Zenoob a écrit:Salut !
Voilà, je me rends compte qu'en fait, on ne peut pas percevoir autre chose que ce qu'on perçoit. C'est à dire que ce que je vois, ici et maintenant, ben je n'ai pas le choix de le voir ou pas. ET je ne sais pour quelle raison, cela me terrifie : cela me donne l'impression d'être absolument coincé dans mes perceptions, sans échappatoire, comme épinglé au présent. Je ne peux pas "ne pas voir" ou "ne pas percevoir". Cela me pousse à me demander si j'existe vraiment : suis-je mes perceptions ? Sinon, qu'est ce que je suis ? Où je suis ? Est-ce que je suis forcément coincé dans mes perceptions ?
Je ne suis pas très d'accord. Nos perceptions sont de toute façon un peu faussées. Ce n'est pas que ce que nous percevons est faux, mais que nous l'interprétons de façon déformée, selon nos propres petites idiosyncrasies personnelles. Par exemple, lorsque j'avais décidé, il y a plusieurs années de rester nu-pieds sur le carrelage à l'automne, je me suis entre-autres conditionné à trouver cela "rafraîchissant". Du coup, je n'éprouvais plus une sensation de froid (désagréable) sous les pieds, mais un rafraîchissement. Et du coup, j'ai passé l'hiver nu-pieds sur le carrelage et cela a mis en grande partie fin à mes problèmes de jambes lourdes. Mais cet hiver, j'ai fait un jeûne, et du coup j'avais froid, et je n'ai plus pu me mettre nu-pieds sur le carrelage. J'étais incapable de re-changer ma perception, probablement parce que de commencer l'exercice à la fin de l'été quand il fait encore chaud fait une grande différence à cause de la progressivité de la baisse des températures.
Je vois aussi les illusions que l'on peut voir dans l'obscurité, et toute une quantité de perceptions dont la conception peut changer de façon radicale si l'on fait l'effort. Il y a aussi ces illusions d'optique où c'est la même chose. C'est pour cela que les cinq agrégats sont la forme, la sensation, la perception, la conceptualisation (dite aussi volition) et la conscience. Dans cet ordre là. Cela fait donc cinq degrés où l'illusion peut se glisser. Donc, oui, on ne peut pas "ne pas voir" ou "ne pas percevoir", mais est-ce qu'on perçoit, s'il n'y a pas la sensation? Autrement dit, si on ne voit pas quelque chose, on ne peut pas le percevoir; Si on n'entend pas (etc, avec les autres organes).
J'avais eu un stagiaire à qui je donnais du ponçage à faire. Je lui avais montré comment affiner le polissage du bois jusqu'à ce qu'il brille (il s'agit d'un bois exotique très dense). Mais son résultat final était terne. J'ai mis un moment à comprendre qu'il
ne voyait pas! Et j'en ai donc conclu, ce qui correspond à ce que j'avais lu par ailleurs, que
voir demande un apprentissage. Et il en va de même des autres organes des sens.
Ce qui me fait bizarre, c'est que la plupart des sages parlent du moment présent comme d'une bénédiction, d'un truc super agréable ; pour moi en ce moment c'est l'enfer, ce moment présent, je m'y sens coincé - alors qu'en fait si je regarde précisément les choses, tout est en flux, mais ce n'est pas une pensée plus rassurante...
Même discours. C'est une question d'interprétation (de conceptualisation) de la perception. Ce qui est le paradis pour un sera l'enfer pour l'autre: il n'y a qu'à voir la musique. Je ne supporte pas la techno, ni le rap. Johnny ou Cloclo me hérissaient. Mais si j'essaie de vous faire écouter ce que j'aime, il se peut que vous partiez en courant!
Donc, il se peut que les "sages" exagèrent un peu en "parlant du moment présent comme d'une bénédiction, d'un truc super agréable". C'est juste qu'il n'y a que ça. Si on sait l'apprécier, c'est bien, si on se rebelle contre lui c'est l'horreur. Je subis autant que tout le monde l'absurdité ambiante, et parfois je me surprends à souhaiter de faire subir des horreurs à Micron et à Castacouille. Mais ce ne sont que des fantasmes et m'attarder dessus ne fera que me frustrer. Le fait de se sentir coincé est une appréciation de la situation. Mais pas tant que ça la réalité. Dans quel pourcentage est-ce que ça change tes routines? Moi j'ai des amis qui sont plongés dans une mouise terrible, parce que cela fait un an qu'on leur interdit de travailler, et sans compensation ou presque...