Same Old Zen
Kakuyô a écrit: Le Bouddhisme occidental se meurt
Je suis ce que la plupart appellerait un "vieux 'millennial'". Autrement dit, je suis assez vieux pour me rappeler une enfance sans internet et smartphones, mais assez jeune pour connaître la différence entre Tik Tok et Twitter.
Je suis assez vieux pour que, si je dis à quelqu'un, "Je suis un adulte, ne me parlez pas ainsi," ils vont écouter. Mais encore assez jeune pour que quiconque de plus de 50 ans soit mon aîné, et je m'incine respectueusement devant leur sagesse.
Autrement dit, je suis à l'âge où prévoir sa retraite n'est pas une idée abstraite; un âge où l'on commence à penser aux grandes questions comme, la mort, la perte de vieux amis et comment vivre une existence utile.
Ce sont toutes là des questions auxquelles le Bouddhisme répond avec succès depuis 2 600 ans. Donc, pourquoi n'y a-t-il pas plus de gens de mon âge dans les temples bouddhistes?
Il y en a qui l'attribuent à un manque de spiritualité dans ma génération. Mais je ne le crois pas. Quand je me suis certifié en respiration et méditation, les classes étaient pleines de gens de mon âge et moins. Et ces classes n'étaient pas données: les coûts allaient de 1000 à 3000 dollars. Pendant ce temps, je suis toujours le jeunôt dans la pièce, lorsque je vais dans des centres bouddhistes qui enseignent la méditation et la respiration consciente gratis.
Comme nous entrons dans une nouvelle décade, voilà un problème que les enseignants bouddhistes doivent traiter. Au fur et à mesure que meurent les hippies qui remplissaient les premiers centres de Dharma américains, il va nous falloir trouver de nouveaux membres pour les remplacer. Ou peut-être pas, et peut-être le Bouddhisme occidental est-il comme une de ces rave parties en forêt: c'est beau tant que ça dure, mais c'est destiné à mourir dès le lever du soleil.
Mais si nous choisissons de considérer ce problème de maintenir en vie le Dharma en Occident, il y a trois choses que nous devrions considérer:
L'hospitalité:
L'attitude que je vois en général dans les centres de Dharma pourrait être au mieux décrite comme, "On va pas vous jeter, mais on s'en fout si vous restez". J'entre et me trouve en contact malaisé avec d'autres personnes qui traînent, en faisant attention à ne pas entre en contact visuel avec moi.
Si j'ai de la chance, quelqu'un me dira où mettre mes chaussures, et nous traînons tous des pieds jusqu'à la salle de méditation où il me faut regarder la personne à côté pour savoir quoi faire d'un moment à l'autre. Après la cérémonie, le malaise augmente alors que les gens continuent à éviter mon regard, et nous rentrons tous chez nous.
J'ai parlé à plusieurs personnes qui ont fait des expériences similaires en entrant dans d'autres centres. Et je me demande pourquoi c'est. Cela remonte probablement aux vieilles histoires zen de disciples devant faire leurs preuves, en se coupant des morceaux de corps avant de pouvoir s'asseoir avec un maître. Je pense qu'il y a place pour ça. Je pense qu'il y a de la place pour amener les gens à se battre pour avoir quelque chose; même si ce combat n'est que de se trouver seul dans le zendo pendant que tout le monde vaque à ses petites affaires.
Mais ce n'est pas une attitude utile si nous voulons que des gens deviennent des membres actifs de nos sanghas. C'est particulièrement contre-productif, lorsqu'ils peuvent aller au studio de yoga en bas de la rue où on leur offre une bouteille d'eau et un Groupon dès qu'ils passent la porte.
Cette différence d'attitude est importante. J'imagine que c'est comme celle entre quelqu'un qui dit: "J'aime tout le monde", et celle qui dit: "je t'aime". Oui, la première inclut la seconde, et il n'y a aucune raison logique que les deux phrases ne puissent marcher. Mais il y en a une qui ne marche pas, et qui ne marchera jamais, parce que nous sommes humains.
Un être humain ne réagira jamais à "J'aime tout le monde" de la même façon qu'il réagira à "je t'aime".
Il faut que nous donnions aux gens l'impression que nous voulons qu'ils restent, que nous nous soucions d'eux, lorsqu'ils viennent à nos centres. Ça n'a nul besoin d'aller jusqu'aux embrassades et aux bises, mais est-ce trop demander que d'accueillir les nouveaux venus à la porte et de leur faire visiter la salle de méditation? Oui, je sais, les classes de débutants, c'est le vendredi, et ils sont bêtement arrivés un mercredi, mais pourquoi est-ce si difficile de leur offrir un minimum d'initiation aux règles et formes avant que la séance commence?
Franchement, on pourrait résoudre un tas de problèmes si nous descendions de nos grands chevaux et que nous traitions les nouveaux avec respect, et pas juste une politesse glaciale.
La passion:
Si on veut que les centres bouddhistes soient pertinents, voire utiles, ils doivent nous donner quelque chose qu'on ne trouve ni sur Facebook ni sur Youtube. Ils doivent nous faire sentir quelque chose, nous enseigner quelque chose qu'ils ne trouveront pas ailleurs. Et s'ils ne le peuvent pas, à quoi bon?
C'est particulièrement vrai pour une génération techno comme la mienne. On peut trouver en ligne des gigantesques quantités de textes bouddhistes, on peut écouter des enseignements du Dharma sur nos smartphones, on on crée chaque jour de nouvelles apps pour nous offrir des méditations guidées. Donc qu'est-ce qu'un enseignant bouddhiste peut offrir qu'on ne trouvera pas ailleurs?
En pondérant cette question, mes souvenirs s'égarent du côté de l'église chrétienne de ma jeunesse. Le pasteur était un monsieur âgé, charismatique et bien versé dans les Ecritures. Je ne me rappelle pas qu'il ait pu monter en chaire sans me laisser ressentir quelque chose, que ce fusse de la peur, de la joie, ou de l'étonnement une fois son sermon fini.
Je me rappelle un sermon où il expliquait que nous ne devions pas avoir peur d'être chrétiens dans un monde qui voulait notre destruction. On nous disait constamment que les non-chrétiens voulaient notre peau, donc ce n'était rien de nouveau. Mais quand il s'est mis à nous expliquer que Dieu nous protégerait si nous avions la foi, il a affirmé:
Nous adorons un dieu qui adore se battre. Nous adorons le dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; un dieu qui a levé" sa main contre les Edomites et leur a dit: "Par ma vengeance, vous connaîtrez que mon nom est Le Seigneur!"
Ce sont là des paroles fortes, passionnées. C'est le genre de mots qui vous pousse à vous lever et à vous rendre à l'église le dimanche quand vous préféreriez rester au lit. Et quand j'étais enfant, c'était le genre de mots qui me tenaient éveillé la nuit, en me demandant si j'avais vexé une divinité vengeresse.
Donc, ce sermon était, pour dire le moins, problématique. Mais le fait que je m'en souvienne encore plus de deux décennies après signifie quelque chose. Je me demande si les bouddhistes occidentaux donnent des sermons dont on se souviendra, ou si on se contente d'ânonner des listes et de réciter des kôans dans l'espoir qu'on prendra notre opacité pour de la sagesse?
La passion est la seule chose qu'un enseignant puisse offrir qu'on ne trouvera pas ailleurs. Si notre travail ne nous passionne pas, si nous ne faisons rien sentir aux gens avant qu'ils repassent la porte, pourquoi voudrait-on qu'ils reviennent?
La praxis:
Pour les théologiens, la praxis est la religion incarnée. C'est là que les philosophies éthérées des meneurs de foi deviennent pratiques et utiles dans la vie de tous les jours. La praxis, c'est un enseignant bouddhiste qui explique comment la pratique de la parole correcte peut amender les relations familiales. C'est un étudiant qui effectue des prosternations devant l'autel pour mieux apprendre l'humilité. C'est un maître qui guide une classe à travers des méditations sur la bonté aimable parce que les gens ont des problèmes avec la colère.
Bref, la praxis en contexte bouddhiste consiste à utiliser des enseignements du Dharma spécifiques pour résoudre des problèmes de monde réel pour nos étudiants. C'est précisément ce que faisait le Bouddha dans le Canon pâli, où l'on voit essentiellement des moines et des laïcs venir à lui avec leurs problèmes pour qu'il puisse leur enseigner quelque chose qui les aide.
Malheureusement, cette approche de bon sens est rare dans les sanghas occidentaux. En fait, j'ai vu des enseignants sourire en disant aux étudiants que le Bouddhisme ne sert à rien! Oui, c'est correct en termes de l'absolu et de tout se résolvant dans le non-né.
Mais les gens ne vivent pas juste dans l'absolu. Ils vivent aussi dans le monde conventionnel. Ils vivent dans des corps physiques et, comme le dit la Rév. Lyvonne Picou, nous ne pouvons prendre soin d'un esprit sans prendre soin d'un corps.
Le Bouddha le comprenait, alors pourquoi est-ce si difficile à comprendre pour nous? Nous devons pouvoir tracer une ligne entre nos enseignements et leur application dans la vie quotidienne. Et si nous ne pouvons pas le faire pour nos étudiants, ils quitteront les centres bouddhistes et trouveront ailleurs quelqu'un qui le pourra. C'est déjà le cas pour plein de gens de mon âge.
Mais pour notre défense, lorsque nous allons dans des centres séculiers de méditation, ils expliquent la réaction primale au stress et offrent des gabarits de méditation qui sont conçus pour nos besoins spécifiques. Quand nous allons dans un centre bouddhiste, on se fait dire que, si on pratique pendant trente ans, tout deviendra clair. Pour qui n'est pas déjà en amour avec le Dharma, il est tout naturle que la première forme soit plus attirante que la seconde.
Le Bouddhisme a grandi et changé d'innombrables fois au cours des derniers 26 siècles. Il a survécu aux guerres, aux persécutions et aux désastres naturels. Et à chaque fois, il a ressurgi dans un nouveau coin du monde, plus fort et plus beau qu'avant. Aujourd'hui, son défi, c'est notre apathie. Et ce sera le boulot des bouddhistes occidentaux que de décider ce qui vient ensuite.