par Zenoob Mer 4 Fév 2015 - 11:51
Salut !
Merci pour cette discussion. Moi même j'ai vécu exactement ce que décrit Kaïkan. Au début je pensais vraiment qu'il me fallait chercher et atteindre un état de vide où tout allait disparaître, que je fantasmais et qui me faisait d'ailleurs un peu peur. Ce n'est qu'assez récemment que je me suis rendu compte que "j'y étais déjà", et depuis toujours, névroses, pensées et sentiments douloureux inclus.
C'est avant tout un changement de perspective. Rien ne change, mais tout change.
C'est pourquoi, je pense, on ne peut pas parler de "guérison". Et en même temps, on est bien "guéri", quelque part. Peut être guéri du fait de ne pas vouloir être humain.
Sur l'attitude par rapport aux pensées, ça m'a tarabiscoté pendant longtemps. Deux choses à dire : le refoulement, terme qu'on utilise à toutes les sauces, n'est, dans son sens originel (c'est à dire psychanalytique), pas quelque chose de conscient. Donc on peut s'amuser à se raconter qu'on refoule ceci ou cela tant qu'on veut, on se trompe et on se fait du mal pour rien : "on" ne refoule rien. On ne peut pas se forcer à refouler, ou à ne pas refouler. C'est quelque chose de complètement inconscient. Donc autant ne pas se prendre la tête avec ça.
La deuxième chose, qui a peut être plus à voir avec zazen : je me dis en ce moment (et peut être me trompe-je, auquel cas je vous prie de corriger mon erreur) que la bonne attitude par rapport aux pensées est assez simple : quand on est pris dans un train de pensées et qu'on s'en rend compte, eh bien on en sort, en revenant à la posture et à la respiration. Il ne s'agit pas de rejeter les pensées mais de ne pas vivre constamment dedans. Il n'y a ni lieu de les mépriser, ni de les louer ; comme souvent, il s'agit peut être d'être capable de tenir ensemble, simultanément, deux façons de voir, relatives et absolues. Oui, les pensées - comme tout le reste de notre expérience - ne sont que vacuité et passent comme des petits nuages ; et oui, les pensées sont importantes et indispensables à notre vie d'humain. Parfois on est mieux sans, parfois non.
Je me dis aussi que, vu que Bouddha et la plupart des enseignants zen sont des malins, ils enseignent ce qui convient aux gens qu'ils ont en face. Je suis sûr que si le problème des gens était de ne pas penser assez, certains maîtres zen orienteraient leur enseignement vers la pensée. Il se trouve que les humains en général sont captivés par leurs pensées et que cela provoque de la souffrance, donc une partie des enseignements va dans ce sens ; mais ce n'est pas gravé dans le marbre.
Je pense à ça parce qu'il y a une histoire à propos de Shunryu Suzuki : un étudiant un peu énervé lui dit "mais pourquoi n'arrêtez vous pas de dire que nous ne sommes pas séparés ? Je suis ici, vous êtes là bas, j'écoute, vous parlez, j'étudie, vous enseignez, vous ne pouvez pas le nier, tout de même !" Et Suzuki répond : "Vous êtes juste bloqués sur la différence, alors j'enseigne la ressemblance. Si vous étiez bloqués sur la ressemblance, j'enseignerais la différence." On pourrait peut être imaginer la même chose pour l'attitude par rapport aux pensées. A quelqu'un qui ignore complètement ce qu'il pense, il vaut mieux enseigner à ne plus le faire. Inversement, à quelqu'un qui est constamment enfermé dans ce qu'il pense, il vaut mieux enseigner à en sortir.
Tout ça pour dire, les pensées, c'est pas un problème. Ahaha