Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

-45%
Le deal à ne pas rater :
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre 14 couverts – ...
339 € 622 €
Voir le deal

3 participants

    Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima

    Yudo, maître zen
    Yudo, maître zen
    Admin
    Admin


    Masculin Nombre de messages : 3335
    Age : 75
    Localisation : Montpellier
    Emploi/loisirs : Artisan/ Maître zen
    Humeur : Colérique, lourd, égoïste, antipathique.Ou sympa, équanime, altruiste et sympathique. C selon
    Date d'inscription : 13/04/2008

    Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima Empty Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima

    Message par Yudo, maître zen Mar 29 Jan 2019 - 10:44

    Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima NishijimaGudo-230x300Brad Warner vient de se rappeler qu'hier, 28 janvier, était le cinquième anniversaire du décès de maître Nishijima.

    Je vous livre ici des extraits de ce qu'il en écrit:
    Brad Warner a écrit:Gudo Nishijima, le matérialisme, et le monde matériel
    28 janvier 2019

    En ce jour du 28 janvier 2014, mon maître, Gudo Nishijima est décédé à l'âge de 94 ans. Mon ami Rob me l'a rappelé, j'ai donc pensé d'essayer de le commémorer.
    (...)
    En cherchant quelque chose dans le Shôbôgenzô, je suis tombé sur ce qui suit, griffoné dans mon écriture sur les marges du livre. "La matière est le nom des stimuli sensoriels. Nous avons des organes des sens et nous ressentons une stimulation qui vient du monde extérieur. Selon le Bouddhisme, les stimuli sensoriels ne sont qu'une petite image du monde extérieur. Nous (les bouddhistes) distinguons très fortement entre matière et réalité. Ce monde est notre action. Ce qui veut dire que système, ordre, structure, sont l'autre côté du monde réel. Le monde matériel est une illusion. L'esprit plus le monde extérieur est la réalité."

    Chaque fois que j'allais à une conférence de Nishijima rôshi, je prenais des notes. Je les écrivais souvent directement dans les marges des chapitres que nous étudions, dans mon exemplaire. Considérant la grammaire de cette note, je crois que je tentais de copier exactement ce que disait Nishijima.
    J'ai commencé à suivre ses conférences parce que je voulais savoir ce qu'est la réalité. Les religions qui promettent une vie merveilleuse après la mort ne m'intéressaient pas. (...) Mais le monde dans lequel je vis à cet instant n'a pas besoin que j'y croie. Il est réel, très réel.
    Mais que diable est-il?
    Je suppose que la plupart ne posent pas cette question. Ils assument connaître la réponse. Ils ne peuvent peut-être pas expliquer comment fonctionne le monde, mais ils savent ce qu'il est. C'est ça! Le monde n'a rien de particulièrement remarquable. Il est bête, ordinaire, ennuyeux.
    Je ne le crois pas. Pour moi, le monde normal, ordinaire, quotidien était vraiment, mais vraiment étrange. Tou y était bizarre. Les êtres humains n'avaient aucun sens. Les choses dans lesquelles la plupart d'entre eux croyait étaient évidemment insensées. Je n'ai jamais pu comprendre pourquoi des personnes qui étaient censées être plus malignes ou plus expérimentées que moi pouvaient se faire avoir par des sottises pour moi tout à fait évidentes.

    Je m'intéressais aux gens dont les conceptions philosophiques étaient dérangeantes, pas rassurantes. Je m'intéressais à ceux qui trouvaient que le monde normal est aussi absurde et fascinant que pour moi.
    Nishijima rôshi en faisait partie. Et j'ai eu la chance de le connaître personnellement. On pourrait même dire que nous étions amis.
    Il parlait beaucoup de la réalité. Lorsque je l'ai rencontré pour la première fois, j'ai cru qu'il se servait du mot "réalité" pour parler du monde matériel. Après tout, c'est que la plupart des gens pense.
    Mais ce n'était pas ce qu'il entendait dire. "Nous (les bouddhistes) distinguons très fortement entre matière et réalité," disait-il. La matière n'est pas la réalité. La matière est la façon dont nous humains interprétons les stimuli sensoriels. Il y a un monde extérieur, mais ce monde peut bien ne pas correspondre aux concepts sur la matière qui sont nôtres.
    "Les stimuli sensoriels," disait-il, "ne sont qu'une petite image du monde extérieur." Ce que nous voyons, entendons, ressentons, sentons et goûtons n'est pas nécessairement ce que nous imaginons que c'est.
    Il y a un autre côté du monde réel, qui n'est ni matière ni stimuli sensoriels. Nishijima rôshi avait plein de mots différents pour le décrire. La plupart du temps il utilisait le mot anglais "meaning," sens. Un jour je me rappelle l'avoir entendu me dire: "Il y a la matière et il y a le sens". (...) Il dit, "sens, système, ordre, structure".
    Il essaie de faire comprendre ce qu'il entend à ses auditeurs. Ce qu'il entend nous faire passer est, à terme, au delà des mots. Cela ne peut être réduit à aucun des concepts qu'il nous jette en pâture. Ce n'est pas tout à fait "sens", même si le sens en fait partie. Mais ce n'est pas exactement "système". "Ordre" s'en rapproche, mais pas tout à fait. "Structure" pourrait être une autre façon d'en parler, mais ne marche pas non plus.
    L'anglais n'était pas sa langue. Je suis sûr qu'il utilisait d'autres mots dans ses conférences en japonais. Mais j'ai l'impression que même si l'on fouillait toutes les langues des humains, des dauphins ou des extra-terrestres, il n'y en aurait aucune qui pourrait vraiment le dire.
    Et pourtant, il essayait. Il accordait une valeur et une importance énorme à son effort pour tenter de nous les faire comprendre, même si, en définitive, cet effort était vain.

    "Le monde est notre action", disait-il. C'était la façon principale qu'il avait de décrire le monde. L'action, disait-il toujours, est fondamentale. Cela allait complètement à l'encontre de ma façon de comprendre la nature de la réalité. Je croyais que le monde matériel était fondamental. Je croyais que le monde matériel existait et que j'existais en son sein, et que c'était pour cela que je pouvais agir. Mais l'action ne pouvait avoir lieu que parce qu'existait un monde matériel et que des êtres conscients comme moi y vivaient.
    Nishijima rôshi aimait bien renverser cela comme une crêpe et dire que l'action était plus fondamentale que le monde dans lequel avait lieu l'action.
    Souffle = coupé

    J'en ai eu le souffle coupé aussi quand il a dit: "Le monde matériel est une illusion". J'avais entendu l'idée avant. Bien des philosophies orientales épousent la même idée. Par exemple, Maya est le mot sanscrit des philosophes hindous pour parler de la nature illusoire du monde matériel.
    Mais Nishijima rôshi ne s'intéressait qu'à la réalité. pas une réalité qui existerait ailleurs, dans un paradis céleste ou spirituel. Pas une réalité qu'on ne pourrait percevoir que dans un état mental altéré, comme après avoir pris de l'ayahuasca ou autre. Mais cette réalité concrète, ici et maintenant, telle quelle. La réalité dont il disait souvent qu'elle est "juste en face de nous".
    Pour quelqu'un disait ça et de dire aussi que le monde matériel est une illusion... A vrai dire, la première fois que j'ai entendu ça, je n'ai pas su qu'en faire.

    Mais il disait aussi, "l'esprit plus le monde extérieur est la réalité".
    Le contact entre l'esprit et le monde extérieur est justement les stimuli sensoriels. Quand nous essayons de décrire ce que nos stimuli sensoriels nous disent, nous arrivons à une théorie de la matière. C'est alors nous croyons que notre théorie est la réalité.
    Nishijima rôshi contestait cette théorie. Il ne l'acceptait pas à la façon dont la plupart d'entre nous le fait.
    Il ne niait pas la science comme le font de nombreux religieux [américains] (...) En fait, il adorait les théories scientifiques sur le système nerveux autonome. Il croyait qu'on pouvait expliquer comment fonctionne zazen en mentionnant l'équilibre entre les systèmes nerveux sympathique et parasympathique.
    (...) Mais il contestait une des hypothèses fondamentales des scientifiques: celle que le monde matériel est réel.

    Nishijima rôshi était quelqu'un d'étrange.
    C'est ce que j'aimais en lui.

    Pour ma part, j'étais tombé sur des textes de lui publiés en anglais sur le Net, que j'avais vite traduits en français, car ils me parlaient, correspondaient à mes expériences, et donnaient un sens extrêmement vivace à tout ce que je vivais et répondaient aux questions que je me posais.

    Je suis loin de l'avoir connu d'aussi près que Brad Warner et Mike Luetchford, je ne l'ai rencontré que bien après avoir voulu traduire ses textes, et pendant plusieurs jours (pratiquement une semaine), en 2003, je lui ai servi de chauffeur et de traducteur, et j'ai pu discuter personnellement avec lui et avoir des réponses à certaines questions.
    Par la suite, lorsque, à ma grande surprise, il m'a écrit pour me dire qu'il voulait que je reçoive sa transmission du Dharma, j'ai pris mon courage à deux mains, j'ai fait un emprunt, et je suis allé passer trois semaines chez lui à Tokyo.
    J'ai pu comprendre alors ce que voulait dire Brad, en écrivant dans son premier livre que "Nishijima est comme un typhon: quand il entre dans une pièce, tout ce qu'on peut espérer, c'est qu'on sera encore vivant quand il en sera sorti".

    Il était tout petit, mais il y avait en lui une énergie terrible. Sa voix était comme un clairon (vous pouvez l'entendre sur les vidéos), et il n'avait aucun intérêt à vous convaincre. Il posait les choses, il donnait les pistes, et c'était à nous de vérifier par nos propres moyens que ce qu'il disait est juste.

    Vous savez, beaucoup de personnes s'intéressent au bouddhisme en réaction à l'extrême matérialisme de notre monde, et du coup, se perdent dans le spirituel et l'immatériel. Le mysticisme peut être alors une grande tentation. Mais ce que j'ai aimé chez Nishijima, c'est l'équilibre. Cette idée que l'action est l'interface entre l'idéal/spirituel et le matériel. Comme je suis artisan, cela m'a paru une évidence, probablement bien plus facilement que pour la plupart des gens qui s'intéressent au Zen, à partir de considérations strictement intellectuelles. Cette idée de l'interface et de l'équilibre est pratique, praticable. Et c'est pour cela que j'essaie de l'enseigner, de la transmettre, par gratitude envers le Vieux Gudo qui me l'a fait voir.
    chifoumi
    chifoumi
    Amateur
    Amateur


    Féminin Nombre de messages : 279
    Humeur : Fluctuante ...
    Date d'inscription : 01/05/2018

    Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima Empty Re: Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima

    Message par chifoumi Mar 29 Jan 2019 - 17:50

    C'est un bel hommage que tu lui rends là, je trouve.

    Quand j'ai lu "face au dragon", j'ai apprécié l'humilité et la simplicité de Nishijima.

    Je crois qu'il faudrait que je le relise, à la lumière de ce que j'ai appris depuis, parce que je trouve qu'elle est difficile à saisir cette réalité. Facile de ne pas voir la réalité d'un paradis céleste ou d'une altération du mental, facile de se dire qu'elle est distorsion et ne se limite pas à ce qu'on voit, facile de se dire qu'elle est illusion, qu'elle est autre chose que le monde matériel perçue par les sens.

    Mais quoi ... "Cet équilibre. Cette idée que l'action est l'interface entre l'idéal/spirituel et le matériel.Cette idée de l'interface et de l'équilibre est pratique, praticable."
    Elle est difficile à saisir cette réalité ...

    Moi, je trouve difficile à saisir cet instant où les contraires coïncident et ne font qu'un.
    Parfois, on croit s'en approcher un peu, et dès qu'on croit avoir compris quelque chose, il disparait.


    Dernière édition par chifoumi le Mar 29 Jan 2019 - 22:10, édité 1 fois
    Yudo, maître zen
    Yudo, maître zen
    Admin
    Admin


    Masculin Nombre de messages : 3335
    Age : 75
    Localisation : Montpellier
    Emploi/loisirs : Artisan/ Maître zen
    Humeur : Colérique, lourd, égoïste, antipathique.Ou sympa, équanime, altruiste et sympathique. C selon
    Date d'inscription : 13/04/2008

    Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima Empty Re: Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima

    Message par Yudo, maître zen Mar 29 Jan 2019 - 18:22

    Mets toi au repassage, ou à la cuisine et prépare un plat quelconque, en pensant à ce qui est écrit là. Tu en verras l'application réelle.
    Il faut faire, parce que la réalité est là.
    chifoumi
    chifoumi
    Amateur
    Amateur


    Féminin Nombre de messages : 279
    Humeur : Fluctuante ...
    Date d'inscription : 01/05/2018

    Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima Empty Re: Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima

    Message par chifoumi Mar 29 Jan 2019 - 22:14

    Ah! Je crains que cette vision de la femme soit une illusion... Smile
    Yudo, maître zen
    Yudo, maître zen
    Admin
    Admin


    Masculin Nombre de messages : 3335
    Age : 75
    Localisation : Montpellier
    Emploi/loisirs : Artisan/ Maître zen
    Humeur : Colérique, lourd, égoïste, antipathique.Ou sympa, équanime, altruiste et sympathique. C selon
    Date d'inscription : 13/04/2008

    Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima Empty Re: Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima

    Message par Yudo, maître zen Mar 29 Jan 2019 - 22:28

    chifoumi a écrit:Ah! Je crains que cette vision de la femme soit une illusion... Smile

    A ce compte, comme disait Decaune, "l'homme est une femme comme les autres"...
    Je repasse, je couds et je cuisine.
    zanshin
    zanshin
    Modératrice
    Modératrice


    Féminin Nombre de messages : 1062
    Age : 75
    Localisation : Suisse
    Emploi/loisirs : retraitée du corps médical (ordonnée nonne zen en 1984)
    Humeur : attentive
    Date d'inscription : 01/06/2013

    Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima Empty Re: Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima

    Message par zanshin Mer 30 Jan 2019 - 5:26

    Dans le travail manuel tout le monde est dans l'égalité.
    Les tâches du quotidien sont le terrain privilégié des moines dans le temple, et ils font toutes les tâches y compris le repassage.
    Ce qu'il faut comprendre, d'après ma propre opinion, c'est que c’est dans l'action, même la plus ordinaire, qu'il est possible de toucher la réalité (dont on se sent souvent absente). Wink

    Contenu sponsorisé


    Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima Empty Re: Cinquième anniversaire du décès de maître Gudo Nishijima

    Message par Contenu sponsorisé


      La date/heure actuelle est Ven 26 Avr 2024 - 18:07