La valeur éternelle d'une toute petite chose
Publié par Brad le 30 juin 2016
Je suis en train de travailler à un nouveau livre sur Dôgen, et ce faisant, j'ai remarqué un petit message que Dôgen glisse de temps à autre dans ses écrits, et que je n'avais jamais vu avant.
Dans mon dernier livre "Don't Be a Jerk" (ne soyez pas un taré"), Dogen dit: "Même si la totalité de l'Univers n'est rien d'autre qu'un tas de tarés en train de faire des trucs de tarés, il y aura quand même libération si on n'agit pas en taré".
Or, me voici en train de travailler à une paraphrase du célèbre opuscule de Dôgen "Instructions pour le cuisinier" [Tenzo kyokun] (il ne s'agira pas de tout le livre, juste de l'un de ses chapitres, et ce lien n'est évidemment pas vers mon livre, toujours en cours d'écriture). Il y dit: "Même une poussière de bien fait qu'une montagne de bonté soit plus grande, aussi de manquez pas de bien faire votre travail". On pourrait en dire autant d'un tas de merditude. Juste y ajouter une poussière de bien fait une différence.
Il dit aussi quelques trucs comme cela ici et là dans ses oeuvres. Le message de base étant que ce n'est jamais une erreur de faire un tout petit peu de bien dans n'importe quelle situation.
Il me semble que nous avons tous besoin de ce message en ce moment.
Les choses sont vraiment en train de tourner au mauvais délire. Tout le monde semble avoir perdu la raison au cours des deux dernières années. Evidemment, les gens perdent toujours la raison. Et il se peut que l'entière histoire de l'humanité de soit qu'une forme d'insanie qui dépose la précédente, la version un peu moins insane finissant généralement par remporter la partie à la longue (quoique pas souvent à court terme).
L'Internet semble particulièrement fertile en matière de générer et de sustenter le plus fou de la folie. Je pense que c'est parce que les gens veulent qu'on les remarque, et avec autant de voix en compétition, seules les affirmations les plus extrêmes semblent retenir l'attention.
En tous cas, il y a une tendance où, tant qu'à voir tout le monde se comporter en tarés, autant l'être un peu soi-même. Mais cela me paraît être une erreur.
Il vaut la peine de tenter de garder un peu raison et un peu d'équilibre, même quand on est le seul à s'y essayer.
Alors que je pensais à tout cela, je suis tombé sur une liste aléatoire de pensées intéressantes, du genre de ce qui nous vient à l'esprit sous la douche.L'une d'elles était: "La plupart des animaux ne reconnaissent pas leur propre reflet parce que leur cerveau n'est pas assez complexe. Je me demande si les humains ont observé quelque chose que nous ne pouvons comprendre, voire que nous ne pouvons comprendre parce qu'à notre cerveau cette complexité fait défaut."
Nous humains avons ce cerveau incroyablement complexe, que nous tendons cependant à croire avec trop de facilité. Je pense que peu importe qui c'était, celui qui a dit cela était un génie. Cela fait écho à certaines des choses que me disaient mes maîtres Zen. Gudo Nishijima disait: "On ne peut pas reconnaître son propre éveil". Lorsqu'on lui posait des questions sur l'origine de la vie, de l'Univers etc., il disait : "Ce genre de questions pourrait bien dépasser les capacités humaines". Ou il disait des trucs comme: "Il nous est impossible de connaître notre véritable nature originelle parce que ce n'est qu'un simple fait à l'instant présent". Ou encore: "Je pense qu'il nous est impossible de nous comprendre nous-mêmes".
La question est donc: Pouvons nous seulement savoir comment ne pas nous comporter en tarés, ou bien comment ajouter ce grain de poussière de bien, que cela soit à un tas de bonté ou à un tas de merde?
Je pense que cela nous est possible. Je le pense.
Nous le nions. Et nous devenons si bons à le nier que nous pourrions même commencer à croire qu'il nous est impossible de distinguer le correct de l'erroné. Mais nous le pouvons. Toujours. Et dans toute situation.
J'ai lu un livre intitulé Aurora par Kim Stanley Robinson. Il s'agit d'un roman de science fiction sur un gigantesque vaisseau spatial multigénérationnel en route vers Tau Ceti. Le vaisseau est contrôlé par un ordinateur qui, tout au long du livre, devient de plus en plus sensible. Dans l'histoire, l'une des personnes qui travaillent en proche relation avec l'ordinateur tente de lui enseigner à prendre des décisions intuitives. L'ordinateur a du mal avec le concept parce qu'il ne peut pas connaître le résultat de chaque possibilité d'action et ne peut donc choisir rationnellement celle qui convient.
Je ne pense pas que cela soit limité aux ordinateurs. Tous nous sommes confrontés au même problème. Lorsqu'on tente de penser tous les aspects d'un problème, on finit paralysé. J'ai vu cela se produire dans la compagnie pour laquelle je travaillais.
Quelque chose s'est produit dans la petite communauté au sein de cette compagnie, qui a fait qu'ils ont eu l'impression de ne plus pouvoir rien décider sans être assurés du résultat. Ce qui nous a rendu impossible de faire quoique ce soit en dehors de ce que nous avions déjà fait auparavant et qui avait marché. Et bien sûr, ce n'est pas parce que quelque chose fonctionnait auparavant que cela va toujours marcher; ce qui fait que tout s'est mis à se casser la gueule jusqu'à ce que les propriétaires doivent vendre la compagnie.
Le problème fondamental étant que personne ne pouvait plus faire confiance à son intuition. Mais celle-ci est toujours notre meilleur guide.
Il est parfois difficile de faire ce qu'on sait être juste. Cela implique souvent de mettre de côté des trucs comme la fierté, ou d'admettre avoir eu tort. Nous vivons dans une société qui peut se montrer brutale envers ceux qui admettent avoir eu tort. Mais c'est parfois la seule façon d'améliorer les choses.
C'est parfois aussi facile de mettre de côté ce qu'on pense qu'on devrait faire et de faire juste ce qu'on sait qui doit être fait.
Quoi que vous fassiez, peu importe si cela résout un problème géant ou pas. Vous ne pourrez sans doute pas résoudre le racisme aux USA, mais vous pouvez traiter correctement les personnes que vous croisez -- même s'il s'agit de racistes. Vous ne pourrez sans doute pas résoudre le problème de tant de gens ultra-sensibles à la moindre petite chose, mais vous pouvez faire de votre mieux pour être plus tolérants.
Quoi que vous puissiez faire de bien, faites le. Même si ce n'est qu'une gouttelette dans le seau, cela compte.
Publié par Brad le 30 juin 2016
Je suis en train de travailler à un nouveau livre sur Dôgen, et ce faisant, j'ai remarqué un petit message que Dôgen glisse de temps à autre dans ses écrits, et que je n'avais jamais vu avant.
Dans mon dernier livre "Don't Be a Jerk" (ne soyez pas un taré"), Dogen dit: "Même si la totalité de l'Univers n'est rien d'autre qu'un tas de tarés en train de faire des trucs de tarés, il y aura quand même libération si on n'agit pas en taré".
Or, me voici en train de travailler à une paraphrase du célèbre opuscule de Dôgen "Instructions pour le cuisinier" [Tenzo kyokun] (il ne s'agira pas de tout le livre, juste de l'un de ses chapitres, et ce lien n'est évidemment pas vers mon livre, toujours en cours d'écriture). Il y dit: "Même une poussière de bien fait qu'une montagne de bonté soit plus grande, aussi de manquez pas de bien faire votre travail". On pourrait en dire autant d'un tas de merditude. Juste y ajouter une poussière de bien fait une différence.
Il dit aussi quelques trucs comme cela ici et là dans ses oeuvres. Le message de base étant que ce n'est jamais une erreur de faire un tout petit peu de bien dans n'importe quelle situation.
Il me semble que nous avons tous besoin de ce message en ce moment.
Les choses sont vraiment en train de tourner au mauvais délire. Tout le monde semble avoir perdu la raison au cours des deux dernières années. Evidemment, les gens perdent toujours la raison. Et il se peut que l'entière histoire de l'humanité de soit qu'une forme d'insanie qui dépose la précédente, la version un peu moins insane finissant généralement par remporter la partie à la longue (quoique pas souvent à court terme).
L'Internet semble particulièrement fertile en matière de générer et de sustenter le plus fou de la folie. Je pense que c'est parce que les gens veulent qu'on les remarque, et avec autant de voix en compétition, seules les affirmations les plus extrêmes semblent retenir l'attention.
En tous cas, il y a une tendance où, tant qu'à voir tout le monde se comporter en tarés, autant l'être un peu soi-même. Mais cela me paraît être une erreur.
Il vaut la peine de tenter de garder un peu raison et un peu d'équilibre, même quand on est le seul à s'y essayer.
Alors que je pensais à tout cela, je suis tombé sur une liste aléatoire de pensées intéressantes, du genre de ce qui nous vient à l'esprit sous la douche.L'une d'elles était: "La plupart des animaux ne reconnaissent pas leur propre reflet parce que leur cerveau n'est pas assez complexe. Je me demande si les humains ont observé quelque chose que nous ne pouvons comprendre, voire que nous ne pouvons comprendre parce qu'à notre cerveau cette complexité fait défaut."
Nous humains avons ce cerveau incroyablement complexe, que nous tendons cependant à croire avec trop de facilité. Je pense que peu importe qui c'était, celui qui a dit cela était un génie. Cela fait écho à certaines des choses que me disaient mes maîtres Zen. Gudo Nishijima disait: "On ne peut pas reconnaître son propre éveil". Lorsqu'on lui posait des questions sur l'origine de la vie, de l'Univers etc., il disait : "Ce genre de questions pourrait bien dépasser les capacités humaines". Ou il disait des trucs comme: "Il nous est impossible de connaître notre véritable nature originelle parce que ce n'est qu'un simple fait à l'instant présent". Ou encore: "Je pense qu'il nous est impossible de nous comprendre nous-mêmes".
La question est donc: Pouvons nous seulement savoir comment ne pas nous comporter en tarés, ou bien comment ajouter ce grain de poussière de bien, que cela soit à un tas de bonté ou à un tas de merde?
Je pense que cela nous est possible. Je le pense.
Nous le nions. Et nous devenons si bons à le nier que nous pourrions même commencer à croire qu'il nous est impossible de distinguer le correct de l'erroné. Mais nous le pouvons. Toujours. Et dans toute situation.
J'ai lu un livre intitulé Aurora par Kim Stanley Robinson. Il s'agit d'un roman de science fiction sur un gigantesque vaisseau spatial multigénérationnel en route vers Tau Ceti. Le vaisseau est contrôlé par un ordinateur qui, tout au long du livre, devient de plus en plus sensible. Dans l'histoire, l'une des personnes qui travaillent en proche relation avec l'ordinateur tente de lui enseigner à prendre des décisions intuitives. L'ordinateur a du mal avec le concept parce qu'il ne peut pas connaître le résultat de chaque possibilité d'action et ne peut donc choisir rationnellement celle qui convient.
Je ne pense pas que cela soit limité aux ordinateurs. Tous nous sommes confrontés au même problème. Lorsqu'on tente de penser tous les aspects d'un problème, on finit paralysé. J'ai vu cela se produire dans la compagnie pour laquelle je travaillais.
Quelque chose s'est produit dans la petite communauté au sein de cette compagnie, qui a fait qu'ils ont eu l'impression de ne plus pouvoir rien décider sans être assurés du résultat. Ce qui nous a rendu impossible de faire quoique ce soit en dehors de ce que nous avions déjà fait auparavant et qui avait marché. Et bien sûr, ce n'est pas parce que quelque chose fonctionnait auparavant que cela va toujours marcher; ce qui fait que tout s'est mis à se casser la gueule jusqu'à ce que les propriétaires doivent vendre la compagnie.
Le problème fondamental étant que personne ne pouvait plus faire confiance à son intuition. Mais celle-ci est toujours notre meilleur guide.
Il est parfois difficile de faire ce qu'on sait être juste. Cela implique souvent de mettre de côté des trucs comme la fierté, ou d'admettre avoir eu tort. Nous vivons dans une société qui peut se montrer brutale envers ceux qui admettent avoir eu tort. Mais c'est parfois la seule façon d'améliorer les choses.
C'est parfois aussi facile de mettre de côté ce qu'on pense qu'on devrait faire et de faire juste ce qu'on sait qui doit être fait.
Quoi que vous fassiez, peu importe si cela résout un problème géant ou pas. Vous ne pourrez sans doute pas résoudre le racisme aux USA, mais vous pouvez traiter correctement les personnes que vous croisez -- même s'il s'agit de racistes. Vous ne pourrez sans doute pas résoudre le problème de tant de gens ultra-sensibles à la moindre petite chose, mais vous pouvez faire de votre mieux pour être plus tolérants.
Quoi que vous puissiez faire de bien, faites le. Même si ce n'est qu'une gouttelette dans le seau, cela compte.