Acquérir une identité, est un apprentissage qui commence dès notre entrée dans ce monde. Cet apprentissage doit nous permettre de répondre à la question « qui es-tu ? ». Je m’appelle intel, je suis un garçon ou une fille, je suis le fils ou la fille de, le frère ou la soeur de etc. Puis vient l’identité psychologique : on me dit que je suis gentil(lle) ou méchant(e), que j’ai du caractère ou que je suis plutôt faible etc. Bon nombre de personnes s’attèlent à m’attribuer ainsi des qualificatifs participant de l’identité à laquelle je m’accorde à donner inconsciemment mon consentement, un peu comme si ces personnes me jetaient des sorts.
Puis, il se peut qu’un jour vienne où une sorte de sentiment indistinct s’empare de moi, un sentiment de vivre dans un monde trop étroit induisant un désir de me libérer. C’est à ce tournant que l’intérêt pour la spiritualité se fait jour généralement. Alors que jusqu’à présent, mon énergie se tournait vers l’acquisition de choses extérieures répondant à la question « qui je veux être ?» (Celui qui possède de l’argent, de l’érudition, qui aura fondé une famille, Bouddha etc), voici qu’à ce stade, c’est la question « qui suis-je ? » qui devient prégnante ; tous les courants spirituels m’invitant à suivre cette démarche, je décide de tourner mon regard à 180° et je commence à explorer de ce côté là.
C’est à ce moment là que la question de l’identité s’avère cruciale, car au moment même où je fais cet effort de tourner ainsi mon regard, je m’aperçois que cette dernière ne peut pas être définie de manière si évidente que je pouvais le penser en premier lieu, ceci, au point même de ne pas m’être interroger à ce sujet. La question qui survient alors à partir du moment où cette identité s’écroule, c’est -qui suis-je si je ne suis fondamentalement rien de ce que je pensais être ? - C’est alors que l’idée d’identification peut prendre sens ; identification, c’est à dire ce mouvement consistant à consentir et à adhérer au fait même que je puisse avoir une identité qui au delà de l’aspect pratique de la chose pour évoluer parmi mes semblables, puisse avoir une réalité.
C’est ainsi que dans le bouddhisme, il est fait mention de deux réalités : La conventionnelle et l’ultime. On pourrait dire que tout fonctionne comme si la réalité conventionnelle, (mes qualités d’homme ou de femme, de mari etc se mêlant indistinctement à mes supposées qualités psychologiques etc) avait débordé sur la réalité ultime, à savoir que lorsque mon identité s’est façonnée, j’ai encombré l’être ultime, le pur soi, de tous les attributs que mes semblables m’avaient accolé et que par mes tentatives de devenir quelqu’un, d’obtenir ceci ou cela, je continuais à jouer le jeu de cette identification. Et lorsqu’après analyse j’ai pu constaté que je ne pouvais pas trouver ma véritable nature dans ces attributs qui m’avaient été accolés, il me fallait encore réaliser que je continuais à adhérer au mécanisme d’identification, d’où cette question : -qui suis-je si je ne suis fondamentalement rien de ce que je pensais être ? -, question indiquant qu’il me faille encore être quelqu’un ou quelque chose en dehors d'un aspect purement pratique.
En réalité, ce mécanisme d’identification s’étend à la manière dont je perçois le monde dans son entier, car à chaque fois que j’adhère à une opinion, une représentation de ce dernier, je me mets en position de devoir être confronté à une autre opinion, que ce soit celle que j’aurai adopté par la suite, ou celle de quelqu’un d’autre, et cette confrontation est comme un miroir qui révèle la forme spécifique que j’aurai adopté dans ce contexte. Bien sûr toute opinion a comme conséquence de formater le monde, aucune n’y échappe, c’est pourquoi les sages taoïstes mentionnent cette idée de « lie de la création », signifiant que l’individu étant créateur doit apprendre à ne pas s’attacher à sa création, pouvant par là renouveler sans cesse son regard sans s’y identifier, c’est à dire, sans encombrer le sentiment du soi de la mémoire de cet instant créatif.