[15]
Les quatre sortes de retenue correcte* (également appelées les quatre sortes d'effort correct).La première est pour éviter le mal qui ne s'est pas encore produit. La seconde est pour faire en sorte que le mal qui a déjà eu lieu s'éteigne. La troisième sert à faire que le bien qui n'a pas encore eu lieu. La quatrième est pour faire la promotion du bien qui s'est déjà passé.Éviter le mal qui ne s'est pas encore produit : Ce qu'on appelle mauvais n'a pas toujours des formes et des grades établis; le terme a été établi pays par pays et spère par sphère. Néanmoins, la prévention de ce qui n'a pas encore eu lieu s'appelle le Bouddha-Dharma et nous en avons reçu l'authentique transmission. On dit que dans l'entendement des non-bouddhistes, le Soi primordial est tenu pour fondamental, mais dans le Bouddha-Dharma, nous ne devons pas être ainsi.
Maintenant, examinons les faits. Au moment où
le mal ne s'est pas encore produit, où est-il? Dire qu'il existera à l'avenir signifie être à jamais un non-bouddhiste nihiliste*. Dire que le futur devient le présent ne fait pas partie de ce que dit le Bouddha-Dharma: cela voudrait dire que les trois temps seraient confondus. Si les trois temps étaient confondus, tous les dharmas le seraient eux aussi. Si tous les dharmas étaient confondus, la forme réelle le serait elle aussi. Si la forme réelle était confondue, les bouddhas seuls, ensemble avec les bouddhas, seraient confondus. Pour cette raison, nous ne disons pas que le futur deviendra, à l'avenir, le présent. Poussons plus loin l'examen: qu'est-ce que décrit "le mal qui ne s'est pas encore produit"? Qui le connaît ou l'a vu? Pour qu'il soit connu et vu, il faudrait un moment de sa non-occurrence et un temps pour quelque chose d'autre que sa non-occurrence. En ce cas, on n'en dirait pas que c'est quelque chose qui ne s'est pas encore produit. Il faudrait l'appeler quelque chose qui a déjà disparu. Sans étudier sous la direction de non-bouddhistes ou de sravakas ou autres du petit véhicule, nous devrions étudier en pratique
la prévention du mal qui ne s'est pas encore produit.
Tous le mal de l'Univers est appelé "mal qui ne s'est pas encore produit," et c'est un mal qui n'apparaît pas. La non-apparition signifie
ayant prêché hier une règle établie, prêcher aujourd'hui une exception à cette règle.*
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四正断 (SHISHÔDAN), du sanscrit
catvâri samyakprahânâni. La note en petit caractère dit qu'on les appelle aussi 四正勤 (SHISHÔGON). Le sanscrit samyak (dans les composés pour
samyanc) signifie correct, vrai, juste, et prahâna signifie 1) cesser, abandonner; 2) effort.
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断滅見 (DAN METSU KEN), litt., "vue de l'extinction", représentant le sanscrit
uccheda-drsti., qui exprime le point de vue du déterminisme matérialiste.
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Autrement dit, 不生 (FUSHÔ), "non-apparition," décrit l'état à l'instant présent. L'expression 昨日説定法、今日説不定法 (SAKUJITSU SETSU JÔHÔ, KONNICHI SETSU FU JÔ HÔ), "hier prêcher une règle établie, aujourd'hui prêcher une exception à la règle" apparaît également au chapitre 4,
Ikka Myôju, mais la source d'origine n'a pas été retrouvée.
Être cause de l'extinction du mal qui s'est déjà produit: Déjà produit signifie ayant totalement lieu. Totalement lieu signifie ayant à moitié lieu. A moitié lieu signifie ce qui se produit ici et maintenant. Ce qui se produit ici et maintenant est empêché par cela même qui se produit; il a bondi pour se libérer du cerveau de ce qui se produit. Faire que ce [mal] soit éteint décrit le corps vivant de Devadatta qui entre en enfer, et le corps vivant de Devadatta qui atteint l'affirmation;* cela décrit un corps vivant entrant dans la matrice d'une ânesse, et un corps vivant devenant bouddha. Saisissant ce principe, nous devrions apprendre en pratique ce que
être cause d'extinction veut dire. L'extinction signifie se libérer en bondissant hors de l'extinction et en en prenant le large.
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Devadatta, un des cousins du Bouddha, est dit être tombé en enfer parce qu'il a commis les cinq pires péchés. Néanmoins, au 12ème chapitre du Sûtra du Lotus (
Devadatta), le Bouddha dit:
"Devadatta aussi, à l'avenir, après que d'innombrables ères auront passé, pourra devenir un bouddha." (SdL 2.208)
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Le
Hoku hiyu kyô, chap. 1, contient l'histoire de Shakra-devânâm-indra qui pénètre la matrice d'une ânesse, prend ensuite refuge dans le Bouddha, revenant ainsi à sa forme originelle et entrant dans le premier stade de la bouddhéité.
[19]
Faire en sorte que se produise le bien qui n'est pas encore arrivé est être satisfait du visage qui était le nôtre avant que nos parents fussent nés, est la clarification avant que ne germe la création, et est la compréhension qui précède le Son Majestueux.
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Promouvoir le bien qui s'est déjà produit: rappelez-vous, ceci ne parle pas d'être cause que le bien qui s'est déjà produit arrive; il s'agit de promouvoir [le bien]. C'est [le Bouddha] ayant vu par lui-même l'étoile brillante, qui poursuit afin de faire que d'autres voient l'étoile brillante; c'est des yeux qui deviennent l'étoile brillante; c'est
la confusion suivie par trente ans sans manquer de sel et de vinaigre.*
Par exemple, parce que nous faisons la promotion [du bien], [le bien] se produit déjà, et donc,
le ravin étant profond, le manche de la louche est long,* et
ce n'est que parce que nous l'avions qu'il est venu.*
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Maître Basô Dô-itsu, pour exprimer sa satisfaction de sa vie de moine, dit:
"Pendant les trente années qui ont suivi la confusion, je n'ai jamais manqué de sel ni de vinaigre." Voir le
Keitoku-dentô-roku, chap. 9.
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谿深杓柄長 (KEI SHIN SHAKU HEI CHÔ). Voir le
Shinji Shôbôgenzô, 2è partie, no. 83 et le
Dotoku, chap.39, par. 201. "Promouvoir" est 増長 (ZÔ CHÔ), litt. "augmenter-long".
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只為有所以来 (SHI I U SHO I RAI), paroles de maître Yakusan Igen citées dans le
Keitoku dentô roku, chap.14. L'intention de maître Yakusan est de faire entendre que Bodhidharma n'a rien introduit de nouveau en Chine, mais qu'il a révélé à ses disciples chinois le Dharma qui s'y trouvait déjà.