Bonjour.
très intéressant témoignage, Zenoob, dont je suis le chemin depuis que tu es venu ici.
Avec bientôt vingt ans de recul, j'aurais tendance à penser comme Milot maintenant.
Il faut allier rigueur et aussi tendresse avec soi-même.
J'ai un immense respect envers ce que Deshimaru et d'autres ont transmis, mais en occident on ne vit pas son corps du tout comme au Japon ou ailleurs en Orient, et on a des choses à reconsidérer, même si à la fin cette posture est universelle.
Déjà, revenir au fait que, comme disait Dogen, le zen n'est pas l'apprentissage de la méditation assise, mais le parfait dharma de paix et de bonheur (Fukanzazengi). Il dit ça après avoir donné la technique de zazen.
Donc faut relativiser zazen, que l'on absolutise dans le zen soto, et c'est normal, puisqu'on considère que c'est par là que le Bouddha est devenu Bouddha.
Pour cela, à mon sens, redevenir très terre à terre, c'est pas mal, car le Ciel s'exprime là, dans ce monde.
Tu as couru? Ta ventilation s'est amplifiée, cela a dû jouer dans ta respiration. Je l'ai expérimenté, les zazen hyperventilatoires. Ca fait ce que tu décris.
Après, les questions sur l'existence, elles reviennent un peu à ce que tu décrivais de ton expérience de psychanalyse.
En zazen on est seul avec soi-même, et donc cela peut faire le lit de résurgences d'angoisses ancestrales et au-delà de la mémoire, on entre dans le préverbal et l'archaïque. Je pense que plus de gens qu'on croit le vivent.
Or, on est là à mon sens à ce qui touche la conscience de sa conception, de son primordial "être au monde". De ce qui a fait qu'on s'est incarné.
Car zazen est à mes yeux un puissant, formidable, et pourtant paraissant si ordinaire, car si silencieux, outil d'autonomie et de liberté de soi-même : personne ne fait zazen à notre place, et on est libre se de contempler et de ne rien faire d'autre qu'être là. Cette liberté peut être difficile à assumer : être libre n'est pas toujours ce qui arrange nos parents, nos employeurs, nos éducateurs, etc...Etre libre peut déstabiliser une construction où notre rôle infantilisé, notre statut de victime, est compromis.
Pas de masque en zazen.
Sinon, il y a aussi la vibration du groupe : je pense que dans les dojos français, on a une empreinte de pratique où un aspect doloriste est loin d'être effacé. Même si ce qui a été enseigné n'a pas valorisé cela. Deshimaru, par exemple, avait un discours fort. Le dojo où j'ai appris, parlait d'une posture forte.
Cela véhicule, parfois très inconsciemment, une image d'un zazen dur.
Ce modèle, toutes les souffrances que j'ai rencontrées assis, m'ont poussé à le reconsidérer.
Pratiquer chez soi permet aussi de ne pas se mettre la pression comme au dojo, car il y a parfois un truc de la peur de déranger si on bouge, qui fait se crisper car on lutte.
Ce qui m'a aidé, est de me rappeler qu'à chaque instant j'ai le choix, de décroiser ou rester croisé. Que c'est moi qui choisit de suivre cela ou pas. Cela m'a souvent aidé à non pas tenir, mais justement lâcher dans la posture.
Sinon on est rigide, du bas du dos, des cuisses, de l'intérieur : on "tient" par la force.
Zazen, c'est naturel, et on ne force pas la nature.
Il faut donc concrètement tester, dans le temps, la hauteur du zafu, qui est un règlage subtil et qui peut différer selon le croisement des jambes (on ira plus bas en lotus qu'en demi lotus, par ex.). Aussi veiller à ce qu'il ne soit pas trop dur. Important pour ne rien bloquer.
Car zazen est un haut lieu d'expression du perfectionnisme, voire de l'intégrisme...ce qui aboutit parfois à ce que des gens se fassent engueuler parce qu'ils ont bougé. Ce n'est pas ça le zen.
Pour la respiration, si se lève une tendance à trop contrôler, alors observer cette propre tendance, ne pas lutter contre. Accueille ton contrôleur dirigiste intérieur.
En fait on peut tout accueillir en soi, et après le côté masculin qui consiste à se redresser, on peut équilibrer la pratique en développant son aspect féminin, d'accueillir les sensations, sans les penser, mais juste comme elles sont.
C'est d'ailleurs ce qui correspond à la pratique chan ancienne chinoise, qui consistait au départ à juste se concentrer sur ses sensations internes, puis par la suite externe, puis après venait l'observation de la parole (ce processus sur plusieurs jours).
Cela sans même parler de s'asseoir sur un coussin. On retrouve cette même pédagogie dans le theravada, c'est en fait la logique enseignée dans le Satipathanna sutra (technique concrète de méditation que décrit le Bouddha).
Donc considérer ses imperfections comme étant partie prenante de la pratique, ne pas même chercher à changer, mais faire confiance : le changement se fait avec le temps, la constance, doucement.
Mais trop de contrôle, peut effectivement rendre zazen tout petit, c'est ce que dit Milot.
Zazen est au-delà de la posture assise.
Se rappeler de cela permet aussi de relativiser ce qu'il s'y passe.
et ne pas oublier que dans les temples, à part zazen, les moines font samu, physique, font plus de dix kms par jour pour l'aumône, faire zazen avec pas assez d'activité physique à côté peut entraîner des désordres énergétiques, physiques comme psychiques.