Zazen, c'est faire l'expérience "d'être" plutôt que l'expérience "de devenir ou d'obtenir", attitude qui rythme habituellement nos vies. S'arrêter…Abandonner toute attente, toute opinion, tout jugement, tout…même l'intention d'abandonner. Se dépouiller complètement de toute créativité humaine. Etre là, se tenir dans la plus pure des simplicités.
Cette simplicité est fort déroutante. Et pourtant c'est seulement quand on lâche prise véritablement, qu'enfin, nous sommes de retour à la maison...
Shikantaza (juste s'asseoir) signifie engager totalement le corps et la conscience dans l'assise verticale. Ce n'est pas "être assis" mais "s'asseoir". Ce qui signifie qu'à chaque instant, on s'assoit. Cette présence pure est donc renouvelée à chaque instant; chaque instant devant être considéré comme le plus précieux de notre vie. Juste s'asseoir…et oui, tout est dit!
Lorsque des pensées, des perceptions, des sensations, des émotions apparaissent, on ne les suit pas, on ne les rejette pas. On ne les contemple pas non plus comme une personne pourrait le faire en haut d'un pont avec des voitures qui passent. L'attitude est beaucoup radicale, plus tranchante. On en prend immédiatement conscience. Ainsi, comme des gouttes d'eau tombant sur une plaque brulante, elles s'évaporent instantanément.
L'attention n'est plus accaparée par les vidéos mentales, et le champ de conscience s'élargit. On est réceptifs, alerte au plus au point. Certaines tendances nous sont révélées. On peut ainsi mieux se connaître, on pourrait parler de catharsis. Mais le but n'est pas là. Il faut aller au-delà.
Durant zazen, on ne se concentre sur rien, on ne contemple rien. Zazen est absence de technique. Par la présence et l'ouverture inconditionnelle, on finit par s'harmoniser avec la réalité, inconsciemment. Nous plongeons au plus profond de l'esprit, dans le non-mental, au-delà de la pensée. Dans le silence et l'immobilité de l'esprit, le voile de l'illusion tombe et notre visage originel apparait clairement. Tout devient clair et familier. D'une évidence à en couper le souffle. On fait l'expérience de la vacuité, de l'interdépendance de tout.
Régularité, patience, courage, persévérance. Cette présence devrait rythmer chaque instant de notre quotidien. Une goutte qui tombe régulièrement au même endroit finit par user même la roche la plus dure.
Nous voyons la réalité à travers un écran de concepts que nous prenons pour la réalité.
Pourtant que l'on comprenne ou que l'on ne comprenne pas cette réalité, elle reste ce qu'elle est. Tout être a la nature de bouddha en lui. Alors à quoi bon pratiquer?
L'ignorance est la source des tendances égotiques responsables de l'ensemble de nos souffrances. Quand cette ignorance est épuisée, le bonheur véritable apparait.
Etudier le dharma, ce n'est pas étudier la voie du bouddha, c'est étudier la vie, c'est s'étudier soi-même. Par s'étudier soi même on entend comprendre sa nature véritable. Comprendre ainsi sa nature véritable, c'est s'oublier soi même. C'est se voir en l'autre et voir l'autre en soi. Cette absence d'ego permet d'être disponible pour les autres. Le facteur limitant à l'amour inconditionnel n'est autre que l'ego, une simple illusion. Mais avec un cœur confiant et bienveillant, cette illusion s'efface petit à petit dans le silence de la pratique. Voila pourquoi chacun devrait pratiquer de tout son cœur, à cœur ouvert. Non pas pour soi mais bien pour la vie. Aussi innombrables que soient les êtres, qu'ils puissent gouter à ce silence même juste une seconde.