Quelques citations pour commencer :
Un pédagogue en philosophie du Lycée Leonard de Vinci a écrit:La pensée bouddhiste estime que l’homme est précisément prisonnier de la soif du désir. Cette soif du désir est ce qui impulse un phénomène d’incarnation qui connaîtra les aléas des souffrances et des plaisirs. Pour le Bouddha nous devons nous libérer des désirs : cette libération est le seul remède à notre misère existentielle. Toutefois si la pensée bouddhiste suscite le désir de se libérer du désir en proposant divers moyens de diminuer la soif du désir comment le bouddhiste se libérera-t-il du désir de se libérer ?
Le bouddhisme est assez proche dans sa démarche du scepticisme. Au fond le Bouddha est agnostique quant aux questions métaphysiques traditionnelles que sont Dieu, le mal, etc. Constatant la misère humaine, il juge urgent de s’en libérer. Le sceptique en un sens propose lui aussi une forme de connaissance de soi agnostique qui produit à l’occasion un état de conscience irréversible inaccessible au malheur. Là où un bouddhiste utilise principalement la méditation, un sceptique va user du doute. Il s’agit de douter de tous les contenus de la conscience c’est-à-dire de considérer que tout ce que nous pensons, percevons, désirons n’est qu’apparences sans que nous puissions savoir si ces apparences sont des illusions ou si elles correspondent ou reflètent une réalité vraie qui nous est inaccessible. Le doute qui permet de ne pas conclure quant à l’essence des apparences nous libère donc de toute identification à nos désirs. Même si nous ne sommes pas sans apparences de désirs le doute nous permet de ne jamais nous y identifier et donc nous évite d’espérer le plaisir de son succès ou de craindre le déplaisir de son échec. A vrai dire certaines techniques de méditations bouddhistes consistent à apprendre à observer son esprit de façon neutre, autrement dit à en exclure tout mouvement de focalisation préférentielle. Là où le sceptique cherche à suspendre son jugement, le bouddhiste cherche la vacuité de l’esprit. N’y a-t-il pas là quelque chose de profondément semblable ?
Yudo, maître Zen a écrit:C'est pourquoi il ne s'agit pas tant de liberté de penser que d'appliquer partout et toujours la méthode scientifique, ce que Karl Popper appelle la "réfutabilité".
Je vous mets ici la définition de Wikipédia:
La réfutabilité (aussi appelée à ses débuts par le recours d'un faux-ami falsifiabilité) est un concept important de l'épistémologie. Une affirmation est dite réfutable s'il est possible de consigner une observation ou de mener une expérience qui, si elle était positive, entrerait en contradiction avec cette affirmation.
La réfutation résout à la fois le problème de la démarcation et celui de la validité :
Une proposition réfutable est réputée être une hypothèse scientifique. Si elle est réfutée elle cesse d'être valide.
En revanche, une proposition non réfutable (irréfutable au sens logique) est catégorisée comme méta-physique (ce qui ne signifie pas qu'elle est illégitime).
Par exemple, l'affirmation « toutes les corneilles sont noires » pourrait être réfutée en observant une corneille blanche.
Par exemple, « tous les humains sont mortels » semble avant analyse non réfutable, et donc non scientifique, parce que constater l'immortalité d'un humain, seule observation semblant susceptible de la réfuter, est une expérience formellement indécidable. En effet, il faudrait attendre un temps infini pour conclure (problème de l'arrêt). Par contre, sa négation : « il existe un humain immortel » est réfuté, aucun humain observé n'a vécu plus de 130 ans. Puisque la fausseté de cette proposition implique la véracité de « tous les humains sont mortels » alors cette proposition est scientifique ; par induction, nous postulons que cette proposition est vraie pour les humains actuellement en vie.
Par contre, la proposition : « Il existe une planète xéna où vivent des extraterrestres à douze orteils qui viennent parfois sur la terre manger des humains. » est non réfutable. En effet, il est techniquement impossible d’examiner toutes les planètes de l’univers pour conclure à l’affirmative ou à la négative. De même, il existe des cas de disparations inexpliquées d’individus qui pourraient très bien êtres interprétés comme des enlèvements par des extraterrestres.
Devant une proposition non réfutable il existe trois attitudes possibles : attribuer le statut non scientifique (métaphysique) à la proposition, forcer sa valeur de vérité à la fausseté ou bien considérer sa valeur de vérité comme arbitrairement vraie ou fausse. Théologiquement, la première position est l’agnosticisme, la seconde l’athéisme, la dernière le scepticisme.
Kaïkan, moine Zen a écrit:Si nous voulons progresser sur la Voie il nous faut comprendre que nous ne devons nous appuyer sur rien. Si nous nous créons des certitudes fixes et rigides, celles-ci deviendront des obstacles et freineront l’évolution, l’élargissement de notre vision.
Aussi étrange que cela puisse paraître, "bâtir sa maison" en prenant le vide comme fondations, permet de se mettre hors de toute coagulation de l’esprit, l’empêchant de se figer dans des formes fixes et lui permettant de garder cette fluidité indispensable à la pratique du zen.
Il faut bien sûr ne pas hésiter à utiliser les instruments que sont : l’agnosticisme et le scepticisme en se gardant bien de se définir soi-même comme adhérant à quelque école de pensée, idéologie, philosophie ou autre ; la foi sera aussi utilisée comme instrument également. Mais il faut aussi bien admettre que tout sera rejeté : les écoles, les maîtres, les enseignements, le bouddhisme, le Bouddha, le Sangha etc… Il n’y a rien qui sera conservé comme idole, fétiche ou grigri, et simultanément il n’y aura pas non plus absence ou manque de : écoles, maîtres, enseignements, bouddhisme, Bouddha, Sangha etc…, ni de position iconoclaste envers : idoles, fétiches et grigris…
Ni saisir ni rejeter « Cachez votre pratique, agissez discrètement, apparaissez comme un fou ou bien un idiot »
Et vous... Qu'en pensez-vous ?
Le Bouddhisme est-il agnostique ? Est-il sceptique ?