chi-e (sagesse-sagacité)
- Lorsqu'on fait zazen, que ce soit pendant des périodes intensives (sesshins) ou bien tout simplement pendant notre zazen quotidien, au dojo ou chez soi, l'esprit devient comme un vaste miroir dans lequel viennent se refléter tous nos états mentaux, toutes nos pensées, d'autant plus que l'esprit de discrimination suspend son habitude de juger, refouler, rejeter ce qu'il n'aime pas, tout en s'attachant à ce qui lui plaît.
Parfois même l'enchaînement habituel de nos pensées s'interrompt, mais surtout nous ne sommes plus, ou en tout cas beaucoup moins, influencés ou conditionnés par les processus mentaux.
Nous ne pouvons pas dire que tout cet étalage de sensations, d'émotions, de sentiments, de pensées, ne provient pas de nous-même. Tout cela a bien son origine en nous-même, mais nous ne sommes pas uniquement cela, nous ne sommes pas limités par cela, c'est seulement une manifestation de notre personnalité, de ce qu'on appelle le moi. Ce moi est perpétuellement en changement et n'a pas de structure fixe ni de substantialité définie, il n'a pas de noumène, il est vide d'existence en soi, il n’apparaît que par interdépendance avec l'univers.
Ce que nous sommes réellement est beaucoup plus grand que ce moi étriqué dans lequel l'ignorance voudrait nous voir ligotés. En faisant zazen on se décale du mécanisme de la société qui enferme les êtres dans des personnages bien étiquetés, qui doivent agir et consommer selon des schémas bien établis et très rigoureux.
En faisant zazen on accompli un acte révolutionnaire. On exprime et actualise notre solidarité avec tous les êtres en éveillant la compassion qui est l'ouverture d'un degré supérieur de l'intelligence. Cet esprit de non-séparation, de non-division actualise ce que les chrétiens recherchent dans l'attitude "d'aimer les autres" et qui est un des nombreux rayons de la compassion des bouddhistes.
C'est cette attitude qui a été transmise à travers fuzenna (la non-souillure). L'esprit non-souillé c'est l'esprit qui ne stagne sur rien, qui ne se coagule pas, qui est toujours en harmonie, sans opposition, qui ne sépare plus pratique enseignement et éveil, un esprit qui ne saisit rien et englobe tout.