Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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Yudo, maître zen
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    Le Shinji Shôbôgenzô de maître Dôgen (recueil des kôans)

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    Message par Yudo, maître zen Dim 12 Aoû 2012 - 11:36

    VINGT-DEUX

    Maître Fuke du district de Chin se rendait souvent en ville en sonnant une cloche et en disant:

    Si vient un esprit clair, laissons-le venir
    Si vient un esprit dans l'erreur, laissons-le l'être
    Si le vent vient de toutes les directions,
    quatre ou huit directions,
    je le laisse être un tourbillon.
    Et si vient l'espace, je le frappe encore et encore.


    Un jour, maître Rinzai demanda à un moine d'attraper maître Fuke, et sans le laisser bouger, lui demander: Si vient un esprit ni clair ni dans l'erreur, que faites-vous?

    Maître Fuke se libéra de la poigne du moine et lui dit: Demain, il y aura un repas formel au temple Dai-Hi.

    De retour auprès de maître Rinzai, le moine rapporta les événements.

    Maître Rinzai déclara: J'ai toujours pensé que ce n'était pas là un moine ordinaire.

    __________________________________________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    Dans ce poème, maître Fuke exprime l'attitude bouddhiste envers les phénomènes. Nous sommes toujours libres. Lorsque l'esprit est clair, nous le laissons l'être, tel quel, et lorsqu'il est dans l'erreur, nous acceptons l'illusion et nous en occupons, sans perdre de temps à souhaiter un état plus clair. L'esprit qui est dans l'erreur n'est pas séparé de l'esprit du Bouddha. Nous fonctionnons selon les lois de l'Univers. Même si l'Univers nous paraît parfois être un tourbillon, le bouddhiste en accepte sa part et agit en conséquence. La dernière ligne renvoie à l'action. Qui est au coeur du Bouddhisme. Lorsque les circonstances l'exigent, le bouddhiste agit, naturellement et de façon décisive.
    Un jour, maître Rinzaï demanda à un de ses disciples de tester maître Fuke. Le disciple attrapa maître Fuke et lui demanda: Si vient un esprit ni clair ni dans l'erreur, que faites-vous? Comment le maître répondit-il à ce difficile problème philosophique? Il répondit: Demain, il y aura un repas formel au temple Dai-Hi. Que fera le maître si ni un esprit clair ni un esprit dans l'erreur ne vient? Il continuera à vivre sa vie, en faisant ce qu'il y a à faire. Il refuse de se laisser entraîner dans une discussion intellectuelle avec le moine. Il démontre donc que son poème n'est pas qu'un slogan intellectuel, mais bien une expression directe de sa vie réelle.
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    Message par Kaïkan Dim 12 Aoû 2012 - 12:47

    Excellent

    ... .étoile

    Sans oublier le Dix-neuvième cas :

    Dix-neuvième cas :

    Maître Jôshu demanda à Nansen : "Qu’est-ce que la voie ?"
    Nansen répondit : "L’esprit ordinaire est la voie."
    Le maître dit : "Faut-il alors la poursuivre ?"
    Nansen dit : "Décider de s’y diriger va à son encontre."
    Le maître dit : "Sans décision, comment sait-on encore qu’il s’agit de la voie."
    Nansen dit : "La voie ne relève pas d’un savoir ou d’un non-savoir. Le savoir n’est que mécompréhension ; le non-savoir, indéfinition. Lorsqu’on pénètre parfaitement la voie de l’indécision, elle ressemble à l’espace, vide et ouvert.
    Comment pourrait-on la réduire à un ‘c’est’ ou un ‘ce n’est pas’ ?"

    À ces mots, le maître s’éveilla soudainement au principe profond.



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    Message par Yudo, maître zen Dim 12 Aoû 2012 - 13:02

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    Message par Yudo, maître zen Dim 12 Aoû 2012 - 13:18

    VINGT-TROIS

    Un jour, maître Kyozan Ejaku du district de En nettoyait les champs en compagnie de maître Isan Reiyu.

    Maître Kyozan Ejaku dit: Cet endroit-ci est aussi bas que cela. Cet endroit-là est aussi haut que cela.

    Maître Isan Reiyu répondit: L'eau met tout au même niveau. On peut tout niveler avec de l'eau

    Maître Kyozan Ejaku répliqua: Nous ne devons pas nous reposer sur l'eau, maître. Les endroits élevés sont équilibrés en étant élevés comme ils sont. Les endroits bas sont équilibrés en étant bas comme ils sont.

    Maître Isan confirma ces paroles.
    __________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    L'observation de maître Isan illustre un malentendu fréquent sur l'idée bouddhique d'unité et d'équilibre. Oui, il est vrai que si tout était recouvert d'eau, tout serait équilibré et identique. Des personnes font donc de grands efforts pour ignorer le monde tel qu'il est et le recouvrir avec un rêve de paradis.
    Le point de vue de maître Kyozan est plus approprié. Un endroit élevé est équilibré tel qu'il est. Un endroit bas est équilibré tel qu'il est. Ce qui est correct est équilibré tel que c'est. Ce qui est erroné est équilibré tel que c'est. le Bouddhisme affirme l'Univers tel qu'il est.
    Remarquez que cette affirmation est faite alors que les moines sont occupés à nettoyer un champ. Certains pourraient voir dans l'observation de maître Kyozan une tentative d'éviter de travailler. Si tout est équilibré tel que c'est, pourquoi faudrait-il alors tenter de changer quoi que ce soit? Cependant, cette façon de considérer le problème est une simple confusion des niveaux de compréhension. Au plan ultime, il n'y a que la réalité, l'Univers tel qu'il est. Au plan relatif des affaires humaines ordinaires, on peut voir de nombreuses choses qui ont besoin d'être changées. Les deux conceptions ne se font pas mutuellement obstacle.
    En Zazen, il y a l'expérience de la réalité telle qu'elle est -- exempte des catégories de "changer" et de "ne pas changer". En même temps, l'expérience de la réalité telle qu'elle est et l'équilibre qui vient avec la pratique de Zazen permettent au bouddhiste de s'occuper des situations mondaines de façon plus réaliste et plus équilibrée. Quoique nous puissions intellectuellement distinguer entre le point de vue ultime et le point de vue ordinaire. C'est ainsi qu'on peut dire que toutes choses, telles qu'elles sont, sont équilibrées. Nos efforts pour les changer sont équilibrés et notre échec ou notre réussite sont également équilibrées.
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    Message par Yudo, maître zen Lun 13 Aoû 2012 - 8:49

    VINGT-QUATRE

    Un jour, un moine demanda à maître Daizui Hoshin du district de Eki: Lorsque vient le feu éternel et que tous les trois mille mondes sont détruits, ce monde-ci le sera-t-il, lui aussi?

    Maître Daizui Hoshin répondit: Il le sera

    Le moine dit: Si c'est vrai, j'aimerais suivre les circonstances

    Maître Daizui Hoshin répondit: Oui, nous devons suivre les circonstances

    ________________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    "Nous devons suivre les circonstances" est une phrase célèbre du maître chinois Joshu Jushin. Cela signifie que nous devons suivre la loi de l'Univers. le moine semble avoir des doutes sur ce principe si les circonstances comprennent la destruction de ce monde. Le maître affirme que nous devons suivre les circonstances même si nous sommes à la veille du grand feu. Le grand feu représente les limites de la réalité. Nous pouvons faire des plans et des efforts, mais dans le monde réel, les choses ne se passent pas toujours comme nous le voudrions. Nos plans peuvent partir en déconfiture ou encore on peut découvrir qu'on tente de changer quelque chose qui ne peut pas l'être. L'attitude bouddhique est d'accepter la réalité de la situation et de faire avec, même si cette réalité n'est pas celle que nous aurions choisie.
    Cette attitude est illustrée par l'histoire du moine bouddhiste chassé par un tigre. Il court aussi vite qu'il le peut, mais il n'est pas de taille à lutter de vitesse avec un tigre. Bientôt il dr se trouve pris en étau entre une falaise et le tigre. Un peu au dessous du bord de la falaise, il voit des lianes et, avec le tigre sur ses talons, il descend en s'agrippant à ces lianes. Mais elles ne sont pas assez solides pour soutenir son poids et se détachent lentement de la falaise. Juste alors que son soutien commence à lâcher et que le tigre feule au-dessus de lui, il voit des baies sauvages mûres juste à point. Il allonge la main et en met quelques unes dans sa bouche: leur goût est sucré et succulent.
    Telle est l'attitude bouddhique. Lorsque les circonstances demandent au moine de faire un effort surhumain pour s'échapper, il le fait. La réalité de la situation était cependant qu'il n'était pas possible de s'échapper. Il peut donc accepter ce fait avec calme. Cette attitude paisible est le fruit sucré qu'il peut manger même en une situation aussi extrême.
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    Message par Yudo, maître zen Lun 13 Aoû 2012 - 18:21

    VINGT-CINQ

    Maître Rakan Keichin du temple Jizo prépara à manger pour l'anniversaire de la mort de son maître, Gensa SHibi. Il invita le maître Hô-on à partager le repas avec lui, ce soir-là.

    Lorsque maître Hô-on regarda l'endroit où, selon la coutume, on aurait dû placer une représentation de maître Gensa Shibi, il ne vit rien. Enfin, il demanda à maître Rakan : N'y a-t-il aucune image du maître?

    Maître Rakan s'inclina alors, mains jointes et dit: Regardez!

    Maître Hô-on dit alors: Depuis le commencement, il n'y a jamais eu d'image du maître.

    A quoi maître Rakan Keichin répondit: On dirait bien que vous n'avez jamais vu l'image du maître.
    _________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    Maître Hô-on Gensoku a été intrigué de ne pas voir le portrait de maître Gensa à l'endroit habituel. Il demanda donc à maire Rakan s'il y avait quelque part dans le temple un portrait de Gensa Shibi. En réponse à cette question, maître Rakan s'est incliné profondément vers l'endroit où le portrait aurait dû être. Son intention étant d'indiquesr que l'esprit de Gensa Shibi était toujours devant lui, qu'il y ait un portrait physique ou pas.
    Qui plus est, le comportement sincère de maître Rakan était en soi le portrait de maître Gensa Shibi. L'esprit du maître se trouvait juste devant maître Hô-on, mais il ne l'a pas vu. Maître Rakan le critique donc en disant "On dirait bien que vous n'avez jamais vu l'image du maître."
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    Message par Kaïkan Lun 13 Aoû 2012 - 18:54


    Bonsoir,

    Cependant on aurait tort de croire que maître Hô-on se trompe lorsqu'il dit : Depuis le commencement, il n'y a jamais eu d'image du maître.
    Quand à la réponse de Maître Rakan : On dirait bien que vous n'avez jamais vu l'image du maître. Elle n'est pas a considérer comme un reproche mais comme une compréhension profonde de l'esprit de son interlocuteur. Et en cela Maître Rakan est bien l’héritier de Maître Gensa Shibi, qu'il représente avec perfection.



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    Message par hinin Lun 13 Aoû 2012 - 19:52

    Bonsoir!

    Il est fréquemment question de "lois de l'univers". Magnifique concours de circonstances! Aujourd'hui j'étudiais la traduction "martiale" du go rin no sho, assis dans un parc vide, près d'une petite cascade artificielle. Je regardais attentivement les différentes "branches" de l'eau s'écouler en me demandant si ces branches avaient consciences les unes des autres.

    Je constatais que l'eau répondait à la loi de l'univers, ni plus ni moins. Je constatais que toute choses répondent à des lois universelles régit par le mystère de la vie et je me sentais apaisé.

    "Dame canne et sa suite se promènent sur l'eau,
    Soudain, elles voient un humain les scruter intensément,
    Quelle drôlerie en vérité! Voyez donc cet humain observer les lois de l'univers à travers nous!
    - Je sais qu'il existe une Voie pour les animaux dame canne, mais je ne suis pas le maître de ceux-ci"
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    Message par Kaïkan Mar 14 Aoû 2012 - 11:43


    Bonjour,

    Je tiens à préciser que je ne dénigre pas les commentaires de Nishijima qui m'ont justement permis de voir encore plus loin dans ce "mondo"...



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    Message par Yudo, maître zen Mar 14 Aoû 2012 - 13:10

    VINGT-SIX

    Un jour, l'empereur Shukuso de la dynastie Tang demanda à maître Nan-yo Echu du temple Kotaku à Saikei: Quel est l'état d'équilibre en Zazen qu'on appelle "mujo"?

    Le maître répondit: Fidèle disciple, allez de l'avant, en marchant sur la tête du bouddha Vairocana.

    L'empereur dit: Je ne comprends pas.

    Maître Nan-yo Echu répliqua: N'allez pas imaginer que vous soyez le Pur Corps Universel.
    _____________________________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    Maître Nan-yo Echu, enseignant bouddhiste renommé de l'ère Tang, reçut le titre de maître national Daisho. L'empereur Shusuko l'interrogea sur l'état en Zazen qu'on appelle "mujo", utilisé pour décrire l'état tranquille en Zazen. Mu signifie "sans" et jo "querelle", "conflit", voire "instabilité". C'est ainsi que mujo renvoie à l'état stable et tranquille en Zazen. Lorsque l'empereur l'interroge sur cet état, maître Nan-yo Echu lui donne une réponse inattendue: "Allez de l'avant, en marchant sur la tête du bouddha Vairocana." Le Bouddha Vairocana représente le soleil, et tout comme le soleil gouverne le ciel, ainsi Vairocana peut être vu comme une représentation du Bouddha suprême.
    Ce que dit maître Nan-yo à l'empereur, c'est d'aller de l'avant sans se tracasser avec des théories et des concepts philosophiques. Il lui suggère de procéder avec sa pratique et de ne pas se soucier d'atteindre mujo, l'état de tranquillité. C'est là un point qui trouble de nombreux pratiquants. Ils se font une idée de ce que devrait être leur pratique et sont déçus par ce que leur pratique réelle n'est pas à la hauteur. Nombreux sont ceux qui croient que leur pratique devraient être paisible et tranquille. Et il est vrai que cet état existe en Zazen, et s'approfondit avec la pratique.
    Ce n'est cependant pas le seul état en Zazen. Parfois, de nombreuses pensées bouillonnent à partir de l'inconscient, parfois sommes nous agités et tout sauf paisibles et tranquilles. Ces états sont eux aussi Zazen. Nous ne devons pas tenter de les éviter davantage que de chercher l'état tranquille. Nous devons nous contenter de procéder avec notre pratique.
    L'empereur n'a pas compris les paroles du maître et l'a dit sans détour. Il n'a pas tenté d'avoir l'air plus savant qu'il ne l'était. le problème, c'est qu'il tentait de comprendre le Bouddhisme intellectuellement. Ce qui est une attitude commune dans l'étude du Bouddhisme.
    Le maître lui dit: "N'allez pas imaginer que vous soyez le Pur Corps Universel." Ceci renvoie aux théories bouddhiques sur la nature-de-bouddha. Encore une fois, le maître dit à l'empereur de ne pas tenter d'imposer des théories à la réalité de sa vie et de sa pratique.
    Les théories ont une fonction utile, mais peuvent devenir des pièges si on les laisse interférer avec l'expérience de la réalité même. Les explications de concepts tels que mujo et le Pur Corps Universel ne sont pas si importantes. Vivre réellement dans sa vie quotidienne l'est. Telle est la vie d'un bouddhiste.
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    Message par Yudo, maître zen Mar 14 Aoû 2012 - 16:42

    VINGT-SEPT

    Maître Rinzaï Gigen du temple Rinzaï dans le district de Chin vivait dans l'ordre de maître Obaku Kiun depuis trois ans et son comportement était pur et sincère. Le shuso (moine en chef)en faisait l'éloge en disant: Quoique cet étudiant n'ait commencé l'étude bouddhique que depuis peu, il est différent des autres moines.

    Il persuada alors maître Rinzaï d'aller voir le maître du temple et de lui poser une question: Quel est le grand propos du Bouddhisme qui a été transmis de maître authentique en disciple authentique?

    Maître Obaku frappa maître Rinzaï sur le champ, avant même qu'il eut fini de parler. Sur les trois fois qu'il posa la question, maître Obaku le frappa à chaque fois.

    Maître Rinzaï retourna voir le shuso et lui dit: Ce fut ma chance que d'être l'objet de votre bienveillance. Vous m'avez fait poser une question au maître. Trois fois j'ai demandé et trois fois il m'a frappé de son bâton. Je regrette profondément de ne pas pouvoir comprendre le sens profond du comportement du maître, parce que mon propre pauvre état m'en empêche. C'est pourquoi je voudrais prendre congé du temple pour un temps.

    Le shuso lui dit: Si vous comptez quitter le temple, il vous faut dire adieu au maître. Alors, vous pourrez partir.

    Au préalable, le shuso rendit visite au maître dans sa chambre et lui dit: Le jeune étudiant qui vous a posé la question a la capacité de suivre la règle de l'Univers. Lorsqu'il viendra prendre congé de vous, ayez la bonté de lui offrir un enseignement. C'est un arbre qui, convenablement taillé, deviendra grand et fournira un ombre fraîche aux populations du monde entier.

    Maître Rinzaï se rendit dans les appartements privés du maître pour lui faire ses adieux.

    Le maître lui dit: Ne va pas ailleurs que là où je t'indiquerai. Va voir le maître Kô-an Daigu.

    Lorsque maître Rinzaï arriva au temple de maître Daigu, celui-ci lui demanda d'où il venait.

    Maître Rinzaï répondit : Obaku

    Maître Daigu dit: De quelles paroles maître Obaku a-t-il fait usage?

    Maître Rinzaï répondit: J'ai posé trois fois une question et j'ai été frappé trois fois. Je ne sais pas si j'ai fait quelque chose de mal ou pas.

    Maître Daigu dit: Maître Obaku a si grand coeur, comme celui d'une femme, qu'il s'est épuisé pour vous. Mais vous ne savez pas reconnaître sa bonté. Vous dites que vous ne savez pas si vous avez fait une erreur ou pas.

    En entendant cela, maître Rinzaï atteignit la vérité.

    Il dit alors: C'est finalement pas grand-chose, le Bouddhisme de maître Obaku.

    Maître Daigu saisit maître Rinzaï et lui dit: Toi, espèce d'enfant de démon dans un lit d'urine! Il y a juste un instant, tu te plaignais de ne pas savoir reconnaître si tu avais fait une erreur ou pas. Et maintenant, tu dis que son Bouddhisme n'est pas grand chose! Quels principes as-tu? Dis quelque chose maintenant! Dis quelque chose maintenant!

    Maître Rinzaï frappa trois fois maître Daigu au côté de son poing.

    Maître Daigu, en le quittant, lui dit: Je n'ai plus rien à faire avec toi.

    Quittant le temple, maître Rinzaï rentra au mont Obaku.

    Maître Obaku lui demanda: Tu fais beaucoup d'aller-retours. Comment trouves-tu le temps d'arriver à la vérité?

    Maître Rinzaï répondit: Je suis revenu ici parce que votre esprit est si gentil, comme celui d'une vieille dame. Maître Rinzaï le salua en se prosternant devant lui, et, après s'être relevé, se tint debout devant lui.

    Maître Obaku lui demanda: Où es-tu allé, et d'où reviens-tu?

    Maître Rinzaï lui dit: Suivant la suggestion du maître, je suis allé au temple de maître Daigu.

    Maître Obaku lui demanda: De quelles paroles maître Daigu a-t-il fait usage?

    Maître Rinzaï lui raconta sa rencontre avec Daigu.

    Maître Obaku lui dit: Si tu viens ici, je vais te frapper sur le champ.

    Maître Rinzaï lui dit: Pourquoi attendez-vous que je vienne? Je puis être frappé sur le champ. Il gifla alors maître Obaku au visage.

    Maître Obaku lui dit: Quel étrange fou, qui vient dans mon temple pour tirer la barbe d'un tigre!

    Maître Rinzaï cria immédiatement Katsu!

    Maître Obaku dit alors à son jisha (son assistant): Emmenez cet étrange fou à la salle des moines pour qu'il y habite.
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    Message par Yudo, maître zen Mar 14 Aoû 2012 - 16:50

    Commentaire de maître Nishijima

    Quel est la grande signification du Bouddhisme qui a été transmise de maître authentique en authentique disciple? Avant même d'avoir fini de poser sa question, Rinzaï s'était fait frapper par le maître. Maître Obaku l'avait frappé parce que son attitude était trop abstraite. Il lui fallait apprendre que le Bouddhisme n'est pas juste une formule abstraite, mais des faits pratiques et des situations réelles. Rinzaï avait alors quitté son temple pour recevoir l'enseignement de maître Kô-an Daigu.
    Après avoir raconté son départ du temple de maître Obaku, maître Daigu lui avait fait valoir que, loin d'avoir été trop dur dans son traitement de Rinzaï, Obaku avait fait preuve d'une gentillesse de grand-mère. Il lui avait dit que ses considérations intellectuelles ne pourraient jamais égaler la gentillesse d'Obaku. La différence de perspective avait permis à Rinzaï de comprendre clairement la situation. Il dit alors que le Bouddhisme de maître Obaku n'était pas grand-chose, en définitive. Ce qui est parfaitement exact. L'état de bouddha est simple et naturel. C'est lorsque nous sommes déséquilibrés et dans l'illusion que les choses et les phénomènes mentaux nous paraissent compliqués.
    En revenant auprès de maître Obaku, le comportement de Rinzaï montrait qu'il était passé au travers de cet entendement abstrait. Son Bouddhisme était devenu aussi réel qu'une gifle.

    ________________
    Note du traducteur: Si le mont Obaku est le Mont de la Prune Jaune, Daigu est un grand fou...
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    Message par Yudo, maître zen Mer 15 Aoû 2012 - 16:49

    VINGT-HUIT

    Un jour, un moine demanda à maître Chikan du temple Kyogen: Qu'est-ce que la vérité?

    Maître Kyogen dit: Au sein du silence des arbres flétris, on peut entendre gémir les dragons.

    Le moine dit: Qu'est-ce qu'une personne dans l'état de vérité?

    Maître Kyogen répondit: Des crânes avec des orbites oculaires

    Après quoi, un moine demanda à maître Sekiso: Qu'est-ce que démontre le gémissement des dragons au sein des arbres flétris?

    Maître Sekiso dit: Cela montre qu'il demeure des traces de vitalité.

    Le moine dit: Que montrent les orbites oculaires dans les crânes?

    Maître Sekiso dit: Elles montrent qu'il reste une trace de quelque chose d'humain.

    A une autre occasion, un moine demanda à maître Sozan: Qu'est-ce que démontre le gémissement des dragons au sein des arbres flétris?

    Maître Sozan dit: Cela montre que notre sang vital n'a jamais cessé de couler.

    Le moine dit: Que montrent les orbites oculaires dans les crânes?

    Maître Sozan dit: Ils montrent qu'il reste quelque chose qui n'a pas séché.

    Le moine dit: Je me demande si quiconque peut entendre gémir les dragons?

    Maître Sozan dit: Sur toute la face de la terre, il n'est personne qui ne les entende.

    Le moine dit: Je me demande ce que disent les dragons en gémissant?

    Maître Sozan dit: Même si nous ne savons pas ce qu'ils disent, tous ceux qui les entendent se libèrent de quelque chose.

    ______________________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    Dans la Chine ancienne, on utilisait l'expression ryugin, "le gémissement des dragons," comme d'un symbole de ce qu'il y a de mystérieux dans la nature, dans l'Univers lui-même. L'espression koboku ryugin, "le gémissement des dragons au sein des arbres flétris," évoque un paysage triste et désolé d'arbres morts, où on a l'impression qu'on pourrait entendre quelque chose qui ne soit pas un son. Cette métaphore est entrée dans le répertoire bouddhique. Le gémissement des dragons représente non pas un son, mais quelque chose que nos oreilles ne peuvent entendre; c'est-à-dire, le calme, la nature, l'Univers ou la réalité elle-même.
    Dans ce kôan, le moine veut savoir ce qu'est la vérité. Maître Kyôgen répond à l'aide de l'antique métaphore du gémissement des dragons, que la vérité est une chose dont on fait l'expérience, mais qu'on ne peut vraiment entendre ni vraiment saisir. Le moine voudrait une explication plus concrète: à quoi ressemble une personne qui a réalisé la vérité? Le maître répond en se servant d'une autre métaphore ancienne; en celui qui a réalisé la vérité, on peut observer quelque chose, de même que si on regarde un crâne, les orbites continuent à nous évoquer de façon subtile la vie.
    Plus tard, un moine interroge maître Sekiso Keisho pour qu'il clarifie le sens de ces expressions métaphoriques. Maître Sekiso explique que les gémissements des dragons suggèrent une trace de quelque chose de vital et que les orbites dans les crânes suggèrent une trace de quelque chose d'humain. La vérité est subtile et impossible à comprendre intellectuellement.
    A une autre occasion, un moine demande à maître Sozan Honjaku d'expliquer le sens des gémissements de dragons parmi les arbres morts. Maître Sozan explique que cela signifie que la lignée du sang, les vrais enseignements du Bouddha Gautama, n'a jamais été rompue. Le moine demande alors une explication sur les orbites dans les crânes. Maître Sozan lui explique alors que cette métaphore représente le fait que la vérité est toujours parmi nous -- elle ne disparaît jamais.
    Le moine passe donc à une question plus pratique: est-ce que quiconque peut entendre le gémissement du dragon? Le maître lui répond que nous l'entendons tous; la vérité est évidente partout. Que dit-elle? Ce qu'elle dit est hors de portée de notre esprit analytique, et lorsque nous entendons le son de la vérité, nous nous libérons de nos vues intellectuelles sur le monde et pénétrons la réalité elle-même. Les sons de la nature en eux-mêmes sont les enseignements du Bouddha Gautama.


    Dernière édition par Yudo, maître zen le Jeu 16 Aoû 2012 - 10:40, édité 1 fois
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    Message par Yudo, maître zen Jeu 16 Aoû 2012 - 10:40

    VINGT-NEUF

    Un jour, maître Zengen Chuko dans le district de Tan se rendit en compagnie de maître Dôgo Enchi à une maison pour faire part de leur condoléances. A ce moment, maître Zengen, en tapotant la bière, dit: Est-ce vivant ou mort?

    Maître Dôgo répondit: Je ne dirai pas vivant ou mort

    Maître Zengen dit:Pourquoi ne le dites-vous pas?

    Maître Dôgo répondit: Je ne le dirai jamais, je ne le dirai jamais.

    Sur le chemin du retour au temple, maître Zengen dit:Maître, je vous en prie! Donnez-moi votre réponse maintenant, sinon je vous tape!

    Maître Dôgo répondit: Vous pouvez me taper à votre aise, mais je ne le dirai jamais.

    Maître Zengen le frappa alors à plusieurs reprises de son poing.

    A leur retour au temple, maître Dôgo lui dit: Il vaudrait mieux que vous quittiez ce temple, mais si le shuso apprenait votre départ, cela causerait des problèmes.

    Après le décès de maître Dôgo, maître Zengen se rendit au temple de maître Sekiso Keisho. Il raconta l'incident à maître Sekiso et lui demanda de l'enseigner.

    Maître Sekiso dit:Je ne vais pas dire que c'est vivant; je ne vais pas dire que c'est mort.

    Maître Zengen dit:Pourquoi ne pas le dire?

    Maître Sekiso répondit: Je l'dirai jamais. Je l'dirai jamais!
    En entendant ces paroles, maître Zengen se rendit compte de quelque chose.
    _________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    Zengen tapota un cercueil et demanda à maître Dôgo si le corps qui était à l'intérieur était vivant ou mort. Maître Dôgo, ne voulant pas limiter la situation réelle au concepts de vie et de mort de maître Zengen, refusa de répondre. Le besoin qu'avait ce dernier d'une réponse à sa question était tel qu'il en menaça son maître de le frapper s'il ne lui donnait pas une réponse immédiatement.
    Mais le maître répondit qu'il pouvait le frapper à sa guise, mais qu'il n'en donnerait pas pour autant la réponse.
    Je crains que beaucoup d'entre nous ne soient comme Zengen. Si nous rencontrions quelqu'un dont nous pensions qu'il connaît les réponses au problème de la vie et de la mort, nous serions prêts à tout pour obtenir cette réponse. En générale, beaucoup sont tout à fait disposés à nous donner les réponses que nous attendons. Maître Dôgo était différent. I refusait de réduire la réalité aux catégories si importantes pour Zengen.
    Après leur retour au temple, maître Dôgo suggéra à Zengen de quitter le temple.Peut-être pensait-il que son état était trop troublé à ce moment pour qu'il puisse y poursuivre son étude.
    Plus tard, après la mort de maître Dôgo, Zengen posa la même question à maître Sekiso et en reçut la même réponse. Cependant, l'homme qui entendait la réponse était différent. cette fois, au lieu de partir en quête d'une réponse intellectuelle au prix de la violence, Zengen a pu s'ouvrir lui-même à la réalité que ses enseignants avaient tenté de l'amener à vivre par lui-même.
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    Message par hinin Jeu 16 Aoû 2012 - 16:48

    C'est magnifique Yudo. Moi qui n'est pas accès à ce genre de choses, je te suis extrêmement reconnaissant, sincèrement. sunny
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    Message par Yudo, maître zen Ven 17 Aoû 2012 - 18:15

    TRENTE

    Maître Sozan Honjaku du district de Bu quittait le mont Tozan.

    Maître Tozan lui demanda: Où comptez-vous aller?

    Maître Sozan dit: J'irai là où il n'y a aucun changement.

    Maître Tozan demanda: Comment peut-on quitter l'endroit où il n'y a aucun changement?

    Maître Sozan répondit: Même si je quitte cet endroit, il ne peut y avoir aucun changement.
    ___________________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    Maître Sozan (appelé Grand Maître Gensho dans le texte) voulait quitter le temple de maître Tozan. Lorsque ce dernier lui demanda où il voulait aller, maître Sozan lui répondit qu'il voulait aller là où il n'y a aucun changement. Cette expression veut dire l'état d'équilibre, ou éveil.
    Maître Tozan considérait son temple comme un endroit de ce genre; c'est pourquoi il demanda à maître Sozan comment il était possible de le quitter, vu qu'il n'y avait là aucun changement. Maître Sozan répliqua: "Même si je quitte cet endroit, il ne peut y avoir aucun changement? "Au bout du compte, partir ou pas n'est qu'un fait dans la réalité. Maître Sozan était confiant que son état d'équilibre demeurerait, peu importe qu'il soit au temple de maître Tozan ou pas.
    La question de maître Tozan "Comment peut-on quitter l'endroit où il n'y a aucun changement?" pourrait aussi se comprendre comme le fait que, puisque nous vivons déjà dans la réalité, en quoi serait-il nécessaire d'y apporter quelque changement que ce soit? Le fait est que nous vivons toujours dans la réalité. Il n'y a aucune échappatoire. Les êtres humains ont cette capacité merveilleuse à se "perdre" dans leurs pensées et leurs fantasmes. Nous nous plaignons ensuite de nos souffrances et nous efforçons de revenir à la réalité. Mais à travers tout cela, nous ne quittons jamais la réalité. Se perdre, les pensées, les fantasmes et se plaindre sont tous inclus dans la réalité. La pratique n'est pas une méthode pour atteindre la réalité, c'est une expression de la réalité.
    Le fait que nous vivons toujours dans la réalité ne nous exempte pas des exigences de la vie quotidienne. Celle-ci est la réalité ultime, même si les perceptions que nous en avons sont tordues. On peut aller et venir au gré de la vie, mais jamais quitter la réalité.

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    Message par Yudo, maître zen Ven 17 Aoû 2012 - 19:26

    TRENTE-ET-UN

    Citation:

    Maître Tokuzan Senkan dans le district de Tei donnait une conférence informelle à une assemblée réunie dans ses quartiers privés. Il dit : Ce soir, je ne veux pas de discussion. Si quelqu'un dans cette pièce veut poser une question, je le frapperai trente fois de mon bâton.

    D'emblée, un moine s'avança et se prosterna devant le maître.

    Celui-ci le frappa sur le champ.

    Le moine dit: Je n'ai même pas encore posé de question. Pourquoi m'avez-vous frappé?

    Le maître dit: D'où venez-vous?

    Le moine dit: Je viens de Corée.

    Le maître dit: J'aurais voulu vous frapper trente fois avant même que vous ayez débarqué du bateau.
    __________________________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    Maître Tokuzan Senkan (appelé Grand maître Gensho, dans le texte) dit qu'il ne voulait pas avoir de discussion ce soir-là, et qu'il frapperait quiconque voudrait discuter de Bouddhisme. Son intention était de montrer que l'état ultime dans le Bouddhisme n'est pas affaire de discussion, ni d'analyse intellectuelle.
    Lorsque le moine s'est avancé et s'est prosterné devant lui, il voulait peut-être exprimer son état bouddhique en se prosternant sans rien dire, et pensait sans doute que le maître avait été trop précipité en le frappant. En voyant sa prosternation, le maître avait en fait confirmé le comportement de ce moine. Le frapper avait été sa réponse.
    Maître Tokuzan a demandé au moine d'où il venait, ce qui est alors une façon typique de demander où le moine en est de sa pratique, et sa réplique finale dit qu'il aurait aimé l'avoir enseigné avant même qu'il arrive en Chine.
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    Message par Yudo, maître zen Sam 18 Aoû 2012 - 12:08

    TRENTE-DEUX

    Le moine vétéran Fu de la ville de Taigen demanda à maître Kozan: Où sont les narines qui existaient avant que vos père et mère ne fussent nés?

    Maître Kozan répondit: Elles viennent tout juste d'apparaître. Où étaient-elles?

    Le moine vétéran ne confirma pas les paroles du maître et dit: Vous devriez me poser la même question. J'aimerais bien répondre pour vous.

    Le maître dit: A l'époque antérieure à la naissance de vos père et mère, où étaient vos narines?

    Le moine vétéran se contenta de s'éventer.

    ________________________________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    Dans les histoires bouddhiques, les narines sont souvent un symbole de la vie. La phrase "avant que vos père et mère ne fussent nés" indique le passé éternel. Ce que le moine demandait à maître Kozan était donc une question sur sa vie dans l'éternité.

    Maître Kozan répondait: "Elles viennent tout juste d'apparaître." Ceci exprime l'enseignement bouddhique à l'effet que la réalité est juste ici et maintenant. Il n'y a que l'instant présent. Même le passé éternel et le futur éternel n'existent qu'à l'instant présent.
    Le moine a cru que cette réponse était trop abstraite. Lorsque le maître a posé la même question au moine, ce dernier a répondu par une action concrète à l'instant présent. Sa vie réelle au présent était sa réponse à la question.
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    Message par Yudo, maître zen Sam 18 Aoû 2012 - 16:08

    TRENTE-TROIS

    Un jour, un moine demanda à maître Sozan Honjaku: J'ai entendu dire qu'un ancien maître disait: "Tous ceux qui tombent par terre doivent s'appuyer sur le sol pour se relever." Comment "tombons"-nous?

    Maître Sozan répondit: Quand on confirme la situation réelle, on sait.

    Le moine demanda: Comment se relève-t-on?

    Le maître dit: Relevez-vous, tous simplement.
    ____________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    "Tous ceux qui tombent par terre doivent s'appuyer sur le sol pour se relever." Ceci signifie que les circonstances dans le monde réel nous font parfois tomber, nous rendent confus et perdus. Afin de nous relever, afin de retrouver notre chemin, nous devons nous appuyer sur les circonstances du monde réel. Si nous tentons d'échapper à la souffrance et aux difficultés à vivre dans le monde réel, en nous évadant dans des rêves et des fantasmes, nous ne pourrons jamais nous relever complètement ni marcher comme nous le devrions.
    Le moine s'enquiert du fait de tomber. le maître lui dit que, lorsque nous confirmons la situation, quand nous acceptons les faits, nous observons que nous sommes tombés. Le moine parle ensuite de se relever. Se relever signifie récupérer l'état d'équilibre, qui est notre nature originelle. maître Sozan dit qu'il nous suffit de nous relever. C'est une simple action.
    Agir simplement au moment présent est être un bouddha. On ne peut atteindre l'état d'équilibre par le pouvoir de la volonté, ni en y réfléchissant. La volonté et l'intellect sont des fonctions de l'esprit, mais l'état d'équilibre est une condition de l'ensemble corps-et-esprit. L'incomparable portail donnant sur cet état, la vie réelle, est Zazen.
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    Message par Yudo, maître zen Lun 20 Aoû 2012 - 13:22

    TRENTE-QUATRE

    Un jour, un haut-fonctionnaire envoya une offrande à maître Ungo Doyo du Mont Ungo dans le district de Ko, en lui demandant: On dit que le Bouddha Gautama avait un discours secret et que Mahakashyapa ne cachait rien. Quel était le discours secret du Bouddha Gautama?

    Le maître cria: Fonctionnaire!

    Celui-ci répondit.

    Le maître dit: Avez-vous compris?

    Le fonctionnaire dit: Je ne comprends pas.

    Le maître dit: Ne pas comprendre est le discours secret du Bouddha Gautama. Et comprendre est maître Mahakashyapa qui ne cache rien.
    ____________________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    Le discours secret du Bouddha (sa communication non-verbale) évoque son acte de cueillir une fleur et de cligner de l'oeil lors de l'assemblée des centaines sur le Pic du Vautour. Mahakashyapa qui ne cache rien (sa perception intuitive de l'action du Bouddha) évoque le fait qu'il se soit mis à sourire comme s'il avait su à l'avance que le Bouddha cueillerait une fleur et clignerait de l'oeil. Cette histoire provient du Sûtra du Lotus.
    Le haut-fonctionnaire s'enquiert du discours secret du Bouddha Gautama. Il a l'impression qu'il y a quelque part une contradiction entre ce "discours secret" et ce qu'on dit de Mahakashyapa (chef de l'ordre bouddhique après la mort du Bouddha Gautama), à l'effet qu'il ne cachait rien.
    A la fin, il nous est impossible de décrire la réalité avec des mots. C'est pour cette raison que le Bouddha Gautama a gardé le silence. Le discours secret du Bouddha Gautama peut alors se comprendre comme l'expression de la réalité elle-même. Nous vivons toujours dans la réalité. La vérité nous accompagne toujours ici à cet instant-même. Même nos illusions et notre manque de compréhension sont des expressions de la réalité.
    D'un certain point de vue, la réalité peut nous paraître mystérieuse et inexplicable, et d'un autre être très claire et simple. Mais en même temps, la réalité se manifeste toujours. Il n'y a donc rien à cacher, et c'est pourquoi maître Mahakashyapa sourit.
    Le maître interpelle le haut-fonctionnaire et celui-ci répond. Cette réaction naturelle est comportement réel, mais l'officier ne comprend pas ce que lui montre le maître. Celui-ci lui explique que ce qu'il n'arrive pas à comprendre s'appelle la réalité, mais qu'en même temps, même s'il n'arrive pas à la comprendre, la réalité existe toujours ici et maintenant. C'est pour cela qu'on a décrit maître Mahakashyapa comme ne cachant rien du tout. Ce comportement naturel est précisément ce qu'il n'a pas caché.
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    Message par Yudo, maître zen Lun 20 Aoû 2012 - 16:07

    TRENTE-CINQ

    Un jour, maître Tosu Daido du Mont Tosu se fit poser par un moine la question suivante: Quel était l'état du Bouddha Gautama que décrivent ces mots: "Les dix sortes de corps dans l'auto-contrôlé"

    Le maître descendit de son estrade de zazen et se tint avec les mains en shashu.

    Le moine demanda: Quelle distance y a-t-il entre les gens ordinaires et le sacré?

    Le maître redescendit de son estrade et se tint là avec les mains en shashu.
    ____________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    Le moine s'enquiert de l'état du Bouddha Gautama qui était décrit par les mots "jushin chogo", c'est-à-dire les dix sortes de corps dans une personne auto-contrôlée. Il était dit dans les anciens écrits bouddhiques que dans l'état équilibré et contrôlé de l'auto-contrôle, le Bouddha Gautama montrait dix formes corporelles différentes. Ce qui suggère qu'il avait le contrôle de lui-même et donc capable d'utiliser librement les fameux dix aspects de son être.
    Le maître en fait la démonstration en descendant de son estrade de zazen et en se tenant devant le moine en shashu (les mains prises l'une dans l'autre devant la poitrine). Le maître, debout en face du moine était l'incarnation réelle des "dix sortes de corps dans l'auto-contrôlé". Ainsi donc, l'état n'est pas un truc étrange et perché, mais bien la situation réelle, ici et maintenant.
    Le moine l'interroge alors sur la distance qui sépare les gens ordinaires du sacré. Cette question tire son origine d'une attitude très répandue. Les gens croient généralement qu'il existe un abîme entre la vie ordinaire et le sacré. Le Bouddhisme ne voit aucune séparation de cette sorte. La réalité ultime, ou ce qu'on pourrait appeler "le sacré", existe pleinement et complètement à tout moment et en toute chose.
    A cette question du moine, le maître descend encore une fois de son estrade et se tient en shashu. Regardez le, là. Voyez-vous quoi que ce soit qui corresponde aux catégories du sacré et du profane, ou voyez-vous la réalité qui vous regarde droit dans les yeux à cet instant même?
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    Message par Yudo, maître zen Mar 21 Aoû 2012 - 9:02

    TRENTE-SIX

    Un jour, un moine demanda à maître Tokuzan Tokukai dans le district de Ro: Qui peut entendre le Bouddha prêcher au Sangha sur le Pic du Vautour?

    Le maître dit: Moine, vous pouvez l'entendre.

    Le moine dit: Je ne comprends pas. De quelle sorte de choses discutait-on sur le Pic du Vautour?

    Le maître dit: Vous avez parfaitement compris.
    _________________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    L'histoire du Bouddha prêchant sur le Pic du Vautour à une grande assemblée de bouddhas, de bouddhas futurs, et d'êtres célestes se trouve dans le Sûtra du Lotus. le moine voulait savoir quelle sorte d'êtres avait la capacité mystique d'entendre des enseignements si profonds.
    Le maître répond que le moine lui-même pourrait entendre de tels enseignements. Ce dernier rétorque qu'il ne peut pas comprendre et demande à en savoir davantage sur le contenu des enseignements. Le maître lui dit donc qu'il les a déjà compris.
    Ce moine cherchait sa nature profonde sur le si lointain Pic du Vautour. Le maître insiste sur le fait que la vérité profonde du Bouddhisme, qui est la réalité elle-même, existait au moment même des questions et de la confusion du moine.
    La réalité ultime que cherchait ce moine ne se trouvait nulle part ailleurs que dans la vie et le comportement réels du moine.
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    Message par Yudo, maître zen Mer 22 Aoû 2012 - 13:09

    TRENTE-SEPT

    Un jour, un moine demanda à maître Kenpo du district d'Etsu: Les bouddhas dans toutes les directions entrent en nirvâna par un chemin. Dans quelle rue sont-ils, je me le demande?

    Le maître ramassa un bâton, le pointa vers la rue et dit: Ils sont ici.
    _______________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    La question du moine contient à la fois le point de vue idéaliste et le point de vue matérialiste. La phase idéaliste est l'idée que les bouddhas dans toutes les directions n'entrent en nirvâna que par un seul chemin.
    La phase matérialiste est représentée par la question "Dans quelle rue sont-ils?" Ce qui intrigue le moine, c'est la différence entre le monde sublime des bouddhas dans les dix directions et la monde quotidien des rues et des maisons. Autrement dit, la relation entre le sacré et le profane.
    Maître Eshu Kenpo ramasse un bâton et le pointe vers la rue: "Ils sont ici", dit-il. Dans cet endroit réel, ici et maintenant. Dans cet endroit devant nos yeux, nous pouvons trouver la porte du nirvâna, parce que "les bouddhas dans les dix directions" n'est qu'un autre nom pour la réalité. Et peu importe dans quelles illusions que nous puissions nous faire prendre à cet instant, la réalité existe toujours ici et maintenant.
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    Message par Yudo, maître zen Jeu 23 Aoû 2012 - 16:08

    TRENTE-HUIT

    Maître Seppo Gison sur le Mont Seppo dans le district de Fuku indiqua un foyer et dit à maître Gensa: Dans ce foyer, tous les bouddhas du passé, du présent et du futur prêchent la vérité du Bouddha Gautama.

    Maître Gensa dit: Depuis peu, les règlements du sanctuaire de l'Empereur sont plus sévères.

    Maître Seppo demanda: De quelle manière?

    Maître Gensa dit: Il est interdit à quiconque de piller un marché de rue.
    ____________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    Maître Seppo voyait la prédication de tous les bouddhas dans le silence du feu. Maître Gensa a eu l'impression que, dans ses commentaires, Seppo faisait preuve d'un peu d'auto-satisfaction. Il a donc répliqué que les règlements étaient plus sévères qu'avant dans le sanctuaire de l'Empereur.
    Lorsque maître Seppo lui a demandé ce qui s'était passé, maître Gensa lui a dit qu'il était désormais interdit de voler quoi que ce soit sur un marché public. Ceci décrit une situation concrète. c'est un fait que toutes choses et phénomènes sont réglés, dans la réalité. Les situations réelles ont des limites, des restrictions. Nous découvrons souvent qu'il est facile de les contourner dans notre esprit.
    Cependant, si nous mettons nos idées en pratique, nous nous apercevons vite de ce que sont les limites dans la réalité. C'est ce qui arrive souvent aux idéalistes. Ils sont déçus lorsqu'ils entrent en contact avec les limites que leur impose la réalité. Ce qui, en soi, n'est pas réellement une mauvaise chose. Il est important de ne pas se laisser prendre au piège des idées et des idéaux. Mais ce qui se produit souvent, c'est qu'après avoir constaté les failles de leur raisonnement précédent, les anciens idéalistes abandonnent complètement leurs idées antérieures et embrassent avec la même ferveur le point de vue matérialiste. Ce qui est également une situation déséquilibrée.
    La situation réelle, c'est que les limites et la liberté existent tout autant les unes que l'autre. Les bouddhas dans le feu silencieux et les règlements du sanctuaire de l'Empereur sont aussi réels les uns que les autres.
    ____________________________________
    Mon petit commentaire perso: ce qui est décrit là correspond en tout point avec ma propre expérience. Ceux qui, à la fin des années '60, début des années '70, me traitaient de réac ou de faf parce que je ne partageais pas leur enthousiasme révolutionnaire, je savais dès lors qu'ils deviendraient à leur tour réactionnaires lorsqu'ils auraient de l'âge et des biens. (Je me rappelle aussi ceux et celles qui s'indignaient que je puisse émettre des réserves envers la révolution iranienne). Et ça n'a pas raté! C'est ainsi que j'ai été un des rares à ne pas m'étonner du ralliement des anciens "révolutionnaires" de mai '68 à l'ancien président, en 2007. C'était écrit dans leurs attitudes de l'époque.
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    Message par Yudo, maître zen Ven 24 Aoû 2012 - 13:30

    TRENTE-NEUF

    Un jour, un moine demanda à maître Kyosei Dofu du temple Ryusaku dans le district de Ko: Est-ce que le jour de l'An est en rapport avec le Bouddhisme?

    Le maître répondit: Oui.

    Le moine dit: Quel est l'enseignement bouddhique à propos du Jour de l'An?

    Le maître répondit: Le Jour de l'An est le début du bonheur et tout devient nouveau.

    Le moine dit: Je remercie le maître pour cette réponse.

    Le maître répliqua: Aujourd'hui, je ne suis pas très brillant.

    Un autre jour, le moine demanda à maître Myokyo: Est-ce que le jour de l'An est en rapport avec le Bouddhisme?

    Maître Myokyo répondit: Non.

    Le moine dit: Chaque année est une bonne année et chaque jour est un bon jour. Pourquoi dites-vous le contraire?

    Maître Myokyo dit: Un vieil homme de la famille Cho boit du vin et un vieil homme de la famille Ri est ivre.

    Le moine dit: Vos paroles étaient suffisamment contrôlées et importantes au début, mais maintenant, elles sont toutes petites comme quelque chose qui aurait la tête d'un dragon et la queue d'un serpent.

    Maître Myokyo répliqua: Aujourd'hui, je n'ai pas l'esprit très clair.
    _________________________________________________________________
    Commentaire de maître Nishijima

    Maître Kyosei dit que le Jour de l'An est en rapport avec le Bouddhisme, et maître Myokyo (Sosen Shikan) dit que non. Ces réponses paraissent complètement contradictoires, donc qui a raison? On peut dire que tous deux ont raison. La réalité est compliquée et pas logique. Se saluer en se disant "Bonne et heureuse année!" est déjà en soi un comportement bouddhique, et concourt à faire que l'an nouveau soit frais et neuf.
    Cependant, même s'il y a le Jour de l'An, la vie quotidienne se poursuit, et le premier janvier n'est jamais qu'un autre jour; ils sont nombreux, ce jour-là, à boire et à se saouler.
    Maître Myokyo cite un vieux dicton à propos de la famille Cho et de la famille Ri, qui servait à indiquer une situation illogique. Il veut suggérer la complexité de la situation réelle. Il choisit de ne pas répondre à la critique que lui fait le moine, se disant, peut-être, que l'attitude du moine est trop abstraite.
    Les phrases des deux maîtres, "Aujourd'hui, je ne suis pas très brillant." et "Aujourd'hui, je n'ai pas l'esprit très clair." indiquent leur réticence à discuter intellectuellement du Bouddhisme.

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