S'ils avaient conscience de ce fait, ils feraient une psychothérapie ou s'adonneraient plutôt à des jeux SM.
Dans les jeux SM, les pratiquants ont conscience de jouer sur le pouvoir et ont une idée claire de ce qu'ils désirent. Ils ont appris à communiquer ce qu'ils veulent, et les limites sont clairement établies.
Il paraît qu'il y a plein de victimes consentant à se faire attacher et fesser, mais bien peu qui acceptent de jouer le rôle dominant. En effet, le dominant est aussi RESPONSABLE. Il faut qu'il sache arrêter lorsque le dominé lui signale qu'il en a assez et il est responsable en cas de dérapage.
Mais dans le domaine SM spirituel, c'est le dominé qui a toujours tort, lorsque ça dérape. C'est pourquoi il n'y manque jamais de gourous. Il y a plein de dominés, mais aussi plein de dominants, avide d'accepter ce pouvoir que leur offrent les dominés, car il jouissent d'un pouvoir total et de zéro responsabilité. Les gens sont inconscients, ils sont obsédés par le pouvoir mais sans en avoir conscience et déterminés à ce que ça ne change pas. Il n'y a pas moyen d'en parler consciemment, et il n'existe pas de signal de sécurité.
En fait, dans le domaine de la spiritualité, il est impossible de savoir d'emblée si on pénètre dans un « donjon » SM. Au moins dans le monde de la sexualité SM, le « donjon » est clairement indiqué. C'est pourquoi, dans ce monde-là, les gens examinent et nomment leurs désirs afin que tous en ressortent satisfaits. Dans le domaine de la spiritualité SM, les gens n'ont l'impression de ressentir de la spiritualité que lorsqu'ils sont dans une situation de pouvoir asymétrique.
Il existe trois types de personnages spirituels authentiques, qui cherchent à soulager les différentes formes de mal-être et d'injustice.
1) Les êtres libres qui se comportent à la façon traditionnelle de sages et des sains, exemplaires et dépourvus d'attachement et d'aversion, de félicité, de compassion, de générosité, de courage, d'équanimité, de de sacrifice de soi au bénéfice des êtres sensibles, et ces êtres libres et exemplaires communiquent une sagesse traditionnelle portant sur la transcendance et immanence de l'Absolu, de l'impermanence, de l'insubstancialité et du manque de fiabilité des phénomènes, nous éveillent du rêve égocentrique et nous enseignent le besoin de sincérité envers la liberté et la vérité, les méthodes pour y arriver et ainsi de suite.
Il y a ensuite
2) Les êtres sauvages, les saints fous au sein de ce qu'on appelle parfois la tradition de « la sagesse folle ». Ces gens assez mystérieux se placent spontanément ou délibérément à la marge de toutes les conventions sociales, parfois simplement parce que la Réalisation leur est tombée dessus de façon si inhabituellement puissante que cela leur a fait péter les plombs du fonctionnement normal, pschologique et social. Ces êtres sauvages n'ont généralement aucune considération pour leur propre confort physique et même leurs besoins vitaux. On les a vu crier, taper, pisser sur les gens, voire les ignorer et systématiquement avoir un comportement « abusif » envers ceux qu'ils croisent, avec des résultats inattendus, positifs et sublimement transformateurs sur les réceptionnaires de ces « saints abus ».
Il y a aussi un troisième type
3) Le « bon ami » (kalyana mitra) ou enseignant spirituel qui peut ne pas être à 100% établi dans la libération spirituelle, mais néanmoins très aidant, capable d'éclairer et de guider ceux et celles qu'il rencontre. Il ne tente pas de jouer le rôle de gourou, en présumant de ce qu'il n'est pas ou en assumant la responsabilité du bien-être de ses disciples. Il se contente de servir autant que possible, partageant du fond du coeur la sagesse, la compassion et la gratitude qu'il a jusque là reçues sur son parcours. Ces gens peuvent se révéler d'excellents enseignants, des guérisseurs, des catalyseurs de leurs égaux, les faisant accéder à de merveilleuses qualités, et certains d'entre ces derniers peuvent même accéder à l'éveil complet à leur contact.
En plus de ces trois types authentiques, il reste un personnage du rêve dans un rêve: le prétendant sans authenticité. C'est quelqu'un qui, au mieux, n'est pas plus avancé que le dernier de notre liste, mais qui prétend faire partie de l'une des deux autres catégories. Autrement dit, il peut avoir d'occasionnelles (voire fréquentes) fulgurances mais au moins autant de pertes de lucidité, de passages dans des états égocentriques d'attachement et d'aversion envers les phénomènes qui l'entourent. Ce poseur ne peut pas admettre d'être toujours lié au samsara et il rationalise donc son manque de libération comme étant « correct », comme faisant partie de la réalisation, et comme n'étant pas réellement un problème « vu que tout est parfait tel que c'est ». Il tente donc de convaincre les autres de sa libération plutôt que de chercher à défaire ses propres chaînes. Souvent ils ressortiront leur interprétation faussée du dicton mahayanique « le nirvâna est le samsara ».
Ce personnage est partout, que ce soit en Inde, au Japon, en Chine, en Europe ou aux USA. Il se pose toujours comme étant plus élevé qu'en réalité afin d'attirer l'attention et la reconnaissance, afin d'attirer des disciples, faire de l'argent, accéder à la renommée et se faire mousser l'adrénaline qui vient avec le pouvoir, l'influence et les réconforts concomitants que fournissent un groupe social qui se pâme sur lui et le considère comme « autorité spirituelle ».