Chen Houei du Ho-Tso ou Heze Shenhui (7e patriarche)
Shen hui ou Shen-hui (神會) est considéré comme le septième patriarche de la lignée légitime du bouddhisme Chan et le fondateur de sa branche Heze ou Ho-tse (荷澤), active jusqu’à la fin de la dynastie Tang, d’où son titre de Maître de Heze (荷澤大師). Son nom posthume, décerné par l’empereur Suzong, est Zhenzong Dashi (真宗大師), Maître de la vraie doctrine. Selon les sources, il aurait eu à sa mort 73 ou 83 ans. Les dates données pour sa naissance varient entre 668 et 686, celles proposées pour sa mort entre 748 et 762. Certains considèrent qu'il est le véritable initiateur du mouvement subitiste à la place de Huineng dont il se proclamait successeur.
Maître chinois du l'école du Chan du Sud. Né au Henan en 686, ayant reçu une formation taoiste érudite, Shenhui se rendit à quarante ans au monastère de Caoqi pour rendre hommage à Huineng. Il devint son disciple après avoir reçu de lui une volée de coups de bâton et Huineng fit de lui l'un de ses successeurs. Près de vingt ans après la mort du maître, en 732, il convoque une assemblée et revendique la reconnaissance officielle de Huineng comme sixième patriarche du Chan, reniant la légitimité de Shenxiu jusqu'ici officiellement reconnue et consommant ainsi la rupture complète entre l'école du Sud et celle du Nord. Ses requêtes répétées à Chang'an et Luoyang finissent par lui valoir le bannissement. Ce n'est qu'après 757 que le pouvoir impérial du Nord, affaibli, le réhabilite pour bénéficier de sa popularité de maître du Chan. Il mourra en 760 au monastère de Heze qu'il avait fondé à Chang'an avant son bannissement, ayant enfin réussi à obtenir la reconnaissance officielle de Huineng de la part de la cour de l'empereur Suzong.
Source du texte : Dictionnaire encyclopédique du Bouddhisme, de Philippe Cornu. Ed. du Seuil.
A son arrivée, après avoir rendu hommage au maître, il lui demanda :
- Maître, lorsque vous êtes assis en méditation, voyez-vous ou ne voyez-vous pas ?
Le maître se leva et frappa Chen-houei par trois fois. Puis il lui demanda :
- Chen-houei, quand je te bats, est-ce que tu as mal ?
- J'ai mal sans avoir mal.
- Et moi, je vois sans voir. Mais toi, tu ne vois même pas ta propre nature, comment oses-tu venir te jouer de moi ?
Chen-hou s'inclina et ne prononça plus un mot.
- Parce que ton esprit est aveugle, tu es venu demander ton chemin à un ami bienveillant. Mais c'est seulement en cultivant la pratique conformément à la Loi que ton esprit s'éveillera. Alors, tu verras par toi-même. Mais parce que tu t'égares et que tu ne vois pas ton propre esprit, tu es venu me demander si, moi, je voyais. Moi seul sais si je vois, comment pourrais-je me substituer à toi qui est aveuglé ? Pourquoi ne pas t'exercer toi-même au lieu de me demander si je vois ?
Extrait de : Les maître zen de Jacques Brosse. Ed. Bayard.
Dans l'absence de pensée de l'absolu, on est capable de voir sans notions et sans pensée. L'aspect véritable non produit, comment un esprit (lié par le) sensible serait-il capable de le voir ? Dans l'absence de pensée, la pensée, c'est celle de l'absolu. Dans l'absence de production, c'est celle de l'aspect véritable. La demeure qui est non-demeure, c'est la demeure constante dans le nirvana. La pratique qui est absence de pratique, c'est le passage sur l'autre rive. Dans l'immobilité de ce qui est ainsi par soi-même, il y a activité de mouvement inépuisable...
(Si l'on possède) cette connaissance, c'est la concentration (samadhi) sans concentration, la sapience sans sapience, la pratique sans pratique. La nature propre est du même ordre que l'espace et sa substance se confond avec le dharmadhatu (domaine ou fondement absolu). A partir de ce moment, les six paramita sont toutes parfaites et au complet... on saisit le principe absolu du Véhicule unique. Le transcendant d'entre les transcendant, c'est le corps de loi transcendantal. le divin d'entre les divins, c'est la sapience de diamant. Lorsqu'on est plongé dans la quiétude constante (de l'esprit propre), (on possède) une activité de réponse (aux sollicitations des êtres) qui est illimitée. L'activité avec vacuité constante, la vacuité avec activité constante, l'activité avec absence d'être, voilà la vacuité absolue. Dans la vacuité sans non-être (il y a) l'être transcendant que constitue le savoir mystique..., c'est la mahaprajna. La vacuité absolue, c'est le nirvana de pureté...
La sapience sans rayonnement est capable d’illuminer le nirvana et le nirvana sans production est capable de produire la sapience. Nirvana et sapience diffèrent pas le sens, mais son identiques dans leur substance... la sapience illumine complètement le nirvana, c'est pourquoi on l'appelle connaissance et vue du Tathagata. Cette connaissance est celle de la vacuité et de la quiétude constantes (de l'esprit propre), et cette vue, c'est la vue directe du non-produit. Lorsque cette connaissance et cette vue sont parfaitement claires, il n'y a plus ni identité ni différence; mouvement et immobilité sont tous deux transcendants, principe absolu et choses mondaines sont semblables. Dans la pureté du principe absolu et au milieu des choses mondaines, on est capables de pénétrer (tous les dharmas)... Les six facultés étant sans souillures, on possède les vertus inhérentes à la concentration et à la sapience...
L'Eveil détruit et l'esprit n'étant plus que vacuité, dans une union née d'une pensée instantanée, on transgresse subitement le profane et le sacré. On ne peut plus considérer le non-être comme non-être ni l'être comme être. Que l'on soit en marche, debout, assis, couché, l'esprit reste inébranlable, et il est, à tout instant, vacuité et insaisissable. Les Buddha des trois temps (passé, présent, futur) enseignent (aux êtres) l'Ainsité et les bodhisattva, dans leur grande compassion, se sont transmis l'un à l'autre cette doctrine jusqu'au Bodhidharma qui vint ici, en Chine, pour être le premier (de notre lignée). Cette transmission... ne fut jamais interrompue. Si ce qui est (transmis) est un enseignement ésotérique, c'est afin d'obtenir des hommes (de valeur).
Source du texte : Aux source du bouddhisme de Lilian Silburn. Ed. Fayard.
Extrait de : Entretien de Dhyana Chen Houei de Ho-tso.
Le maître de la loi Tche-tö demanda :
Vous enseignez aux êtres, maître de dhyâna, à ne chercher que l’illumination subite. Pourquoi ne pas leur enseigner à se cultiver graduellement au moyen du Petit Véhicule ? Ayant à faire l’ascension de la terrasse à neuf gradins, comment serait-on capable d’y monter sans passer par les degrés successifs ?
- Ce dont on fait l’ascension avec crainte (c’est-à-dire graduellement), ce n’est pas la terrasse à neuf gradins. Ce dont on fait l’ascension avec crainte, ce n’est qu’un vilain tertre de terre accumulée. Si c’était véritablement la terrasse à neuf gradins, tel serait le sens de la nature subite. Si l’on garde sa pensée attachée au subit et que l’on fasse ainsi l’ascension de la terrasse à neuf gradins, s’il faut avoir recours aux degrés successifs, on ne touchera pas le but et l’on établira le principe du graduel. La joie (prîti) que procurent ensemble [la vue du] principe absolu et la sapience, voilà l’illumination subite. Comprendre sans avoir recours au graduel, spontanément (svatah), voilà le sens de la nature subite. La vacuité et quiétude originelles de l’esprit propre, voilà l’illumination subite. L’absence de demeure de l’esprit propre, voilà l’illumination subite. La compréhension de son esprit propre au milieu de tous les dharma, l’impossibilité pour l’esprit de rien atteindre, voilà l’illumination subite. La connaissance de tous les dharma, voilà l’illumination subite. Entendre parler de la vacuité et sans saisir non plus la non vacuité, voilà l’illumination subite. Entendre parler du moi sans s’attacher au moi et sans saisir non plus le non moi, voilà l’illumination subite. Accéder au Nirvâna sans rejeter la renaissance et mort, voilà l’illumination subite. C’est pourquoi le soutra dit : « Il y a une connaissance spontanée (svayambhûjâna), une connaissance sans maître (anâchâryakajnâna). » Ceux qui partent du principe absolu parviennent rapidement au chemin. Ceux qui cultivent les pratiques externes y parviennent lentement. […]
« Il est dit aussi : « Les êtres, en voyant leur nature propre, accomplissent la bodhi. De même, la Nâgî, en un instant, produit l’esprit de bodhi et accomplit alors l’Eveil correct. Et, voulant faire que les êtres pénètrent la connaissance et la vue du Bouddha – si l’on admet pas [que ce fût par] l’illumination subite – le Tathâgata devrait parler partout des cinq Véhicules. Mais, puisqu’il ne parle pas des cinq Véhicules et ne parle que d’accéder à la connaissance et à la vue du Bouddha, ce soutra (le « Saddharma pundariki sûtra »), pris dans un sens strict, ne met en lumière que la doctrine subite, ne retient que l’union née d’une pensée instantanée et n’a vraiment plus aucun recours au graduel. Union (yoga) veut dire vue de l’« absence de pensée », pénétration de la nature propre, insaisissable (anupalabhya) et l’insaisissable, c’est le dhyâna du Tathâgata. Wei-mo-kie (Vimalakirti) dit : « Je contemple le Tathâgata de la même façon exactement que je contemple l’aspect véritable de mon corps. Lorsque je contemple ainsi le Tathâgata, il ne viendra pas dans le futur, il n’est pas venu dans le passé et ne demeure pas dans le présent. » C’est parce qu’il y a non demeure (asthâna) qu’il y a dhyâna du Tathâgata. Le soutra dit aussi : « Chez tous les êtres, le nirvâna originel et la nature de sapience sans souillure sont foncièrement et d’eux-mêmes présents au complet. » Qui veut bien distinguer son esprit propre, manifester et promouvoir en lui l’union avec le principe absolu, doit quitter l’esprit (citta), le mental (manas), la connaissance (vijnâna), les cinq dharma, les trois natures propres, les huit connaissances et les deux non moi. Il doit quitter la vue externe et la vue interne, l’être et le non être et il parvient alors à l’égalité d’esprit (samatâ) finale, il est plongé dans une quiétude constante, il atteint l’immense, l’illimité, le permanent et l’immuable. […]
S’il en est qui, accroupis, figent leur esprit pour entrer en concentration, fixent leur esprit pour regarder la pureté, mettent leur esprit en mouvement pour qu’il illumine à l’extérieur, ramassent leur esprit pour avoir l’expérience intérieure, toutes ces pratiques font chez eux obstacle à la bodhi, d’où pourrait-on obtenir la délivrance ? Ce n’est certes pas en restant accroupi ! Si c’était vraiment en restant accroupi, Shâriputra qui s’accroupissait dans le calme au milieu des bois n’aurait pas dû être blâmé par Vimalakîrti qui le reprit en ces termes : « C’est le fait de ne pas contempler son corps et son esprit à l’intérieur des trois dhâtu qui est accroupissement dans le calme. » Ne voir, à tous moments, que l’absence de pensée, ne pas voir les particularités de son corps s’appelle concentration correcte. Ne pas voir les particularités de son esprit s’appelle sapience correcte.
Source du texte : bouddhanar