Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    L'art bouddhique

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    L'art bouddhique Empty L'art bouddhique

    Message par Kaïkan Mer 7 Sep 2011 - 17:22




    L'art bouddhique.



    Il s'est développé partout où s'est propagée la doctrine. Mais c'est d'abord en Inde qu'il se manifeste, et qu'en sont fixés les canons esthétiques, symboliques et iconographiques, que respecteront scrupuleusement les artistes des autres pays. Il se développe très tôt au Gandhara (à peu près les actuels Pakistan et Afghanistan), d'où il influencera en retour les artistes indiens.


    Cet art, qui privilégie la fonction didactique par rapport au plaisir esthétique, a recours à un symbolisme dont la connaissance est indispensable pour la «lecture» des œuvres, quels que soient leur style et leur origine.


    La sculpture


    Bien que la sculpture sur pierre bouddhique apparaisse, en Inde, dès le IIIe siècle avant J.-C., il n'existe aucune figuration du Bouddha antérieure au IIe siècle après J.-C., jusqu'à quand la doctrine interdisait qu'on représentât sous des traits humains – donc sous la forme d'une incarnation – celui qui s'était libéré du samsara.


    L'aniconisme


    Ce procédé qui préside à la décoration des monastères et des vedika(balustrades de pierre) entourant les premiers stoupas (monuments funéraires), comme ceux de Bharhut, de Sanci ou d'Amaravati, consiste à suggérer la présence du Bouddha au moyen de symboles évoquant soit la doctrine, comme la roue du dharma ou le lotus (cette fleur qui conserve sa blancheur sur les eaux fangeuses symbolise la «nature de Bouddha» sortant pure du samsara), soit certaines étapes de la vie de Gautama: un trône vide ou un parasol marque sa royauté, le pipal (un arbre de la famille du figuier) évoque la méditation qu'il pratiqua à son ombre.


    Le recours à des motifs narratifs, combiné à cette symbolique, confère au relief un plus grand dynamisme: la scène figurée renvoie à l'ensemble du schéma narratif dont elle fait partie. Certaines scènes sont inspirées des jataka, récits des vies antérieures du Bouddha; d'autres signalent des épisodes de son existence, tel ce relief d'Amaravati conservé au musée Guimet, à Paris: un cheval sans cavalier, surmonté d'un parasol et aux sabots enveloppés d'une étoffe afin d'étouffer le bruit, évoque la nuit où Siddhartha quitta secrètement le palais de son père.


    L'image du Bouddha et l'apport grec


    La représentation humaine du Bouddha apparaît au début du IIe siècle après J.-C., favorisée par deux facteurs spirituels: le Mahayana (Grand Véhicule) supplante peu à peu le bouddhisme traditionnel et, prenant des allures de religion, suscite des pratiques culturelles exigeant un support figuratif plus explicite, moins abstrait ou moins allusif que le symbolisme utilisé jusqu'alors. Par ailleurs, l'Inde est à cette époque traversée par le courant de la bhakti, dévotion mystique qui elle aussi fait appel à l'image comme objet concret.


    On hésite à attribuer cette innovation à l'école du Gandhara ou à celle de Mathura. La première, particulièrement florissante au début de notre ère, sous le règne des Kusana, qui favorisent le bouddhisme, développe un art syncrétique, qui intègre une forte influence hellénistique. Les artistes grecs sont issus des lointaines conquêtes d'Alexandre et des petits royaumes grecs qui, après l'éclatement de son empire, parvinrent à se maintenir dans ces régions jusqu'aux conquêtes nomades du Ier siècle. Quant à Mathura, située non loin de l'actuelle Delhi, c'est un centre artistique brillant, où s'opère la synthèse des influences hellénistiques transmises par le Gandhara et des tendances proprement indiennes. Ainsi, que ce soit à Mathura ou au Gandhara, l'image du Bouddha apparaît dans une région et à une époque où se fait sentir une influence grecque. Or la tradition classique cherche à représenter l'humain non sous des traits réels et personnalisés, mais sous une forme idéalisée, dont la perfection se traduit sur le plan esthétique par l'harmonie et l'équilibre de l'œuvre plastique. Pareille recherche apporte une solution au problème posé par la représentation du Bouddha: celle-ci sera humaine, mais d'une humanité qui s'anéantit elle-même dans sa propre sublimation afin de symboliser l'accomplissement spirituel et la sérénité intérieure de celui qui parvient à la bodhi: on retrouve cette idéalisation dans la tête du bouddha en stuc provenant de Hadda (Afghanistan), exposée au musée Guimet (Paris): rectitude du nez, impeccable harmonie des traits, aspect totalement lisse de la peau et pureté absolue des lignes. Cependant, cette spiritualité a besoin de symboles précis et rigoureusement fixés: le génie des artistes est d'avoir su combiner la tradition plastique grecque et la symbolique bouddhique, d'essence proprement indienne. À cette époque sont établis de façon définitive les canons iconographiques et symboliques que respecteront ensuite toutes les images du Bouddha, partout dans le monde.


    La plupart des symboles se réfèrent à un épisode important de la vie de Gautama: l'observateur peut donc situer l'image dans l'itinéraire initiatique conduisant à la bodhi, qui en devient ainsi la véritable signification. Ce dynamisme narratif a d'ailleurs pour conséquence un total mépris de la chronologie: le turban et la parure princière peuvent être associés au geste de la méditation, pourtant postérieure au renoncement à la vie mondaine. Pour être efficace, l'image doit être replacée dans l'ensemble d'un parcours symbolique dégagé du temps historique.


    Les reliefs intègrent souvent le Bouddha à des compositions plus vastes, où il se trouve entouré d'autres personnages, qu'il domine symboliquement par sa taille supérieure et sa position centrale. On peut voir au musée Guimet un relief en schiste pakistanais représentant le «Grand Miracle»: un bouddha debout, esquissant le geste qui rassure (sa paume est ornée du symbole de la roue), fait jaillir des flammes de ses épaules et de l'eau de ses pieds, afin de confondre les brahmanes incrédules.

    Les canons iconographiques une fois établis, la sculpture bouddhique épouse dans son évolution les grandes étapes qui jalonnent l'histoire de l'art dans les divers pays où elle s'est développée. En Inde, son apogée correspond à l'âge dit «classique», sous le règne des Gupta (320-530). La statuaire représente alors fréquemment le Bouddha en position debout, la tête entourée d'un disque de pierre figurant une auréole. Si le symbolisme, notamment gestuel, demeure rigoureusement le même, la physionomie générale diffère de celle du type gandharien: dans le visage poupin domine largement la courbe, en particulier dans le tracé des arcades sourcilières, du nez, de la bouche et du menton; la chevelure est finement bouclée et la robe au fin drapé régulier fait de plis concentriques et très rapprochés semble coller au corps.


    Les bodhisattvas


    L'âge classique connaît une autre innovation: les sculpteurs du Gandhara, bientôt suivis par leurs confrères des autres régions converties au Mahayana, s'attachent à représenter, outre moines et laïcs qui figurent en grand nombre sur les reliefs évoquant diverses scènes, souvent empruntées à la vie monastique, les principaux bodhisattvas. Plus accessibles que le Bouddha, ces rédempteurs deviennent naturellement l'objet d'une vénération privilégiée, et les artistes mahayanistes les représentent de plus en plus, avec souvent des traits plus individualisés – parfois ceux de souverains locaux, protecteurs de la doctrine.


    La symbolique des bodhisattvas diffère peu de celle des bouddhas, si ce n'est qu'ils sont en général représentés avec leur costume princier. On les trouve sous forme de statues debout, comme les nombreuses représentations de Maitreya du Gandhara, reconnaissables à leur coiffe naturelle faite de tresses entrelacées qu'ornent des joyaux, et au petit vase à eau destiné aux ablutions qu'ils tiennent à la main. Ils peuvent également figurer sur des reliefs, où ils sont fréquemment associés à d'autres personnages, comme le Bouddha, pourvu d'une taille supérieure. Les artistes du Gandhara représentent souvent ainsi Vajrapani, «qui tient un foudre dans sa main», auquel, influencés par l'art grec, ils donnent parfois les traits d'Héraclès ou de Zeus.


    La peinture


    Parallèlement à la sculpture apparaît un peu plus tard un art pictural de la représentation, qui utilise pour figurer le Bouddha la même symbolique. On retrouve en peinture l'évolution artistique des différents pays où elle se manifeste: ainsi, en Afghanistan, au Pakistan, en Inde, au Sri Lanka, des fresques ornent les parois des salles de réunion des monastères, tandis que, au Tibet, c'est leur habileté à réaliser des panneaux sur toile que les artistes mettent au service du bouddhisme.


    La fresque indienne


    Les grottes-sanctuaires d'Ajanta, près de Bombay, sont décorées de fresques des Ve et VIe siècles (période gupta), qui constituent l'apogée de la peinture murale en Inde, et sont, par leur sens du rythme et de l'équilibre, caractéristiques de l'âge classique; leur style très achevé manifeste une parfaite maîtrise des couleurs, qui, déposées en taches compactes, soulignent les formes sans qu'il soit besoin d'un dessin trop appuyé. D'inspiration très libre et souvent profane, elles présentent des sujets variés: à côté de scènes empruntées à la vie quotidienne ou à la vie de cour, voire de scènes érotiques, d'autres évoquent les vies antérieures du bouddha, ou les principaux épisodes de son existence.


    Cercles des existences et mandalas tibétains
    Parmi les expressions picturales du bouddhisme, les tanka tibétains, toiles de coton ou de lin qu'on peut aisément rouler, inspirés par le tantrisme, sont exceptionnels par leur symbolisme et leur fonction initiatique. Beaucoup représentent des bouddhas, en particulier le Bouddha suprême du lamaïsme, Vajradhara (reconnaissable à son sceptre de diamant), des bodhisattvas, ou des dalaï-lamas. Les plus originaux sont cependant les cercles des existences et les mandalas, qui jouent le double rôle de représentations symboliques de l'univers, conçu comme un accroissement karmique de l'Un primordial, et de supports de méditation, susceptibles d'aider le novice à pénétrer les régions les plus profondes de sa conscience, inaccessibles à la raison et à l'intuition ordinaire.


    Le cercle des existences symbolise le samsara, le cercle des réincarnations successives que provoque le karma (les «actes») et qui explique le monde dans sa diversité et sa multiplicité. Il est composé de trois cercles concentriques que tient dans ses griffes l'avidya, l'ignorance, représentée dans le haut du tanka sous la forme hideuse du dieu des morts, Yama, coiffé d'un diadème. Le cercle périphérique est divisé en douze sections, qui symbolisent les douze anneaux de la chaîne de causalité qui suscite le karma, donc l'existence, et que le fidèle doit remonter mentalement afin de la neutraliser. Le deuxième cercle est formé habituellement de six segments, dans lesquels sont représentés les six états d'existence: dieux, démons, hommes, animaux, esprits fantômes, êtres infernaux. Le troisième cercle, le plus petit, est coupé en deux parties: dans l'une, les gens heureux, attachés aux objets terrestres, s'élèvent, tandis que dans l'autre tombent des être nus. Au centre, un coq symbolise le désir et l'avidité, un serpent la colère et les passions, un porc l'ignorance et l'illusion: ce sont les feux du mal, qui soumettent les créatures à l'avidya, et donc à l'obligation de renaître. Dans un coin supérieur du tanka, le bouddha propose la seule voie qui conduise au nirvana: il désigne la roue du dharma, à huit rayons.


    Le mandala (en sanskrit, «cercle»), plus complexe, est constitué d'un ensemble de cercles et de carrés concentriques qui représentent la structure de l'univers dans son extension infinie à partir de l'Un primordial, symbolisé par le noyau; le mandala évoque d'ailleurs par sa forme un lotus, symbole qui revêt la même signification (c'est une fleur dont les pétales croissent et se multiplient autour d'une tige unique). En même temps, le mandala reflète la structure de la conscience individuelle, affirmant par là l'équivalence du microcosme et du macrocosme, des sphères individuelle et cosmique – d'où sa fonction mystique et initiatique: au cours de son ordination, le novice est conduit du cercle extérieur jusqu'au noyau d'un grand mandala peint sur le sol; cet itinéraire symbolique est celui qu'il doit effectuer mentalement depuis la pluralité phénoménale jusqu'à l'unité primordiale dont elle émane, en même temps que la démarche introspective par laquelle, pénétrant progressivement dans les profondeurs de son âme, il parviendra au sentiment intime de l'unité – c'est-à-dire à la bodhi. Aussi cercles et carrés sont-ils percés de portes qui assurent une communication entre les différents niveaux de la conscience et de l'univers; ces portes sont souvent gardées par des déités à l'aspect terrible, visualisation des forces psychiques et cosmiques qui gouvernent la conscience individuelle aussi bien que l'univers, conçu comme une émanation de la première: ce sont ces forces qu'il faut apprendre à maîtriser. Le noyau du mandala, toujours construit selon le même schéma, est constitué de cinq cercles formant une croix orientée vers les points cardinaux, et contenant chacun un bouddha, appelé ici jina: «vainqueur» (du samsara). Le jina central est Vajrasattva, incarnation suprême du bouddha et «Pure Sagesse Absolue» (celle de la bodhi). Les quatre autres représentent chacun un type de sagesse-énergie émanant du centre, parfois dédoublé en ses deux principes: l'énergie créatrice et son contraire, la sagesse libératrice. Deux bodhisattvas peuvent accompagner chaque jina, qui revêt parfois l'aspect d'un monstre entouré de flammes, paré d'ornements macabres et dansant sur des cadavres, symboles des états mentaux dont il aide le méditant à se libérer.


    L'architecture


    La pratique des fidèles et la vie du clergé bouddhique ont suscité la construction de trois grands types d'édifices: le stoupa, monument bouddhique par excellence, la pagode et le monastère.


    Le stoupa


    Omniprésent dans les sanctuaires, probablement issu des tumuli funéraires en usage dans l'Inde aryenne, le stoupa symbolise le parinirvana (totale extinction) de Çakyamuni, puis des autres bouddhas; d'où sa plus ancienne fonction, celle de reliquaire. Par la suite, il prendra une fonction votive, les fidèles venant rendre un culte aux reliques et leur demander quelque faveur. Très tôt, il revêt aussi une fonction commémorative: de nombreux stoupas, vides de toute relique, invitent simplement le passant à suivre l'exemple du Bouddha.


    La structure du stoupa, qui se répand rapidement dans toute l'Asie bouddhiste, ne cesse de se renouveler; mais cette évolution se réfère toujours peu ou prou au modèle indien, qui assure l'unité de ce type architectural. Dans sa configuration originelle, telle qu'on peut l'observer par exemple à Sanci, le stoupa se compose d'un soubassement circulaire ou carré, parfois étagé en plusieurs degrés, sur lequel s'élève un hémisphère de pierre, l'anda; au sommet de celui-ci se trouve un cube de pierre ainsi qu'un mât portant un nombre impair de parasols. Les reliques, elles-mêmes contenues souvent dans un stoupa miniature, sont enfermées dans une chambre située à l'intérieur de l'anda et murée lors de la consécration. La base de l'anda est souvent entourée d'une balustrade de pierre ornée de reliefs sculptés, la vedika, qui détermine autour du monument un chemin de circumambulation: le rite de la pradaksina consiste à faire le tour du stoupa dans le sens des aiguilles d'une montre, en le touchant de la main droite (le sens est inversé lors des cérémonies funéraires). La vedika est interrompue par un ou quatre portails, les torana, surmontés d'architraves sculptées. Si le soubassement est surélevé, un ou quatre escaliers mènent au pied de l'anda. Ce type d'édifice peut avoir toutes les tailles, depuis le stoupa miniature, le dagoba, souvent réalisé dans une matière précieuse, jusqu'au monument de plusieurs dizaines de mètres de hauteur.


    Les premiers stoupas, si l'on en croit les textes, remontent à la mort de Çakyamuni (vers 483 avant J.-C.). Il s'agit alors d'édifices en bois; les premières constructions en pierre seraient apparues sous le règne d'Açoka (vers 269-232 avant J.-C.), empereur du Magadha auquel la légende attribue l'édification de 84 000 stoupas, dont il ne subsiste rien. Les plus anciens existant encore datent des IIIe et IIe siècles avant J.-C., comme celui de Bharhut, édifié sous les Sunga (vers 180-80 avant J.-C.) dont il ne reste que la vedika sculptée. Ces monarques entreprennent aussi la construction des stoupas de Sanci, qui seront ensuite complétés, notamment par l'adjonction de torana sculptés, sous le règne des Satavahana, maîtres du nord de l'Inde jusqu'au IIe siècle après J.-C. Il arrive souvent qu'un stoupa ancien soit recouvert par un stoupa de plus grande taille, comme on le voit à Sanci ou à Sarnath.


    En se propageant dans les régions converties, le stoupa connaît de multiples variations. Beaucoup affectent le soubassement, qui a tendance à se surélever et à s'étager en de multiples terrasses rondes ou carrées, comme celui du stoupa de Borobudur, érigé à Java au IXe siècle. L'anda se métamorphose: le stoupa gandharien intercale un cylindre de pierre entre la base et l'hémisphère, tandis que ceux d'Asie du Sud-Est prennent l'aspect d'un bulbe, d'une bouteille oblongue, d'une cloche (comme le chörten tibétain). Cette tendance à l'étirement de la silhouette est due, sans doute, à l'influence du temple-montagne hindou, composé d'une cella carrée surmontée d'un toit pyramidal, et apparu en Inde à l'époque gupta. On observe enfin une tendance à l'allongement du mât et à la multiplication des parasols, souvent stylisés.


    L'évolution affecte enfin la fonction du stoupa: à l'origine, il ne semble pas avoir été investi d'un quelconque symbolisme cosmique. Mais par la suite, dans la perspective mahayaniste, sa structure architecturale a été perçue comme reflétant symboliquement celle de l'univers: il acquiert de ce fait une fonction didactique. Le socle symbolise dans ce cas la terre, escaliers et torana étant orientés vers les points cardinaux; l'anda représente la voûte céleste, et le mât – du moins lorsque, traversant l'anda et fiché dans le sol, il relie le ciel et la terre, comme dans les pagodes – l'axe du monde. Développant ce symbolisme, certains stoupas représentent une infrastructure au sol en forme de mandala, tel que celui de Borobudur. L'avatar tibétain du stoupa, le chörten, symbolise, par sa structure et sa décoration, les cinq éléments constitutifs de l'univers: la terre, l'eau, le feu, l'air et l'éther.


    La pagode


    Apparu en Chine au Ve siècle après J.-C., ce type architectural s'est répandu ensuite en Corée, au Viêt-nam et au Japon. La pagode résulte, semble-t-il, d'une combinaison entre la tour de guet à étages de la Chine des Han (IIIe siècle avant J.-C.-IXe siècle après J.-C.) et le stoupa indien, influencé par le temple-montagne hindou. De la tour de guet chinoise, elle conserve la forme polygonale, les toits superposés, saillants ou en corniche, et les étages, toujours en nombre impair, de tailles décroissantes. Du stoupa et du temple-montagne, elle hérite la haute flèche qui surmonte l'édifice, ornée de plusieurs disques de diamètres décroissants, souvenir du mât et des parasols, et symbolisant l'axe du monde; dans les pagodes chinoises, un pilier axial (remplacé par un puits central dans l'architecture khmère) la continue à l'intérieur. La pagode perpétue ainsi la signification symbolique et la fonction du stoupa: tantôt simple reliquaire, tantôt monument commémoratif ou votif, omniprésente dans les sanctuaires bouddhiques, elle reflète la structure du cosmos organisé selon un schéma rationnel, et contient donc, par sa forme architecturale, une leçon susceptible de conduire le fidèle à la conscience des analogies qui sous-tendent l'unité de l'univers.


    Si les premières pagodes chinoises, comme la plupart de celles qu'on trouve au Japon, sont construites en bois, la brique et la pierre font leur apparition en Chine dès le VIe siècle (pagode de Songyuesi, bâtie en 523 sur un plan octogonal, avec deux étages réels et quinze faux étages en corniche). La pagode, parfois dédoublée, est le plus souvent située sur l'axe central du sanctuaire, mais cet emplacement peut varier.


    Monastères et sanctuaires


    La discipline canonique impose en principe au moins une vie itinérante, mais le climat et l'élargissement de la communauté obligent le clergé bouddhique à passer la mauvaise saison à l'abri dans des monastères. En Inde, ils sont aménagés dans des grottes à flanc de falaise. Les plus anciens qui nous soient parvenus datent des IIe et Ier siècles avant J.-C. – encore furent-ils largement modifiés par la suite, comme les grottes d'Ajanta, aménagées entre le IIe siècle avant J.-C. et le IIe siècle après J.-C. par les Satavahana, puis embellies de fresques aux Ve et VIe siècles par les Gupta. La région la plus riche en grottes-monastères est le Gandhara, où se trouvent le site de Bamiyan, un ensemble de plusieurs centaines de grottes creusées entre le IIe et le VIIIe siècle, ou encore les treize monastères de Hadda (IIe-VIe siècle), en Afghanistan, célèbres par leur décor en stuc de style hellénisant.


    Le monastère indien se compose d'un logement pour les moines, le vihara (en sanskrit, «retraite»), et d'une salle de réunion, de prière et de méditation, appelée caitya. Le vihara est constitué d'une salle rectangulaire, dont le plafond plat est soutenu par deux rangées de colonnes, et sur les parois de laquelle s'ouvrent les cellules des moines; il peut être composé de plusieurs étages superposés. Le caitya est une longue salle voûtée, bordée d'une double colonnade qui détermine deux nefs latérales, moins larges que la nef centrale, et terminée par une abside semi-circulaire, dans laquelle est placée une statue du Bouddha ou un dagoba, dont le socle est parfois orné d'un bouddha sculpté. Ce modèle est illustré par les 29 sanctuaires d'Ajanta, mais on trouve à Kakrak (VIIe siècle après J.-C.), en Afghanistan, un caitya octogonal surmonté d'une coupole, le tout abondamment orné de figures peintes. Toujours en Afghanistan, celui du monastère de Fondukestan (VIIe-VIIIe siècle après J.-C.) est une salle carrée voûtée en berceau, centrée sur un dagoba et décorée de niches abritant des statues.


    Au monastère indien creusé dans le roc succèdent dans les autres pays des établissements construits en surface, toujours organisés autour d'un ensemble d'habitations et d'un sanctuaire. Celui-ci associe une ou deux salles consacrées au culte, héritées du caitya, et un ou plusieurs stoupas, ou leurs avatars divers. En Chine et au Japon, on voit se multiplier des monastères en bois, dont l'espace est structuré par deux axes médians, autour desquels sont réparties, selon des normes très précises bien que variables dans le temps, la salle réservée au culte et une ou deux pagodes. Le sanctuaire des monastères japonais est constitué d'un espace carré entouré d'une enceinte et sur lequel ouvre un portique; le kondo, ou «salle d'or», consacré au culte, est situé au centre, tandis qu'une salle réservée à la prière et à la lecture des textes sacrés est située derrière, dans l'alignement. Une ou deux pagodes flanquent l'axe médian qui conduit de l'entrée au kondo.


    La permanence des normes auxquelles se réfère l'art bouddhique, liée à sa fonction symbolique, donc à son efficacité, lui confère un caractère particulièrement vivant, qui s'illustre dans les régions du monde où cette doctrine fait des adeptes – jusqu'en Occident. Ainsi peut-on visiter en France, près de La Boulaye (Saône-et-Loire), le monastère lamaïque de Kagyu-Ling, identifiable à son chörten, en ciment, et à une salle de culte carrée.

    l'art gréco-bouddhique



    L'art gréco-bouddhique – terme approximatif qui désigne en réalité l'art du Gèndhèra – se développa vers le milieu du Ier siècle après J.-C. jusqu'au IVe siècle au nord-ouest de l'Inde et à l'est de l'Afghanistan, dans les anciennes provinces du Gèndhèra et du Kèpiça.


    Ces territoires avaient été conquis par des tribus indo-scythiques, les Kushèna. Sous le règne de l'empereur Kanishka (couronné entre 114 et 152), leur puissance leur permit d'assurer de très nombreux contacts diplomatiques et commerciaux avec l'Empire romain. Au temps de Kanishka, le bouddhisme entra dans une ère de prospérité, liée à une évolution des modes de représentation du Maître. Après avoir longtemps figuré sous divers symboles (roue, trône, stoupa), le Bouddha fut en effet représenté sous une forme humaine, drapé à la manière grecque. Les épisodes tirés de sa vie firent alors l'objet d'une iconographie importante. La facture de l'art gréco-bouddhique relève d'un jeu complexe d'influences: les Kushèna, dépourvus à l'origine de traditions propres et d'un art spécifique, assimilèrent la culture hellénistique finissante; des échanges culturels s'effectuèrent avec le monde romain.


    La sculpture


    La sculpture gréco-bouddhique est d'abord représentée par des œuvres (exécutées dans le schiste du Gèndhèra) académiques, figées, copies de motifs grecs décadents, bas-reliefs qui composent des scènes sans grand caractère.



    À cet art conventionnel s'opposent des œuvres en stuc – matière probablement importée du territoire de Parthes ou d'Alexandrie – qui empruntent elles aussi leurs thèmes à l'art hellénistique, mais dont les qualités plastiques sont très supérieures à toutes les créations en schiste. Les plus belles sculptures en stuc (généralement des têtes de petite dimension) parviennent à combiner admirablement réalisme et sensibilité; elles offrent une analogie troublante avec le style gothique des cathédrales (Reims, Amiens). Ainsi, deux arts influencés par la Grèce et un certain type de religiosité basée sur le mysticisme peuvent receler des caractères communs malgré l'éloignement géographique et temporel.


    L'architecture


    À l'époque kushèna, l'architecture religieuse du Gèndhèra était exclusivement bouddhique. Elle se manifestait par d'innombrables monastères et de très nombreux stupa; ceux-ci représentent un édifice qui, dérivant probablement du tumulus, était destiné à jouer soit le rôle d'un reliquaire, soit celui d'un monument commémoratif. Il a l'aspect d'un hémisphère plein, en brique ou en pierre, bâti sur un socle carré plus ou moins élevé. Par rapport aux stupa maurya et çunga, ceux du Gèndhèra représentent une évolution vers des formes plus élevées et plus élégantes. Par la suite, un tambour cylindrique inséré entre la plate-forme et l'hémisphère fit corps avec ce dernier, donnant naissance à une sorte de tour surmontée par plusieurs coupoles. Avant que n'interviennent, au Ve siècle, l'invasion dévastatrice des Huns, puis la conquête arabe, les stupa du Gèndhèra étaient, dans leur majesté, les plus imposants de l'Inde.



    l'art Gupta




    La dynastie nationale des Gupta (IVe-VIe siècle), qui s'installa en Inde vers 320, entreprit et réussit une large unification politique; cette unification s'accompagna d'un essor culturel sans précédent, auquel tous les arts participèrent.


    La sculpture



    Le génie de la sculpture gupta s'exprima essentiellement dans la représentation du corps humain, qu'il s'agîte de figurer le Bouddha ou, beaucoup plus rarement, les divinités brahmaniques aux riches costumes et parures. À partir du Ve siècle environ, le vêtement des bouddhas, hérité tout d'abord du drapé gréco-bouddhique, épousa le modelé du corps, suggéré sous une fine mousseline transparente. Cette étoffe, qui dessine parfois des plis disposés en ondes concentriques, couvre la majorité des bouddhas de style gupta (Musée archéologique, Sarnath; Musée national, New Delhi). Les plus belles de ces sculptures représentent ce que l'art indien, en obéissant au système de mesures exposé dans les traités d'art (çastra), a produit de plus équilibré et de plus harmonieux. Le nimbe gréco-bouddhique se développa: derrière la tête et les épaules du maître, il décrivit un immense cercle abondamment orné de motifs décoratifs.


    Les personnages secondaires des scènes bouddhiques et brahmaniques (Ajanta, Deogarth) sont torse nu et vêtus d'une longue jupe; souvent, ils portent une coiffure lourde et compliquée. Vers les VIe et VIIe siècle, la silhouette sculptée s'épaissit. Les règles mathématiques qui visaient à calculer les proportions des œuvres se multiplièrent et se codifièrent.


    L'architecture


    L'architecture connut également son apogée à l'époque gupta. Un modèle de temple (petit temple de Sanchi) fut adopté. Au cours des époques ultérieures, son plan subit peu de modifications. Ce sanctuaire est formé d'un bloc rectangulaire (Garbha Griha), simple cella en pierre, précédé d'un édifice hypostyle (mandapa). Exemple typique de l'évolution finale de l'ordre indien, les colonnes s'élèvent à partir d'un socle rectangulaire en un fût octogonal coiffé d'un chapiteau que surmonte un abaque sculpté.


    Un goût presque classique anime ces monuments aux formes simples et dépouillées. Sous la dynastie Gupta apparurent plusieurs éléments architecturaux appelés à connaître un développement considérable: le vimâna, le gopura (toitures à étages se multipliant, surchargées d'ornements) et le çikhara (flèche curviligne des tours sanctuaires).

    La peinture



    La peinture qui subsiste dans les cavernes rupestres bouddhiques d'Ajanta (région du Dekkan), et qui recouvrait jadis la totalité de leur surface intérieure, est l'une des plus grandes œuvres de toute la peinture indienne. Ici, l'art de la fresque est parvenu à une maîtrise extraordinaire dans la composition, la sûreté du trait et le rapport des tons. Cet ensemble dépasse à la fois l'esprit narratif religieux dont il relève (encore que l'influence de la littérature profane puisse s'y faire sentir) et l'intention décorative. Les fresques bouddhiques de Sigiriya et de Bagh, les fresques brahmaniques de Bâdâmi témoignent encore de la prodigieuse vitalité que connut la peinture au temps de la dynastie Gupta.
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    Message par Madenn Dim 26 Aoû 2012 - 19:41

    Merci pour ces informations très complètes : je recherchais depuis un certain temps un texte aussi complet que celui-ci au sujet de l'art bouddhique Very Happy Aurais-tu, Kaïkan, des œuvres d'art bouddhiques à faire partager ? C'est un domaine dans lequel je ne m'y connais que très mal, je l'avoue
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    Message par annemaurice Lun 8 Sep 2014 - 14:01

    Moi aussi, je te remercie Smile Plein d'infos interessantes Smile Il est vraie que le bouddhisme est une source d'inspiration pour tous les domains d'art.

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