Kaïkan a écrit:
C'est bien pour cela que je n'avais cité que ce court extrait (de philo) dans le message n°3.
Mais je pense en même temps à Zenoob qui cherche à écrire une petite thèse en rapprochant zen et analyse pour les mettre en complémentarité.
Hors comme nous venons d'en débattre il y a une analyse qui est une réflexion sur les pensées et qui "serait" (sauf erreur) du domaine de la psychanalyse...
D'autre part "en laissant passer les pensées" : Cette "sorte" d'auto-analyse introspective qui n’étudierait pas les pensées mais les processus qui les déclenchent et ceux qui les enchaînent ainsi que ceux qui les dissolvent, le tout faisant partie de l'observation et attention juste pendant la pratique de zazen.
Nous verrons si Zenoob ou d'autres intervenants amènent de l'eau à notre moulin...
La règle de base de la psychanalyse, la règle fondamentale, c'est celle de l'association libre. C'est à dire qu'idéalement on dit tout ce qui vient à l'esprit, sans aucune discrimination ni censure ni réflexion, à un analyste qui se situe derrière nous, hors de notre champ de vision. Il ne s'agit donc pas d'analyser ou de penser pour penser mais bien, un peu comme dans zazen, de pouvoir s'observer en train d'élaborer un discours et de voir justement les liens qui tissent notre paysage mental. Dans mon expérience de la psychanalyse, la place de l'"observateur" est très grande : n'étant pas face à quelqu'un, ne pouvant pas se projeter visuellement ou s'accrocher à la réception que ce quelqu'un fait de notre discours, on s'entend parler, on se voit parler, on observe quels effets certains discours ont sur le corps. Tout comme dans zazen, en psychanalyse la réflexion et la recherche de solutions sont souvent des pièges et des blocages (parfois c'est très frustrant), parce qu'on peut décortiquer et réfléchir sur tout de manière infinie ; on observe en analyse notre tendance à faire cela, à vouloir absolument nous sortir d'un problème par la réflexion. Or avec l'expérience on se rend compte que souvent, nos problèmes se résolvent d'une façon complètement décalée, en parlant de tout à fait autre chose, en se laissant exprimer complètement - c'est à dire en parlant vraiment, en incarnant sa parole, et pas en "jouant à parler", en quelque sorte, c'est compliqué à expliquer - quelque chose qui parfois semble complètement anodin et qui constituait pourtant le noeud de notre problème.
Ceci dit c'est très différent de zazen, parce qu'en analyse on parle tout de même à quelqu'un, et cela a une grande influence sur notre discours, souvent inconsciente. Le boulot de l'analyste est de justement mettre à jour ce qu'on investit inconsciemment dans une relation. En ceci il joue un peu le rôle de "miroir" qui est décrit parfois dans les bouquins sur le zen en ce qui concerne les relations entre le maître et l'étudiant, l'étudiant essayant sans cesse de faire jouer un rôle "qui l'arrange sans vraiment l'arranger" au maître, et ce dernier déjouant toujours ces tentatives pour mettre l'étudiant face à ses propres problématiques.
Pour moi les différences entre zazen et la psychanalyse ne sont pas vraiment de l'ordre du rapport aux pensées.
Ma vision (ahahaha le mec qui s'y croit) de la complémentarité entre zazen est analyse ne repose pas sur leurs similitudes, mais au contraire sur deux façons très différentes d'aborder le même "problème" (en gros, "bien exister"), l'une apportant (dans mon expérience en tout cas) de l'eau au moulin de l'autre et vice versa.
PS : je bosse encore sur mon article qui détaille un peu mieux tout ça, mais c'est très lent, j'ai mon boulot de thèse à faire à côté d'une part, et d'autre part, je dois bien avouer que j'ai un peu peur des réactions et de provoquer un énième débat stérile sur la psychanalyse, ce qui ne manque malheureusement (ou heureusement peut être !) jamais d'arriver quand on veut en parler.