" traduit par "affaire" et "das es" traduit par "le cela", etc.
    Tout ça prend du temps , il faut d'abord lire les deux textes entièrement bien à fond pour s'en imprégner et c'est après que je verrais phrase par phrase. Il ne faut pas trop se presser. C'est intéressant de comparer les deux versions de toute façon. Smile

    En effet, en français, le mot affaire a plusieurs sens: "Prends tes affaires" signifie généralement "prends les accessoires que tu as apportés avec toi" (parce qu'on va changer de lieu, par exemple). Faire des affaires, ou homme d'affaires se rapporte au "business".

    En français, quand on cite Linji, on parle généralement de "l'homme sans affaires".

    Mais, en même temps, Sache se traîne aussi une floppée de sens: cas, affaire, problème, fait, question, article, objet, chose, truc, camelote, produit, différend, point à l'ordre du jour, point de vue, perspective, instant, angle, moment, optique, liaison, relation amoureuse, relation, rapports, cause, sujet, fait, urgence...
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    Message par zanshin Lun 19 Sep 2016 - 6:40

    Après une première évaluation il semble bien qu'il y ait des différences quand même importantes entre les deux versions. J'ai encore besoin de quelques jours pour tout mettre à plat.
    Personnellement c'est la version allemande qui me paraît la meilleure mais c'est normal qu'il y ait cet a priori puisque c'est ma langue maternelle. De toute façon quand on lit les deux textes ça élargi l'interprétation du sujet, donc il n'y a pas, à première vue, des conflits majeurs entre les deux.

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