par Huanshen Mar 2 Juin 2009 - 14:09
Pour rebondir ici et là, le concept de vacuité me semble être aussi dangereux qu’un serpent à sonnette. La vacuité c’est la nature vide des phénomènes. « Sarva dharma shunyata » dit le Soutra du Cœur. Le danger consiste à réifier la vacuité ; à en faire une chose réelle ou un néant qui représenterait une forme d’absolu bouddhiste. En réalité, si une bouteille est vide, elle n’en demeure pas moins une bouteille. Ainsi les perceptions des sens, les pensées, les sensations, les émotions, etc. sont vides de substance propre tout en ayant une réalité relative (dépendant de causes extérieures). Selon les termes de la philosophie occidentale, ce sont des phénomènes et non des noumènes.
Appliqué à zazen, cela signifie notamment que notre corps (dans sa magnifique posture du lotus), n’existe pas en dehors de la conscience qui l’observe. Il n’existe que dans notre tête et notre tête n’existe que dans notre esprit. C’est dans ce sens uniquement que l’on peut dire que le corps et l’esprit ne font qu’un dans zazen.
S’imaginer que le corps a une réalité matérielle et que zazen consiste à être pleinement conscient de ce qui nous entoure ici est maintenant est une erreur naturaliste condamnée par de nombreux maîtres Zen, notamment Pai Chang. Cette pratique peut dans le meilleur des cas conduire au samadhi de la non-pensée, mais à mon avis jamais à l’éveil (et de nombreuses autorités partagent ce point de vue).
Ce que dit Dogen dans la citation de la signature de Fa, c’est que zazen consiste à remonter à la source de la conscience (en prenant conscience de la conscience consciente d’elle-même), car sa source ultime n’est autre que notre nature originelle. Curieusement presque personne n’en parle dans le petit monde du Zen Soto. C’est pourtant fondamental.
Avec un peu d’entrainement, l’illusion de réalité du corps et des pensées s’efface progressivement, nous laissant entrevoir note notre nature originelle qui a toujours été présente comme le soleil caché par les nuages. On peut alors, par exemple, se promener dans la rue, non plus identifié à un corps qui marche dans un monde d’objets, mais identifié à une conscience impersonnelle, consciente d’elle-même tout en étant conscience de la totalité des phénomènes.
Identifié à la globalité de l’écran et du film sur lequel il est projeté, notre corps n’est pas plus séparé des objets qui l’entoure que l’acteur projeté sur un écran de cinéma n’est séparé de l’univers dans lequel se déroule le film.