Fukan-Zazen-Gi (2) Le texte original du Rufu-Bon
Fukan-Zazen-Gi
En fait, quand on la cherche, la vérité nous entoure dès le départ, et alors, à quoi nous sert de nous fonder sur la pratique ou l'expérience (de Zazen) ? Le vrai véhicule existe naturellement : pourquoi donc se fatiguer ?
N-C a écrit:Ce passage est une critique de ces moines qui pratiquent zazen assidument, afin d'accéder à l'éveil.
Il existe deux versions principales du Fukan-zazengi ; ce sont le 真筆本 (SHINPITSU-BON), l'édition originale (litt., l'édition écrite de la main de l'auteur), et le 流布本 (RUFU-BON), l'édition populaire. Maître Dôgen a écrit le Shinpitsu-bon peu après son retour de Chine au Japon, en 1227. Il a ensuite révisé cette édition avant de rédiger le Rufu-bon. Alors que le Shôbôgenzô est écrit en japonais, le Fukan-zazengi a été rédigé en caractères chinois. A l'origine, il n'y a pas de paragraphes ; ceux-ci ont été ajoutés pour la facilité de lecture.
Qui plus est, le corps tout entier transcende de loi la saleté et la poussière : qui peut croire dans l'existence de méthodes pour balayer ou épousseter ?
N-C a écrit:Ce qui suggère une sorte d'effort extrême pour être droit et pur.
De façon générale, on ne peut pas s'éloigner de l'état correct : à quoi bon, alors, s'exercer à petits pas ?
N-C a écrit:Les mots « saleté et poussière » (塵埃 JIN-AI) ainsi que « balayer et épousseter » (払拭 HOSSHIKI) font allusion à une histoire entre le 6° Patriarche Daikan Eno et un moine nommé Jinshu. Celui-ci comparait la pratique bouddhique au polissage d'un miroir. Maître Eno suggéra qu'il n'y avait à l'origine aucune impureté. Maître Dôgen reprend l'anecdote pour exprimer l'idée fondamentalement optimiste de la philosophie bouddhique.
Cependant, s'il n'y avait qu'un millième ou un centième d'écart, ce dernier est aussi grand que la distance entre ciel et terre ;
N-C a écrit:Maître Dôgen reprend ici les mots de maître Kanchi Sôsan, le Troisième Patriarche, dans son poème Shinjinmei. Ici, il nous avertit de ne pas tomber dans l'état où l'on pense trop.
et s'il nous vient un soupçon de divergence, notre esprit se perd en confusion. Fiers de notre entendement intellectuel, et richement dotés en réalisation, nous obtenons des capacités d'intuition spéciales ; nous atteignons la vérité ; nous clarifions l'esprit ; nous acquérons le zèle qui transperce le ciel ; nous nous promenons dans les sphères intellectuelles les plus stratosphériques, et pourtant, nous avons complètement perdu le vigoureux chemin qui fait sortir le corps.
Qui plus est, nous pouvons [toujours] voir les traces des six ans passés par le sage naturel du parc de Jetavana à s'asseoir le dos droit.
N-C a écrit:Jetavana signifie litt. « Parc du Prince Jeta ». Ce parc avait été acheté au Prince Jeta, un des fils du roi Prasenajit du Kosala, par un disciple laïc du Bouddha du nom de Sudatta ou d'Anâthapindada, et avait été donné au Bouddha comme lieu de retraites de saison des pluies à Sravastî (110 km au nord-est de ce qui est aujourd'hui Lucknow).
Nous pouvons encore entendre des rumeurs des neuf ans passés face au mur par le transmetteur du sceau de l'esprit [du temple] de Shaolin.
N-C a écrit:心印 (SHIN-IN), « sceau de l'esprit », est une abbréviation de 佛心印 (BUTSU SHIN-IN) « Sceau de l'esprit du Bouddha ». 印 (IN) vient du mot sanscrit mudrâ qui signifie « sceau ». Dans le Shôbôgenzô, maître Dôgen identifie 佛心印 (BUTSU SHIN-IN) avec la pleine posture du lotus. Shaolin est le nom du temple où maître Bodhidharma avait introduit Zazen en Chine.
Les saints des temps anciens étaient déjà ainsi : comment nos contemporains pourraient-ils se dispenser de faire un effort ?
C'est pourquoi nous devons immédiatement cesser le travail intellectuel d'étude des mots et de poursuite des discours. Nous devons apprendre à faire le pas en arrière [qui permet] de retourner la lumière et de réfléchir. Le corps-et-esprit se détachera naturellement et immédiatement, et nos traits originels se manifesteront spontanément devant nous. Si nous voulons atteindre le sujet de l'ineffable, nous devons pratiquer l'ineffable sur le champ.
N-C a écrit:« Le sujet de l'ineffable » est 恁麼事 (INMO [no] JI). Maître Tôzan prêcha à l'assemblée : « Si vous voulez atteindre le sujet de l'ineffable, vous devez devenir quelqu'un d'ineffable. Maintenant que vous êtes déjà quelqu'un d'ineffable, pourquoi vous soucier d'attendre le sujet de l'ineffable ? »
En général, pour pratiquer [Za]zen, une pièce tranquille fait l'affaire, et on mange et boit avec modération. Mettez de côté toutes vos occupations. Laissez reposer les myriades de choses. Ne pensez pas au bien et au mal. Ne vous préoccupez pas de ce qui est correct ou erroné. Mettez un terme aux mouvements d'entraînement de l'esprit, de la volonté et de la conscience. Cesser les considérations intellectuelles par image, pensées et réflexions. Ne tentez pas de devenir un bouddha. Quel pourrait être le rapport [de ceci] avec le fait de s'asseoir ou de s'étendre ?
N-C a écrit:S'asseoir et s'étendre représentent les quatre sortes de comportement : s'asseoir, se tenir debout, marcher et s'étendre. Maître Dôgen sous-entend que Zazen transcende les actions ordinaires de la vie quotidienne.
A la place où l'on s'asseoit, on étend habituellement une natte épaisse et on se sert d'un coussin rond posé par dessus. Soit on s'assied en pleine posture de lotus, soit dans la posture du demi-lotus. Pour s'asseoir en pleine posture de lotus, on place d'abord le pied droit sur la cuisse gauche, et ensuite le pied gauche sur la cuisse droite. Dans le cas de la posture de demi-lotus, on presse juste le pied gauche sur la cuisse droite.
N-C a écrit:Maître Dôgen donne le pied gauche sur la cuisse droite à titre d'exemple. Le pied droit placé sur la cuisse gauche est aussi correct comme posture du Lotus.
Etendez vos vêtements de façon décontractée et élégante.
N-C a écrit:Renvoie spécifiquement à la coutume de ne pas tendre le kasâya serré sur les genoux.
Mettez ensuite la main droite sur le pied gauche, et la main gauche sur la paume de la main droite. Les pouces se touchent et se soutiennent mutuellement. Redressez juste le corps et asseyez-vous droit. Ne penchez pas à gauche, ne vous inclinez pas à droite, ne vous affaissez pas vers l'avant, et ne penchez pas en arrière. Les oreilles et les épaules doivent être alignées, et le nez doit être aligné avec le nombril. Collez la langue contre le palais, tenez les lèvres et les dents fermées, et les yeux ouverts. Respirez doucement par le nez.
Quand vous aurez réglé la posture, expirez complètement, et balancez le torse de droite et de gauche. Assis immuablement dans l'état d'immobilité de la montagne, « pensez à cet état concret au delà de la pensée. Comment peut-on penser l'état au delà de la pensée? C'est différent de la pensée »
N-C a écrit:Ces lignes sont tirées d'une conversation entre maître Yakusan Igen et un moine.
. Tel est simplement le pivot de Zazen.
S'asseoir en zazen ce n'est pas apprendre la concentration zen.
N-C a écrit:Le Sekimon-rinkanroku rapporte que des historiens avaient intégré Bodhidharma dans une liste de gens qui apprenaient la concentration zen (習禅, SHÛZEN). Dans son commentaire, maître Dôgen dit : « [Maître Bodhidharma] resta assis immobile face au mur, mais il n'apprenait pas la concentration zen. »
C'est tout simplement la porte paisible et agréable du Dharma. C'est la pratique-et-expérience qui réalise parfaitement l'état de bodhi. L'Univers est réalisé ostensiblement, et les restrictions et empêchements
N-C a écrit:“Restrictions et empêchements” traduit 羅篭 (RARÔ), filets de soie et cages de bambou dont on se sert en Chine pour attraper les poissons et les oiseaux.
ne peuvent l'atteindre. Saisir cela, c'est comme un dragon qui a trouvé de l'eau, ou un tigre dans sa tanière, dans la montagne. Rappelez-vousle Dharma correct se manifeste naturellement devant nous, et l'obscurité et les distractions
N-C a écrit:昏散 (KONSAN), « obscurité et distraction », sont des exemples représentatifs de conditions artificielles ou déséquilibrées du corps et de l'esprit. 昏(KON) resprésente le mot sanscrit styâna et 散 (SAN) représente viksepa, deux des nombreuses pollutions dont les commentaires sanscrits donnent la liste.
ont déjà disparu.
Quand on se lève après la séance, on doit bouger le corps lentement, et se mettre debout calmement. Il ne faut être ni pressé ni brutal. On voit dans le passé que ceux qui ont transcendé le commun et transcendé le sacré, et ceux qui sont morts en étant assis ou morts debout
N-C a écrit:Maître Mahâkâshyapa, par exemple, est dit être mort assis sur le mont Kukkyatapâda, et maître Kankei Shikan est dit être mort debout.
ont pu le faire grâce à ce pouvoir. Qui plus est, la transformation du moment, au moyen d'un doigt
N-C a écrit:Maître Gutei montrait un doigt pour répondre à une question à laquelle on ne pouvait répondre en mots.
, un mât
N-C a écrit:Maître Ânanda a réalisé la vérité lorsqu'un mât de temple est tombé au sol.
, une aiguille ou un claquoir en bois
N-C a écrit:鎚 (TSUI), parfois écrit 椎 (TSUI). Il s'agit d'un petit bloc de bois qui sert à battre un pilier octogonal en bois. Le bodhisattva Manjusrî, par exemple, est dit avoir prêché la vérité grâce à un tsui .
; et l'expérience de l'état,
N-C a écrit:証契(SHÔKAI), litt., « expérience-accord », signifie faire l'expérience du même état que celui du Bouddha Gautama.
par la manifestation d'un chasse-mouches
N-C a écrit:払子(HOSSU), un chasse-mouches de cérémonie à poignée de bois et queue de poil animal ou autre.
, un poing, un bâton ou un cri
N-C a écrit:Maître Basô Dô-itsu, par exemple, était connu pour la puissance de son cri.
, ne peuvent pas se comprendre par la pensée et la discrimination.
N-C a écrit:Allusion au chapitre Hôben du Sûtra du Lotus (Les Moyens habiles).
Comment pourraient-ils être connus par les pouvoirs magiques ou la pratique et expérience ? Ils peuvent bien être le comportement distingué qui est au-delà du son et de la forme.
N-C a écrit:声色之外威儀 (SHÔSHIKI no hoka no IIGI). Les mêmes caractères apparaissent dans un poème de maître Kyôgen Chikan.
Comment pourraient-ils être quoi que ce soit d'autre que les critères qui précèdent le savoir et le voir ?
En conséquence, nous ne disons pas que l'intelligence est supérieure et la stupidité inférieure. Il ne faut pas choisir entre les gens brillants et ceux qui sont obtus. Si on travaille sincèrement, c'est vraiment la quête de la vérité. La pratique et expérience est naturellement pure.
N-C a écrit:Allusion à une conversation entre maître Daikan Eno et maître Nangaku Ejo sur l'unicité de la pratique et de l'expérience.
Les actions sont plus équilibrées et constantes.
N-C a écrit:平常 (BYOJÔ). 平 (BYO, HEI) signifie égal ou paisible. 常 (JÔ) signifie constant. En tant que composé, 平常 (BYOJÔ, HEIJÔ) signifie normal. Il apparaît dans l'expression 平常心 (BYODÔSHIN, HEIJÔSHIN), « l'esprit équilibré et constant » ou « esprit normal ».
En général, [les patriarches] de ce monde et des autres directions, des Paradis occidentaux (l'Inde) et des Terres orientales (la Chine), maintiennent tous de la même façon la posture du Bouddha et ne s'adonnent qu'à la coutume de notre religion. Ils se vouent seulement à s'asseoir et sont pris dans l'état d'immobilité.
Quoi qu'il existe des milliers de distinctions et de différences, nous devons pratiquer que [Zaz]en et nous mettre en quête de la vérité. Pourquoi devrions-nous abandonner notre siège sur le sol pour aller et venir sans but au-delà des frontières poussiéreuses des pays étrangers ?
N-C a écrit:Allusion à une parabole du chapitre Shinge (Croire et comprendre) du Sûtra du Lotus à propos d'un fils qui erre dans la pauvreté à l'étranger, sans savoir qu'il est l'héritier de la fortune de son père.
Si nous faisons un pas de travers, nous passons à côté du moment présent. Nous avons déjà reçu ce pivot essentiel
N-C a écrit:機要 (KIYÔ). Chance et pivot.
qu'est un corps humain : nous ne devons absolument pas passer notre temps en vain.
N-C a écrit:莫虚度光陰 (KOIN munashiku wataru koto nakare). Les mêmes caractères apparaissent à la fin du Sandokai de maître Sekitô Kisen.
Nous nous maintenons et nous basons sur l'essence pivotale
N-C a écrit:要機 (YÔKI). Les mots 機要 (KIYÔ) et 要機 (YÔKI) sont en bonne place au chapitre Zazenshin du SBGZ. 機 (KI) signifie mécanisme ou, parfois, l'état à l'instant présent. 要 (YÔ) signifie le point principal, la partie importante, le pivot.
qu'est la vérité du Bouddha : qui voudrait se contenter des étincelles d'une pierre à briquet ? Qui plus est, le corps est comme une goutte de rosée sur un brin d'herbe. La vie passe comme un éclair. Soudain, elle n'est plus. En un instant elle est perdue.
Je vous en conjure, nobles amis dans l'apprentissage par l'expérience, ne vous habituez pas tant aux images que vous soyez effrayés par un vrai dragon.
N-C a écrit:Allusion à l'histoire de Shôko, qui aimait les représentations de dragons, mais se retrouva terrifié lorsqu'il en rencontra un pour de vrai. Le vrai dragon, c'est Zazen.
Vouez vos efforts à la vérité qui est directement accessible et sans détours. Vénérez ceux qui sont au-delà de l'étude et sans intention.
N-C a écrit:絶學無爲之人 (ZETSU GAKU MU I no HITO). Le poème Shôdoka du maître Yoka Gengaku commence par les mots : « Messieurs, ne voyez-vous pas ? Une personne au-delà de l'étude et sans intention, à l'aise dans la vérité, ne tente pas de se défaire de l'illusion et ne veut pas obtenir la réalité. »
Mettez-vous en accord avec la bodhi des bouddhas. Devenez un authentique successeur du samadhî des patriarches. Si vous pratiquez ainsi cet état pendant longtemps, vous deviendrez à coup sûr cet état lui-même. Le trésor s'ouvrira naturellement et vous serez livres de recevoir et d'utiliser [son contenu] à votre guise
La fin du Fukan-Zazen-Gi