Dhukkha Satya: ........La Vérité de la Souffrance/Insatisfaction/etc.
Samudaya Satya: .......La Vérité de l'Accumulation
Nirodha Satya: ........La Vérité de la Cessation
Marga Satya: ..........La Vérité de la Voie
La première est un constat: tout est susceptible de nous emmerder. Nous sommes séparés des personnes avec qui nous voudrions être, nous sommes coincés en compagnie de personnes dont nous voudrions être loin, nous n'avons pas ce que nous voulons, et ce que nous avons, nous n'en voulons pas, on nous empêche de faire ce qu'on veut et on nous oblige à faire ce qu'on ne veut pas. On subit à l'adolescence des changements morphologiques pénibles, pour ensuite voir fuir nos cheveux, nos muscles, notre tonus, notre santé, nos dents et pour finir notre vie. Même lorsqu'on a quelque chose de bien, on finit par en voir la fin et ça nous fait caguer. Un bon gâteau, délicieux, mais zut! on arrive à la fin et il n'y en a plus. Et tout le reste à l'avenant.
Ceci correspond à un théorème mathématique: tout système formel efficace est, par nature, capable de fournir des options inacceptables. Un système "complet", c'est-à-dire, incapable de fournir des propositions inacceptables, "indécidables", est au moins très limité dans ses possibilités, voire inutile. L'incomplétude est donc une nécessité vitale. Pour nous, être "complets", c'est être morts. Or c'est ce sentiment d'incomplétude qui nous fait en permanence courir après les choses.
D'où la seconde, la "Vérité de l'Accumulation". Nous accumulons. Nous accumulons les biens, ou l'argent, ou les conquêtes, nous accumulons les relations, nous recherchons le pouvoir, pour tenter de faire en sorte que la vie réelle ressemble à celle de nos rêves. On observe d'ailleurs que, plus on en a, plus on en veut, ce qui est logique, si au fond, ce qu'on cherche c'est de remplir un trou sans fond. Toutes les études montrent d'ailleurs que la sensation de bonheur chez les peuples est en proportion inversée aux biens dont on dispose. D'où aussi la plaisanterie "pauvre petite fille riche".
Cette vérité est souvent traduite par "le Désir". Mais le désir fait partie de la vie, et traduire ainsi me paraît, non pas faux, mais dangereusement déplacer le foyer d'attention. Samudaya veut littéralement dire "accumulation". "sam" comme dans "assembler".
C'est pourquoi on introduit la Troisième, la "Vérité de la Cessation". On peut faire cesser la souffrance/ insasifaction/ mal-être/ stress/ etc. si on se décide enfin à cesser de vouloir accumuler. Il y a ce dont on a besoin, et le reste. C'est là que l'attitude du détachement entre en compte. Si on a conscience du fait que les choses sont impermanentes, on ne va pas s'étonner lorsque notre voiture est écrasée par un piano tombé d'une grue. Ennuyé, un peu, sans doute, surtout si on en avait besoin juste là. Mais on ne va pas en faire un drame, voilà. Il faut cesser de vouloir que correspondent nos rêves et la réalité. Celle-ci est parfois plaisante, parfois déplaisante. Faut la prendre telle qu'elle est. A partir de là, les circonstances déplaisantes en sont pas tant "moins" déplaisantes que moins handicapantes, puisqu'on accepte de "faire avec". Si on est sur un bateau et qu'il coule, suite à une connerie du capitaine, se rouler par terre en pleurant et en hurlant: "Non! Je veux pas!" ne va pas beaucoup aider. La situation reste déplaisante, mais l'accepter signifie libérer ses énergies pour s'en sortir avec le moins de dégâts possibles.
Enfin, la méthode pour arriver à ce résultat, la "Vérité de la Voie", dite "Noble Octuple Sentier", est essentiellement un recours à la morale naturelle. Autour de trois qualités qui sont la sagesse (prajñâ), la moralité (sila) et le recueillement (samadhi), il s'agit de s'entraîner à voir, penser, parler, agir, vivre, s'efforcer, maintenir l'attention et la concentration de façon juste, correcte et adaptée. Il me paraît important d'insister sur cet aspect, car, même si tous les maîtres insistent sur le fait que, dans l'état équilibré qui est l'état originel, ces choses vont de soi, trop de charlots ont pu prétendre (dont certains avec des réputations énormes, genre Yasutani) qu'à partir du moment où on est "réalisé", tout ce qu'on fait est juste, comme de tuer les ennemis, pourchasser les contradicteurs et autres amabilités.