Il y quelques semaines, une réunion entre des bouddhistes actifs a eu lieu à Bruxelles. Des représentants du bouddhisme tibétain étaient majoritaire (ils organisaient cette réunion), mais il y avait aussi des représentants du zen soto, et même des non bouddhistes.
Les sujets à discuter étaient:
- l'euthanasie "médicale" et autre (suicide assisté, abréger les souffrances à la demande du malade en fin de vie)
- l'avortement (notamment en cas de foetus risquant d'être fort handicapé)
- la fécondation in vitro (que faire des embryons surnuméraires
- le don d'organes
- la limite entre "soins" et "acharnement thérapeutique"
Une quarantaine de personnes ont donné leur opinion. La quasi-totalité avait une expérience de plusieurs années dans les soins palliatifs, ou dans leur métier (infirmière...).
C'était vraiment passionnant, j'ai été émerveillée du réalisme pratique de ces gens, de leur humanité, qualité d'écoute des malades...
Je vais essayer d'en faire un bref résumé.
Le président de l'Union Bouddhiste Européenne était un des dirigeants du débat. Il a expliqué que les autorités européennes et locales étaient en demande fréquente pour connaître la position du bouddhisme par rapport à ces question. Cette journée a été organisée pour savoir ce que les gens "de terrain" en pensent, beaucoup étant des bouddhistes confirmés.
J'ai été assez étonnée de cette "demande" dans des gouvernements censés être laïques...
Mais j'ai aussi été rassurée quand il a posé les bases, fermement :
- pas de dogmes
- pas de réponses "toutes faites"
- pas de jugement.
Ouf.
Voici des extraits du rapport de cette réunion, et donc une ébauche des réponses aux questions éventuelles quant à la "position du bouddhisme sur...". Les discussions continuent jusque décembre, où une récapitulation sera publiée.
"L'intervenant" désigne ici la personne qui accompagne le malade, par exemple en soins palliatifs, ou la famille...
La première partie de la journée a été consacrée à un débat en plénière qui a permis d’identifier et de lister les grandes valeurs soulignées par les enseignements du bouddha et sur lesquelles nous estimons pouvoir appuyer notre réflexion éthique et notre action en tant que bouddhistes.
1. Le non dogmatisme: aucune règle n'est absolue, l'être humain est pleinement responsable et doit puiser les solutions aux problèmes et notamment aux dilemmes éthiques dans les ressources de sagesse et de compassion qu'il possède en lui-même. Il n’y a pas de recours à l’autorité ou à l’intervention d’un principe divin extérieur à nous-mêmes.
2. L'interrelation qui entraine une autre vision sur la façon d'être, une autre relation aux êtres sensibles et au monde en général.
3. La vision holistique et spécifique du bouddhisme sur la nature et les causes de la souffrance, et plus généralement les 4 nobles vérités. La part qu’occupe le travail sur soi et les effets incomparables de techniques telles que la méditation.
4. non violence et respect : tant en pensée qu’en paroles et en action et donc, certainement pas d’acharnement thérapeutique
5. compassion et empathie : on chemine au côté des autres
6. altruisme : nous suivons la voie du bodhisattva
7. patience, tolérance, sérénité: la souffrance n’a aucun rôle salvateur ou rédempteur. Mais si elle ne peut être évitée, nous tentons d’en retirer les enseignements sur la voie de la sagesse
8. lâcher prise, non ego
9. humilité, modestie, discrétion,
10. ouverture et écoute, qualité d'être, présence en pleine conscience
11. joie
(...)
Que l’on soit soignant, accompagnant ou proche, il est fondamental de respecter la volonté de la personne pour autant que celle-ci puisse s’exprimer avec toutes les garanties d’autonomie et de conscience.
(...)
Dans le processus qui lie l’intervenant et la personne qui demande l’intervention, chacun reste libre, responsable et respectueux. Nul ne peut porter de jugement sur la volonté du patient ou de la personne accompagnée, ni sur sa motivation.
(...)
La souffrance de la famille ne sera pas perdue de vue.
Du point de vue bouddhiste, la vie vaut d’être vécue jusqu’au bout, et reste précieuse parce que le travail de l’esprit peut se faire jusqu’au dernier moment, voire au-delà, et que la vie humaine est précieuse lorsqu’elle s’examine à la lumière des lois karmiques. C’est néanmoins à la personne elle-même d’évaluer, d’apprécier ces opportunités sur base de son vécu subjectif, de sa réalité propre, et non à l’intervenant. Ce dernier ne peut qu’aider la personne à disposer de conditions optimales pour procéder à cette appréciation.
(...)
3. Don d’organes : la réflexion a abouti à une conclusion unanime : l’attitude du bodhisattva est celle du don et de la générosité.Sauver une vie est tout à fait souhaitable, même si il y a incertitude actuellement sur le moment précis où l’esprit se sépare du corps. Moyennant respect des garanties légales, il n’y a donc aucun obstacle ici.
Avez vous des commentaires ? Plusieurs points peuvent être abordés:
- trouvez vous que les "religions" doivent-être consultées pour des décisions politiques ?
- que pensez vous des conclusions provisoires énoncées plus haut ?
Et, une question que je me pose, connaissant mal le zen: la philosophie zen aborde-t-elle ces points délicats ?
Les sujets à discuter étaient:
- l'euthanasie "médicale" et autre (suicide assisté, abréger les souffrances à la demande du malade en fin de vie)
- l'avortement (notamment en cas de foetus risquant d'être fort handicapé)
- la fécondation in vitro (que faire des embryons surnuméraires
- le don d'organes
- la limite entre "soins" et "acharnement thérapeutique"
Une quarantaine de personnes ont donné leur opinion. La quasi-totalité avait une expérience de plusieurs années dans les soins palliatifs, ou dans leur métier (infirmière...).
C'était vraiment passionnant, j'ai été émerveillée du réalisme pratique de ces gens, de leur humanité, qualité d'écoute des malades...
Je vais essayer d'en faire un bref résumé.
Le président de l'Union Bouddhiste Européenne était un des dirigeants du débat. Il a expliqué que les autorités européennes et locales étaient en demande fréquente pour connaître la position du bouddhisme par rapport à ces question. Cette journée a été organisée pour savoir ce que les gens "de terrain" en pensent, beaucoup étant des bouddhistes confirmés.
J'ai été assez étonnée de cette "demande" dans des gouvernements censés être laïques...
Mais j'ai aussi été rassurée quand il a posé les bases, fermement :
- pas de dogmes
- pas de réponses "toutes faites"
- pas de jugement.
Ouf.
Voici des extraits du rapport de cette réunion, et donc une ébauche des réponses aux questions éventuelles quant à la "position du bouddhisme sur...". Les discussions continuent jusque décembre, où une récapitulation sera publiée.
"L'intervenant" désigne ici la personne qui accompagne le malade, par exemple en soins palliatifs, ou la famille...
La première partie de la journée a été consacrée à un débat en plénière qui a permis d’identifier et de lister les grandes valeurs soulignées par les enseignements du bouddha et sur lesquelles nous estimons pouvoir appuyer notre réflexion éthique et notre action en tant que bouddhistes.
1. Le non dogmatisme: aucune règle n'est absolue, l'être humain est pleinement responsable et doit puiser les solutions aux problèmes et notamment aux dilemmes éthiques dans les ressources de sagesse et de compassion qu'il possède en lui-même. Il n’y a pas de recours à l’autorité ou à l’intervention d’un principe divin extérieur à nous-mêmes.
2. L'interrelation qui entraine une autre vision sur la façon d'être, une autre relation aux êtres sensibles et au monde en général.
3. La vision holistique et spécifique du bouddhisme sur la nature et les causes de la souffrance, et plus généralement les 4 nobles vérités. La part qu’occupe le travail sur soi et les effets incomparables de techniques telles que la méditation.
4. non violence et respect : tant en pensée qu’en paroles et en action et donc, certainement pas d’acharnement thérapeutique
5. compassion et empathie : on chemine au côté des autres
6. altruisme : nous suivons la voie du bodhisattva
7. patience, tolérance, sérénité: la souffrance n’a aucun rôle salvateur ou rédempteur. Mais si elle ne peut être évitée, nous tentons d’en retirer les enseignements sur la voie de la sagesse
8. lâcher prise, non ego
9. humilité, modestie, discrétion,
10. ouverture et écoute, qualité d'être, présence en pleine conscience
11. joie
(...)
Que l’on soit soignant, accompagnant ou proche, il est fondamental de respecter la volonté de la personne pour autant que celle-ci puisse s’exprimer avec toutes les garanties d’autonomie et de conscience.
(...)
Dans le processus qui lie l’intervenant et la personne qui demande l’intervention, chacun reste libre, responsable et respectueux. Nul ne peut porter de jugement sur la volonté du patient ou de la personne accompagnée, ni sur sa motivation.
(...)
La souffrance de la famille ne sera pas perdue de vue.
Du point de vue bouddhiste, la vie vaut d’être vécue jusqu’au bout, et reste précieuse parce que le travail de l’esprit peut se faire jusqu’au dernier moment, voire au-delà, et que la vie humaine est précieuse lorsqu’elle s’examine à la lumière des lois karmiques. C’est néanmoins à la personne elle-même d’évaluer, d’apprécier ces opportunités sur base de son vécu subjectif, de sa réalité propre, et non à l’intervenant. Ce dernier ne peut qu’aider la personne à disposer de conditions optimales pour procéder à cette appréciation.
(...)
3. Don d’organes : la réflexion a abouti à une conclusion unanime : l’attitude du bodhisattva est celle du don et de la générosité.Sauver une vie est tout à fait souhaitable, même si il y a incertitude actuellement sur le moment précis où l’esprit se sépare du corps. Moyennant respect des garanties légales, il n’y a donc aucun obstacle ici.
Avez vous des commentaires ? Plusieurs points peuvent être abordés:
- trouvez vous que les "religions" doivent-être consultées pour des décisions politiques ?
- que pensez vous des conclusions provisoires énoncées plus haut ?
Et, une question que je me pose, connaissant mal le zen: la philosophie zen aborde-t-elle ces points délicats ?