Eh beh, ça chauffe quand il fait froid!
A faisait ben longtemps que je ne m'étais égaré sur un forum, et je vois que ça crise récuremment.
Probablement que parler de l'AZI, c'est écrire trois lettres qui véhiculent un sacré karma pas vraiment empli d'amour!!
Tout d'abord, je me permets de livrer mon méta regard vu de l'extérieur.
Perso, j'ai la sentation que le dogmatisme est vu surtout par celui qui le regarde!!!
Je vois des réactions de modération au sujet de Doubidou qui demandent à ce qu'il se modère, mais dont la façon même d'être exprimées susciteraient, si c'était à mon sujet, le sentiment d'être agressé!
Bien sûr, il se peut que je m'identifie à lui et soit partial, mais j'ai toujours le sentiment que lorsqu'on arrive à dire des choses péremptoires, à formuler des phrases commençant par "tu....fais ceci, dis cela..."en gros des phrases qui définissent ce qu'a fait l'autre, on est dejà là dans le jugement et donc la rupture de relation : en gros, on ne voit plus l'autre, on regarde ce qu'on pense de lui sans se rendre compte qu'on a glissé dans ce mode "modération on" où en fait on a envie de sortir le bâton!
Tout d'abord, il faut remettre les choses dans le contexte : sur un forum, effectivement de par le fait que c'est une relation basée sur du texte écrit, on est forcément impliqué dans quelque chose de plus intellectuel et conceptuel : il n'y a pas tout l'aspect non verbal qui s'exprime, c'est quand même de la pensée qui s'écrit. Donc si l'on pense "parlons de pratique", on le fait avec un outil conceptualisant. Donc il est difficile de reprocher à quelqu'un d'être dans l'intellect quand de toute façon on est obligé d'utiliser cet outil.
Ensuite, il est nécessaire de se poser la question de la légitimité qu'on a de dire : "ceci est l'enseignement", ou "ceci ne l'est pas". C'est une responsabilité éthique qui engage tout le monde, et encore plus qui se charge de la gestion d'un forum. Modérer, ne signifie pas avoir la compétence forcément pour cela, et je pense que la confusion des genres risque d'amener à conflits. Modérer c'est être le kyosakuman du forum : on circule dans les rangs, on réveille avec le bâton si on le demande, on corrige une posture qui semble trop néfaste, mais toujours dans la douceur et sans forcer une résistance...et on peut être là silencieusement. Mais comme on applique ce qu'on pratique, la modération commence d'abord par soi-même : va-t-on répondre à partir d'une respiration large, ou de la colère et de l'envie de ne plus voir ce qu'on lit qui s'exprime??
L'enseignement, est soumis à une super large biodiversité dans le bouddhisme. Aujourd'hui, avec 17 ans de recul (oui, j'argumente ma légitimité même si elle n'est pas un argument "en soi", mais ça fait toujours plus crédible), je me permets de penser et de dire qu'il n'y a pas de "vrai" bouddhisme...Encore dimanche sur l'émission "sagesses bouddhistes", une chinoise disait que le bouddhisme en Chine avait cotoyé et cotoyait le taoisme, le confucianisme, de façon paisible, et qu'ils s'enrichissaient mutuellement. On peut voir aussi l'usage du bouddhisme au Japon avec le shintoisme. Le Bouddha ne disait rien au sujet de croire ou pas, il parlait de comment on fonctionne en tant qu'humain dans ce monde, et comment on se fait souffrir et on peut se libérer par sa façon d'aborder la réalité. Ceci ne peut s'imposer, ce n'est pas un dogme. On en fait un dogme quand on s'attache aux mots, et relisez la file, les désaccords arrivent de l'attachement aux mots. Or le mot, c'est juste un outil. Comme le clavier et l'écran. Et que veut-on y mettre : la volonté d'avoir raison? Ou de trouver l'entente?? De prouver qu'on a raison?? Ou la volonté d'expliquer plus avant ce qu'on pense et comment pour mieux se faire comprendre???
TOkuda, quand je l'ai vu, racontait son cursus : temples rinzais, sotos, sa clé de lecture de Dogen et du Shobogenzo par une lecture de l'Avatamkara sutra faite par quelqu'un de l'école Kegon, qui avait permis d'éclairer les choses. C'est par la confrontation à la différence qu'il a affiné sa compréhension et sa formulation. Le rinzai et le kegon, permettent de comprendre le soto. Qui a plus raison? Personne, et tout le monde!
Donc il n'y a pas une école qui détient la vraie vérité du dharma plus qu'une autre : c'est par l'échange, la confrontation, la tentative de résoudre les points semblants divergents, qu'on y arrive. Contrairement à ce que l'on pourrait dire, il n'y a pas de civilisation meilleure qu'une autre : il y a des points de vue différents, qui expriment différemment des choses, mais souvent avec les même intentions qui prennent des formes différentes. Pareil pour les personnes.
Il n'est donc pas étonnant que ce qui a motivé le sujet suscite de telles réactions : c'est un profond problème, actuel, non résolu, car je pense en crise profonde, qui est en jeu, de ce qu'est le bouddhisme.
Dire à quelqu'un sur un forum :"ce que tu dis n'est pas bouddhiste", n'est pas juste dharmiquement (oui, je fais ce que je critique, et j'assume). Cela signifie que ce qu'on dit est bouddhiste car on prétend le savoir. Tout comme on peut prétendre à la supériorité de sa civilisation sans parler de soi mais en disant que certaines ont des valeurs différentes. On parle alors sans s'assumer en tant que sujet de ce qu'on dit en cachant ses opinions personnelles derrière des doctrines. Ce n'est pas juste.
Or le bouddhisme ne parle pas de cela : il parle de revenir à soi. Alors, ceci lu à la lumière d'un masochisme mortificateur occidental consistant à vouloir dominer la matière et l'esprit de son ego en essayant de le maîtriser, le régir, l'annihiler, on échappe difficilement à l'erreur profonde d'interprétation consistant à penser qu'il ne faut pas qu'il y ait quoi que ce soit, ni même de "je", de sujet.
Car en fait, le bouddhisme, quand il parle de vide, de rien, de vacuité, qu'il n'y a personne, ne fait jamais que de nous renvoyer à ce qu'on est, de parler de nous, de notre être, de notre personne, de valoriser notre personne.
Donc se dire bouddhiste, c'est juste un mot. Pratiquer le bouddhisme, c'est juste des mots. Quand on le fait, là ça existe, mais souvent on ne le voit plus, car ça se passe aussi ailleurs que là devant cet écran. Mais ça peut se passer aussi là, maintenant, devant cet écran, par l'attention qu'on porte à ce qu'on pense, à ce qu'on sent dans son corps quand on lit et écrit, à ce qu'éveille ce qu'on lit, et de qui. A si on arrète un mouvement de colère qu'on a envie de laisser nous traverser, à si on a envie de comprendre ce qu'on croit ne pas être la vérité, et la souffrance qui se trame derrière...et celle qui se trame aussi derrière ce qu'on croit être nous.
Donc bouddhiste, pas bouddhiste, qui a un détecteur d'authenticité dharmqique pour dire qui parle vraiment bouddhiste?? Et Shakyamuni, il se disait bouddhiste?? Il "était" bouddhiste?? Allez me le dire!
Je reviens avec ce que j'ai vécu avec Tokuda : lui parlait tout le temps de bouddhisme...mais quand il en parle, déjà ça ramène toujours à un moment sur le coussin en silence, à un truc où on s'en fout de ce qu'on pense, des mots pour le dire, car la réalité est là devant toi : ce mur, le vent que tu sens sur tes jambes, le poids ou la légèreté de tes pensées, la respiration qui respire, et le monde qui respire autour, avec, et aucune raison de faire la guerre pour quoi que ce soit, encore moins pour parler de ce qui signifie cette paix avec soi et tout le monde.
Après, le vocabulaire, les textes, les concepts, c'est des exercices, c'est l'école, c'est pour donner des pistes pour penser plus droit. Mais pas besoin d'essayer de penser plus droit que droit quand on pense déjà droit, même si on n'appelle pas ça bouddhisme. Plein de gens font du bouddhisme sans le savoir, et grand bien pour le monde entier!! Je préfère ça à ceux qui croient faire du bouddhisme et qui en fait subliment leur névrose sans se voir eux-même dans le miroir.
Et là, et c'est le moment des pieds dans la mare, oui, est le défaut de formation des disciples, pour la plupart, de Deshimaru.
Mais faut vouloir se former. Quand la boutique marche parce qu'on est de toutes façons le seul à avoir le monopole, faut vouloir faire l'effort d'aller au-delà quand on ne souffre pas trop, que c'est confortable.
Pourquoi se faire chier à trouver un maître qui va encore mettre à bas tous tes dogmes et étroitesses mentales??
Ceux qui ont pris la suite de Deshimaru, étaient bien peinards entre eux : ils ont vécu en autarcie en se plaçant dans un marché de niche dont ils ont verrouillé l'exclusivité depuis des années...mais qu'est-ce que c'est que suivre un maître pendant 8 ans pour certains?? Rien au vu d'une vie humaine! C'était bien arrangeant de mythifier Deshimaru et d'éviter la confrontation avec ceux qui auraient pu dire à X ou Y de moins picoler ou d'arrèter de courir les filles s'il était marié! Voire qu'ils ne connaissent pas le vrai bouddhisme mais prétendent l'enseigner.
Donc oui, les héritiers de Deshimaru ont pour certains opéré un véritable copié collé de son style, mais n'ont pas pris de recul, vu ailleurs.
Cela dit, les shihos de Narita, sans retirer leur légitimité, semblent se caractériser par une dimension très portée sur la règle, qui n'est pas ce que je pense de plus essentiel.
Car ramener le discours sur zazen comme réponse à tout, même si c'est vrai dans l'absolu, si on le fait parce qu'on est en défaut d'arguments, là on sombre dans le dogmatisme, qui est d'ailleurs souvent exprimé dans ces forums (puisque dans les dojos la réponse est balayée et la réflexion rejetée)...Brad Warner en parle très bien aussi, de cette rhétorique anti intellectualisante, dans un de ses derniers articles. Soit on te fait comprendre que tu penses trop, soit on se fout de ta gueule.
Donc dans l'histoire de l'AZI, comme le discours, la prise de parole, a été confondue avec le moment de zazen, on s'en remet à zazen comme un pouvoir magique. Comme me disait un copain qui pratique avec Tokuda, on a fait de zazen un truc magique. On a réifié, chosifié zazen. On parle de ku, mais en fait on a fait de zazen une idole à adorer. Sauf que cette idole, c'est notre corps et esprit...mais c'est mieux si c'est celui du maître, si tu ne veux pas te faire mal voir!
En gros, ça risque de créer un truc sectaire...il y a déjà à mes yeux des signes dans ce sens...qui sont soumis au déni : le bouddhisme ne peut pas aboutir à un truc sectaire ni violent, pas possible! et bien moi je dis que si: je l'ai vu.
Donc parfois, au lieu de juger la rancune, on peut essayer de comprendre son pourquoi, car si elle est là elle a un sens. Quand on va dans un dojo qui prétend détenir un monopole d'une pratique, comment on fait quand on a foi dans la pratique, mais qu'on sent que ça déconne sans savoir pourquoi??
Soit on dissocie le bouddhisme de la pratique de méditation, soit on participe au système.
Ou soit on considère que la méditation est le bouddhisme, et qu'on n'a pas besoin si on tente de pratique, d'avoir une validation pour que ce soit réel et on fait confiance. Que laver la vaisselle est le bouddhisme, qu'aller au cinoche avec sa bien aimée est le bouddhisme, que se lever et aller travailler est le bouddhisme. Et que ce qui est écrit dans les bouquins, dans les forums, c'est des mots, auxquels on n'adhère pas, qu'on ne rejette ni ne méprise non plus, et que voir les choses ainsi est du bouddhisme.
Et qu'écrire ici, c'est du bouddhisme, même si c'est pour dire que l'on ne croit pas au bouddhisme.
Car le bouddhisme n'est rien aucunement en lequel croire : c'est quelque chose à faire vivre! C'est respirer, c'est sourire. C'est être là comme on est! Ce n'est plus rester au bord de la piscine à imaginer et croire comment c'est dans l'eau : c'est y aller, soit dans un plongeon fougueux, soit du bout du pied car on est frileux ou car on ne sait pas nager.....de toutes façons, l'eau accueille tout le monde sans distinction.
Tokuda m'a bien eu l'autre jour : il avait fait allusion au bouddhisme qui n'existerait pas (allez, plof, pavé qui éclabousse!)...alors je lui demande un jour après, pourquoi il dit ça. Réponse "oh...words are not so important!" Les mots, c'est pas si important! N'oublions pas le petit sourire bienveillant qui va avec la réponse : je tranche ton mental, mais tu restes entier et encore plus complet et humain, et même encore plus intelligent avec ton coeur.
Donc pourquoi vous prendre la tète pour si peu alors que des gens comme vous, comme nous, il y en a pas beaucoup sur terre, et qu'on a mieux à faire que se chicaner, mais réaliser le rève des bouddhas, des maîtres, de Deshimaru, de TOkuda : partager, transmettre, aider les gens à s'asseoir dans leur vie, à cesser de se faire du mal et de faire du mal, à devenir conscients. Pas à se tirer dans les pattes sur ce qu'est le vrai dharma, merde!!
Alors oui, Ku, c'est le vide de la pièce....mais attention au dogme vacuitaire! La pièce est vide, mais nous sommes dedans, nous y circulons, nous y échangeons...nous y laissons l'odeur de nos pets ou de notre petite cuisine...de nos attitudes...parfois on prend toute la place et on ne regarde pas les autres , on parle trop fort et on est égoiste...parfois on s'écrase et on se terre dans un coin de timidité...parfois on y installe le bureau du juge...parfois on y met une table, des sièges, du thé, et on invite!...oui, le vide, mais on ne fait jamais que de parler sans cesse de ce qui est dedans, qui, s'il n'existe pas "en soi", isolément du reste du monde, existe relativement....c'est à dire que si tu me parles mal ou me dédaigne, j'aurai mal...mais ma façon de concevoir le mal et le bien, n'est pas forcément la même que toi.
Donc on doit toujours renouveler l'effort de s'ajuster à l'autre, à soi, ne pas s'approprier ce qu'on pense savoir, et ne pas juger hâtivement sans avoir cherché à comprendre ce qu'il se passe en face...et savoir accepter ses limites, donc se taire quand on ne sait plus ou c'est trop. Que l'on soit simple forumeur ou grand administrateur....et l'on peut aussi pousser parfois son "yawp", son grand coup de gueule, son cri primal! Mais attendre que l'écho se dissipe complètement avant que d'en pousser un autre!
Voilà, excusez d'avoir été long, un gros bisou mes petits loups, car si j'écris aussi long pour vous, d'abord soyons honnète, c'est pour moi!...et aussi parce que je vous aime!