Bonsoir ou bonjour à tous,
je fais face à un "problème" dans mon approche du zen ; c'est pourquoi je poste ce sujet dans la rubrique "questions", bien qu'il soit une réaction suscitée par le sujet ouvert par Yudo : https://zen-et-nous.1fr1.net/t2411-accessoires#42097. Ce qui suit est assez égocentrique, mais je vous prie de croire que c'est le prix à payer pour la sincérité d'une expérience relatée, forcément personnelle au sens trivial du terme, mais qui peut-être intéressera d'autres personnes ici. En tout cas je serai ravi d'avoir vos avis / réflexions sur ce point ou ces points pour moi très épineux.
En effet, j'ai été plutôt surpris de ma propre réaction face aux photos partagées par Yudo (lien ci-dessus, non pas celles des objets qu'il a fabriqués, mais celles représentant des maîtres et disciples en tenue, et une cérémonie d'ordination, je crois), qui est plutôt une réaction de rejet. Je reviendrai sur ce point : je compte faire l'effort de rendre mon propos le plus clair possible.
Le titre, quoique trop long, est la formulation la plus concise pouvant résumer mon questionnement actuel. Il indique bien mon impossibilité à faire court en la matière.
1 - Confiance en zazen :
Je suis convaincu de l'importance du zazen, de l'incroyable sagesse et justesse de cette pensée-pratique-philosophie, telle qu'exprimée dans le Shin jin mei, le Sandokaï, le Shobogenzo (fukan zazengi, le soutra des rivières et des montagnes, Uji principalement, que j'étudie régulièrement plus que d'autres chapitres du Shobogenzo), le soutra du cœur.
J'en viens maintenant, après m'être intéressé à de nombreux sujets assez différents, à nourrir une sorte de confiance, sinon de foi, envers l'assise dépouillée et solitaire.
Je ne développerai pas davantage cet aspect ; disons simplement qu'apprendre à dépasser la satisfaction et l'insatisfaction, le manque de confiance en soi et l'incapacité à se remettre en question, est un aspect qui me semble essentiel, et zazen donne à cela un accès, une pratique, qui ferait mentir Pascal lorsqu'il écrivait "un roi sans divertissement est le plus triste des hommes".
2 - Dans la solitude des champs de coton :
J'emprunte ici le tire d'une pièce de théâtre de Koltès qui développe une réflexion fort intéressante sur ce qu'est la relation à l'autre. Ceux qui connaîtraient cette pièce pourront lire ceci sous cet éclairage ; sinon, il n'est pas nécessaire d'en avoir connaissance.
Je ne vois pas comment quelqu'un d'autre pourrait faire zazen à notre place. Je ne vois pas comment la pratique pourrait être collective. Je ne vois pas comment l'expérience initiale, progressive, réalisée du zazen pourrait gagner à être partagée dans sa pratique (mais elle gagne à être partagée en tant que pratique). Je sais bien être, vaguement, d'une nature solitaire, un peu sauvage ; il se peut donc que ce point me soit tout à fait personnel, et qu'il n'ait donc pas beaucoup d'intérêt à être partagé ici. Je sais bien également que la distinction "moi versus les autres" a quelque chose d'aussi arbitraire que pratique. J'ai cru expérimenter que dans les phases où ma pratique était la plus assidue, il en suivait, par voie de conséquence, des retombées positives sur mon entourage. Réciproquement, au milieu d'êtres anxieux, égoïstes, belliqueux, il est plus délicat d'être dans la justesse et l'équilibre de la voie du milieu. Ce que je développe ici ne va donc pas contre l'interdépendance. Mais il me semble que l'essence de zazen, telle qu'exprimée par les légendaires neuf années passées dans la grotte par Boddhidharma, est une pratique nécessairement solitaire même si dirigée in fine vers le monde en tant qu'interdépendance (ou inter-être pour reprendre la traduction, moins négativement connotée, de Thích Nhất Hạnh).
3 - Cette perle est le fait de l'huître :
Mon point n° 2 visait à poser la nécessité d'une pratique solitaire. Cela est discutable ; je rappelle que je pratique seul depuis le début, ou presque, je ne suis donc pas le mieux placé pour avoir sur ce point un éclairage objectif. Je sais que l'on avance souvent, dans les relations maître-disciples ou guru-disciple pour remonter jusqu'en Inde en changeant le terme "maître" en guru, que l'intérêt du maître est de bien faire réaliser au disciple qu'il n'a pas inventé la poudre tout seul dans son coin, mais que son éventuelle réalisation est le fruit d'une collaboration humaine riche, liée à l'inter-être. Cette perle est aussi le fait de l'huître, pas seulement celui du joailler. Nous pouvons également penser ici à la métaphore (mais n'est-ce qu'une métaphore ? Je ne crois pas) du filet d'Indra.
Ceci étant également posé, quel risque y aurait-il pour que celui qui pratique dans la solitude mais qui par ailleurs vit avec les humains, tombe dans l'erreur au point de se croire son propre inventeur ?
J'ai l'impression de n'avoir besoin ni de sangha, ni de maître. Je sais bien que cela pourrait être de l'orgueil ou de la facilité. Mais, étudiant cela avec toute la lucidité et l'honnêteté dont je suis capable, et ayant déjà été le filtre par lequel est passé l'expérience de tant de personnes connues ou seulement lues, je n'arrive toujours pas à me départir d'un profond scepticisme pour l'aspect cérémonial et grégaire de la pratique "traditionnelle". Je ne veux pas me reposer sur mes lauriers, mais je ne veux pas non plus jouer le sacré, réciter en japonnais des syllabes pour moi dénuées de sens, écouter un type lire un truc pendant que je fais zazen alors que je peux très bien le lire moi-même après, oublier la réponse de Boddhidharma à "Qu'est-ce que le bouddhisme ? " --> "Un vide insondable, et rien de sacré" (traduction sûrement très approximative à partir d'un texte-source sûrement très approximatif également).
4 - Symboles de sagesse : un prosélytisme discret ou des moyens habiles ? :
De tout cela (et si vous m'avez lu jusqu'ici, peut-être comprendrez-vous qu'il me fallait poser un certain nombre d'éléments avant d'en arriver ici), il découle un profond questionnement pour les symboles de sagesse et les assemblées cérémoniales. Comment sincèrement croire qu'un acte civil, humain, codifié, normatif, issu d'une représentation probablement arbitraire, puisse avoir plus de valeur en tant que dharma que n'importe quel instant ?
Je n'arrive pas ici à voir la source, l'origine ; seul le masque sociétal me semble visible dans ces photographies, ces vidéos de cérémonie où un vieillard souvent japonnais vient se faire l'incarnation d'une autorité du dharma, et où dans une normalisation des comportements, une assemblée de moines se répand en gestes situés à mi-chemin entre la soumission et le respect. Je suis parfois soumis : je sais que ma soumission n'est pas du respect. Je suis souvent respectueux : je sais que mon respect n'est pas une soumission. Est-ce que j'en rajoute ? Ce rejet est-il sain ou orgueilleux ? Je ne sais pas... Je ressens en tout cas, à tort ou à raison, un fort sentiment d'enfumage face à tout cela.
Ayant longtemps (tout est relatif : trois ou quatre ans seulement) pratiqué zazen sur deux oreillers, en pyjama, face à un mur, je ne comprends pas l'importance attribué aux objets, comme si le kesa valait mieux que mon pyjama. Plutôt que de m'en coudre un pour jouer les japonnais, je trouve que mon vieux peignoir noir fait tout aussi bien l'affaire, et m'évite de tomber dans l'exotisme à bas prix.
Ayant, dans ma crise d'adolescent, fait le vœu parfaitement sincère, en pleine dépression d'ado', avant même de découvrir le bouddhisme, d'accueillir en moi "l'esprit" d'un renard sauvage trouvé mort le long d'une route, et ayant ressenti et développé tous les effets positifs pour ce profond respect et cet acte symbolique intuitif, improvisé, j'ai mieux compris, en lisant Milarépa, l'importance de la dévotion au guru. Mais quelle dévotion, et pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre ?
Je ne dis pas que ceux qui auraient un regard différent serait dans l'erreur, alors que moi, j'aurais tout compris. Je présente sincèrement ces doutes car il me gêne un peu, d'où le point suivant :
5 - Rester jusqu'à libérer tous les êtres :
J'aborde des points trop personnels pour être directement intéressants pour d'éventuels lecteurs. Mais c'est en toute réalité et sincérité que je veux parler ici, pensant que cela seul pourra peut-être donner lieu à des échanges intéressants. Mon expérience personnelle ayant été (rapidement mais trop longuement) évoquée, j'en viens à l'expression de cette profonde vocation d'atteindre à une harmonisation, de jouer mon rôle, de transmettre zazen et son esprit. J'ai déjà pu "montrer" la posture, en me sentant alors illégitime pour ce faire, à quelques connaissances. J'essaye de mon mieux, en ayant encore beaucoup à apprendre, de transmettre le dharma, que je n'appelle pas toujours ainsi, en fonction des situations.
A ce titre, j'aimerais parfois "prendre", "prononcer" jukaï, mais je ne pourrai pas le faire en toute sincérité, quoique je l'ai déjà fait dans la solitude des champs de coton ou autrement, face à la dépouille de ce banal renard mort, il y a seize ans maintenant. Ce qu'il y a de solitaire et de sauvage en moi ne m'apparaît comme étant un obstacle, mais comme étant une des choses pouvant être transmise. Si donc je suis très sérieux sur certains points de la pratique, je ne pourrai jamais l'être, ai-je l'impression, sur le rasage de crâne, les tenues de cérémonie etc.
Est-ce encore de l'orgueil ? J'ai jusque ici, maladroitement, présenté la normalisation de la tradition comme un attachement ; je présente maintenant un certain goût pour la marginalité comme pouvant être également un attachement.
Ici se posent donc mes véritables questions. Je n'attends bien évidemment pas de réponses toutes faites, mais un partage de réflexions / d'expériences pouvant peut-être m'éclairer un peu. L'idée étant, car sinon je ne prendrai pas la peine de rédiger un si long message, que "celui qui éclaire une bougie pour l'autre l'éclaire aussi pour lui-même" ; la réciproque doit être vraie. Je suppose que d'autres ont déjà ressenti quelque chose de similaire.
Pensez-vous qu'il serait bon, malgré cette tendance globale que j'évoque ici, de "forcer" ou "jukaï", ou une pratique en dojo ?
Est-ce "hérétique" d'associer cette approche un peu iconoclaste au Zen, au nom des maîtres eux-mêmes iconoclastes ?
Peut-on se foutre complétement de la hiérarchie du soto et pratiquer quand même ?
6 - Ici et maintenant : inventer ou improviser, toujours entre imitation et innovation.
Voici la réponse que j'expérimente actuellement : reconnaître l'ascendance d'une tradition, dire d'où l'on parle, sans chercher à s'en légitimer pour autant. Inventer ou improviser, sans appui, sans cadre, sans oublier que tout se fait entre imitation et innovation.
je fais face à un "problème" dans mon approche du zen ; c'est pourquoi je poste ce sujet dans la rubrique "questions", bien qu'il soit une réaction suscitée par le sujet ouvert par Yudo : https://zen-et-nous.1fr1.net/t2411-accessoires#42097. Ce qui suit est assez égocentrique, mais je vous prie de croire que c'est le prix à payer pour la sincérité d'une expérience relatée, forcément personnelle au sens trivial du terme, mais qui peut-être intéressera d'autres personnes ici. En tout cas je serai ravi d'avoir vos avis / réflexions sur ce point ou ces points pour moi très épineux.
En effet, j'ai été plutôt surpris de ma propre réaction face aux photos partagées par Yudo (lien ci-dessus, non pas celles des objets qu'il a fabriqués, mais celles représentant des maîtres et disciples en tenue, et une cérémonie d'ordination, je crois), qui est plutôt une réaction de rejet. Je reviendrai sur ce point : je compte faire l'effort de rendre mon propos le plus clair possible.
Le titre, quoique trop long, est la formulation la plus concise pouvant résumer mon questionnement actuel. Il indique bien mon impossibilité à faire court en la matière.
1 - Confiance en zazen :
Je suis convaincu de l'importance du zazen, de l'incroyable sagesse et justesse de cette pensée-pratique-philosophie, telle qu'exprimée dans le Shin jin mei, le Sandokaï, le Shobogenzo (fukan zazengi, le soutra des rivières et des montagnes, Uji principalement, que j'étudie régulièrement plus que d'autres chapitres du Shobogenzo), le soutra du cœur.
J'en viens maintenant, après m'être intéressé à de nombreux sujets assez différents, à nourrir une sorte de confiance, sinon de foi, envers l'assise dépouillée et solitaire.
Je ne développerai pas davantage cet aspect ; disons simplement qu'apprendre à dépasser la satisfaction et l'insatisfaction, le manque de confiance en soi et l'incapacité à se remettre en question, est un aspect qui me semble essentiel, et zazen donne à cela un accès, une pratique, qui ferait mentir Pascal lorsqu'il écrivait "un roi sans divertissement est le plus triste des hommes".
2 - Dans la solitude des champs de coton :
J'emprunte ici le tire d'une pièce de théâtre de Koltès qui développe une réflexion fort intéressante sur ce qu'est la relation à l'autre. Ceux qui connaîtraient cette pièce pourront lire ceci sous cet éclairage ; sinon, il n'est pas nécessaire d'en avoir connaissance.
Je ne vois pas comment quelqu'un d'autre pourrait faire zazen à notre place. Je ne vois pas comment la pratique pourrait être collective. Je ne vois pas comment l'expérience initiale, progressive, réalisée du zazen pourrait gagner à être partagée dans sa pratique (mais elle gagne à être partagée en tant que pratique). Je sais bien être, vaguement, d'une nature solitaire, un peu sauvage ; il se peut donc que ce point me soit tout à fait personnel, et qu'il n'ait donc pas beaucoup d'intérêt à être partagé ici. Je sais bien également que la distinction "moi versus les autres" a quelque chose d'aussi arbitraire que pratique. J'ai cru expérimenter que dans les phases où ma pratique était la plus assidue, il en suivait, par voie de conséquence, des retombées positives sur mon entourage. Réciproquement, au milieu d'êtres anxieux, égoïstes, belliqueux, il est plus délicat d'être dans la justesse et l'équilibre de la voie du milieu. Ce que je développe ici ne va donc pas contre l'interdépendance. Mais il me semble que l'essence de zazen, telle qu'exprimée par les légendaires neuf années passées dans la grotte par Boddhidharma, est une pratique nécessairement solitaire même si dirigée in fine vers le monde en tant qu'interdépendance (ou inter-être pour reprendre la traduction, moins négativement connotée, de Thích Nhất Hạnh).
3 - Cette perle est le fait de l'huître :
Mon point n° 2 visait à poser la nécessité d'une pratique solitaire. Cela est discutable ; je rappelle que je pratique seul depuis le début, ou presque, je ne suis donc pas le mieux placé pour avoir sur ce point un éclairage objectif. Je sais que l'on avance souvent, dans les relations maître-disciples ou guru-disciple pour remonter jusqu'en Inde en changeant le terme "maître" en guru, que l'intérêt du maître est de bien faire réaliser au disciple qu'il n'a pas inventé la poudre tout seul dans son coin, mais que son éventuelle réalisation est le fruit d'une collaboration humaine riche, liée à l'inter-être. Cette perle est aussi le fait de l'huître, pas seulement celui du joailler. Nous pouvons également penser ici à la métaphore (mais n'est-ce qu'une métaphore ? Je ne crois pas) du filet d'Indra.
Ceci étant également posé, quel risque y aurait-il pour que celui qui pratique dans la solitude mais qui par ailleurs vit avec les humains, tombe dans l'erreur au point de se croire son propre inventeur ?
J'ai l'impression de n'avoir besoin ni de sangha, ni de maître. Je sais bien que cela pourrait être de l'orgueil ou de la facilité. Mais, étudiant cela avec toute la lucidité et l'honnêteté dont je suis capable, et ayant déjà été le filtre par lequel est passé l'expérience de tant de personnes connues ou seulement lues, je n'arrive toujours pas à me départir d'un profond scepticisme pour l'aspect cérémonial et grégaire de la pratique "traditionnelle". Je ne veux pas me reposer sur mes lauriers, mais je ne veux pas non plus jouer le sacré, réciter en japonnais des syllabes pour moi dénuées de sens, écouter un type lire un truc pendant que je fais zazen alors que je peux très bien le lire moi-même après, oublier la réponse de Boddhidharma à "Qu'est-ce que le bouddhisme ? " --> "Un vide insondable, et rien de sacré" (traduction sûrement très approximative à partir d'un texte-source sûrement très approximatif également).
4 - Symboles de sagesse : un prosélytisme discret ou des moyens habiles ? :
De tout cela (et si vous m'avez lu jusqu'ici, peut-être comprendrez-vous qu'il me fallait poser un certain nombre d'éléments avant d'en arriver ici), il découle un profond questionnement pour les symboles de sagesse et les assemblées cérémoniales. Comment sincèrement croire qu'un acte civil, humain, codifié, normatif, issu d'une représentation probablement arbitraire, puisse avoir plus de valeur en tant que dharma que n'importe quel instant ?
Je n'arrive pas ici à voir la source, l'origine ; seul le masque sociétal me semble visible dans ces photographies, ces vidéos de cérémonie où un vieillard souvent japonnais vient se faire l'incarnation d'une autorité du dharma, et où dans une normalisation des comportements, une assemblée de moines se répand en gestes situés à mi-chemin entre la soumission et le respect. Je suis parfois soumis : je sais que ma soumission n'est pas du respect. Je suis souvent respectueux : je sais que mon respect n'est pas une soumission. Est-ce que j'en rajoute ? Ce rejet est-il sain ou orgueilleux ? Je ne sais pas... Je ressens en tout cas, à tort ou à raison, un fort sentiment d'enfumage face à tout cela.
Ayant longtemps (tout est relatif : trois ou quatre ans seulement) pratiqué zazen sur deux oreillers, en pyjama, face à un mur, je ne comprends pas l'importance attribué aux objets, comme si le kesa valait mieux que mon pyjama. Plutôt que de m'en coudre un pour jouer les japonnais, je trouve que mon vieux peignoir noir fait tout aussi bien l'affaire, et m'évite de tomber dans l'exotisme à bas prix.
Ayant, dans ma crise d'adolescent, fait le vœu parfaitement sincère, en pleine dépression d'ado', avant même de découvrir le bouddhisme, d'accueillir en moi "l'esprit" d'un renard sauvage trouvé mort le long d'une route, et ayant ressenti et développé tous les effets positifs pour ce profond respect et cet acte symbolique intuitif, improvisé, j'ai mieux compris, en lisant Milarépa, l'importance de la dévotion au guru. Mais quelle dévotion, et pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre ?
Je ne dis pas que ceux qui auraient un regard différent serait dans l'erreur, alors que moi, j'aurais tout compris. Je présente sincèrement ces doutes car il me gêne un peu, d'où le point suivant :
5 - Rester jusqu'à libérer tous les êtres :
J'aborde des points trop personnels pour être directement intéressants pour d'éventuels lecteurs. Mais c'est en toute réalité et sincérité que je veux parler ici, pensant que cela seul pourra peut-être donner lieu à des échanges intéressants. Mon expérience personnelle ayant été (rapidement mais trop longuement) évoquée, j'en viens à l'expression de cette profonde vocation d'atteindre à une harmonisation, de jouer mon rôle, de transmettre zazen et son esprit. J'ai déjà pu "montrer" la posture, en me sentant alors illégitime pour ce faire, à quelques connaissances. J'essaye de mon mieux, en ayant encore beaucoup à apprendre, de transmettre le dharma, que je n'appelle pas toujours ainsi, en fonction des situations.
A ce titre, j'aimerais parfois "prendre", "prononcer" jukaï, mais je ne pourrai pas le faire en toute sincérité, quoique je l'ai déjà fait dans la solitude des champs de coton ou autrement, face à la dépouille de ce banal renard mort, il y a seize ans maintenant. Ce qu'il y a de solitaire et de sauvage en moi ne m'apparaît comme étant un obstacle, mais comme étant une des choses pouvant être transmise. Si donc je suis très sérieux sur certains points de la pratique, je ne pourrai jamais l'être, ai-je l'impression, sur le rasage de crâne, les tenues de cérémonie etc.
Est-ce encore de l'orgueil ? J'ai jusque ici, maladroitement, présenté la normalisation de la tradition comme un attachement ; je présente maintenant un certain goût pour la marginalité comme pouvant être également un attachement.
Ici se posent donc mes véritables questions. Je n'attends bien évidemment pas de réponses toutes faites, mais un partage de réflexions / d'expériences pouvant peut-être m'éclairer un peu. L'idée étant, car sinon je ne prendrai pas la peine de rédiger un si long message, que "celui qui éclaire une bougie pour l'autre l'éclaire aussi pour lui-même" ; la réciproque doit être vraie. Je suppose que d'autres ont déjà ressenti quelque chose de similaire.
Pensez-vous qu'il serait bon, malgré cette tendance globale que j'évoque ici, de "forcer" ou "jukaï", ou une pratique en dojo ?
Est-ce "hérétique" d'associer cette approche un peu iconoclaste au Zen, au nom des maîtres eux-mêmes iconoclastes ?
Peut-on se foutre complétement de la hiérarchie du soto et pratiquer quand même ?
6 - Ici et maintenant : inventer ou improviser, toujours entre imitation et innovation.
Voici la réponse que j'expérimente actuellement : reconnaître l'ascendance d'une tradition, dire d'où l'on parle, sans chercher à s'en légitimer pour autant. Inventer ou improviser, sans appui, sans cadre, sans oublier que tout se fait entre imitation et innovation.