Yuno Rech dans : \"Le champ de la vacuité" a écrit:La découverte de Zazen
Pendant Zazen, concentrez-vous sur la position de vos mains. La main gauche est dans la main droite. Les pouces horizontaux forment un large ovale avec les index. Dans cette position, les mains ne saisissent rien, ne fabriquent rien et cela influence l’esprit qui à son tour ne saisit rien et ne fabrique rien. Les mains qui ne saisissent rien, qui sont largement ouvertes, peuvent tout recevoir. Inversement, le poing fermé ne peut rien recevoir, ne peut rien accueillir. Si on ne va pas jusqu’au bout de l’expiration, les poumons ne peuvent pas accueillir l’air frais ; vider ses poumons est la condition de la respiration.
En Zazen, ne pas s’attacher à ses pensées, les laisser passer sans les saisir, est la condition de l’apparition d’une pensée neuve, fraîche. Mais pour cela, il est important de passer par le point zéro de non-pensée, de retrouver un esprit vide, vacant.
Maître Wanshi nous dit : « Ce vide n’a pas en lui-même de caractéristiques. » C’est ce qui permet à toutes choses d’exister. Pour qu’une chose existe, il faut qu’il y ait de la place pour la recevoir, l’accueillir. Il faut qu’il y ait du vide. Mais si on fait du vide quelque chose de substanciel, si on commence à vouloir le définir, alors ce vide devient un nouvel objet d’attachement. C’est pourquoi la vacuité doit être pratiquée dans le lâcher-prise. Elle ne doit pas être saisie en elle-même.
Nagarjuna disait que le Bouddha enseignait la vacuité de toutes choses pour permettre aux êtres de se libérer de leurs attachements. Mais ceux qui s’attachent à la vacuité sont incurables. Par exemple, j’ai évoqué la vacuité de l’esprit comme le point de non-pensée qui permet d’accueillir une pensée neuve, fraîche. Le vide n’est pas seulement l’absence de pensées. Nos propres pensées sont elles-mêmes vides, sans substance fixe.
Nous pensons avec des mots, des notions qui n’ont de sens que l’un par rapport à l’autre. Un mot en lui-même ne veut rien dire, il n’a de sens que par rapport à d’autres mots. Donc les mots sont vides. Ils n’ont pas de substance ni de signification par eux-mêmes mais sont en relation avec d’autres paroles, d’autres mots. Si on parle d’illusion, ce mot prend un sens par rapport à l’éveil à la réalité telle qu’elle est : sans éveil, pas d’illusion, sans illusions, pas d’éveil. Donc ces paroles sont vides. Cela ne veut pas dire qu’elles n’existent pas, mais que leur mode d’existence est d’être interdépendantes avec d’autres paroles.
Nous n’existons que dans l’interdépendance avec d’autres êtres. Ce mode d’existence qui est le nôtre, est aussi ce que l’on appelle vacuité. C’est le fait même de ne pas exister par soi-même. Mais ce n’est pas l’absence d’existence, c’est l’existence en relation. Aussi, rien ne demeure fixe.
En Zazen, on perçoit clairement que notre corps évolue du début à la fin du zazen. Même si on est immobile, les sensations changent. Même si on ne pense à rien volontairement, consciemment, l’esprit change sans cesse. Certains regrettent le changement, aimeraient bien trouver quelque chose de fixe sur quoi se reposer, s’appuyer, parce qu’ils ne voient dans le changement que la perte. Dans l’acceptation totale de cette impermanence qui implique notre totale interdépendance avec tous les êtres, cette perte nous permet d’accéder à autre chose, de nous transformer, de faire qu’un être humain ordinaire puisse devenir à tout instant un bouddha. Ceci n’est pas produit par zazen mais découvert par zazen. En ce sens, zazen est la découverte de ce que nous sommes depuis toujours.
Ce livre a déjà été cité lors de la présentation de supa → https://zen-et-nous.1fr1.net/t1480-presentation-supa#25853 Cet extrait sera gardé dans ce sujet s'il est suivi de commentaires... (zanshin) |
Source: Le champ de la vacuité, de Roland Yuno Rech, L’enseignement de Maître Wanshi, Volume1