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J'en change donc le titre.
Dernière édition par Yudo, maître zen le Dim 6 Mai 2012 - 18:02, édité 1 fois
Commentaire de Gudo Nishijima roshi
Le titre "Zasu" suggère un maître qui n'enseigne qu'un Bouddhisme théorique. La question "Comment parlez-vous du Sûtra?" signifie aussi "Comment exprimez-vous votre vie bouddhiste?" La réponse de Ryo était totalement inadéquate parce que le Bouddhisme qu'on n'exprime ou qu'on ne comprend que par l'intellect n'est pas réellement du Bouddhisme. Au mieux, ce n'est qu'un pâle fantôme de Bouddhisme.
Ryo ne put accepter la critique et tenta de se moquer de maître Baso en rétorquant "Croyez-vous que seul l'espace vide peut parler du Sûtra?" Mais au lieu de se défendre de cette attaque, maître Baso lui répondit "En effet, vous commencez à vous en approcher". Le Bouddhisme est une étude de la réalité; son but et sa base fondamentale est la réalité elle-même.
Ryo prit cette réponse pour signe de la sottise de son maître. Se levant pour quitter la pièce, il agita ostensiblement ses bras pour bien montrer sa fierté d'avoir battu son maitre; mais Baso le rattrappa en lui lançant "De la naissance à la mort, ce n'est que cela!". Ces paroles l'ont brutalement sorti de son petit jeu intellectuel, l'obligeant à affronter la réalité ici et maintenant. Ce n'est que cela, lui dit le maître; deux êtres humains nés au monde et tous deux destinés à mourir, vivant la réalité instant par instant.
Après avoir réalisé la vérité, Ryo disparut à jamais dans les montagnes. Quel contraste avec son attitude précédente, si pleine de morgue!
Commentaire de Nishijima roshi
"Une personne indépendante de toutes choses et de tout phénomène" signifie quelqu'un qui a atteint la vérité bouddhique. Ho-on demandait au maître de lui décrire l'état d'une personne qui a transcendé le monde des choses relatives et des phénomènes. Il avait posé cette question et s'apprêtait à se rasseoir pour entendre la réponse du maître.
C'est alors que Sekito lui avait placé la main sur la bouche. Ce qui représente un glissement de la sphère idéaliste ou mentale de la question au monde tangible d'une main et d'une bouche réelles. Ho-on avait posé sa question et s'était soudain retrouvé dans l'incapacité de parler, tout comme il était impossible au maître de rien dire qui put décrire l'état d'éveil. La passage soudain du monde de l'intellect au monde matériel a permis à Ho-on de voir clairement les deux aspects de la réalité. Il avait pu ainsi découvrir la nature d'une personne qui est indépendante de toutes choses et de tout phénomène.
La seconde partie du kôan est similaire. Le laïc pose sa question et le maître la lui renvoie sous la forme d'une demande tout aussi impossible. Celle-ci montre la nature de la première phase: il nous est facile d'imaginer d'avaler l'eau de la rivière Seiko en une seule gorgée, mais le faire en réalité est tout autre chose.
Il nous est facile de créer l'image d'une personne éveillée ou d'élaborer des théories ou des opinions complexes, mais vivre effectivement dans la réalité, s'asseoir effectivement sur son coussin et pratiquer est d'un tout autre ordre.
Commentaire de Nishijima roshi:
Maître Roya répond à la question du moine en répétant sa question. Mais sa répétition est rhétorique. Il dit en effet qu'il n'est pas possible à l'Univers de manifester les montagnes, les rivières et la terre car il est pur et montre sa forme originelle. Les montagnes, les rivières et la terre sont des concepts et des idées qui servent à décrire l'ineffable réalité de l'Univers. Celle-ci est toujours pure et montre sa forme originelle.
D'un autre côté, on peut aussi dire que la forme originelle et la pureté de l'Univers ne sont rien d'autre que les montagnes, les rivières et la terre. Les quatre philosophies peuvent nous permettre d'élucider ce kôan.
Dans la première phase, nous avons une assertion bouddhique idéaliste, selon laquelle l'Univers est pur et montre sa forme originelle.
La question du moine est dans la seconde phase. Il ne peut voir la pureté de l'Univers ni sa forme originelle. Tout ce qu'il voit, ce sont les montagnes, les rivières et la terre. Ceci est le point de vue matérialiste.
La réponse de maître Roya est à situer dans la troisième phase, qui est une synthèse des deux points de vue précédents. Les montagnes, les rivières et la terre n'existent pas: ce ne sont que des étiquettes qui tentent de décrire ce qui est, en fin de compte, au-delà de toute description et qui est la forme originelle de l'Univers pur. Cette forme originelle n'est pas une vague idée ou un esprit qui flotterait quelque part dans l'espace. Ce n'est rien d'autre que la réalité elle-même. Ce sont les montagnes, les rivières et la terre.
La quatrième phase est la réalité elle-même. On peut la voir comme pure et comme forme originelle de l'Univers, ou bien comme montagnes, rivières et terre; mais en définitive, elle se situe au-delà de toute description de ce genre. On doit la vivre directement. Et la pratique qui permet de vivre directement la réalité s'appelle Zazen.
Commentaire de Nishijima rôshi
"Tomber dans la conscience duelle" signifie entrer dans l'état où notre conscience est divisée. Dans cet état, il y a un "je" qui regarde, que certains kôans appellent la "seconde personne". Il s'agit là du mode sujet-objet d'être au monde, qui est, de par sa nature propre, partiel; il ne recouvre pas la totalité de la réalité. Lorsque nous agissons, notre conscience s'unifie et nous cessons de percevoir la séparation entre sujet et objet.
Maître Kyozan dit que, même s'il ne peut nier qu'il existe pour lui un état d'éveil, il est tout aussi vrai que parfois il retombe dans une façon divisée de considérer le monde. Il s'agit là d'une réponse très réaliste et honnête. La vue idéaliste est que l'Eveil soit soudain et complet. Qu'une fois que nous aurions gagné le grand prix spirituel de l'Eveil, nous deviendrions des surhommes spirituels ou des dieux, plus jamais troublés par les minables préoccupations de l'existence. Mais maître Kyozan soutient que, même si parfois nous faisons l'expérience de l'état d'éveil, il arrive aussi que notre conscience soit divisée.
Yudo, maître zen a écrit:même si parfois nous faisons l'expérience de l'état d'éveil, il arrive aussi que notre conscience soit divisée.
Yudo, maître zen a écrit:
Commentaire de Gudo Nishijima roshi
deux êtres humains nés au monde et tous deux destinés à mourir, vivant la réalité instant par instant.
Commentaire de Nishijima roshi
On interprète en général ce kôan dans le sens qu'il ne serait pas possible de devenir un bouddha juste en pratiquant zazen. Mais l'interprétation de maître Dôgen est assez différente. C'est l'idée de devenir intentionnellement qu'il attaque. Lorsqu'une personne est assise en zazen, elle est d'emblée un bouddha. Elle ne peut pas re-devenir un bouddha. Le polissage n'est pas la fabrication d'un miroir, elle n'est que l'action de polir -- l'action d'un bouddha.
Qu'est-ce que cela veut dire qu'on est un bouddha lorsqu'on est assis en zazen? Assis en zazen, nous faisons directement face à la réalité. Nous affrontons nos pensées, nos émotions et l'inconfort (physique et mental). Nous constatons également que la réalité est bien davantage que des pensées ou que le corps.
Voilà qui est difficile à observer, en particulier pour les débutants. Lorsqu'ils sont assis, ce qu'ils ressentent habituellement est douleur et ennui, ce qui s'éloigne beaucoup de l'image idéalisée qu'ils se font de l'Eveil ou de la bouddhéité. Cependant, cette souffrance et cet ennui sont leur réalité.
Au cours de notre vie quotidienne, nous faisons de grands efforts pour échapper à cet aspect de la réalité ou pour le balayer sous le tapis. En zazen, nous l'affrontons directement. On ne peut y échapper; il faut le vivre et en faire l'expérience. La réalité n'est pas que souffrance et ennui, il existe bien d'autres aspects de la réalité différents et bien plus profonds encore. On les affronte eux-aussi en zazen, mais on les affronte tels qu'ils surgissent naturellement d'eux-mêmes.
Les images que notre intellect s'est formé de l'éveil ne pourront en aucun cas accélérer ce processus. L'intellect lui-même n'est rien d'autre qu'un mince couche superficielle à la surface d'un océan de la réalité du corps/esprit qui est bien plus profond.
Maître Baso demande ensuite ce qu'il doit faire et maître Nangaku se sert de la parabole du char à boeufs. Si le boeuf est rétif, on peut le faire avancer en le frappant, mais si la roue du char est coincée, on pourra battre le boeuf tant qu'on voudra, cela ne fera pas avancer la voiture. Nous devons être attentifs à la réalité de la situation et ne pas projeter nos idées préconçues dessus.
Le boeuf représente l'esprit ou les facteurs mentaux. Le char représente le corps ou les facteurs matériels. L'idéaliste ne pense qu'à aiguillonner le boeuf. Il ignore le char, jusqu'à ce que, peut-être, un jour celui-ci perde une roue et le renverse dans la boue.
Le matérialiste ne pense qu'au char. Il le veut peut-être joli et rapide, ou encore le décorer d'or et de pierres précieuses tout en laissant le boeuf mourir de faim, de telle sorte que son beau char ne puisse plus bouger.
Zazen est la pratique du corps/esprit, de l'être tout entier. Le bouddhiste tend à être à la fois le boeuf et le char.
Maître Nangaku poursuit en expliquant la différence entre Zazen et le comportement quotidien. Il explique ce que signifie apprendre zazen : c'est-à-dire apprendre que nous sommes un bouddha en zazen. Il insiste sur la différence entre zazen et le comportement ordinaire, que sont par exemple s'asseoir et se coucher. En quoi est-ce différent? Dans notre vie de tous les jours, nous sommes habituellement liés par des pensées. Nous avons du mal à voir la réalité à cause de ces pensées. En zazen, on coupe à travers les nuages de pensées qui obscurcissent le paysage.
D'autre part, zazen est également différent de nos états de relaxation habituels, en ce qu'il maintient une certaine tension physique et une certaine attention mentale. Maître Nangaku veut établir cette distinction entre zazen et notre vie de tous les jours parce qu'il y avait, et qu'il y a encore, des bouddhistes qui soutiennent que la conduite de notre vie quotidienne n'est pas différente de zazen. Et il est vrai qu'ils sont la même chose en ce qu'ils existent tous deux dans la réalité elle-même, mais au cours de notre vie quotidienne c'est bien plus difficile, et pour la plupart des gens, impossible, de voir avec clarté la réalité.
En zazen, nous sommes assis dans la réalité et en faisons directement l'expérience d'une façon qui ne se produit que bien rarement dans notre vie de tous les jours. Celle-ci se trouve progressivement modifiée par cette expérience. Quand nous sommes assis en zazen, nous sommes des bouddhas. Un bouddha en zazen n'a pas de forme fixe. Il peut être grand et blond, petit et gros, cela peut être un athlète, une vieille femme, un ado. De plus, un bouddha en zazen a plusieurs états: paisible, serein, distrait, ennuyé, joyeux, etc.
Il n'existe pas d'état unique qu'on pourrait pointer du doigt et dire, "Voilà ce que tu cherches. Lorsque tu auras atteint cet état, tu auras atteint la bouddhéité". De telles idées reçues ne sont que des images dans notre cerveau. Il n'y a pas de forme finie pour un bouddha. Chaque personne assise en zazen possède sa propre forme. C'est ainsi qu'on peut dire que Zazen est orné des formes infinies du bouddha.
Maître Nangaku dit ensuite à Baso de ne pas préférer le bien ou le mal à l'instant présent. Au cours du flash instantané de la réalité, ni le bien ni le mal n'existent. Il n'y a ni de bouddhas ni de non-bouddhas. Dans la pratique réelle de zazen, on ne trouvera aucun "bouddha"; nos concepts de bouddha ont été laissés derrière et nous sommes libres de nous asseoir dans la réalité elle-même. Nous sommes libres d'être des bouddhas.
Si nous nous attachons à la forme physique de s'asseoir, par exemple en nous concentrant sur la respiration ou en encourageant une attention physique constante, nous n'aurons pas compris que zazen, c'est s'asseoir dans l'unité du corps-et-esprit, l'état où on ne met aucun accent sur le mental ou sur le physique.
Yudo, maître zen a écrit:
Commentaire de Nishijima roshi
Lorsqu'une personne est assise en zazen, elle est d'emblée un bouddha. Elle ne peut pas re-devenir un bouddha. Le polissage n'est pas la fabrication d'un miroir, elle n'est que l'action de polir -- l'action d'un bouddha.
Commentaire de Nishijima roshi
La question du premier ministre "Je puis voir le portrait, mais où est le référend moine?" sépare le portrait de ce qu'il représente -- la représentation abstraite que fait le portrait du corps physique du moine représenté. La question désigne la différence entre les points de vue idéaliste et matérialiste. En "répondant"à la question, le maître rappelle le premier ministre d'une voix forte. Il s'agit là d'un fait concret, d'un son physique réel et ramène l'attention sur le second point de vue, qui est concret.
A la réponse du premier ministre, maître Obaku lui demande alors "Où êtes-vous?", ce qui est centré sur l'endroit réel, la situation réelle dans laquelle ils sont impliqués. Cette question ouvre les yeux du premier ministre à la réalité de la situation telle qu'elle existe réellement à cet endroit-même. La distinction entre le portrait, ou l'idée, et ce qu'il représente a été transcendée. Il n'y avait pas deux choses : l'image de quelque chose et ce à quoi faisait référence cette image; il n'y avait qu'une seule réalité.
Le premier ministre avait trouvé le révérend moine. Diriez-vous que maître Obaku était ce révérend moine? Qu'en est-il du premier ministre? Ne pourrions-nous pas également dire qu'il était lui-même le révérend moine de notre histoire? Peut-être bien que ce révérénd moine avait trouvé son propre véritable soi?
Et qu'en est-il de vous dans vos vies? Vous avez sans nul doute vue de nombreux tableaux ou soutenu de nombreuses idées sur ce à quoi devrait ressembler une révérende personne. Mais sauriez-vous trouver cette personne dans la réalité, dans votre propre vie? Telle est la véritable tâche d'un bouddhiste.
Commentaire de Nishijima rôshi:
La première question du moine était un standard chez les étudiants bouddhistes : on demandait pour quelle raison Bodhidharma était venu en Chine pour apporter les enseignements bouddhiques. La question porte en réalité sur le but fondamental de la vie bouddhique. Maître Seigen Gyôshi dit que le comportement de Bodhidharma était juste ce qu'il était. Il faisait ce qu'il faisait. Son comportement était un simple fait historique, qui suivait les circonstances de son temps et le propre caractère de Bodhidharma.
Certes, on peut trouver du sens et de l'importance aux actions de Bodhidharma, mais en réponse aux questions du moine, le maître choisit de souligner le simple fait objectif du comportement de Bodhidharma.
Le moine n'a pas compris cette réponse et a voulu une explication plus détaillée, le maître lui demande alors de se lever de se rapprocher de lui. Alors qu'il fait cela, le maître lui dit : "Rappelez-vous clairement de ceci!".
L'intention du maître est ici d'amener le moine à oublier ses abstractions un moment, et de se contenter de remarquer la réalité de cette simple action. Juste marcher, juste agir naturellement en réaction aux exigences réelles de la situation. Voilà pour quelle raison Bodhidharma a quitté l'Inde pour la Chine. Voilà quel est le coeur des enseignements qu'il a transmis.
Gudo Nishijima a écrit:
Commentaire :
Ce kôan commence de façon idéaliste par la question de maître Joshu sur le comportement d'une personne qui a reconnu la réalité. Il se peut que, à l'instar de nombreux de nos contemporains, il ait eu une vision idéalisée d'une telle personne: "Quel est le comportement des grands saints qui vivent dans la claire réalité sans obstacles? Quels miracles accomplissent-ils? Comment expriment-ils leur sublime sagesse?"
Maître Nansen refusait ces choses. Il a pris l'idée abstraite de Joshu et l'a appliquée à une situation très concrète et pratique. Maître Nansen se faisait vieux. Avant longtemps, la vie rigoureuse du temple pouvait se montrer trop dure pour lui. Où irait-il? Il irait chez un bienfaiteur du temple, pas trop loin où il mènerait la vie d'un "buffle castré", qui vit en paix et tranquille sans causer d'ennuis à quiconque. Où va une personne qui peut reconnaître la réalité? Que fait-elle? Elle fait tout simplement ce qu'exige la situation.
Joshu Jushin esprima sa gratitude pour les enseignements de son maître et le kôan se termine par la quatrième phase: la réalité elle-même. Maître Nansen y explique la simple merveille qu'est la réalité: le clair de lune qui luit par sa fenêtre tard la nuit. Toutes les situations comportent cette même beauté simple.
ça me fait penser à cette histoire lue par ailleurs, du mouton blanc, Bel et du mouton noir, Rebel. Et la morale de l’histoire, c’est qu’ils sont tous les deux des moutons.DIX-HUIT
(...) Un dieu de cet endroit me l'a annoncé cette nuit.
Le maître dit: Ma pratique est donc si faible que je puisse être repéré par un démon! (...)
personnellement, j'ai plutôt une sensation de glaçage des pieds jusqu'aux genoux, mais ça doit être parce que je fais pas assez longtemps pour sentir jusqu'au point où la glace commence à donner la sensation de brûlure.DIX-NEUF (...)
Commentaire
(...)Habituellement, dans la pratique réelle du Bouddhisme, elle est vite remplacée par la sensation que nos jambes sont en feu.(...)