(Extrait du livre "Face au vrai dragon", Nanabozho (Gichi Wabush), Montpellier 2006)
Face au vrai dragon
Dans le dernier chapitre, je vous ai donné mon explication de la théorie de maître Dôgen sur zazen. Je voudrais maintenant laisser ce dernier parler de lui-même. Dans tout son oeuvre, l'explication la plus concise de la pratique bouddhiste se trouve peut-être dans le Fukan zazengi. Ce fut son premier ouvrage à son retour de Chine au Japon, et il contient l'essence de son entendement des aspects autant pratiques que théoriques de zazen. Au cours de sa carrière d'enseignant, maître Dôgen révisa le Fukan Zazengi à plusieurs reprises, produisant finalement ce qu'on appelle aujourd'hui l'édition populaire (rufubon). Dans la traduction qui suit de cette édition, j'espère que vous trouverez le sens véritable de zazen et l'esprit vrai des enseignements de maître Dôgen -- que ses paroles vous inspireront à rechercher le Vrai Dragon dans vos vies.
FUKAN ZAZENGI -- RUFUBON
Méthode de Zen assis, recommandée pour tous
Edition populaire
Dans le paragraphe d'ouverture, maître Dôgen affirme l'attitude fondamentalement positive et optimiste de la théorie bouddhiste. La Vérité est partout. Toutes choses et toutes gens font partie du monde parfait, de l'Univers parfait, du parfait Dharma. Ainsi vivons-nous toujours dans l'état de perfection.
Mais -- s'empresse-t-il de nous avertir -- il y a une différence entre le monde de la théorie bouddhiste et le monde réel tel que nous le vivons réellement. Dans la vie quotidienne, nous rencontrons de nombreuses situations confuses et contradictoires. Dans ces cas-là, il nous est difficile d'agir en confiance et dans le calme. Nous hésitons. Nous allons trop vite, ou trop lentement. Nous cessons d'être calés sur la loi cosmique, et tous nos efforts semblent ne rien faire d'autre qu'aggraver et exagérer notre sentiment de séparation d'avec le monde équilibré et harmonieux de la Vérité. Dans ce cas, les perceptions dualistes de l'intellect nous sont de peu de valeur. En fait, la tendance humaine à diviser et ranger en catégories, à discriminer entre le bien et le mal en toute situation, ne sert qu'à nous confondre et à nous rendre incapables d'action.
Nombreux sont ceux qui n'ont pas conscience de ce fait. Ils confondent théorie et réalité, pensée et action. Cette confusion peut les mener à l'illusion ultime : la croyance d'avoir atteint l'Eveil. Ne faisant pas la distinction entre la théorie et le monde réel, ils pensent que l'Eveil est affaire de connaissances et d'entendement. Ils peuvent bien comprendre la théorie bouddhiste, ou croire qu'ils l'ont comprise, mais en fait, ils sont pris dans le domaine de la pensée : seules leur têtes sont entrées dans le domaine de la Vérité. Ces gens ne connaissent rien au domaine de la Vérité qui comprend tout le corps-et-esprit. Ils ne savent rien du vigoureux monde de l'action.
Face au vrai dragon
Dans le dernier chapitre, je vous ai donné mon explication de la théorie de maître Dôgen sur zazen. Je voudrais maintenant laisser ce dernier parler de lui-même. Dans tout son oeuvre, l'explication la plus concise de la pratique bouddhiste se trouve peut-être dans le Fukan zazengi. Ce fut son premier ouvrage à son retour de Chine au Japon, et il contient l'essence de son entendement des aspects autant pratiques que théoriques de zazen. Au cours de sa carrière d'enseignant, maître Dôgen révisa le Fukan Zazengi à plusieurs reprises, produisant finalement ce qu'on appelle aujourd'hui l'édition populaire (rufubon). Dans la traduction qui suit de cette édition, j'espère que vous trouverez le sens véritable de zazen et l'esprit vrai des enseignements de maître Dôgen -- que ses paroles vous inspireront à rechercher le Vrai Dragon dans vos vies.
FUKAN ZAZENGI -- RUFUBON
Méthode de Zen assis, recommandée pour tous
Edition populaire
A cet instant, lorsque nous la recherchons, la Vérité est dès l’origine tout autour de nous : pourquoi compter sur la pratique et l’expérience ? Le véhicule du fondamental existe naturellement : où est le besoin de faire des efforts ? Qui plus est, le corps entier transcende de loin la poussière et la saleté : qui pourrait croire aux moyens d’épousseter et de polir ? En général, nous ne nous écartons jamais de l’endroit où nous devrions être : à quoi servent, alors, les petits pas de l’entraînement ?
Cependant, s’il y a un millième ou un centième d’espace, le ciel et la terre sont très éloignés l’un de l’autre, et si survient la trace d’un désaccord, nous perdons l’esprit en confusion. Même si, fiers de notre entendement et richement dotés de réalisations, nous obtenons des états d’intuition spéciaux, accédons à la vérité, clarifions l’esprit, manifestons un zèle qui perce le ciel et nous promenons à travers ces sphères éloignées dans lesquelles nous pénétrons dans nos têtes, nous avons presque complètement perdu la route vigoureuse [qui consiste à] faire sortir le corps.
Dans le paragraphe d'ouverture, maître Dôgen affirme l'attitude fondamentalement positive et optimiste de la théorie bouddhiste. La Vérité est partout. Toutes choses et toutes gens font partie du monde parfait, de l'Univers parfait, du parfait Dharma. Ainsi vivons-nous toujours dans l'état de perfection.
Mais -- s'empresse-t-il de nous avertir -- il y a une différence entre le monde de la théorie bouddhiste et le monde réel tel que nous le vivons réellement. Dans la vie quotidienne, nous rencontrons de nombreuses situations confuses et contradictoires. Dans ces cas-là, il nous est difficile d'agir en confiance et dans le calme. Nous hésitons. Nous allons trop vite, ou trop lentement. Nous cessons d'être calés sur la loi cosmique, et tous nos efforts semblent ne rien faire d'autre qu'aggraver et exagérer notre sentiment de séparation d'avec le monde équilibré et harmonieux de la Vérité. Dans ce cas, les perceptions dualistes de l'intellect nous sont de peu de valeur. En fait, la tendance humaine à diviser et ranger en catégories, à discriminer entre le bien et le mal en toute situation, ne sert qu'à nous confondre et à nous rendre incapables d'action.
Nombreux sont ceux qui n'ont pas conscience de ce fait. Ils confondent théorie et réalité, pensée et action. Cette confusion peut les mener à l'illusion ultime : la croyance d'avoir atteint l'Eveil. Ne faisant pas la distinction entre la théorie et le monde réel, ils pensent que l'Eveil est affaire de connaissances et d'entendement. Ils peuvent bien comprendre la théorie bouddhiste, ou croire qu'ils l'ont comprise, mais en fait, ils sont pris dans le domaine de la pensée : seules leur têtes sont entrées dans le domaine de la Vérité. Ces gens ne connaissent rien au domaine de la Vérité qui comprend tout le corps-et-esprit. Ils ne savent rien du vigoureux monde de l'action.