Ma réponse était pour Zenoob, puisque tu as répondu entretemps pendant que j'écrivais, Kaikan.
Ta réaction se comprend : je ne pense pas qu'il y ait une seule personne qui n'aille dans ce genre de voie pour justement résoudre une souffrance, de quelque nature elle soit : physique, ou existentielle.
Et si on va dans une pratique de transformation, notre structure va changer forcément.
Je pense même que pour certains, et je pense que c'est mon cas, que le zen m'a permis de donner une forme-structure egotique. Mais le problème c'est de rester échoué sur cette rive, ce qui est je pense le problème de bien des pratiquants, et même je pense la direction que donne une pratique "formelle" pour ne pas dire formaliste, qui est de mise de façon marquée de nos jours.
C'est pour cela que j'aime le terme jungien d'individuation.
Car "qui" regarde l'ego, si ce n'est encore une instance egotique? Tu l'as très bien remarqué.
POur cela, je pense important que les personnes reprennent l'usage du pronom qui les désigne, "je", sans en faire une maladie mortelle, sinon on nage en pleine dualité. Au lieu de soit parler de son ego pour parler d'une image de soi qui n'est pas la réalité de soi, ou au pire parler de celui des autres.
Je ne crois pas qu'on puisse voir son ego. Je pense d'ailleurs que c'est la fonction de base d'une relation d'enseignement traditionnelle du type maître-disciple : avoir un Autre qui puisse donner une limite, un contour, à ce truc qu'on dénomme "notre ego". Qui restera toujours une représentation, mais une représentation nécessaire.
Cela dit, zazen pour une personnalité fragile, a fortiori psychotique, peut renforcer la dissociation. Il est alors important d'insister sur une pratique en douceur, et qui ramène dans les perceptions corporelles, de façon douce, incarnée, mais dans la bienveillance. En ce sens, avoir un minimum de charpente est nécessaire. Mais je pense illusoire d'avoir à attendre que quelqu'un qui cherche la voie soit bien structuré : j'en ai rarement vu ,et ne me considère pas dans le lot. Je pense même qu'il faut une dose de folie pour aller dans cette direction. Mais la folie est parfois constructive, je pense que le monde souffre tant de sa normose!
Donc je pense que si on attendait que les egos soient si équilibrés, ils n'éprouveraient aucun besoin de pratiquer la voie, ou ce serait une voie pour gens normaux non pathologiques, ce qui n'est pas la réalité du monde que je vois.
Pour moi, et je rejoins Zenoob, c'est en fait d'entrer en relation avec tout ce qui compose ce monde, et cet ego en fait partie, et n'est pas un "quelque chose" qu'on puisse contempler comme étant hors du champ d'expérience, mais c'est nous, sujet percevant, sentant, pensant, touchant, expérimentant, vibrant, vivant, qui est le facteur de résolution du problème de l'ego. On ne s'affranchit pas en s'en séparant, ni-même en le domestiquant, qui est une forme subtile d'asservissement (et zazen et toutes ses règles peuvent très bien faire office de cet asservissement subtil), mais en le reconnaissant comme sujet. Sujet-objet non séparés, observateur et observé non séparés....mais non confondus non plus!..allez savoir!
Et le reconnaître comme sujet, c'est s'ouvrir à ce que c'est. C'est soi qui accueille soi, c'est soi qui accepte sa propre dualité. C'est accepter d'être imparfait et divisé, de ne pas comprendre. C'est accepter que l'amour n'est pas ce qu'on croit, et accepter de ne pas pouvoir accepter.
On peut gloser dessus, au final la reconnaissance, "se" reconnaît. "Cela" sait, et tout le monde l'a un jour expérimenté, et là est la base de travail première et ultime. Toute pratique n'est qu'un outil révélateur, outil qu'on révère pour que justement il fasse son oeuvre majeure, mais outil qui n'est autre qu'outil et qu'il ne faut pas confondre avec l'expérience.
"Qui" fait Un, avec "quoi"?
C'est la relation au sujet qu'on est qui change.
C'est pour ça que bien souvent les maîtres n'ont donné pour réponse que de nouvelles questions, si ce n'est de rester silencieux.