Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    Message par Yudo, maître zen Mar 15 Sep 2009 - 16:54

    Il me prend d'un doute par rapport à l'affichage de ce sujet,
    (https://zen-et-nous.1fr1.net/t243-shinji-shobogenzo)

    J'en change donc le titre.


    Dernière édition par Yudo, maître zen le Dim 6 Mai 2012 - 18:02, édité 1 fois
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    Message par Yudo, maître zen Mar 15 Sep 2009 - 16:54

    QUATRE

    Ryo, le Zasu (maître du temple) du mont Sei du district de Ko, devint un jour le disciple de Baso. (Mazu)

    Maître Baso lui dit : Sur quel sûtra vous appuyez-vous pour vos cours?

    Ryo répondit : Sur le Sûtra du Coeur

    Maître Baso lui dit : Comment en parlez-vous?

    Ryo répondit : J'en parle avec mon esprit (rendu par le même caractère que pour coeur)

    Maître Baso lui dit : L'esprit est l'acteur principal, la volonté un acteur de soutien et les six sens suivent, aussi comment pouvez-vous parler du Sûtra?

    Ryo répondit : S'il est impossible à l'esprit de parler du Sûtra, dites-vous donc que seul l'espace vide peut en parler?

    Maître Baso lui dit : Même l'espace vide peut en parler.

    Ryo se prépara à partir en faisant claquer les manches de son kolomo. Maître Baso le rappela.

    Maître Baso lui dit : Kansu!

    Ryo tourna la tête.

    Maître Baso lui dit : De la naissance à la mort, ce n'est que cela!

    Ryo réalisa la vérité et se cacha sur le mont Sei. Personne n'a su ce qu'il était devenu par la suite.

    Commentaire de Gudo Nishijima roshi

    Le titre "Zasu" suggère un maître qui n'enseigne qu'un Bouddhisme théorique. La question "Comment parlez-vous du Sûtra?" signifie aussi "Comment exprimez-vous votre vie bouddhiste?" La réponse de Ryo était totalement inadéquate parce que le Bouddhisme qu'on n'exprime ou qu'on ne comprend que par l'intellect n'est pas réellement du Bouddhisme. Au mieux, ce n'est qu'un pâle fantôme de Bouddhisme.

    Ryo ne put accepter la critique et tenta de se moquer de maître Baso en rétorquant "Croyez-vous que seul l'espace vide peut parler du Sûtra?" Mais au lieu de se défendre de cette attaque, maître Baso lui répondit "En effet, vous commencez à vous en approcher". Le Bouddhisme est une étude de la réalité; son but et sa base fondamentale est la réalité elle-même.

    Ryo prit cette réponse pour signe de la sottise de son maître. Se levant pour quitter la pièce, il agita ostensiblement ses bras pour bien montrer sa fierté d'avoir battu son maitre; mais Baso le rattrappa en lui lançant "De la naissance à la mort, ce n'est que cela!". Ces paroles l'ont brutalement sorti de son petit jeu intellectuel, l'obligeant à affronter la réalité ici et maintenant. Ce n'est que cela, lui dit le maître; deux êtres humains nés au monde et tous deux destinés à mourir, vivant la réalité instant par instant.

    Après avoir réalisé la vérité, Ryo disparut à jamais dans les montagnes. Quel contraste avec son attitude précédente, si pleine de morgue!
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    Message par Yudo, maître zen Mer 16 Sep 2009 - 18:35

    CINQ

    Un laïc du nom de Ho-on du district de Jo demanda à maître Sekito: Quelle sorte de personne est indépendante de toutes choses et de tout phénomène?

    Maître Sekito lui couvrit la bouche de sa main.

    A cela, le laïc réalisa la vérité clairement et soudainement.

    Une autre fois, il posa la même question à maître Baso Do-itsu.

    Ho-on lui dit: Quelle sorte de personne est indépendante de toutes choses et de tout phénomène?

    Maître Baso Do-itsu répondit: Je vous répondrai lorsque vous aurez bu toute l'eau de la rivière Seiko d'une seule gorgée.

    La laïc réalisa la vérité en entendant ces paroles.

    Commentaire de Nishijima roshi

    "Une personne indépendante de toutes choses et de tout phénomène" signifie quelqu'un qui a atteint la vérité bouddhique. Ho-on demandait au maître de lui décrire l'état d'une personne qui a transcendé le monde des choses relatives et des phénomènes. Il avait posé cette question et s'apprêtait à se rasseoir pour entendre la réponse du maître.

    C'est alors que Sekito lui avait placé la main sur la bouche. Ce qui représente un glissement de la sphère idéaliste ou mentale de la question au monde tangible d'une main et d'une bouche réelles. Ho-on avait posé sa question et s'était soudain retrouvé dans l'incapacité de parler, tout comme il était impossible au maître de rien dire qui put décrire l'état d'éveil. La passage soudain du monde de l'intellect au monde matériel a permis à Ho-on de voir clairement les deux aspects de la réalité. Il avait pu ainsi découvrir la nature d'une personne qui est indépendante de toutes choses et de tout phénomène.

    La seconde partie du kôan est similaire. Le laïc pose sa question et le maître la lui renvoie sous la forme d'une demande tout aussi impossible. Celle-ci montre la nature de la première phase: il nous est facile d'imaginer d'avaler l'eau de la rivière Seiko en une seule gorgée, mais le faire en réalité est tout autre chose.

    Il nous est facile de créer l'image d'une personne éveillée ou d'élaborer des théories ou des opinions complexes, mais vivre effectivement dans la réalité, s'asseoir effectivement sur son coussin et pratiquer est d'un tout autre ordre.
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    Message par Yudo, maître zen Jeu 17 Sep 2009 - 11:13

    SIX

    Un jour, un moine demanda à maître Roya Ekaku du district de Joshu: Il est dit que l'Univers est pur et montre sa forme originelle. Comment donc lui est-il possible de manifester les montagnes, les rivières et la terre?

    Roya Ekaku répondit: L'Univers tout entier est pur et montre sa forme originelle. Comment donc lui est-il possible de manifester les montagnes, les rivières et la terre!

    Commentaire de Nishijima roshi:

    Maître Roya répond à la question du moine en répétant sa question. Mais sa répétition est rhétorique. Il dit en effet qu'il n'est pas possible à l'Univers de manifester les montagnes, les rivières et la terre car il est pur et montre sa forme originelle. Les montagnes, les rivières et la terre sont des concepts et des idées qui servent à décrire l'ineffable réalité de l'Univers. Celle-ci est toujours pure et montre sa forme originelle.

    D'un autre côté, on peut aussi dire que la forme originelle et la pureté de l'Univers ne sont rien d'autre que les montagnes, les rivières et la terre. Les quatre philosophies peuvent nous permettre d'élucider ce kôan.

    Dans la première phase, nous avons une assertion bouddhique idéaliste, selon laquelle l'Univers est pur et montre sa forme originelle.

    La question du moine est dans la seconde phase. Il ne peut voir la pureté de l'Univers ni sa forme originelle. Tout ce qu'il voit, ce sont les montagnes, les rivières et la terre. Ceci est le point de vue matérialiste.

    La réponse de maître Roya est à situer dans la troisième phase, qui est une synthèse des deux points de vue précédents. Les montagnes, les rivières et la terre n'existent pas: ce ne sont que des étiquettes qui tentent de décrire ce qui est, en fin de compte, au-delà de toute description et qui est la forme originelle de l'Univers pur. Cette forme originelle n'est pas une vague idée ou un esprit qui flotterait quelque part dans l'espace. Ce n'est rien d'autre que la réalité elle-même. Ce sont les montagnes, les rivières et la terre.

    La quatrième phase est la réalité elle-même. On peut la voir comme pure et comme forme originelle de l'Univers, ou bien comme montagnes, rivières et terre; mais en définitive, elle se situe au-delà de toute description de ce genre. On doit la vivre directement. Et la pratique qui permet de vivre directement la réalité s'appelle Zazen.
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    Message par Yudo, maître zen Jeu 17 Sep 2009 - 21:57

    SEPT

    Maître Beiko de la ville de Keicho dit à un moine d'aller poser la question suivante à maître Kyozan Ejaku : Est-ce qu'un homme qui vit dans l'instant présent a besoin de l'Eveil ou pas?

    Maître Kyozan Ejaku répondit: Il serait faux de dire qu'il n'y a pas d'Eveil, mais je ne puis éviter de tomber dans la conscience duelle.

    De retour auprès de maître Beiko, le moine rapporta ce que maître Kyozan avait dit.

    Maître Beiko confirma vigoureusement les paroles de maître Kyozan.

    Commentaire de Nishijima rôshi

    "Tomber dans la conscience duelle" signifie entrer dans l'état où notre conscience est divisée. Dans cet état, il y a un "je" qui regarde, que certains kôans appellent la "seconde personne". Il s'agit là du mode sujet-objet d'être au monde, qui est, de par sa nature propre, partiel; il ne recouvre pas la totalité de la réalité. Lorsque nous agissons, notre conscience s'unifie et nous cessons de percevoir la séparation entre sujet et objet.

    Maître Kyozan dit que, même s'il ne peut nier qu'il existe pour lui un état d'éveil, il est tout aussi vrai que parfois il retombe dans une façon divisée de considérer le monde. Il s'agit là d'une réponse très réaliste et honnête. La vue idéaliste est que l'Eveil soit soudain et complet. Qu'une fois que nous aurions gagné le grand prix spirituel de l'Eveil, nous deviendrions des surhommes spirituels ou des dieux, plus jamais troublés par les minables préoccupations de l'existence. Mais maître Kyozan soutient que, même si parfois nous faisons l'expérience de l'état d'éveil, il arrive aussi que notre conscience soit divisée.


    Dernière édition par Yudo, maître zen le Ven 18 Sep 2009 - 10:14, édité 1 fois
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    Message par ZEM Ven 18 Sep 2009 - 3:13

    Yudo, maître zen a écrit:même si parfois nous faisons l'expérience de l'état d'éveil, il arrive aussi que notre conscience soit divisée.

    Mais n'est ce pas parce que cet état n'est pas un état permanent à obtenir, mais une suite d'états d'être fragiles et sensibles ?

    chaleureusement dans le Dharma
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    Message par ZEM Ven 18 Sep 2009 - 3:16

    Yudo, maître zen a écrit:

    Commentaire de Gudo Nishijima roshi

    deux êtres humains nés au monde et tous deux destinés à mourir, vivant la réalité instant par instant.

    finalement en relisant cela, je pense que cela répond à ma précédente question

    chaleureusement
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    Message par Huanshen Ven 18 Sep 2009 - 16:43

    L'idée d'un éveil subit, immédiat et définitif me semble effectivement idéalisée, car il y a des degrés d'approfondissement. Je pense notamment aux Cinq Rangs de Tozan, aux dix Bhumis d'Asanga ou même aux quatre accomplissements (Phala) du Theravada. Si les maîtres Zen ont majoritairement mis l’accent sur la nécessité d'une ouverture soudaine à notre vraie nature, c'est qu'il est préférable de voir la voie (Tao) avant de pouvoir la parcourir; sans quoi la pratique-réalisation du Zen n'est qu'un jeu intellectuel ou un polissage de briques.
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    Message par Yudo, maître zen Dim 20 Sep 2009 - 20:14

    HUIT

    Maître Baso Do-itsu de Kozei dans le district de Ko servit de jisha (secrétaire au maître Nangaku Ejo et en reçut intimement le sceau de l'esprit du Bouddha Gautama. Il vécut au temple Denpo constamment assis en zazen et fut le plus remarquable des disciples de maître Nangaku. Ce dernier savait que Baso montrait d'exceptionnelles qualités dans l'étude du Bouddhisme.

    Maître Nangaku alla trouver Baso et lui demanda : Or donc, grand moine, quelle est votre intention quand vous pratiquez zazen?

    Baso Do-itsu lui répondit: Je veux devenir un bouddha.

    Nangaku Ejo ramassa un morceau de tuile et se mit à le polir sur une pierre, face à l'entrée de la hutte de Baso.

    Baso Do-itsu dit: Maître, que faites-vous là?

    Nangaku Ejo répondit: Je polis cette tuile pour en faire un miroir.

    Baso Do-itsu dit:Comment pensez-vous faire un miroir en polissant une tuile?

    Nangaku Ejo répondit: Comment pouvez-vous penser devenir un bouddha en vous pratiquant zazen?

    Baso Do-itsu dit:Que faudrait-il donc faire?

    Nangaku Ejo répondit: Lorsqu'un homme voyage en voiture, si la voiture n'avance pas, que doit-il faire? Frapper la voiture ou frapper le boeuf qui la tracte?

    Baso Do-itsu ne sut que répondre.

    Nangaku Ejo enseigna en plus: Apprendre zazen, c'est apprendre que vous êtes un bouddha en zazen. Lorsque vous apprenez zazen, c'est différent du comportement quotidien, tel s'asseoir ou se coucher. Cependant, lorsque vous apprenez que vous êtes un bouddha en zazen, ce bouddha est au-delà de toute forme fixe.

    Nangaku Ejo dit: Dans l'Univers, il ne faut pas préférer le bien ou le mal à l'instant présent. Lorsque vous pratiquez l'être bouddha en zazen, vous vous débarrassez inévitablement du concept de bouddha. S'attacher à la forme de s'asseoir, c'est ne pas avoir compris parfaitement le principe de zazen.

    En entendant cet enseignement du maître, Baso se sentit comme s'il avait bu un doux nectar.

    Commentaire de Nishijima roshi

    On interprète en général ce kôan dans le sens qu'il ne serait pas possible de devenir un bouddha juste en pratiquant zazen. Mais l'interprétation de maître Dôgen est assez différente. C'est l'idée de devenir intentionnellement qu'il attaque. Lorsqu'une personne est assise en zazen, elle est d'emblée un bouddha. Elle ne peut pas re-devenir un bouddha. Le polissage n'est pas la fabrication d'un miroir, elle n'est que l'action de polir -- l'action d'un bouddha.

    Qu'est-ce que cela veut dire qu'on est un bouddha lorsqu'on est assis en zazen? Assis en zazen, nous faisons directement face à la réalité. Nous affrontons nos pensées, nos émotions et l'inconfort (physique et mental). Nous constatons également que la réalité est bien davantage que des pensées ou que le corps.

    Voilà qui est difficile à observer, en particulier pour les débutants. Lorsqu'ils sont assis, ce qu'ils ressentent habituellement est douleur et ennui, ce qui s'éloigne beaucoup de l'image idéalisée qu'ils se font de l'Eveil ou de la bouddhéité. Cependant, cette souffrance et cet ennui sont leur réalité.

    Au cours de notre vie quotidienne, nous faisons de grands efforts pour échapper à cet aspect de la réalité ou pour le balayer sous le tapis. En zazen, nous l'affrontons directement. On ne peut y échapper; il faut le vivre et en faire l'expérience. La réalité n'est pas que souffrance et ennui, il existe bien d'autres aspects de la réalité différents et bien plus profonds encore. On les affronte eux-aussi en zazen, mais on les affronte tels qu'ils surgissent naturellement d'eux-mêmes.

    Les images que notre intellect s'est formé de l'éveil ne pourront en aucun cas accélérer ce processus. L'intellect lui-même n'est rien d'autre qu'un mince couche superficielle à la surface d'un océan de la réalité du corps/esprit qui est bien plus profond.

    Maître Baso demande ensuite ce qu'il doit faire et maître Nangaku se sert de la parabole du char à boeufs. Si le boeuf est rétif, on peut le faire avancer en le frappant, mais si la roue du char est coincée, on pourra battre le boeuf tant qu'on voudra, cela ne fera pas avancer la voiture. Nous devons être attentifs à la réalité de la situation et ne pas projeter nos idées préconçues dessus.

    Le boeuf représente l'esprit ou les facteurs mentaux. Le char représente le corps ou les facteurs matériels. L'idéaliste ne pense qu'à aiguillonner le boeuf. Il ignore le char, jusqu'à ce que, peut-être, un jour celui-ci perde une roue et le renverse dans la boue.

    Le matérialiste ne pense qu'au char. Il le veut peut-être joli et rapide, ou encore le décorer d'or et de pierres précieuses tout en laissant le boeuf mourir de faim, de telle sorte que son beau char ne puisse plus bouger.

    Zazen est la pratique du corps/esprit, de l'être tout entier. Le bouddhiste tend à être à la fois le boeuf et le char.

    Maître Nangaku poursuit en expliquant la différence entre Zazen et le comportement quotidien. Il explique ce que signifie apprendre zazen : c'est-à-dire apprendre que nous sommes un bouddha en zazen. Il insiste sur la différence entre zazen et le comportement ordinaire, que sont par exemple s'asseoir et se coucher. En quoi est-ce différent? Dans notre vie de tous les jours, nous sommes habituellement liés par des pensées. Nous avons du mal à voir la réalité à cause de ces pensées. En zazen, on coupe à travers les nuages de pensées qui obscurcissent le paysage.

    D'autre part, zazen est également différent de nos états de relaxation habituels, en ce qu'il maintient une certaine tension physique et une certaine attention mentale. Maître Nangaku veut établir cette distinction entre zazen et notre vie de tous les jours parce qu'il y avait, et qu'il y a encore, des bouddhistes qui soutiennent que la conduite de notre vie quotidienne n'est pas différente de zazen. Et il est vrai qu'ils sont la même chose en ce qu'ils existent tous deux dans la réalité elle-même, mais au cours de notre vie quotidienne c'est bien plus difficile, et pour la plupart des gens, impossible, de voir avec clarté la réalité.

    En zazen, nous sommes assis dans la réalité et en faisons directement l'expérience d'une façon qui ne se produit que bien rarement dans notre vie de tous les jours. Celle-ci se trouve progressivement modifiée par cette expérience. Quand nous sommes assis en zazen, nous sommes des bouddhas. Un bouddha en zazen n'a pas de forme fixe. Il peut être grand et blond, petit et gros, cela peut être un athlète, une vieille femme, un ado. De plus, un bouddha en zazen a plusieurs états: paisible, serein, distrait, ennuyé, joyeux, etc.

    Il n'existe pas d'état unique qu'on pourrait pointer du doigt et dire, "Voilà ce que tu cherches. Lorsque tu auras atteint cet état, tu auras atteint la bouddhéité". De telles idées reçues ne sont que des images dans notre cerveau. Il n'y a pas de forme finie pour un bouddha. Chaque personne assise en zazen possède sa propre forme. C'est ainsi qu'on peut dire que Zazen est orné des formes infinies du bouddha.

    Maître Nangaku dit ensuite à Baso de ne pas préférer le bien ou le mal à l'instant présent. Au cours du flash instantané de la réalité, ni le bien ni le mal n'existent. Il n'y a ni de bouddhas ni de non-bouddhas. Dans la pratique réelle de zazen, on ne trouvera aucun "bouddha"; nos concepts de bouddha ont été laissés derrière et nous sommes libres de nous asseoir dans la réalité elle-même. Nous sommes libres d'être des bouddhas.

    Si nous nous attachons à la forme physique de s'asseoir, par exemple en nous concentrant sur la respiration ou en encourageant une attention physique constante, nous n'aurons pas compris que zazen, c'est s'asseoir dans l'unité du corps-et-esprit, l'état où on ne met aucun accent sur le mental ou sur le physique.
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    Message par ZEM Lun 21 Sep 2009 - 16:18

    Yudo, maître zen a écrit:
    Commentaire de Nishijima roshi
    Lorsqu'une personne est assise en zazen, elle est d'emblée un bouddha. Elle ne peut pas re-devenir un bouddha. Le polissage n'est pas la fabrication d'un miroir, elle n'est que l'action de polir -- l'action d'un bouddha.

    Je penserai au polissage la prochaine fois que je m'assieds ! le recueil des koans de maître Dôgen Icon_biggrin

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    chaleureusement et merci pour ces textes
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    Message par Yudo, maître zen Mar 22 Sep 2009 - 10:30

    NEUF

    Maître Obaku quitta un jour le mont Obaku, y laissant ses disciples, et se rendit au temple Dai-An. Il se mêla aux autres travailleurs et fit le ménage de la salle du Bouddha et de la salle de conférences.

    Un jour, le premier ministre Haikyu se rendit au temple pour brûler de l'encens. Un shuji (un des officiers du temple) le reçut.

    Le premier ministre, en voyant un portrait sur un mur, de manda : Quel personnage est-ce là?

    Le moine répondit : C'est le portrait d'un révérend moine.

    Le premier ministre dit : Je puis voir le portrait, mais où est le référend moine?

    Aucun des moines ne sut répondre à sa question.

    Le premier ministre demanda : Y a-t-il des hommes de zazen dans ce temple?

    Le moine répondit : Il y a un moine qui est venu travailler au temple récemment. Il pourrait être un homme de zazen.

    Le premier ministre dit : Pourriez-vous me l'amener, que je puisse lui poser la question?

    Les moines partirent immédiatement à la recherche de maître Obaku. En voyant ce dernier, le premier ministre eût l'air heureux et dit : Juste à l'instant, j'avais une question , mais aucun des moines n'arrive à y répondre. Je voudrais que vous répondiez à leur place, et me donniez une parole qui pourra changer ma vie.

    Maître Obaku lui dit : Monsieur le Premier Ministre, veuillez me poser votre question.

    Le premier ministre la lui répéta.

    Le maître cria très fort : Monsieur le Premier Ministre!

    Le premier ministre lui répondit.

    Le maître demanda : Où êtes-vous?

    Le premier ministre en fut éveillé, comme s'il avait reçu une perle provenant du noeud dans les cheveux du Bouddha Gautama.

    Il dit : Mon maître est vraiment un révérend moine.

    Puis il ré-invita Obaku à ouvrir le temple.

    Commentaire de Nishijima roshi

    La question du premier ministre "Je puis voir le portrait, mais où est le référend moine?" sépare le portrait de ce qu'il représente -- la représentation abstraite que fait le portrait du corps physique du moine représenté. La question désigne la différence entre les points de vue idéaliste et matérialiste. En "répondant"à la question, le maître rappelle le premier ministre d'une voix forte. Il s'agit là d'un fait concret, d'un son physique réel et ramène l'attention sur le second point de vue, qui est concret.

    A la réponse du premier ministre, maître Obaku lui demande alors "Où êtes-vous?", ce qui est centré sur l'endroit réel, la situation réelle dans laquelle ils sont impliqués. Cette question ouvre les yeux du premier ministre à la réalité de la situation telle qu'elle existe réellement à cet endroit-même. La distinction entre le portrait, ou l'idée, et ce qu'il représente a été transcendée. Il n'y avait pas deux choses : l'image de quelque chose et ce à quoi faisait référence cette image; il n'y avait qu'une seule réalité.

    Le premier ministre avait trouvé le révérend moine. Diriez-vous que maître Obaku était ce révérend moine? Qu'en est-il du premier ministre? Ne pourrions-nous pas également dire qu'il était lui-même le révérend moine de notre histoire? Peut-être bien que ce révérénd moine avait trouvé son propre véritable soi?

    Et qu'en est-il de vous dans vos vies? Vous avez sans nul doute vue de nombreux tableaux ou soutenu de nombreuses idées sur ce à quoi devrait ressembler une révérende personne. Mais sauriez-vous trouver cette personne dans la réalité, dans votre propre vie? Telle est la véritable tâche d'un bouddhiste.
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    Message par Yudo, maître zen Mer 23 Sep 2009 - 10:48

    DIX

    Un jour, un moine demanda au maître Seigen Gyoshi : Quelle était l'intention de maître Bodhidharma lorsqu'il se rendit d'Inde en Chine?

    Seigen Gyoshi répondit : Il a juste agi tel qu'il était.

    Le moine dit : Pourriez-vous me répéter ce que vous venez de me dire en des termes que je puisse comprendre?

    Seigen Gyoshi lui dit : Venez par ici.

    Le moine s'approcha du maître.

    Seigen Gyoshi lui dit : Rappelez-vous clairement de ceci!

    Commentaire de Nishijima rôshi:

    La première question du moine était un standard chez les étudiants bouddhistes : on demandait pour quelle raison Bodhidharma était venu en Chine pour apporter les enseignements bouddhiques. La question porte en réalité sur le but fondamental de la vie bouddhique. Maître Seigen Gyôshi dit que le comportement de Bodhidharma était juste ce qu'il était. Il faisait ce qu'il faisait. Son comportement était un simple fait historique, qui suivait les circonstances de son temps et le propre caractère de Bodhidharma.

    Certes, on peut trouver du sens et de l'importance aux actions de Bodhidharma, mais en réponse aux questions du moine, le maître choisit de souligner le simple fait objectif du comportement de Bodhidharma.

    Le moine n'a pas compris cette réponse et a voulu une explication plus détaillée, le maître lui demande alors de se lever de se rapprocher de lui. Alors qu'il fait cela, le maître lui dit : "Rappelez-vous clairement de ceci!".

    L'intention du maître est ici d'amener le moine à oublier ses abstractions un moment, et de se contenter de remarquer la réalité de cette simple action. Juste marcher, juste agir naturellement en réaction aux exigences réelles de la situation. Voilà pour quelle raison Bodhidharma a quitté l'Inde pour la Chine. Voilà quel est le coeur des enseignements qu'il a transmis.
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    Message par Yudo, maître zen Dim 6 Mai 2012 - 10:25

    ONZE

    Citation:

    Maître Joshu Jushin prêchait à une grande assemblée: Si nous avons conscience, ne fut-ce que légèrement, du bien et du mal, nous perdons complètement l'esprit de Bouddha. Quelqu'un a-t-il quelque chose à dire à ce sujet?

    Un moine s'avança et frappa le jisha du maître (son assistant), en disant: Pourquoi ne répondez-vous pas au maître?

    Le maître retourna sur le champ dans sa chambre. Après quoi le jisha lui demanda d'expliquer: Est-ce que le moine qui vient tout juste de me frapper a compris ce que vous vouliez dire?

    Joshu Jushin répondit: La personne assise pouvait voir la personne debout. Et la personne debout pouvait voir la personne assise.
    _______________
    Commentaire

    Maître Joshu diT que même une légère conscience du bien et du mal dérange notre stabilité. C'est notre esprit qui discrimine entre le bien et le mal. Cette capacité à diviser, discriminer et analyser est une partie essentielle de notre vie quotidienne, mais elle est incapable d'appréhender directement la réalité. L'esprit de Bouddha est un état dans lequel nous appréhendons directement la réalité, et il transcende donc nécessairement toute discrimination. Cette idée a pourtant conduit de nombreuses personnes à des conclusions erronées. Ils en tirent une idée très étrange de ce à quoi ressemble une personne qui vit dans cet état.
    Pour illustrer ce point, on peut faire valoir la différence entre un bébé et un bouddha. On peut dire d'eux qu'il vivent tous deux dans un état exempt des notions abstraites du bien et du mal. Le bébé, cependant, est ainsi parce qu'il n'a pas encore pleinement développé son esprit rationnel et discriminant, alors qu'un bouddha a réalisé que l'essence n'est pas juste de savoir ce qui est bien et mal, mais simplement de faire le bien et de ne pas faire le mal.
    La personne qui voit la réalité, qui vit dans le même état que le Bouddha, fait le bien à partir du plus profond de son être; et cela, non pas en suivant une liste de vertus écrite dans un livre, mais en suivant la loi même de l'Univers.
    Maître Joshu Jushin demandait si quelqu'un avait quelque chose à dire sur la conscience qui va au-delà du bien et du mal. Comme le langage est lui-même basé sur cette discrimination, on pourrait penser que le maître donne une tâche impossible à ses étudiants.
    Comment éviter la contradiction? Le moine de l'histoire choisit de répondre par le biais de l'action réelle. Le jeune moine qui a été choisi pour être l'assistant personnel du maître n'a pas encore enraciné son bouddhisme dans la réalité. Il est incapable de relever le défi posé par le maître, de sorte que l'autre moine accompagne la question abstraite du maître par quelques coups bien concrets, vus du second point de vue (matériel).
    Le comportement de ce moine est en soi la réponse à la question de maître Joshu. Il s'agit là d'une démonstration concrète de l'esprit qui agit correctement sans discrimination selon les besoins de la situation réelle.
    Dans la troisième phase du kôan, le jisha veut connaître le sentiment réel du maître sur les actions du moine qui l'a frappé. Sa question est sincère; c'est une question venue de sa vie réelle et pas juste un jeu philosophique.
    Dans la réponse de maître Joshu, les mots "la personne assise" renvoient à lui-même et "la personne debout" renvoient à l'autre moine. Ainsi, le maître confirme la compréhension du moine. Ils ont pu mutuellement se voir clairement. Leur entendement du Bouddhisme est le même.
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    Message par Yudo, maître zen Dim 6 Mai 2012 - 10:38

    DOUZE

    Maître Tôzan Ryôkai du district de In prêchait à une assemblée: Quand on a compris par expérience réelle ce que sont les Bouddhas ascendants, alors on peut se parler les uns aux autres.

    Un moine demanda alors: "Quelle sorte de "parler" serait-ce là?

    Tôzan Ryôkai répondit: Par exemple, quand un moine parle, il ne peut pas écouter.

    Le moine dit: Pouvez-vous écouter, dans ces circonstances, maître?

    Tôzan Ryôkai répliqua: Quand je ne parle, pas je puis écouter.

    ________________________________
    Commentaire

    Lorsque les gens réalisent la vérité, ils poursuivent leur pratique bouddhique habituelle ainsi que les tâches de leur vie quotidienne. C'est ce qui est signifié ici par "bouddhas ascendants".
    Maître Tôzan voulait expliquer ou démontrer les bouddhas ascendants à ses disciples. Le moine était intéressé par la nature des discussions qui prendraient place une fois que lui (et ses collègues) auraient fait l'expérience de l'état de bouddha ascendant par eux-mêmes.
    Il croyait sans doute que ce type de discussions entre bouddhas serait très sublime et mystique. Mais le maître le libère de cette erreur. Il dit que ce ne sont que des discussions ordinaires. "Lorsqu'un moine parle, il ne peut pas écouter." Quoi de plus ordinaire et pratique?
    Pourtant, notre moine pense que le maître, dans sa grande sagesse, n'est sûrement pas limité par des choses aussi ordinaires. Le maître Tôzan lui dit donc simplement: "Quand je ne parle pas, je puis écouter." Rien d'étrange ni de mystérieux à cela. Il en va de même de la vie d'un bouddha ascendant. Elle est simple, ordinaire et directe, mais les gens aiment tellement s'ériger des images ou des idoles qu'ils puissent vénérer, plutôt que de s'en remettre à leur propre pratique, qui peut parfois leur semble trop ennuyeuse et ordinaire.
    Cette histoire est un seau d'eau froide pour ceux qui se sont enivrés d'une idée romantique de ce qu'est le Zen.
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    Message par Yudo, maître zen Dim 6 Mai 2012 - 10:49

    TREIZE

    Un jour, un moine demanda au maître Tosu Daido du district de Jo: C'est comment, quand la lune n'est pas encore ronde?

    Maître Tosu répondit: La lune avale deux ou trois lunes.

    Le moine répondit: Et qu'en est-il, une fois que la lune est devenue ronde?

    Maître Tosu répondit: La lune vomit sept ou huit lunes.

    _____________________________
    Commentaire

    Ce kôan porte sur la relation entre les concepts et les choses concrètes. Tant que nous ne voyons pas la différence entre concepts et réalité, nous sommes capables de croire que les concepts sont eux-mêmes réels. Une fois cette différence comprise, on peut accepter de nombreuses représentations conceptuelles d'une réalité qui est au-delà de toutes ces représentations.
    C'est comment, quand la lune n'est pas encore ronde? La pleine lune était un symbole fréquent de l'état d'éveil ou de la réalité ultime. Maître Tosu Daido (Tosu Jisai, dans le texte) dit que la lune, ou le concept "lune", avale deux ou trois lunes réelles; c'est-à-dire que le concept n'est pas la même chose que la lune réelle. La complexité et la nature en changement permanent de la lune réelle sont simplifiées et obscurcies par le concept de "lune".
    Et qu'en est-il, lorsque la lune devient ronde -- une fois qu'on a fait directement l'expérience de la réalité? Alors cette lune réelle rejette de nombreux concepts différents qui tentent de décrire un quelconque aspect de la lune réelle. Celle-ci, dans tout son caractère varié, changeant d'un instant à l'autre, transcende les sept ou huit "lunes" conceptuelles.
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    Message par Kaïkan Dim 6 Mai 2012 - 15:22

    TROIS

    Maître Joshu Jushin du district de Jo demanda au maître Nansen: Qu'arrive-t-il à une personne qui a reconnu l'existence? Où va-t-elle?

    Maître Nansen répondit: Il va vivre dans la maison d'un bienfaiteur du temple face au portail d'entrée du temple et devient un buffle castré.

    Joshu Jushin dit: Je remercie le maître pour les enseignements que je viens de recevoir.

    Maître Nansen répondit: La nuit dernière, à minuit, la lune est entrée par ma fenêtre.

    Gudo Nishijima a écrit:



    Commentaire :

    Ce kôan commence de façon idéaliste par la question de maître Joshu sur le comportement d'une personne qui a reconnu la réalité. Il se peut que, à l'instar de nombreux de nos contemporains, il ait eu une vision idéalisée d'une telle personne: "Quel est le comportement des grands saints qui vivent dans la claire réalité sans obstacles? Quels miracles accomplissent-ils? Comment expriment-ils leur sublime sagesse?"
    Maître Nansen refusait ces choses. Il a pris l'idée abstraite de Joshu et l'a appliquée à une situation très concrète et pratique. Maître Nansen se faisait vieux. Avant longtemps, la vie rigoureuse du temple pouvait se montrer trop dure pour lui. Où irait-il? Il irait chez un bienfaiteur du temple, pas trop loin où il mènerait la vie d'un "buffle castré", qui vit en paix et tranquille sans causer d'ennuis à quiconque. Où va une personne qui peut reconnaître la réalité? Que fait-elle? Elle fait tout simplement ce qu'exige la situation.
    Joshu Jushin esprima sa gratitude pour les enseignements de son maître et le kôan se termine par la quatrième phase: la réalité elle-même. Maître Nansen y explique la simple merveille qu'est la réalité: le clair de lune qui luit par sa fenêtre tard la nuit. Toutes les situations comportent cette même beauté simple.

    PS : Il manque encore le UN et le DEUX que je n'ai pas trouvés. Yudo va certainement mettre la main dessus...
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    Message par Yudo, maître zen Dim 6 Mai 2012 - 18:00

    Ils sont sous la rubrique "Shinji Shobogenzo"
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    Message par Yudo, maître zen Lun 7 Mai 2012 - 13:52

    QUATORZE

    Un jour, maître Kyôzan Ejaku demanda au maître Isan Reiyu du Mont Isan dans le district de Tan: Lorsque des centaines, des milliers, et des dizaines de milliers de circonstances viennent à moi tout ensemble, que puis-je faire?

    Isan Reiyu: Le bleu est différent du jaune. Ce qui est long est différent de ce qui est court. Tous les êtres ont leur position dans l'Univers. Nous ne les intéressons pas.

    Maître Kyôzan se prosterna devant le maître.

    _____________________________
    Commentaire

    Kyôzan Ejaku demande quelle attitude avoir lorsque d'innombrables problèmes ou circonstances viennent tout ensemble à notre encontre. Cette question indique une attitude bien trop subjective, c'est pourquoi maître Isan y répond de façon objective.
    Le bleu est différent du jaune; le long est différent du court. Ce sont là des faits objectifs du monde réel. Ils n'ont aucun intérêt à nous faire du bien ou du tort. De plus, toutes choses et phénomènes dans l'Univers ont leur propre position ou place dans ce dernier.
    Nous n'avons pas à nous soucier des circonstances du monde. Nous devons nous en occuper de façon réaliste comme elles surviennent. Si nous traitons le problème qui nous fait face à l'instant, nous pouvons ensuite nous occuper du problème suivant. De la sorte, nous pouvons résoudre ces problèmes un par un. Il n'y a pas d'autre façon.
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    Message par Yudo, maître zen Lun 7 Mai 2012 - 14:05

    QUINZE

    Un jour, un moine demanda au maître Gensa Shibi du district de Fuku: J'ai su que vous disiez que l'Univers tout entier dans toutes les directions n'est qu'une seule perle brillante. Comment les étudiants du Bouddhisme peuvent-ils comprendre vos paroles?

    Gensa Shibi répondit: L'Univers tout entier dans toutes les directions n'est qu'une seule perle brillante. Quelle serait pour vous l'utilité de comprendre ceci avec l'intellect?

    Le jour suivant, Gensa Shibi demanda à son tour au moine: L'Univers tout entier dans toutes les directions n'est qu'une seule perle brillante. Comment comprenez-vous ceci?

    Le moine répondit: L'Univers tout entier dans toutes les directions n'est qu'une seule perle brillante. Quelle serait pour moi l'utilité de comprendre ceci avec l'intellect?

    Gensa Shibi dit: Je vois que vous vous êtes débattu comme un démon dans une caverne sur une montagne noire.

    ________________________________
    Commentaire

    La première question du moine suggère qu'il essayait de comprendre les paroles de maître Gensa Shibi de façon intellectuelle. Pourtant, ces paroles n'étaient pas le produit de l'intellect; elles procédaient de la longue expérience qu'avait Gensa de la pratique bouddhique. Elles étaient une expression de la réalité qui transcende l'intellect. C'est pourquoi Gensa Shibi disait qu'il était inutile de tenter de les comprendre intellectuellement.
    Le jour suivant, maître Gensa pose au moine la même question. Il s'agissait là d'un test ou d'une incitation pour amener le moine à exprimer sa véritable nature propre. Le moine répond en répétant les paroles de maître Gensa. Cette réponse imitative est rejetée catégoriquement. Le maître dit que le moine était comme un démon qui se débat dans une caverne sur une montagne noire. Il est pris au piège du monde obscur de l'intellect et se trouve bien loin de pouvoir voir la perle brillante.
    Le moine reconnaît que la vérité n'est pas qu'une affaire de l'intellect. Néanmoins, cette reconnaissance n'est elle-même affaire que de l'intellect. Il n'en a pas encore atteint un entendement intuitif, entendement qui n'a pas encore pénétré ses os et sa moëlle. Il fait des efforts, mais continue de se débattre dans le noir.
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    Message par Yudo, maître zen Lun 14 Mai 2012 - 15:06

    SEIZE

    Un jour, un moine demanda au maître Chosa Keishin de Konan [le Barbare...]: comment pouvons-nous faire que les montagnes, les rivières et la terre ne fassent qu'un avec nous?

    Chosa Keishin répondit: Comment pouvons-nous faire que les montagnes, les rivières et la terre ne fassent qu'un avec nous?

    ______________________________________
    Commentaire

    La question du moine provient du point de vue subjectif, car elle tient le monde subjectif [c-à-d., nous] pour primaire. Il demande comment le monde objectif [montagnes, etc.,] peuvent être amenées sous le contrôle du subjectif.
    Maître Chose part du point de vue opposé. Il tient le monde objectif comme primaire et demande comment le monde subjectif [nous-mêmes] pouvons être amenés à correspondre au monde objectif.
    Les deux questions peuvent être comprises de façon rhétorique: Comment une chose telle que de faire que les montagnes, les rivières, et la terre ne fassent qu'un avec nous pourrait-elle être possible? Et aussi: Comment une chose telle que de faire que nous ne fassions qu'un avec les montagnes, les rivières, et la terre pourrait-elle être possible? Le montagnes, les rivières et la terre ne sont que des montagnes, des rivières et la terre. Nous ne sommes que nous. Nous pouvons donc permettre au monde objectif et à nous-mêmes d'être ce qu'ils sont. Il n'est pas nécessaire de nous identifier aux montagnes aux rivières et à la terre.
    A partir d'un troisième point de vue, lorsque nous agissons, les montagnes, les rivières et la terre ne font qu'un avec nous. Dans l'action, on transcende la division entre les mondes objectif et subjectif. On a souvent décrit cela dans le Bouddhisme comme étant un état d'unité entre nous et le monde.
    Mais comme dans l'état d'action, nous faisons déjà un avec les montagnes, les rivières et la terre, en quoi nous serait-il nécessaire de faire en sorte de n'être qu'un avec elles?


    Dernière édition par Yudo, maître zen le Lun 14 Mai 2012 - 15:30, édité 1 fois
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    Message par Yudo, maître zen Lun 14 Mai 2012 - 15:24

    DIX-SEPT

    Maître Kyôgen Chikan du district de To était très malin et était d'une nature très vigoureuse. Il était dans l'ordre de maître Isan Reiyu. Il avait une vaste connaissance de nombreuses choses.

    Un jour, maître Isan Reiyu dit: Les choses que vous dites dans votre vie quotidienne sont toutes issues de phrases et de commentaires pris dans des livres. Vous êtes très bon quand il s'agit de citer les faits, mais là, j'aimerais que vous me disiez quelque chose du temps où vous étiez trop jeune pour savoir la différence entre l'est et l'ouest.

    Kyôgen Chikan dit alors un truc dans un effort pour expliquer le principe, mais ses paroles étaient totalement inadéquates. Il fouilla dont dans tous ses livres pour trouver une réponse, mais ne put rien trouver. Il en pleura. Il jeta alors tous ses livres au feu et les détruisit.

    Il dit: Je n'arriverai jamais à comprendre le Zen de toute ma vie. Autant partir dans la montagne et pratiquer seul.

    Il se rendit au Mont Buto où il se construisit une hutte sur l'emplacement où maître Nanyo Echu avait jadis vécu. Un jour, alors qu'il balayait la piste, un caillou frappa le pied d'un bambou et fit un son clair et fort. Kyôgen Chikan en fut immédiatement éveillé. Il écrivit ce poème:

    Le caillou frappa le bambou et ma conscience s'effondra.

    Je n'étais plus concerné par l'amélioration du corps et de l'esprit,
    J'étais devenu comme les anciens patriarches.
    Plus jamais mon esprit ne sera obscurci.
    Sans laisser trace de mon passage, je suis allé au-delà du son et de la forme.

    Dans tout le pays,
    Ceux qui ont atteint le Bouddhisme
    Feront mon éloge comme de qui parcourt la Piste Suprême.

    A l'écoute de ce poème, maître Isan Reiyu déclara: Cet enfant est devenu adulte.

    _________________________________________
    Commentaire

    Kyôgen Chikan était respecté pour sa science et son habileté. Maître Isan Reiyu démontre sans peine la superficialité de sa compréhension. Interrogé à un niveau plus profond que le seul niveau intellectuel, Kyôgen se retrouve pris au dépourvu. De désespoir, il abandonne tout espoir de réalisation bouddhique. Confronté à l'insuffisance de l'intellect, il n'arrive pas à reconnaître qu'il y a d'autres approches à la vérité bouddhique.
    Il décide donc d'aller vivre en ermite dans une hutte. Il y pratique le Bouddhisme sans espoir ni but. C'est ainsi qu'il arrive à cette compréhension qui lui échappait auparavant. Son poème montre clairement qu'il avait transcendé l'esprit discriminant de l'intellect et en était arrivé à vivre naturellement dans le même état que les anciens patriarches.
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    Message par Yudo, maître zen Lun 14 Mai 2012 - 15:40

    DIX-HUIT

    Maître Nansen Fugan du Mont Nansen dans le district de Chi partit un jour pour rendre visite à un homme qui vivait sur son domaine privé. Il découvrit que le propriétaire avait fait à l'avance des préparatifs pour le recevoir.

    Ce que voyant, le maître dit: Habituellement, lorsque je me déplace, personne d'autre ne sait où je vais. Comment saviez-vous que je viendrais pour vous être ainsi préparé?

    Le propriétaire répondit: Un dieu de cet endroit me l'a annoncé cette nuit.

    Le maître dit: Ma pratique est donc si faible que je puisse être repéré par un démon!

    Son jisha [son secrétaire] demanda alors: Vous êtes un grand révérend moine. Comment ce démon a-t-il pu vous espionner?

    Le maître dit alors: Mettez un bol de riz devant son sanctuaire.

    _________________________________
    Commentaire

    L'idée intéressante ici est que l'état d'esprit d'un individu puisse transcender les dieux et les démons, lorsqu'on pratique le Bouddhisme depuis un certain temps. Dans le Bouddhisme ancien, on disait de ceux qui avaient saisi la vérité qu'il pouvaient enseigner non seulement aux être humains, mais aussi aux dieux des cieux.
    Cette idée suggère que l'existence des dieux et des démons est une création mentale, mais que si l'on poursuit la réalité au travers de Zazen, on peut transcender ces créations. Cette histoire de maître Nansen suggère que l'état d'esprit d'un pratiquant bouddhiste véritable devrait transcender le monde du fantasme.
    La réponse ironique de Nansen à la fin est tout simplement d'offrir du riz à cette divinité, ce qui était la coutume traditionnelle de l'époque.
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    Message par Yudo, maître zen Mar 15 Mai 2012 - 0:30

    DIX-NEUF

    Maître Joshu demanda au maître Nansen: Quelle est la vérité?

    Maître Nansen répondit: L'esprit équilibré et constant est la vérité.

    Maître Joshu dit: Pouvons-nous y arriver intentionnellement?

    Maître Nansen répondit: Si nous avons une intention de ce genre, la vérité nous refusera.

    Maître Joshu dit: Si nous n'avons aucune intention d'arriver à la vérité, comment pouvons-nous la reconnaître?

    Maître Nansen répondit: La vérité n'appartient ni au fait de la reconnaître ni à celui de ne pas la reconnaître. La reconnaître est une sorte d'illusion. Ne pas la reconnaître n'est ni bon ni mauvais. Si nous reconnaissons sincèrement la vérité de la non-intention, la situation serait comme l'espace, qui est clair, serein et vaste. Comment donc pourrait-on oser se demander si c'est juste ou erroné?

    En entendant ces paroles de son maître, maître Joshu réalisa soudain quelque chose de profond.

    ______________________________
    Commentaire

    Qu'est-ce que la vérité [Ici, je dois mentionner l'usage assez particulier que fait maître Nishijima de ce mot. C'est ainsi qu'il traduit systématiquement "Eveil", tant ce mot et le légendaire qui l'entoure l'horripile]? Ici, maître Nansen nous le dit directement: l'esprit équilibré et constant est la vérité. Le hic, c'est que la vérité n'est pas les mots "esprit équilibré et constant"; la vérité est de vivre "esprit équilibré et constant". Joshu lui pose alors une question qui trouble de nombreux étudiants du Zen. Peut-on atteindre la vérité grâce à un effort intentionnel, ou non? Et si non, comment peut-on reconnaître la vérité lorsqu'on l'a trouvée?
    Maître Nansen dit que si nous poursuivons la vérité intentionnellement, la vérité nous fuira. Ceci parce que l'intention de l'atteindre est un produit de l'intellect. La vérité comprend notre être tout entier, et pas que l'intellect. De sorte que ce dernier ne pourra jamais nous mener à la vérité. En fait, la plupart des gens commence leur étude du Bouddhisme avec cette intention. Ils veulent atteindre ce merveilleux éveil dont ils ont tant entendu parler.
    Cependant, la pratique réelle n'est qu'une simple pratique; elle n'est pas souillée par des éléments extérieurs, peu importe leur noblesse ou leur beauté. L'idée d'atteindre à la vérité n'est que cela: une idée qui flotte quelque part dans notre cerveau. Habituellement, dans la pratique réelle du Bouddhisme, elle est vite remplacée par la sensation que nos jambes sont en feu.
    Ceci est sûrement plus important que l'idée d'éveil, parce qu'avec l'expérience de la douleur, nous apprenons que le monde n'est pas que pensée, pas qu'idées. Au fur et à mesure de notre pratique, nous "apprenons" d'autres choses, pas juste avec l'esprit ou l'intellect mais de tout notre corps-et-esprit. A ce moment, l'intention d'obtenir l'éveil parait assez adolescente. Nous pratiquons la réalité elle-même, c'est de cette réalité que nous faisons l'expérience.
    La vérité est claire et vaste, elle n'a aucune relation directe avec le conte de fées d'arriver à la vérité de par notre effort intentionnel.Il est temps de se débarrasser de ces sortes d'idées et de commencer la pratique réelle du Bouddhisme. Ce qui signifie Zazen.
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    Message par Invité Mar 15 Mai 2012 - 6:09

    Bonjour,

    DIX-HUIT
    (...) Un dieu de cet endroit me l'a annoncé cette nuit.

    Le maître dit: Ma pratique est donc si faible que je puisse être repéré par un démon! (...)
    ça me fait penser à cette histoire lue par ailleurs, du mouton blanc, Bel et du mouton noir, Rebel. Et la morale de l’histoire, c’est qu’ils sont tous les deux des moutons.

    DIX-NEUF (...)
    Commentaire
    (...)Habituellement, dans la pratique réelle du Bouddhisme, elle est vite remplacée par la sensation que nos jambes sont en feu.(...)
    personnellement, j'ai plutôt une sensation de glaçage des pieds jusqu'aux genoux, mais ça doit être parce que je fais pas assez longtemps pour sentir jusqu'au point où la glace commence à donner la sensation de brûlure.
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    Message par Franck Barron Mar 15 Mai 2012 - 13:00

    L'éveil est la cessation de la souffrance, c'est tout même remarquable cette façon de jamais évoquer le sujet, c'est par ce que c'est une vision Hinaya c'est surement cela ---)))).
    je rappelle qu'une des plus grande faute est de diviser les enseignements de Siddhartha, visiblement cela ne vous a jamais gêné. Alors il suffit de faire zazen pour être bouddha, je n'ai jamais vu quelqu'un qui pratiquait la méditation et qui n'est jamais eux des souffrances dans sa pratique, je rappelle que l'éveil est un phénomène permanent et qu'un phénomène transitoire zazen donc soumis à la souffrance ne peut pas être considéré comme l'éveil, faire zazen n'est pas une réalisation, l'éveil est une réalisation. Les moines du Théravada sont plus sages de dire que plus personne n'expérimentent le nibbana de nos jours, que de prétendre expérimenter quelque chose qui visiblement n'a absolument rien à voir avec l'éveil tel que la réalisé Siddhartha. Et puis cette manie de rejeter tous ce qui appartient à l’intellect, c’est parce que Siddharta a réfléchi à ce qui était la cause de la souffrance qu’il y est parvenu, s’il suffisait de s’assoir et de faire zazen. De plus il ne faut pas d’après vous avoir d’intention, suivre l’octuple sentier est du domaine des intentions, visiblement cela vous a échappé. Quelle façon remarquable de réécrire l’histoire du bouddhisme à votre sauce, et d’inventer sa propre interprétation du dharma très éloigné de la réalité.

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