Je pense qu'il faut prendre en compte le contexte moderne : les machines (et avec l'arrivée de l'intelligence artificielle, cela risque de grandement s'accentuer) font que les humains ont globalement moins besoin de travailler.
Devrait s'en suivre, une reconfiguration du monde du travail et du rapport au travail. Les travaux sur le revenu de base universel sont à ce titre au moins intéressants, sinon vitaux, voir par exemple le dernier livre d'Abdenour Bidar : "Libérons-nous ! Des chaînes du travail et de la consommation" en faveur de ce revenu de base, pour espérer diriger chaque être humain vers une activité / un travail.
A cela s'ajoute le problème même de la définition traditionnelle du travail. Est souvent considéré comme travail une activité rémunérée : si je travaille dans une boîte d'espaces verts, tondre sera, aux yeux de la société, du travail, car je suis payé pour, et je cotise avec mon salaire. Si je fais exactement la même chose pour ma grande-tante, la société ne considèrera pas ça comme du travail, car pas de cotisations. Pourtant, l'acte est le même. On ne peut donc pas préjuger du travail d'un homme simplement en prenant en compte sa "situation professionnelle" officielle.
Je pense donc que la phrase citée, "un jour sans travail, un jour sans manger", est excellente et vaut encore aujourd'hui, mais que la notion de travail doit être repensée et détachée du contexte normatif du code du travail habituel, avec une durée hebdomadaire fixée à 35h. Sinon, qu'en serait-il des retraités ? Ils ont fait leur part, ont droit à plus de repos, mais peuvent surtout être des piliers sociaux, s'engager et faire profiter de leur expériences les jeunes générations, que ce soit dans un cadre associatif ou non.
Sur le plan politique : une ré-organisation serait saine, avec tout le monde à (par exemple) 20h / semaine et du temps pour un engagement associatif, religieux, sportif, artistique etc. plutôt que 60 à 80% de la population à 35h ou plus, ce qui est une forme d'injustice sociale pour les deux camps : ceux qui travaillent "trop" (qui pourraient potentiellement travailler moins si on partageait mieux le travail, chose peu aisée, mais envisageable), ceux qui, ne travaillant pas, sont confrontés aux risques liés à l'oisiveté (je n'ai pas en tête les statistiques exactes, mais les gens sans emploi sont globalement beaucoup plus sujets aux addictions, aux dépressions etc.). Dans ce contexte : que tout le monde ait un travail serait vital ; mais que celui-ci puisse être pensée différemment, avec plus de souplesse, moins d'aliénation.
Toucher le RSA ne veut pas forcément dire ne pas travailler. Dans le sens où peut être "travail" une activité non rémunérée.
Il faut aussi avoir en tête l'existence des "boulots de merde" (souvent nommés "bullshit jobs" en franglais) : livreurs de pizza par exemple : il n'y a là aucun jugement de valeur, mais l'analyse est plutôt celle-ci : le fait qu'une part importante de la population travaille trop (35h plus le métro pour aller bosser, par exemple) engendre l'existence de boulots qui sont liés à la surcharge : si on avait plus de temps, on irait chercher nos pizzas à pied ou en vélo. Le livreur est là parce que d'autres bossent trop.
Enfin, avec les problèmes écologiques, le mythe de la croissance infinie ne peut plus durer : on peut peut-être supposer qu'il faut mieux être au RSA, jardiner, aider ses voisins, (donc on retrouve du travail) que bosser pour une compagnie pétrolière puissante voulant forer la banquise.
Beaucoup de pistes donc, mais pour remettre au centre "un jour sans travailler, un jour sans manger", et pour que cette belle maxime soit tenable, il faut nécessairement repenser ce qu'est le travail, prendre un peu de distance vis-à-vis de ça.
Quoiqu'il en soit, j'imagine mal une personne pouvant réussir à s'accomplir dans sa vie si elle n'a pas, à minima, un certain sentiment d'utilité.
Pour finir sur, plus spécifiquement, une position "bouddhiste", la question serait peut-être : "Est-ce qu'être au RSA est un moyen d'existence juste ? "