Poème d'Antoine Marcel

Du même auteur, sous une forme poétique:

L'attention vigilante.

Lorsqu'a sonné la cloche,
la posture de dhyâna est quittée.
L'homme de la voie en maintient l'empreinte en lui,
sous forme d'immobilité intérieure, de vacuité,
de réceptivité, d'attention vigilante.
Maintenant l'attention vigilante,
il maintient la gratuité, la pureté de l'esprit,
la prajnâ efficiente.

Coupant du bois, portant de l'eau,
travaillant aux jardins,
l'homme de la voie cultive, sans y penser,
une présence attentive
qui, l'empèchant de sombrer dans l'illusion,
le maintient en éveil.
Eveillé, il ne forme ni ne reforme un moi illusoire
à partir de semences karmiques,
de germes stockés dans les samskâras.

Tournée vers l'intérieur, l'attention vigilante
observe la pensée.
Simplement observées,
les formations fantasmatiques, les formations maladives,
progressivement, d'elles-mêmes, s'inactivent.

Au hasard des circonstances,
les semences karmiques,
lorsqu'elles rencontrent des conditions favorables,
intérieures et extérieures, germent.
Par l'attention vigilante et l'efficience de prajnâ,
les pousses sont aussitôt brûlées jusqu'à la racine.

A la pensée secrètement issue du désir
en butte aux circonstances,
à la discrimination,
se substitue bientôt
la pensée non pensée,
dans la conscience de miroir.
La lune brille sur les eaux.

Bonjour.
L'auteur de ce poèmee n'est pas pratiquant de theravada.
J'avais mis ce poème en exergue à la suite de la file concernant son livre zen et connaissance, intentionnellement pour montrer qu'il savait exprimer son expérience de l'ineffable aussi sous une forme qui ne soit pas seulement intellectuelle (intellectuel ne signifiant pas intellectualisant, d'ailleurs).
Je trahis d'ailleurs le secret de l'origine, car en fait ce poème est sorti dans un livre sous un pseudonyme, ne donnant aucun lien avec l'auteur de zen et connaissance.
Cela dit, il parle du zen, apparemment à partir d'une expérience qui est concrète de la méditation, mais il est suffisamment malin pour en fait ne donner aucune saisie possible sur la personne qui parle : il ne dit rien ou a minima de lui, ne donne quasi aucune donnée sur son expérience, son histoire, pas de médailles d'ancien combattant, pas de titre, pas de nom de maitre, rien, rien du tout à saisir. Ne laissant aucun truc à se mettre sous la dent pour confirmer ou infirmer, nous laissant juste avec l'impression des mots qu'il livre, à notre libre appréciation.
et je trouve cela très respectueux de l'esprit du zen.
Poème qui pour moi m'a touché en tant que pratiquant du zen dès la première fois que je l'ai lu il y a environ dix ans.
Car à le lire, j'y ai senti une compréhension sentie, vécue, incarnée, de la pratique du zazen.

Moi j'aime bien perdre mon temps à lire ce genre de trucs, car ça m'illumine d'une lumière dont je ne peux saisir l'origine, ni voir où elle se perd, sans savoir si elle vient d'autrui ou est en moi.
Mais je crois que parfois les mots du poète sont la manne qui surgit du samadhi du grenier de la grande sagesse, le komyozo zanmai.
Quand l'autre ne parle pas à partir de son ego, quand il n'est pas lu à partir de l'ego, alors à lire ce qu'autrui a offert au monde on peut s'illuminer, d'une illumination qui respire ce non-savoir, cette non-compréhension, où theravada, zen, et même bouddhisme, sont des mots qui ne peuvent limiter ni vraiment définir la réalité de cette expérience.
Et j'aime bien aussi partager ce genre de texte avec les autres.

Kaïkan a écrit:
Ce poème n'est pas "typiquement zen" dans le sens qu'il n'aurait jamais été écrit par un moine zen à mon avis. On ressent au fil de la lecture une quête une tension vers quelque chose.

...

Cependant le zen sôtô n'a pas de goût ni d'odeur. Il n'y a "rien à maintenir", ni pureté de l'esprit ni éveil ni quoi que ce soit.

il n'y a "rien à maintenir" SAUF une forme "typiquement zen" , si je comprends bien .

Kaïkan, n'y aurait-il pas une tension vers quelque chose dans ton intervention ?

Jabba :
Kaïkan, n'y aurait-il pas une tension vers quelque chose dans ton intervention ?

Bonjour,

En tous les cas pour toute personne qui perçoit cette tension (ou tension au sujet de la tension), chacune devra dealer avec il me semble. Obscurcir les traces de l'origine de cette tension, c'est libérer cette tension de toute identification au Soi, ce qui est une autre façon de dire que nous réalisons le sans égo, ou l'égo cosmique, au travers de cette tension.

oula ! Je sens que je vais être au chômage

Jabba a écrit:il n'y a "rien à maintenir" SAUF une forme "typiquement zen" , si je comprends bien .

Non, même pas...

Fred a écrit:

Jabba :
Kaïkan, n'y aurait-il pas une tension vers quelque chose dans ton intervention ?

Bonjour,

En tous les cas pour toute personne qui perçoit cette tension (ou tension au sujet de la tension), chacune devra dealer avec il me semble. Obscurcir les traces de l'origine de cette tension, c'est libérer cette tension de toute identification au Soi, ce qui est une autre façon de dire que nous réalisons le sans égo, ou l'égo cosmique, au travers de cette tension.

Bonsoir,

Oui, j'en ai bien le sentiment...

Kaïkan a écrit:

Jabba a écrit:il n'y a "rien à maintenir" SAUF une forme "typiquement zen" , si je comprends bien .

Non, même pas...

ouf ! (relâchement de tension)