Un enseignement si proche du zen ...
Sri Nisargadatta Maharaj surnommé Maruti (mars 1897 - 8 septembre 1981), est considéré comme un grand maître de l'Advaita Vedanta. L'éveil de Maruti lui vint après l'étude d'un mantra que son Maître lui demanda d'étudier: "Je suis ni ceci, ni cela".
Voici quelques extraits de son livre d'entretiens.
Maruti : Le monde a été créé sans aucune raison, car il est illusion. Il n’a ni début ni cause. Tout, dans ce monde objectif n’existe qu’à travers l’ignorance ou l’illusion. Une fois que vous avez compris votre vraie nature, vous savez que l’ignorance n’a, en réalité, jamais existé. C’est, depuis toujours, la vérité éternelle : que vous êtes sans nom et sans forme, sans même la conscience d’être un homme ou une femme, ou toute autre variante.
Au moment de la prétendue mort, votre forme disparaît, et donc, aussi, votre cerveau et votre mémoire, et il ne vous restera aucun souvenir d’avoir été, un jour, une forme ou une personne. Toute existence est illusoire. Sachant cela, que voulez-vous accomplir dans ce monde ? Tout est vide. Avec cette connaissance, vous vous retrouvez maintenant comme « en faillite », toutes vos ambitions de réussite se sont écroulées. Une fois que vous êtes complètement ruiné (libre de toutes pensées et idées), il n’y a plus de lois pour vous. Vous saurez alors, que vous n’êtes pas celui qui agit, vous n’aurez même plus le désir de revendiquer le mérite de vos actions, car vous êtes alors, absolument certain de ne pas en être l’auteur. Lorsque vous aurez perdu le sens d’être un homme ou une femme, il n’est même plus question, pour vous, d’avoir la connaissance, puisque celle-ci ne vient que de la mémoire.
Question : Vous donnez une date précise de votre réalisation. Cela veut dire qu’il se produisit quelque chose pour vous à cette date. Qu’arriva-t-il ?
Maruti : Le mental cessa de produire des phénomènes. La poursuite ancienne et incessante s’arrêta – je ne désirais plus rien, je n’attendais plus rien – je n’acceptais rien comme m’appartenant. Je n’avais plus de « moi » pour faire des efforts en sa faveur. Même le pur « je suis » s’estompa. Je remarquai autre chose, j’avais perdu toutes mes certitudes coutumières. Avant, j’étais sûr de tant de choses, maintenant je ne suis sûr de rien. Mais j’ai le sentiment de n’avoir rien perdu à ne pas savoir parce que tout mon savoir était faux. Ne pas savoir était en soi la connaissance que tout savoir est ignorance, que « Je ne sais pas » est la seule affirmation juste que peut faire le mental. Prenez l’idée « je suis né ». Vous pouvez la croire vraie, elle ne l’est pas. Vous n’êtes jamais né et vous ne mourrez jamais. C’est l’idée qui est né et qui va mourir, pas vous. C’est en vous identifiant à cette idée que vous êtes devenu mortel. Au cinéma tout est lumière, la conscience devient de même l’immensité du monde. Examinez de près, et vous verrez que tous les noms et toutes les formes ne sont que des vagues fugitives sur l’océan de la conscience, que c’est de la seule conscience que l’on peut dire : elle est, pas de ses transformations.
Dans l’immensité de la conscience, une lumière apparaît, un point minuscule qui se meut avec rapidité et trace des formes, des pensées et des sensations, des concepts et des idées comme une plume écrivant sur une feuille de papier. L’encre laisse une trace dans la mémoire. Vous êtes ce point minuscule et par vos mouvements, le monde est perpétuellement recréé. Arrêter de bouger, et il n’y aura plus de monde. Regardez en vous-même et vous vous apercevrez que ce point de lumière est le reflet de l’immensité de la lumière en tant que sens du « je suis ». Il n’y a que la lumière, tout le reste ne fait qu’apparaître.
Q : Le sentiment « je suis » est-il réel ou irréel ?
M : Les deux à la fois. Il est irréel quand vous dites : « Je suis ceci, je suis cela », il est réel quand vous dites : « Je ne suis pas ceci, je ne suis pas cela ». Celui qui connaît va et vient avec ce qui est connu, et il est transitoire ; mais celui qui sait qu’il ne sait pas, qui est vide de mémoire et d’anticipation, est intemporel.
Q : Est-ce que le « je suis » est le témoin, ou sont-ils distincts ?
M : Sans l’un, l’autre ne peut pas exister. Cependant, ils ne sont pas un. C’est comme la fleur et sa couleur. Sans fleur, pas de couleurs ; sans couleurs, la fleur ne peut être vue. Au-delà est la lumière qui, par son contact avec la fleur, crée les couleurs. Réalisez que votre véritable nature est uniquement celle de la lumière pure, et que ce qui est perçu, comme celui qui perçoit, apparaissent et disparaissent tous deux ensemble. Ce qui les rend possibles, et qui n’est, cependant, ni l’un ni l’autre, est votre être réel, ce qui signifie ne pas être ceci ou cela, mais être la Pure Conscience de l’être et du non-être. Quand la Conscience se tourne vers elle-même, le sentiment éprouvé est celui de ne pas connaître ; quand elle est tournée vers l’extérieur, le connaissable vient à l’existence. Dire : « Je me connais » est une contradiction dans les termes car ce qui est « connu » ne peut pas être « moi-même ».
Q : Si le soi est à jamais inconnu, qu’est-ce qui se réalise dans la réalisation du soi ?
M : C’est une libération suffisante que de savoir que le connu ne peut pas être moi, ni à moi. La libération de l’auto-identification à un ensemble de souvenirs et d’habitudes, la stupeur devant l’étendue infinie de l’être, devant sa créativité inépuisable et devant sa transcendance absolue, l’absence totale de peur née de la réalisation de la nature illusoire et transitoire de tous les modes de la conscience, coule d’une source profonde et inépuisable. La réalisation de soi, c’est connaître la source comme source et l’apparence comme apparence, et se connaître soi-même comme source uniquement.
Q : De quel côté est le témoin ? Est-il réel ou irréel ?
M : Personne ne peut dire : « Je suis le témoin ». Le « je suis » est toujours vu. L’état de Pure Conscience détachée, c’est la conscience-témoin, le « mental-miroir ». Le témoin naît et disparaît avec son objet, aussi n’est-il pas tout à fait réel. Quel que soit son objet, il est toujours le même, il est donc aussi réel. Il participe à la fois du réel et de l’irréel, il constitue par conséquent un pont entre les deux.
Q : Si tout n’arrive qu’au « je suis », si le « je suis » est le connu, le connaissant et la connaissance, que fait le témoin, à quoi sert-il ?
M : Il ne fait rien et il ne sert à rien.
Q : Alors pourquoi en parler ?
M : Parce qu’il est là. Le pont n’a qu’un seul usage – permettre de traverser. Vous ne construisez pas la maison sur un pont. Le « je suis » regarde les choses, le témoin voit à travers. Il les voit telles qu’elles sont, irréelles et transitoires. Le travail du témoin, c’est de dire : « pas moi, pas à moi ».